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103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

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Actes<br />

du colloque <strong>2003</strong><br />

la compétition d'endurance cycliste, dont elle ne respecte aucune règle, finit<br />

par la rejoindre dans cet horizon d'une surhumanité automatisée pédalant à<br />

vide : le dernière vision qu'on en a est celle d'un champion en culotte courte<br />

« éclatée sur ses cuisses par le gonflement de ses muscles extenseurs » et dont<br />

la « bicyclette était un modèle de course [...] aux pneus microscopiques, au<br />

développement supérieur à celui de la quintuplette » 27.<br />

C'est dans le chapitre «Ô, beau rossignolet! » que cette dimension d'automatisme<br />

et de suggestion va trouver son point culminant. Dans une scène<br />

qui répète certains <strong>des</strong> éléments de la course (la ritournelle, les roses, le<br />

verre <strong>des</strong> vitres du wagon/du pavillon), on voit se réaliser cette sorte d'hypnose<br />

par laquelle le surmâle devient une pure mécanique obéissant à une<br />

suggestion extrérieure avant de s'enfoncer dans une rêverie hallucinée, dont<br />

le tire à peine l'électrocution. On voit qu'en cela non plus, il n'échappe pas<br />

aux catégories de la psychologie de son époque, qui lie entraînement, automatisme,<br />

suggestion et hallucination 21*.<br />

J'en viens maintenant au dernier point de cette articulation au contexte,<br />

la « machine à inspirer l'amour », dont on a dit plus haut qu'elle répétait<br />

la scène du dynamomètre cassé. Ici, c'est bien encore de « nombres et de<br />

force » qu'il s'agit, comme dans le chapitre III, avec en arrière-plan la question<br />

de savoir, cette fois non plus quelle est la puissance d'un homme mais<br />

celle de sa résistance à la puissance, c'est-à-dire la quantité d'énergie nécessaire<br />

pour le tuer. Cette machine à inspirer l'amour n'est au fond, on l'aura<br />

reconnu grâce aux indications de <strong>Jarry</strong> lui-même, que la fameuse chaise électrique<br />

avec laquelle depuis le châtiment de Kemmler en 1890 on exécute<br />

aux États-Unis les condamnés à mort. Il n'aura peut-être pas échappé à <strong>Jarry</strong><br />

que cette première exécution, particulièrement ratée parce que Kemmler<br />

avait survécu à la première décharge, était déjà le fait d'une littérale machine<br />

à rendre amoureux, puisqu'on avait relevé <strong>des</strong> traces d'éjaculation chez le<br />

condamné. Elson et Gough qui président à sa naissance ne sont pas loin,<br />

onomastiquement, <strong>des</strong> Edison et <strong>des</strong> Westinghouse qui furent impliqués de<br />

manière retorse dans la création de la « chaise électrique », Edison souhaitant<br />

que ce soient les générateurs de son concurrent sur le marché de l'électrification<br />

urbaine, beaucoup plus puissants (les onze mille volts du château<br />

de la Lurance sont d'ampleur westinghousienne) qui soient choisis afin de<br />

les associer dans l'esprit du public à la mort et au danger. La mise en place<br />

de la chaise électrique, à la suite du premier appel de Kemmler, a suscité<br />

beaucoup de débats sur précisément la dose d'électricité mortelle, et donc<br />

27. <strong>Jarry</strong>, op. cit, p. 231.<br />

28. Sur l'intérêt de <strong>Jarry</strong> pour l'hypnose et l'automatisme psychique, voir Paul Edwards,<br />

« <strong>Jarry</strong>/Janet, Note pour servir à une lecture de l'Amour absolu » in L'Étoile-Absinthe,<br />

tournées 95-96, 2002, pp. 107-120.<br />

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