103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry
103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry
103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Riewert Ellrich<br />
TOUS LES LIVRES ONT LEUR DESTIN MAIS RAREMENT UN AUSSI ÉTRANGE QUE CELUI DE CE LIVRE<br />
TRÈS SPÉCIAL SUR NAPOLÉON 1 ET QUI, DÉJÀ AVANT SA PUBLICATION, FUT PARODIÉ À TRAVERS<br />
LE DRAME « UlJU Roi » D'ALFRED JARRY 2.<br />
LE PÈRE UBU est un aventurier qui accède au trône car il veut à tout<br />
prix devenir roi ou plutôt parce que Mère Ubu — Lady Macbeth II — le<br />
veut. Son orgueil à elle ne supporte pas le fait qu'il ne soit plus qu'un<br />
simple capitaine au service du roi polonais Wenceslas, après avoir été roi<br />
d'Aragon, alors que son derrière est assurément fait pour être assis sur un<br />
trône!<br />
« À ta place. À ces bons arguments, c'est l'orgueil d'Ubu qui ne résiste pas.<br />
« Si j'étais roi, je me ferais construire un grand chapeau de plumes comme<br />
celui que j'avais en Aragon et que ces brigands d'Espagnols m'ont volé. »<br />
Après que le roi ainsi que quelques princes ont été massacrés, Ubu s'assoit<br />
sur le trône et se comporte aussitôt en vrai roi. Toutes les institutions qui coûtent<br />
de l'argent sont abolies, les impôts par contre sont carrément doublés et<br />
notre usurpateur qui aime à s'appeler « Maître <strong>des</strong> phynances » les recueille<br />
personnellement. Il tue également nombre de riches et de nobles et s'empare<br />
de leurs biens. Son épouse, prudente, s'interpose avec quelques bonnes<br />
raisons mais il n'en veut rien savoir et y oppose toujours de bien meilleures.<br />
« Ah, merdre! Est-ce que le mauvais droit n'a pas autant de valeur que le bon?<br />
Ah! tu me vexes Mère Ubu, je vais te découper en morceaux. » Ubu ne sera<br />
pas longtemps assis sur ce trône sur lequel il va pourtant si bien. Après avoir<br />
survécu à plusieurs dangers et reçu de nombreux coups, il sera expulsé de<br />
son royaume avec l'approbation de tous. Et l'aventure se termine ici.<br />
La pièce fut donnée au théâtre parisien de l'Œuvre, drame en cinq actes<br />
avec sa panoplie de batailles, complots, combat avec ours sans oublier les<br />
exécutions et le public l'accueillit avec scepticisme et désapprobation (en<br />
hochant de la tête avec désapprobation). Les expressions grossières de<br />
l'aventurier Ubu soulevèrent de vives discussions parmi les plus délicats et<br />
pour le reste le public eut du mal à prendre position, à comprendre si on lui<br />
avait joué un tour, du haut de la scène ou bien si ces figures masquées qui<br />
se mouvaient avec raideur telles <strong>des</strong> marionnettes, ne cachaient pas plutôt<br />
<strong>des</strong> symboles forts et profonds. Pour le public averti, qui connaissait déjà ces<br />
comédies anciennes <strong>des</strong> siècles passés, ceci semblait être une réminiscence<br />
(réapparition) du théâtre primitif shakespearien qui serait une manifestation<br />
à l'envers de tous ces abus sur les scènes <strong>des</strong> théâtres modernes luxueuses. Si<br />
l'auteur n'est pas quelqu'un de trop sensible, la méfiance et la surprise dont le<br />
public a fait preuve ont dû lui procurer au moins autant de plaisir que l'inven-<br />
1. Voir Ernest la Jeunesse, L'Imitation de Nôtre-Maître Napoléon, Paris, Charpentier, 1897.<br />
2. Éditions du Mercure de France, Paris, 1896.<br />
100