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Le Métal - optics @ unige - Université de Genève

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<strong>Le</strong> <strong>Métal</strong><br />

Comprendre la substance<br />

Vaincre la résistance<br />

La vie et l'œuvre du physicien<br />

Claudine PETER - DOLL<br />

<strong>Genève</strong>, 2007


Sommaire<br />

Introduction 5<br />

1 <strong>Le</strong>s Ancêtres 7<br />

2 Jeunesse et Etu<strong>de</strong>s en Suisse 13<br />

2.1 Enfance et adolescence à Bâle 13<br />

2.2 Etu<strong>de</strong>s à l’Ecole Polytechnique <strong>de</strong> Zürich 19<br />

3 Aux Etats-Unis d’Amérique 23<br />

3.1 Massachusetts Institute of Technology 23<br />

3.2 Bell Telephone Laboratories 30<br />

4 La Pério<strong>de</strong> Genevoise 37<br />

Remerciements 73<br />

Annexes :<br />

A. Most Significant Works Realized by Martin Peter 75<br />

B. Quelques Cours Donnés par le Professeur Martin PETER au DPMC 77<br />

C. Thèses <strong>de</strong> Doctorat Dirigées par le Professeur Martin PETER 79<br />

D. Forschung und Ausbildung (1964) 81<br />

E. Avenir <strong>de</strong> la Physique (1969) 83<br />

F. <strong>Le</strong>s Problèmes <strong>de</strong> Notre <strong>Université</strong> (1969) 91<br />

G. <strong>Le</strong>s Rapports entre Théologie Protestante et Science Naturelle (1987) 101<br />

H. De re metallica (1990) 109<br />

I. Compte-rendu d’un mois <strong>de</strong> Physique au Japon (1990) 111<br />

J. Supraconductivité : Espoirs et Souvenirs (1994) 113<br />

K. Prix <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> (1995) 129<br />

L. Chemische Physik <strong>de</strong>r festen Stoffe – Ent<strong>de</strong>ckung, Erklärung, Synthese (2001) 137<br />

M. Hommage à Martin Peter par Bernard Vittoz, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’EPFL (2003) 145<br />

N. The last Laboratory Book of Martin Peter (2002) 147


À nos fils<br />

À nos petits-enfants<br />

À ses amis


L'aventure est osée. Je vais, dans ce qui suit,<br />

tenter <strong>de</strong> fixer en quelques pages, <strong>de</strong>s<br />

souvenirs encore bien vivants <strong>de</strong> celui dont la<br />

rencontre a été subite et définitive, tout comme<br />

son départ d'ailleurs.<br />

Plusieurs <strong>de</strong> ses anciens collaborateurs ont<br />

bien voulu me relater certains moments<br />

particuliers qu'ils ont vécus avec lui.<br />

Martin Peter avait 26 ans, j'en avais 24. Il<br />

s'était tracé <strong>de</strong>puis son plus jeune âge un<br />

parcours et fixé un but qui semblait toujours<br />

s'éloigner, une fois chaque étape atteinte. Il en<br />

parlait peu, mais je l'ai toujours perçu.<br />

J'ai instantanément compris que ma place<br />

allait <strong>de</strong>venir celle qui l'accompagnerait et<br />

l'assisterait, connaissant mes moyens et mes<br />

limites. Il me donna toute sa confiance et ses<br />

encouragements, souhaitant m'offrir un espace<br />

d'ouverture intellectuelle. Lorsqu'il m'expliquait<br />

les règles <strong>de</strong> la nature, <strong>de</strong>s notions <strong>de</strong><br />

philosophie, et répondait à mes questions, que<br />

j'orientais parfois d'ailleurs vers un sujet que je<br />

sentais être d'actualité pour lui, nous étions <strong>de</strong><br />

connivence, et le mon<strong>de</strong> autour <strong>de</strong> nous, pour<br />

