103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry
103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry
103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Actes<br />
du colloque <strong>2003</strong><br />
p. 340). « On » objecterait peut-être qu'une définition est une sorte de tautologie.<br />
L'auxiliaire être, clé de voûte de cet imaginaire-là, annule le poids du<br />
sens, débarrasse et libère l'humain du fardeau de l'obligation de signifier et<br />
de la fatalité de la psychologie, de l'âme, de la morale, voire de la pensée<br />
(Baudrillard (Jd, p.13) : « — car il n'y a pas de pensée pataphysique »). La<br />
'Pataphysique donne justement à l'être une légèreté sans pareille, que l'on<br />
trouvera, selon l'idéologie, merveilleuse ou insupportable. Jean-Hugues<br />
Sainmont, dans son étude, notait déjà : « César-Antechrist est léger " comme<br />
un clown qui tourne sur une boule ", ainsi qu'il l'explique à la sphinge ».<br />
La 'pataphysique est le point tangent entre César-Antechrist et Ubu, entre<br />
zéro et l'infini. La pataphysique est là (un point) sans être là (non-lieu) : une<br />
utopie, au sens étymologique. La 'pataphysique n'existe pas, ce qui réjouira<br />
les pataphysiciens conscients. La 'pataphysique est l'a-pensée. En prétendant<br />
tout expliquer, elle se résigne à ne rien comprendre. Elle se veut pur processus<br />
de création verbale, en quoi, d'ailleurs, on peut dire que <strong>Jarry</strong> a bien<br />
réussi son coup. Ériger une non-pièce de théâtre en absolu du théâtre, et<br />
une non-pensée en pensée (et en pensée de la non-pensée), c'est très fort.<br />
La 'pataphysique est définie par la « surface de Dieu ». Si Dieu est un « point<br />
tangent entre zéro et l'infini » (absurdité mathématique, mais pas philosophique),<br />
Dieu n'existe pas, Emmanuel Dieu non plus. Utopie de l'inétendu,<br />
utopie parfaitement contrôlée et absolument dérisoire.<br />
VI - Souverain<br />
AINSI, de la place somme toute mo<strong>des</strong>te où il la cantonne, <strong>Jarry</strong> fait de<br />
l'héraldique une clé d'entrée dans son univers.<br />
Par le statut auquel il réduit le lecteur dans le « Linteau » (voir cit. supra), il<br />
voudrait son œuvre close sur elle-même, inattaquable : il en est le démiurge,<br />
disons-le tout net : le Dieu. <strong>Jarry</strong> se pose en souverain. Il « dome » (comme<br />
Dieu le Père, O. C. I, p. 331). C'est ce que traduisent les multiples figures<br />
d'absolu et de totalité qu'il produit : la sphère ubique, Emmanuel Dieu,<br />
André Marcueil, « apôtre <strong>des</strong> forces humaines illimitées » (O. C. II, p. 196),<br />
Messaline, <strong>etc</strong>. La devise que <strong>Jarry</strong> s'est choisie va dans le même sens : « Aut<br />
nunquam tentes autperflce », que nous traduirons librement par : « Tout ou<br />
rien ». Citons aussi : « Dieu est le point tangent de zéro et de l'infini » : Dieu,<br />
zéro et l'infini remplacent Père, Fils et Saint-Esprit. La confusion <strong>des</strong> signifiant,<br />
signifié, réfèrent, transcendant marque l'avènement par coalescence<br />
d'une nouvelle Sainte Trinité34, aussi impénétrable et indissociable que<br />
l'Autre dans ses Mystères.<br />
34. À quatre pieds, évidemment, comme le Tripode du Coudray-Montceau.<br />
59