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103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

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Frédéric Ghanibc<br />

sauf paradoxe, soutenir que tout est parfaitement intentionnel, et dénoncer<br />

de quelconques erreurs. Il va de soi qu'un héraldiste, lisant l'Acte héraldique,<br />

se gaussera de l'ignorance du rédacteur. Car <strong>Jarry</strong>, par son utilisation très personnelle<br />

de ce matériau codifié, lui apparaîtra comme un plaisantin, un fumiste.<br />

Aucun spécialiste ne saurait comprendre :«.. .au BATON-A-PHYSIQUE,<br />

pal ou fasce de gueules, roulant sur ses extrémités. », et encore moins : « (de<br />

sable ocellé d'ifs et à une fasce d'argent) ». « ORLE en pals de divers émaux<br />

et métaux » ne signifie rien, non plus que « De sable à UN ROI d'or ». Et<br />

qu'est-ce qu'une « FASCE agenouillée » ? Ne parlons pas <strong>des</strong> « TROIS PALOTINS<br />

d'argent». De même, dans les blasonnements de Sengle et Valens, dans<br />

Les Jours et les Nuits 5 , on ne peut traduire en image « l'or déchiqueté du<br />

lion », ni « le collier rose ». Et la « foi » du blason de Valens n'a certainement<br />

rien à voir avec la poignée de main du meuble héraldique ainsi nommé.<br />

Quant au blason de couverture <strong>des</strong> Minutes de sable mémorial, commenté<br />

par J.-H. Sainmont et M. Arrivé 4, il n'est pas plus conforme : les trois pièces<br />

(pairie, double fasce ondée abaissée, pals) sont de sable, enfreignant la<br />

règle qui veut qu'en aucun cas il n'y ait métal sur métal, ni émail sur émail.<br />

L'héraldique de <strong>Jarry</strong> est truffée d'« erreurs ».<br />

L'essentiel, selon nous, est ailleurs. <strong>Jarry</strong> n'est pas « spécialiste », mais artiste<br />

: il prend ce qu'il veut dans le code, en fait ce qu'il veut, en fonction du<br />

but qui, dans son esprit, est précis et cohérent. À quoi bon stigmatiser <strong>des</strong><br />

« erreurs » ? Comme le dit Thelonious Monk lors d'une séance d'enregistrement<br />

« in progress » : « It was a wrong mistake. » Créer, c'est enfreindre une<br />

norme, c'est faire sciemment <strong>des</strong> erreurs, qu'il faut reconsidérer sous cet éclairage''<br />

. Pour <strong>Jarry</strong>, le langage héraldique n'est pas à respecter dévotement : c'est<br />

un outil et un matériau, après avoir été peut-être objet de rêverie : « jusqu'au<br />

vieil armoriai, feuilleté à la bibliothèque » b . La vraie création « déplace les<br />

lignes » (n'en déplaise à Baudelaire).<br />

Par ailleurs, Alfred <strong>Jarry</strong>, loin d'exploiter à fond le filon héraldique, comme<br />

un tâcheron avide d'esbroufe, en fait un usage d'une grande pauvreté, du<br />

moins quantitative. Il n'en retient qu'une partie infime, se bornant à un tout<br />

petit nombre de termes et de blasonnements (la douzaine de l'Acte héraldique,<br />

plus quelques autres). L'héraldique en tant que code et discipline, disonsle<br />

tout net, n'intéresse pas <strong>Jarry</strong>, pas plus qu'en tant que « motif » esthétique<br />

ou folklorique.<br />

En somme, <strong>Jarry</strong> fait de l'héraldique un usage essentiellement hétérodoxe et<br />

3. O. C. I, La Pléiade, pp. 770-771.<br />

4. Idem, pp. 1097-1098.<br />

5. Ce qui ne veut pas dire que toute erreur est création : seule la maîtrise de la règle donne<br />

sens à sa transgression, évidemment (mais est-ce bien sûr?).<br />

6. Idem, p. 770.<br />

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