Raimond le cathare
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L’Histoire ne m’aimera pas, car je n’ai jamais cherché à<br />
laisser la marque du sillon stéri<strong>le</strong> de l’épée dans la terre<br />
ensanglantée des champs de batail<strong>le</strong>.<br />
J’ai vu mon père, <strong>Raimond</strong> V, en guerre contre l’Aragon,<br />
contre <strong>le</strong> comte de Rodez, contre la Savoie, contre <strong>le</strong>s Trencavel,<br />
contre l’Ang<strong>le</strong>terre, contre Barcelone… Ces interminab<strong>le</strong>s luttes,<br />
<strong>le</strong>ur cortège de deuils et de destructions ont assombri mon<br />
enfance et ma jeunesse.<br />
J’ai préféré réparer dans mon lit, avec des bonheurs<br />
personnels divers et inégaux, <strong>le</strong>s querel<strong>le</strong>s sanglantes de mes<br />
prédécesseurs. Pour faire la paix avec <strong>le</strong>s ennemis de mes<br />
ancêtres, j’ai épousé <strong>le</strong>urs fil<strong>le</strong>s. Mes ancêtres ne manquaient<br />
pas d’ennemis, je me suis donc marié cinq fois.<br />
Ma première épouse fut Ermesinde de Pe<strong>le</strong>t, déjà veuve et<br />
très mûre mais dont la famil<strong>le</strong> possédait, près de Montpellier, <strong>le</strong><br />
comté de Melguei toujours rebel<strong>le</strong> à la maison de Toulouse. Ce<br />
mariage mit fin aux désaccords, mais il fut bref.<br />
Veuf à mon tour mais encore jeune, j’ai ensuite épousé une<br />
Trencavel pour scel<strong>le</strong>r une alliance avec ces impétueux voisins<br />
qui gouvernent de Limoux à Albi et de Carcassonne à Béziers.<br />
Avec Béatrix, ce fut une longue et morne union. Ma vie familia<strong>le</strong><br />
durant ces quinze années n’a été enso<strong>le</strong>illée que par la naissance<br />
de ma fil<strong>le</strong> légitime Constance et par cel<strong>le</strong> de mes enfants<br />
naturels, Guil<strong>le</strong>mette et Bertrand, ainsi que par <strong>le</strong> plaisir d’avoir<br />
aimé secrètement la femme qui a donné <strong>le</strong> jour à ces derniers.<br />
Béatrix, el<strong>le</strong>, s’est éprise de l’Hérésie. Voulait-el<strong>le</strong> ainsi<br />
réprouver si<strong>le</strong>ncieusement mon inconduite ? Était-el<strong>le</strong><br />
sincèrement gagnée à cette pratique austère et à cette vie<br />
hautement spirituel<strong>le</strong>, comme beaucoup de femmes en notre<br />
pays ? Quel<strong>le</strong> fut l’influence de sa famil<strong>le</strong> Trencavel, dont <strong>le</strong>s<br />
liens avec l’Hérésie n’étaient un secret pour personne ? L’Église<br />
ne pouvant, dans ce cas, rien me reprocher, j’ai profité de cette<br />
occasion pour répudier Béatrix. El<strong>le</strong> vit depuis dans une maison<br />
de Bonnes Dames. Nous nous écrivons parfois.<br />
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