Raimond le cathare
Raimond le cathare
Raimond le cathare
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
<strong>Raimond</strong> Roger est un guerrier, un vétéran. Sa stature impose <strong>le</strong><br />
respect. Sa démarche est pesante, comme si son corps était<br />
toujours chargé de pièces d’armure et de cotte de mail<strong>le</strong>s.<br />
Foulques, lui, est en mouvement permanent. Rond, il a <strong>le</strong> geste<br />
vif et <strong>le</strong> propos aigu. Dès qu’il ne se surveil<strong>le</strong> plus, <strong>le</strong>s artifices de<br />
l’ancien troubadour percent sous ses manières d’évêque. Il<br />
relance ses accusations :<br />
— Hérétique ? Sa sœur <strong>le</strong> fut. El<strong>le</strong> vint à Pamiers y prêcher<br />
sans pudeur sa diabolique doctrine.<br />
— Ma sœur ? s’apitoie <strong>Raimond</strong> Roger, <strong>le</strong> mal l’a prise. El<strong>le</strong><br />
fut pécheresse. El<strong>le</strong> est certes coupab<strong>le</strong>.<br />
Ainsi que je l’avais vu faire sur <strong>le</strong> bateau, il tend ses mains<br />
jointes vers <strong>le</strong> pape :<br />
— El<strong>le</strong> ! Pas moi, Seigneur ! Mais avait-el<strong>le</strong> <strong>le</strong> droit de vivre<br />
sur nos terres ? Oui. Par serment prêté à mon père mourant,<br />
j’avais l’obligation d’accueillir frère ou sœur s’il se trouvait un<br />
jour sans toit.<br />
Foulques tente d’émouvoir à son tour l’auditoire.<br />
Accompagnant son propos d’attitudes et de gestes pitoyab<strong>le</strong>s, il<br />
évoque <strong>le</strong> carnage des Croisés tombés dans <strong>le</strong> guet-apens de<br />
Montgey, en 1211, il y a quatre ans.<br />
— Écoutez la rumeur de ces pauvres perdus, perclus, boiteux,<br />
manchots, balafrés, béquillards, voués aux chiens d’aveug<strong>le</strong>s.<br />
Écoutez-<strong>le</strong>s cogner à la porte !<br />
Désignant <strong>Raimond</strong> Roger de Foix, l’évêque hausse <strong>le</strong> ton :<br />
— Il en a massacré à Montgey tant et tant que <strong>le</strong>s champs<br />
a<strong>le</strong>ntour en sont restés rougis. Et ton honneur, Saint-Père, en<br />
est souillé de sang.<br />
Derrière moi, un chevalier de la délégation toulousaine ne<br />
contient plus son indignation. Il interpel<strong>le</strong> l’évêque.<br />
— Si l’on convoque en ce lieu <strong>le</strong>s victimes des combats, des<br />
tueries et des charniers, j’appel<strong>le</strong> devant vous mon peup<strong>le</strong><br />
torturé !<br />
— A-t-on dit que j’ai massacré des pè<strong>le</strong>rins ? interroge<br />
<strong>Raimond</strong> Roger, la main en coquil<strong>le</strong> autour de l’oreil<strong>le</strong>, feignant<br />
d’avoir mal entendu.<br />
Il étend son bras en un geste so<strong>le</strong>nnel.<br />
175