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103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

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Actes<br />

du colloque <strong>2003</strong><br />

D'autre part, la syntaxe est extrêmement simple. Le blasonnement<br />

s'énonce en une seule phrase, sans verbe conjugué. La préposition initiale<br />

introduit la couleur principale de l'écu, comme dans l'exemple suivant : les<br />

Le Bachellé « portent » D'azur à deux étais accostés d'argent, formant une<br />

fasce vivrée très-déliée et surmontés chacun d'une étoile à cinq rais d'or.<br />

Mais on commence parfois par un verbe ou un nom commun, conjugué (sic)<br />

au participe passé, quand la figure organise l'écu :fascé, palé-contrepalé,<br />

gironné, <strong>etc</strong>. Par exemple, les Westerholt « portent » Contrefascé de trois<br />

pièces de sable et d'argent. Le participe passé forme d'ailleurs un contingent<br />

de 236 entrées sur les 646 du dictionnaire mentionné. La « grammaire » du<br />

blasonnement utilise, en tout et pour tout, deux constructions : la préposition<br />

(« de » et « à ») et le participe (passé et présent). Sobriété lexicale et indigence<br />

syntaxique se constatent jusque dans les blasonnements les plus compliqués.<br />

Mais ces caractéristiques produisent précisément une musique et un<br />

décor particuliers, expliquant en partie l'intérêt manifesté au cours de l'histoire,<br />

notamment pendant la période et dans le milieu symboliste, pour « la<br />

noble science du blason » (Remy de Gourmont). L'héraldique, par son arsenal<br />

hermétique et solennel, satisfait <strong>des</strong> préoccupations esthétiques (voire<br />

esthétisantes), et forme un ensemble doté d'un pouvoir d'évocation poétique.<br />

En outre, elle permet d'exploiter dans la langue une certaine veine<br />

archaïsante, où se rencontrent la pérennité (la restauration) d'une Tradition,<br />

le goût du Rituel et le faste d'un Cérémonial : le toc et le kitsch ne sont pas<br />

loin. L'héraldique fabrique de l'antique.<br />

La codification progressive de cette langue lui a permis de prétendre à<br />

une relative « rigueur scientifique ». Mais Rietstap dit lui-même que les systèmes<br />

diffèrent d'un pays à l'autre, d'un spécialiste à l'autre, d'une époque<br />

à l'autre. Ce n'est pas une « science exacte ». Même s'il existe une Académie<br />

internationale d'Héraldique, sans doute pour surveiller la stricte observance<br />

du canon, la grande diversité <strong>des</strong> ouvrages (contenus et métho<strong>des</strong>, hormis<br />

un socle de base) le confirme. Les armoiries tiennent non d'un domaine de<br />

la connaissance à part entière, mais d'un savoir-faire, d'une technique, voire<br />

d'un bricolage. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'associer à une personne, sans<br />

équivoque possible, un emblème qui l'authentifie, et enracine son identité. Il<br />

y a, entre le nom et son image, une relation biunivoque. À cet égard, le blason<br />

fonctionne de la même façon que le fétiche. Le signifiant est le signifié.<br />

Les armoiries sont <strong>des</strong> totems. La logique de l'héraldique est d'ordre tribal.<br />

Sans vouloir entrer sur le terrain psychanalytique, effleurons-le tout de<br />

même en ajoutant que le blason est théâtralisation de soi. En cela, il touche<br />

au narcissisme, en tant que figuration du nom élaborée par son possesseur<br />

(son réfèrent) comme un « idéal du moi », et qui reflète une quintessence et<br />

une unicité revendiquées. Ostensible sinon ostentatoire, il proclame le particulier<br />

(pataphysique), voire le singulier (Sengle), miroir d'un « Je » tout entier<br />

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