quelques précieux instants, n'existait pas. Il<br />

m'incitait toujours <strong>de</strong> mille façons, à construire<br />

et à élargir mon espace. Si je n'atteignais pas<br />

le but qu'il eût peut-être souhaité pour moi, il<br />

ne me l'a jamais reproché.<br />

Introduction<br />

5<br />

Mais ces incitations m'ont procuré une<br />

admiration <strong>de</strong> toujours pour ceux qui aspiraient<br />

au perfectionnement <strong>de</strong> la connaissance. Elles<br />

ont répercuté sur moi le désir d'apprendre, <strong>de</strong><br />

comprendre et <strong>de</strong> donner à ceux dont j'avais la<br />

charge, la curiosité d'esprit avec ce que celleci<br />

ouvre comme perspectives.<br />

L'effort constant <strong>de</strong> compréhension <strong>de</strong>s<br />

obstacles qui nous entourent, avec les luttes<br />

qu'il implique, c'est comme une nacelle qui<br />

vogue sur les vagues. Quand celui-ci s'éteint,<br />

c'est le néant. Ceci, pour paraphraser une<br />

remarque bien connue dans le cercle <strong>de</strong>s amis<br />

<strong>de</strong> mon époux, tout en amplifiant son sens<br />

profond.<br />

Ce chemin parcouru, ces efforts pour résoudre<br />

les problèmes, souvent par une réflexion<br />

solitaire, parfois grâce aux échanges avec les<br />

amis qui le comprenaient, qui l'opposaient<br />

aussi, qui le stimulaient, j'ai voulu ici en donner<br />

<strong>de</strong>s aperçus.<br />

Si j'ai commencé ces mémoires avec le<br />

chapitre <strong>de</strong>s "Ancêtres", c'est parce que je<br />

pense que nos enfants, nos petits-enfants qui<br />

ont tous encore connu leur grand-père<br />

pourront, en lisant ces lignes, saisir le fil<br />

conducteur qui existe <strong>de</strong>puis plusieurs<br />

générations et a déjà guidé les premiers et<br />

insufflera peut-être aux suivants cette<br />

conviction qu'il y a <strong>de</strong>rrière eux un modèle, une<br />

tradition sur lesquels ils peuvent s’appuyer.


L'origine <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong> Martin Peter se trouve<br />

au Canton <strong>de</strong> Saint-Gall, dans le gros village<br />

<strong>de</strong> Sargans dans la vallée du Rhin. L'emblème<br />

<strong>de</strong> Sargans représente une oie blanche aux<br />

pattes jaunes d'or, déambulant sur fond bleu,<br />

le tout encadré <strong>de</strong> rouge. <strong>Le</strong> site est dominé<br />

par un château moyenâgeux construit à<br />

l'origine vers 1280. On a <strong>de</strong>s indices qu'il<br />

existait <strong>de</strong>puis l'époque romaine une tour <strong>de</strong><br />

gar<strong>de</strong> sur ce lieu. Une pério<strong>de</strong> agitée suivit<br />

durant laquelle une partie du château<br />

s'écroula. Puis tout le village <strong>de</strong> Sargans fut<br />

incendié par <strong>de</strong>s envahisseurs venus d'abord<br />

d'Appenzell, puis <strong>de</strong>s trois cantons suisses<br />

d'origine (Uri, Schwytz et Unterwald). <strong>Le</strong><br />

château fut reconstruit vers 1499 avec <strong>de</strong>s<br />

remparts. Sargans fut également protégé alors<br />

par <strong>de</strong>s fortifications, car l'endroit était très<br />

exposé. On a retrouvé mention <strong>de</strong> la famille<br />

PETER dès 1459, dans les archives du<br />

château. N'ayant jamais été anoblie, aucune<br />

armoirie <strong>de</strong> la famille PETER ne figure sur la<br />

frise <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> salle du château au côté <strong>de</strong><br />

Armoiries <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Sargans<br />

<strong>Le</strong>s Ancêtres<br />

7<br />

celles <strong>de</strong> plusieurs familles patriciennes <strong>de</strong><br />

