103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

Actes
du colloque 2003
dans un paysage, — on l'adosse à une meule, sous un grand horizon.
Les Japonais doivent aimer cela, eux qui, comme chacun dit[,] « peuplent
un paysage » avec un homme seul, infiniment petit. Enfin c'est vraiment
en Bretagne que si l'on est aimant, attentif, la nature se double d'une
seconde révélation, — découverte nouvelle et définitive — et on se possède
mieux enfin, plus maître de son amour du beau, plus froid et sûr, mais
plus ardent et chercheur que jamais. » et qu'enfin il s'intéressait aux
« vieilles gravures de Pardon, vieilles images d'Épinal, gravées sur bois... »
En Bretagne Fargue semble s'être bien intégré, dans un premier temps, au
milieu local et à la vie artistique du lieu. Il précise dans la même lettre à sa mère :
« [...] je suis très aimé ici — Il y a en outre ici, en plus des écrivains, et
peintres, et Mécènes, — des étudiants à Paris en bande folle. »
Événement d'importance, Fargue rencontra à Pont-Aven le peintre Charles
Filiger. On ignorait jusqu'à présent que Fargue l'avait rencontré, et avant Jarry,
et l'on sait toute l'importance que Filiger prendra pour celui-ci (après sa
propre visite à Pont-Aven en juin 1894, Jarry publiera dès septembre dans le
Mercure de France lb une étude fameuse sur le peintre).
Trois lettres du peintre Charles Filiger à Fargue ont été récemment découverte,
dont deux écrites en août-septembre 1893, durant le séjour de ce
dernier à Pont-Aven. La première, ornée d'un dessin de style Rose-Croix, est
amicale :
« Mon bien cher ami,
En vous voyant partir hier, j'ai eu un regret — le regret de ne vous
avoir pas donné — ma petite femme à genoux — quand vous étiez chez
moi... Vous me pardonnerez ce manque de cœur puisque je viens réparer
mon tort avec infiniment de plaisir — et aussi de tristesse — la tristesse
de vous avoir peut-être fait de la peine ?
Et ma petite chose vous fera-t-elle oublier les vilains propos que
j'ai tenus devant vous et votre ami?—Je l'espère — car je vous vois
bon — bien sûr — meilleur que moi.
Mon cher ami, je vous serre cordialement la main et vous prie de faire
mes bonnes amitiés à notre ami Thomas.
Ch. FILIGER
Dimanche soir à Kersulé près le Pouldu
[en PS] dans quelque temps je vous récrirai aux sujets [sic] de vos
vitraux, si vous voulez bien ? »
16. Alfred Jarry, « Filiger », Le Mercure de France, n° 57, septembre 1894, pp. 73-77.
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