29.06.2013 Views

Raimond le cathare

Raimond le cathare

Raimond le cathare

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

fi<strong>le</strong>nt orgueil<strong>le</strong>usement vers la mer ou remontent <strong>le</strong> f<strong>le</strong>uve en se<br />

jouant du mistral.<br />

Les verges siff<strong>le</strong>nt et viennent douloureusement claquer sur<br />

mon dos nu. Je reprends mon souff<strong>le</strong>.<br />

Je compte cinq pas. Je m’arrête. Mon bras fauche l’air et <strong>le</strong>s<br />

verges viennent à nouveau b<strong>le</strong>sser ma chair brûlante, prête à se<br />

déchirer sous <strong>le</strong>s coups que je m’inflige. Je n’ai pas accepté de<br />

<strong>le</strong>s recevoir d’un autre. Il ne sera pas dit que <strong>le</strong> comte de<br />

Toulouse a été fouetté comme un vo<strong>le</strong>ur. Je m’administre la<br />

punition avec énergie afin que l’on ne puisse raconter qu’il<br />

s’agissait d’un simulacre.<br />

Au pied des marches de l’église, on me passe la corde au cou.<br />

À genoux, un cierge allumé à la main, je dois lire à p<strong>le</strong>ine voix<br />

l’acte d’accusation. Parmi bien des griefs, je suis, dit-on,<br />

coupab<strong>le</strong> d’avoir « favorisé et protégé <strong>le</strong>s hérétiques », d’avoir<br />

« employé des juifs à des fonctions publiques » ; coupab<strong>le</strong>, enfin<br />

d’être « suspect de l’assassinat de Pierre de Castelnau ». Seize<br />

de mes vassaux du Rhône, convoqués par <strong>le</strong>urs évêques, sont <strong>le</strong>s<br />

témoins de mon humiliation. Ils doivent prêter serment avec<br />

moi.<br />

Mes compagnons dissimu<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>ur émotion et <strong>le</strong>urs larmes<br />

en plongeant <strong>le</strong>ur visage entre <strong>le</strong>urs mains. Un murmure de<br />

colère monte de la fou<strong>le</strong>. La honte que l’on m’inflige rejaillit sur<br />

<strong>le</strong> peup<strong>le</strong>. Tenant l’extrémité de la corde nouée autour de mon<br />

cou, un évêque me conduit comme un animal domestique à<br />

l’intérieur du sanctuaire.<br />

Après la vio<strong>le</strong>nte lumière d’été, je suis aveuglé dans la<br />

pénombre de la nef et assourdi par <strong>le</strong>s cantiques. Me voici<br />

réconcilié avec l’Église et accueilli dans la communauté<br />

chrétienne dont j’étais banni par l’excommunication. Je ne suis<br />

plus <strong>Raimond</strong> <strong>le</strong> Cathare. Des c<strong>le</strong>rcs viennent agiter des<br />

encensoirs, un évêque brandit devant mon visage un ostensoir<br />

d’or. La fou<strong>le</strong> se presse dans une bousculade indescriptib<strong>le</strong>. On<br />

me pousse, on me tire dans un désordre tel que la cérémonie<br />

tourne court. Ceux qui me guident m’évacuent par la crypte.<br />

Nous passons devant <strong>le</strong> caveau où repose Pierre de Castelnau.<br />

Une main saisit mes cheveux, une autre pèse sur mes épau<strong>le</strong>s,<br />

m’obligeant à m’incliner devant la sépulture du légat.<br />

42

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!