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103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

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Actes<br />

du colloque <strong>2003</strong><br />

mise en mouvement dans le bâton-à-physique. Inversement, à la scène v,<br />

« les trois Hérauts se vitrifient céramique ». Le blason s'anime, le personnage<br />

se vitrine en blason, Ubu apparaît, César-Antechrist finit « calciné noir »<br />

(c'est-à-dire le sable héraldique, mais « noir » est une couleur terrestre).<br />

Animation et vitrification se succèdent, elles aussi réversibles, dans ce que<br />

Sainmont qualifie à juste titre de « décor absolu » (foc. cit., p. 55). Cloches et<br />

tulipes du décor nourrissent la dramaturgie : les plans sont réversibles. Les<br />

torches <strong>des</strong> hérauts deviennent « torches-tulipes bleues », mais ont aussi à<br />

voir avec les cloches : « Endormons-nous au glas de nos torches de vair. »<br />

Les cloches peintes du décor sont de vraies cloches qui résonnent à trois<br />

reprises au cours de l'acte, d'après les didascalies. L'herbe est « d'azur », et le<br />

ciel « vertical », comme le décor. Celui-ci devient partie prenante de l'action.<br />

Enfin, cette incarnation de symboles en personnages inscrit ceux-là dans<br />

une temporalité, comme toute action théâtrale. Selon la norme, au contraire,<br />

l'image est interdite de temporalité. Ici, l'instant de l'image se fait durée,<br />

déroulement : tout ce qui s'inscrit dans le temps est de l'ordre du vivant.<br />

«... et <strong>des</strong>cend vers la mort en <strong>des</strong>cendant vers la Durée. » (Être et vivre,<br />

O. C. I, p. 342). L'inanimé devient l'animé. Nous n'essaierons pas de résumer,<br />

encore moins d'interpréter ce qui se passe dans l'Acte héraldique. Contentonsnous<br />

de remarquer qu'il se passe quelque chose, dans une action qui a un<br />

début, un déroulement et une fin, et que cela contredit le statut de l'image,<br />

fixe et plate par nature 25. Or, le blason est une image. Dans l'Acte héraldique,<br />

au contraire, les figures ne cessent de se mouvoir, de vivre et raconter une<br />

histoire. De même, les emblèmes ont la profondeur <strong>des</strong> êtres vivants. Le blason<br />

n'est plus un simple décor, voire décorum, illustration redondante d'une<br />

action, mais devient à part entière un dispositif scénique et dramaturgique,<br />

voire un personnage à part entière. <strong>Jarry</strong> invente le décor-homme (qu'on<br />

nous pardonne ce jeu de mots, qui n'est pas complètement gratuit : l'homme<br />

est aussi décor).<br />

Usant de la polysémie du mot « acte » (à la fois au sens d'André Marcueil<br />

et au sens du théâtre traditionnel), <strong>Jarry</strong> met l'héraldique en mouvement,<br />

inscrit l'instant dans la durée, donne vie à l'image. L'Acte héraldique est un<br />

« <strong>des</strong>sin animé ». Par là, <strong>Jarry</strong> fait de l'être un vivre. Ce qui est continuera à<br />

être, c'est-à-dire vivra : « Eadem mutata resurgo. » Et inversement.<br />

25. Tout le cinéma ne consiste en réalité qu'à juxtaposer <strong>des</strong> images fixes : l'illusion du<br />

mouvement est liée à la rémanence rétinienne, tout le monde sait ça. Les images « 3D »,<br />

ou de synthèse, ne changent rien au problème.<br />

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