Raimond le cathare
Raimond le cathare
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La colonne titubante marche longtemps à travers la plaine et<br />
jusqu’au flanc des montagnes, chaque homme aveug<strong>le</strong> et<br />
défiguré avançant la main posée sur l’épau<strong>le</strong> de celui qui <strong>le</strong><br />
précède. En tête, <strong>le</strong> borgne guide <strong>le</strong>urs pas jusqu’aux forteresses<br />
de Cabaret, où <strong>le</strong> monstrueux cortège est accueilli dans <strong>le</strong>s<br />
hur<strong>le</strong>ments d’horreur des hommes et <strong>le</strong>s évanouissements des<br />
femmes. Seul Guiraud de Pépieux, l’inventeur de cette atrocité,<br />
reste si<strong>le</strong>ncieux, la tête basse, hébété de découvrir à quel point<br />
on peut être encore plus cruel qu’il ne <strong>le</strong> fut.<br />
Après avoir terrorisé <strong>le</strong> pays, Montfort veut l’impressionner<br />
par une victoire militaire en s’emparant d’une des places fortes<br />
de la résistance. Ayant échoué l’an dernier devant <strong>le</strong>s forteresses<br />
de Cabaret, il ne veut pas s’exposer à un nouveau revers.<br />
Montségur est trop diffici<strong>le</strong> à investir. Il choisit Minerve, dont il<br />
connaît <strong>le</strong>s points faib<strong>le</strong>s. Il a envoyé des éclaireurs observer <strong>le</strong>s<br />
lieux pendant la trêve hiverna<strong>le</strong>.<br />
Minerve est dressée comme une proue de navire à<br />
l’extrémité d’une falaise abrupte surplombant <strong>le</strong> confluent de la<br />
Cesse et du Brian. En période de fortes pluies, <strong>le</strong>s eaux des deux<br />
rivières se mê<strong>le</strong>nt dans un bouillonnement vio<strong>le</strong>nt et la vil<strong>le</strong><br />
semb<strong>le</strong> voguer sur un océan furieux. En revanche, en ce début<br />
d’été 1210, particulièrement sec, <strong>le</strong>s remparts et la falaise<br />
dominent deux gouffres asséchés où de minces fi<strong>le</strong>ts d’eau<br />
serpentent entre <strong>le</strong>s ga<strong>le</strong>ts.<br />
L’armée croisée instal<strong>le</strong> ses engins sur la rive opposée à la<br />
vil<strong>le</strong> et la martè<strong>le</strong> sans relâche. Les blocs de pierre en<br />
démolissent des pans entiers, qui s’écrou<strong>le</strong>nt sur <strong>le</strong>s défenseurs.<br />
Les toits des maisons sont écrasés sous <strong>le</strong>s projecti<strong>le</strong>s, mais<br />
Simon de Montfort ne donne pas l’assaut. Comme l’an dernier à<br />
Carcassonne, il préfère attendre que la cha<strong>le</strong>ur et la soif<br />
viennent à bout de la résistance de Minerve. Le chemin qui<br />
permet de descendre de la falaise pour al<strong>le</strong>r puiser de l’eau au<br />
fond du lit de la rivière est jonché de corps percés de flèches.<br />
Parmi <strong>le</strong>s assiégés, plus personne ne s’y risque. Pour ne pas<br />
laisser <strong>le</strong>s cadavres pourrir au so<strong>le</strong>il dans <strong>le</strong>s rues et corrompre<br />
l’air, on <strong>le</strong>s jette par-dessus <strong>le</strong> mur, dans <strong>le</strong> ravin. Tous <strong>le</strong>s<br />
habitants sont bientôt à bout de forces. Après cinq semaines de<br />
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