29.06.2013 Views

103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

103/104 : Colloque 2003, etc. - Société des Amis d'Alfred Jarry

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

voir davantage ce sont les parallèles entre<br />

l'esthétique de Morrow, telle que <strong>Jarry</strong><br />

l'a décrite, et celle de <strong>Jarry</strong> lui-même.<br />

En lisant Morrow, <strong>Jarry</strong> ne s'était-il pas<br />

en partie reconnu ? Reprenons ses commentaires<br />

de plus près et deux riions se<br />

dégagent, la terreur et la pitié : la « terreur<br />

obtenue par <strong>des</strong> procédés scientifiques »,<br />

et « l'infinie douceur et la sentimentalité<br />

inédite » (O. C. II, p. 622). En l'occurrence,<br />

il s'agit surtout de la pitié d'un<br />

singe pour un idiot qu'il aide à s'échapper<br />

d'un asile, puis la pitié <strong>des</strong> deux pour une<br />

jeune fille enterrée devant eux, et qu'ils<br />

délivrent - vivante ! (ceci se passe dans le<br />

premier conte). Terreur et pitié, mélange<br />

classique s'il en est, mais apparaissant<br />

dans <strong>des</strong> situations tout à fait originales<br />

chez <strong>Jarry</strong> - l'amour vrai d'Emmanuel<br />

pour Miriam, obtenu par l'hypnotisme<br />

(L'Amour absolu), ou encore l'amour du<br />

Surmâle pour Hélène, îlot de refuge alors<br />

que se déchaînent les pires horreurs de<br />

la physique expérimentale. Dans ce mélange<br />

d'amour et de mort, d'amour vicié<br />

par les expériences scientifiques, ce qui<br />

demeure un réel sentiment d'amour idéal<br />

n'est pas la partie de l'œuvre de <strong>Jarry</strong> qui<br />

a suscité le plus d'attention critique 1. Mais<br />

la « sentimentalité inédite », croyonsnous,<br />

n'est pas pour autant étranger à<br />

ses livres. De même, le donquichottisme<br />

qu'il discerne dans le premier conte, « La<br />

Résurrection de la petite Wang-Tai », où<br />

1. Nous avons tenté de proposer L'Amour<br />

absolu comme un roman qui traite réel­<br />

lement de l'amour et de sa fragilité, de<br />

sa nature imaginaire, ou plutôt de son<br />

statut de solution imaginaire, dans notre<br />

article paru dans L'Étoile-Absinthe 95/96<br />

(automne 2002), pp. 106-121.<br />

Testicules<br />

« le Singe et l'Idiot [...] redress[ent] les<br />

torts de l'homme » (O. C. II, p. 622), peut<br />

se trouver dans son propre journalisme,<br />

surtout si celui-ci est lu dans le contexte<br />

d'un journal politiquement radical, Le<br />

Canard sauvage. La récurrence <strong>des</strong><br />

propositions de réforme, impraticables<br />

et absur<strong>des</strong>, peut paraître effectivement<br />

comme du donquichottisme moderne,<br />

et faire de <strong>Jarry</strong> et du narrateur de la<br />

Chandelle verte, <strong>des</strong> « Don Quichottes<br />

imprévus » (O. C. II,. 622).<br />

Tout hasardeux qu'il soit de prendre<br />

la critique pour un miroir, il faut admettre<br />

que le miroitement n'est pas sans intérêt,<br />

suggère de nouvelles pistes, et conforte<br />

l'étrange témoignage de Rachilde qui<br />

écrivait sur le dos d'un de ses paysages à<br />

l'huile : « Il a été souvent la proie d'une<br />

inexplicable mélancolie dont ce tableau<br />

semble le reflet. » Mélancolie qui est<br />

sans doute la face la mieux cachée de son<br />

œuvre.<br />

Il est toujours bon de lire ce que <strong>Jarry</strong><br />

a lu.<br />

Paul Edwards<br />

Références bibliographiques:<br />

- Alfred <strong>Jarry</strong>, « W. C. Morrow : Le<br />

Singe, l'Idiot et autres gens (éditions de<br />

la Revue blanche) » in La Revue blanche,<br />

n° 196 (1" août 1901), et O. C. III, p. 622.<br />

- W. C. Morrow, The Ape, the Idiot<br />

and Other People, Philadelphie : J. B.<br />

Lippincott, 1897.<br />

- W. C. Morrow, Le Singe, l'idiot et<br />

autres gens, traduction française de<br />

George Elwall, Éditions de la Revue<br />

blanche, 1901.<br />

- W. C. Morrow, Le Singe, l'idiot et<br />

autres gens, tr. fr. de George Elwall,<br />

revue et corrigée, préface d'Éric Dussert,<br />

Phébus, 2004.<br />

149

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!