103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

Actes
du colloque 2003
Œuf, citrouille, il s'agit d'objets plutôt sphériques qui pourraient à la
rigueur rappeler le « corps » de la bête volante. L'expression « fulgurant
météore » semble chère à l'auteur qui l'a réutilisée dans « Les gestes erotiques
de Monsieur Ubu, Maître des Phynances » (La Revanche de la Nuit, 1949).
Outre qu'elle forme un hémistiche parfaitement équilibré, l'association des
deux mots mérite qu'on s'y attarde.
Sans faire pour autant un « carrefour » de chacun des deux mots, on
peut toujours en explorer les embranchements : le sens premier de météore
est « phénomène atmosphérique » et s'applique autant aux arcs-en-ciel et
aux brouillards qu'aux aurores boréales en passant par les tempêtes, comme
les anciennes éditions du Petit Larousse illustré en offrent le tableau.
Fulgurant d'autre part dérive du mot foudre, autre météore. De sorte
qu'en première interprétation « fulgurant météore » implique un redoublement,
une redondance, presque un pléonasme.
Météore a pris assez tôt un sens plus précis, que les lexicographes ont mis
longtemps à reconnaître, car il résultait en fait d'une confusion avec le voisin
météorite, autrement dit « corps volant minéral et interplanétaire », ce qui
exclut les comètes, de composition gazeuse, et qui se manifeste en dehors
de l'atmosphère ; autrement dit un « bolide » ou un « aérolithe ». Les étoiles
filantes en revanche peuvent être comptées parmi les météores puisqu'elle
doivent leur luminosité à leur combustion dans l'atmosphère. Mais c'est sans
doute grâce à elles que l'assimilation a eu lieu. Au point qu'un roman posthume
de Jules Verne (paru en 1908, mais écrit en 1902) s'intitule La Chasse
au météore, et qu'il s'agit bel et bien d'un bolide d'or pur.
Fulgurant, d'autre part, signifie « qui engendre la foudre », aussi bien que
« qui se manifeste à la vitesse de l'éclair », c'est-à-dire de façon quasiment
instantanée pour l'oeil humain.
Il n'est pas non plus innocent de remarquer qu'à travers le temps et l'espace,
de nombreuses sociétés humaines ont associé foudre et aérolithes. Sans
compter la confusion entre les haches polies du néolithique et les météorites,
haches baptisées « pierres de foudre ».
D'après ces considérations, Ubu se manifesterait donc sur terre sous la
forme d'un corps céleste surgi à la vitesse de l'éclair. C'est aussi un œuf. On
serait tenté de reconnaître dans le phénomène volant de la gravure cet œufbolide
en train d'éclore (la tête de la créature est sortie), précédant sa traînée
« fulgurante » (l'aspect en dents de scie).
La gravure serait donc un résumé de la genèse ubique : Ubu jaillit de l'espace,
dominant la germination simultanée des Palotins.
Il reste cependant un mystère que M. Arrivé lui-même passe sous silence
: la présence dans l'angle droit de la gravure d'un N inversé, en capitale
d'imprimerie. L'inversion de l'orientation des obliques dans certaines lettres
(Z,N...) est une bévue qui affecte pas mal de graveurs débutants (sur bois,
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