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Raimond le cathare

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Ce que j’apprendrai <strong>le</strong> soir dépassera tout ce que je pouvais<br />

redouter. À la nuit tombée, <strong>le</strong>s chroniqueurs maculés de sang<br />

reviennent vers <strong>le</strong> camp. Les uns ont <strong>le</strong> front bas, <strong>le</strong>s autres <strong>le</strong><br />

regard fou. À la lueur des chandel<strong>le</strong>s, ils écrivent <strong>le</strong>urs terrib<strong>le</strong>s<br />

témoignages. « Un torrent cuirassé s’engouffre dans la vil<strong>le</strong>.<br />

Les femmes, affolées, mains tremblantes, <strong>le</strong>s hommes, <strong>le</strong>s<br />

vieillards, <strong>le</strong>s matrones criardes courent tous à l’église où<br />

sonne <strong>le</strong> tocsin. Ils s’entassent dans la nef. Les moines et <strong>le</strong>s<br />

prêtres joignent <strong>le</strong>s mains. Leurs voix s’élèvent sous la voûte,<br />

ils chantent l’office des morts. Le glas sonne. Le peup<strong>le</strong> à<br />

genoux dit sa dernière prière. La croix n’arrête pas <strong>le</strong>s ribauds.<br />

L’église ? Un abattoir ! Le sang souil<strong>le</strong> <strong>le</strong>s fresques : prêtres,<br />

femmes, enfants et vieil<strong>le</strong>s gens sont tous trucidés. »<br />

Durant toute la nuit, mon sénéchal, <strong>Raimond</strong> de Ricaud,<br />

m’apporte des récits dont, en échange de quelques pièces, il fait<br />

prendre copie auprès des chroniqueurs. Ils décrivent la fureur<br />

du massacre. « Les ribauds de l’armée se répandent en vil<strong>le</strong>,<br />

fracassent <strong>le</strong>s étals et défoncent <strong>le</strong>s portes, s’enivrent aux<br />

tonneaux, bâfrent, ravagent, tuent, fou<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s massacrés<br />

comme vendange rouge et sortent des maisons coiffés de plats<br />

d’argent, <strong>le</strong>s pognes p<strong>le</strong>ines d’or, de bijoux, de vaissel<strong>le</strong>. Ils vont<br />

comme rois fous, trébuchant sur <strong>le</strong>s cadavres. »<br />

« Leur roi gueu<strong>le</strong> soudain, <strong>le</strong>vant son poing rouge de sang :<br />

« Foutredieu, brûlons tout ! » »<br />

« Ces pègre<strong>le</strong>ux entassent des fagots, bientôt <strong>le</strong> feu crépite<br />

aux portes, aux fenêtres, grimpe aux toits, envahit <strong>le</strong>s rues,<br />

descend aux caves. L’incendie se déploie jusqu’au ciel. Tout<br />

s’embrase : forges, maisons, jardins, cloîtres, demeures nob<strong>le</strong>s.<br />

La haute cathédra<strong>le</strong> brû<strong>le</strong> aussi, se fend par <strong>le</strong> milieu et<br />

s’effondre au milieu de gerbes rugissantes. » C’est un volcan en<br />

éruption. Les remparts de Béziers sont la bouche du cratère. Les<br />

incendies qui se sont propagés partout forment un énorme<br />

panache noir. Au cœur de ce brasier infernal, rougeoient <strong>le</strong>s<br />

clochers de la cathédra<strong>le</strong> Saint-Nazaire et de l’église de la<br />

Made<strong>le</strong>ine. Une lave faite de chair humaine se consume au cœur<br />

du volcan durant toute la nuit.<br />

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