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103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

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Actes<br />

du colloque <strong>2003</strong><br />

du jeu de mots polysémique typiquement jarryque sur la fente luisante de la<br />

machine renvoie pour sa part à la nature sexuelle <strong>des</strong> enjeux liés au surmâle,<br />

et comme contrepoint de sa virilité exceptionnelle signalée au chapitre II : la<br />

« machine amoureuse » ne fera, à son tour que reprendre ce thème.<br />

Cet épisode me semble tout à fait révélateur <strong>des</strong> rapports complexes et<br />

équivoques que le surmâle entretient avec la science de son époque. Ce rapport<br />

est d'abord un rapport d'opposition et de défi. Dans le premier chapitre,<br />

il en conteste les prémices théoriques, dans celui-ci il en conteste les pratiques<br />

expérimentales, et plus particulièrement exprime le refus, ou l'impossibilité,<br />

d'être mesuré, tant son type particulier de puissance est par nature<br />

incommensurable. Mais on peut aussi prendre les choses de l'autre côté,<br />

et constater que sans cesse, tout au long du roman, le surmâle ne cesse de<br />

se mesurer précisément avec les productions techniques de son époque : le<br />

dynamomètre n'est en ce sens que le premier élément sur la liste d'une série<br />

qui compte une locomotive, un phonographe et une chaise électrique : on ne<br />

sort donc pas si facilement de ce milieu, d'autant moins facilement que c'est<br />

bien dans cet environnement et dans cette science que la question même de la<br />

puissance et de la fatigue trouve son sens.<br />

On pourrait faire la même analyse à propos de la rivalité avec la locomotive<br />

et la quintuplette dans la course <strong>des</strong> dix mille milles : si la machine à<br />

vapeur incarne la métaphore dominante dans la paradigme contemporain et si<br />

la quintuplette incarne le fameux moteur humain (et sa supériorité fantasmée<br />

sur la machine) ainsi que l'ensemble <strong>des</strong> applications scientifiques <strong>des</strong>tinées<br />

à son rendement optimal, la victoire de Marcueil n'en est pas pour autant une<br />

victoire sur ces problématiques, qui définissent malgré tout le champ de son<br />

défi. On pourrait plutôt dire ici que Marcueil incarne précisément la fantasmagorie<br />

de la science dépassant ses propres limites : il est comme une version<br />

de la première loi de la thermodynamique, ou une sorte de néguentropie faite<br />

homme, qui vient certes nier mais aussi transcender les limites de ce à quoi<br />

la science se heurte. Car si l'on regarde d'un tout petit peu plus près ces discours<br />

scientifiques, on peut s'apercevoir que le surmâle y est contenu, comme<br />

un rêve impossible certes, mais aussi comme cette ombre improbable apparue<br />

devant la quintuplette : une sorte de passage en force de la limite que la<br />

science prépare sans pouvoir elle-même l'accomplir, ou d'absolutisation de<br />

ce qu'elle considère comme relatif, selon le raisonnement récurrent qui feint<br />

de ne pas distinguer entre un nombre indéfini et un nombre infini. J'en donnerais<br />

deux exemples : celui d'une dynamogénèse in(dé)finie par la stimulation<br />

sensorielle ou intellectuelle et celui <strong>des</strong> pouvoirs de l'automatisme psychique.<br />

Le premier point est récurrent dans les travaux de Charles Féré, notamment,<br />

Sensation et mouvement : étu<strong>des</strong> expérimentales de psycho-mécaniques<br />

(1897) ou encore le petit opuscule de 1901 : Les Variations de l'excita-<br />

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