l'endroit.<br />

Il est à mentionner qu'une ou <strong>de</strong>ux branches<br />

<strong>de</strong> la famille PETER rési<strong>de</strong>nt encore à<br />

Sargans au début du 21 ème siècle. En 2009,<br />

une cousine du nom d’Astrid-Elizabeth<br />

Zellweger-Peter prévoit d'organiser une<br />

gran<strong>de</strong> réunion, à l'occasion du 550 ème<br />

anniversaire <strong>de</strong> la famille.<br />

Je vais remonter jusqu'à l'arrière grand-père<br />

Andreas Peter, connu sous le nom <strong>de</strong> Resi<br />

Sepp. Ce qui signifiait, dans le langage local:<br />

Andreas, fils <strong>de</strong> Joseph (1848-1933). Une<br />

photographie le montre avec son fils Albin, son<br />

petit-fils Albin jr. et son arrière-petit-fils Martin,<br />

mon époux. Andreas était vigneron. Il travaillait<br />

aussi parfois dans la mine <strong>de</strong> fer <strong>de</strong> la<br />

montagne du Gonzen qui domine le village. <strong>Le</strong><br />

vin <strong>de</strong> Sargans a d'ailleurs un léger arrièregoût<br />

<strong>de</strong> fer. En tant que citoyen <strong>de</strong> Sargans,<br />

Andreas bénéficiait du droit d'utilisation du<br />

<strong>Le</strong> château <strong>de</strong> Sargans


Resi Sepp Peter et son arrière-petit -fils Martin<br />

"bois au sol" <strong>de</strong> la forêt domaniale qui<br />

appartenait à la Seigneurie <strong>de</strong>s Grisons-<br />

Maienfeld. C'est ainsi que chaque matin, avant<br />

le lever du jour et plusieurs heures avant <strong>de</strong> se<br />

mettre au travail dans son vignoble, il partait<br />

avec sa hache et sa luge ou sa charrette selon<br />

la saison, pour charger le fruit <strong>de</strong> son labeur<br />

matinal et le rapporter au village. Cette récolte<br />

lui procurait chaque fois environ 50 centimes à<br />

la vente. Avec ce pécule fidèlement acquis et<br />

mis <strong>de</strong> côté, il parvint à assurer un<br />

apprentissage à son fils Albin.<br />

Albin fit ses débuts d'apprenti dans une<br />

quincaillerie, tout en suivant les cours <strong>de</strong><br />

l'école professionnelle. Son maître, ayant<br />

convoqué le père, lui expliqua qu'Albin avait<br />

Famille <strong>de</strong> Resi Sepp Peter<br />

<strong>Le</strong>s Ancêtres<br />

8<br />

Resi Sepp et son épouse<br />

une intelligence si vive qu'il <strong>de</strong>vrait absolument<br />

faire <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s. Et c'est probablement grâce<br />

à une bourse cantonale que le jeune homme<br />

put être inscrit à l'Ecole privée Rosario à<br />

Zürich où il passa sa maturité fédérale. Puis il<br />

obtint quelques années plus tard le diplôme<br />

d'ingénieur agronome à l'Ecole<br />

Polytechnique Fédérale <strong>de</strong> Zürich. Il était<br />

requis, à la suite d'un tel diplôme, <strong>de</strong> faire un<br />

stage pratique dans une entreprise agricole et<br />

<strong>de</strong> rédiger un rapport <strong>de</strong> travail final. Albin<br />

partit donc pour la région du Toggenbourg (St<br />

Gall),et prit rési<strong>de</strong>nce dans l'Hôtel Löwen <strong>de</strong><br />

Bütschwil, tenu par la famille DUDLI. Cette<br />

famille, tenait le café et le restaurant et louait<br />

quelques chambres. Une cousine m'a raconté<br />

que lorsque le jeune ingénieur arriva, il fut bien<br />

reçu, car il avait déjà une soli<strong>de</strong> réputation.<br />

Alors que Katharina Dudli, la patronne,<br />

l'accompagnait dans les escaliers, pour lui<br />

montrer sa chambre, en tenant à la main une<br />

bougie, Albin, tout heureux <strong>de</strong> trouver là un<br />

lieu sympathique pour y rési<strong>de</strong>r pendant<br />

quelques mois, voulut embrasser "Mutter<br />

Dudli" . La flamme <strong>de</strong> la bougie fit alors roussir<br />

la barbe du jeune homme, et ainsi, son entrée<br />

dans la famille se fit avec la bonne humeur, car<br />

nul ne put retenir un sourire lors du souper.<br />

Quelques mots maintenant sur la famille<br />

DUDLI, puisqu'elle représente l'ascendance<br />

paternelle <strong>de</strong> Martin Peter sur laquelle on<br />

possè<strong>de</strong> encore plusieurs détails. <strong>Le</strong> Père<br />

Dudli était un homme très grand, plus <strong>de</strong><br />

1,85m, alors que les gens du Toggenburg<br />

étaient connus pour leur petite taille. Lui et son<br />

épouse eurent douze enfants dont les quatre<br />

premiers moururent avant d'atteindre une<br />

année. Sur les huit qui restaient, trois<br />

moururent au cours <strong>de</strong> leurs premières<br />

années. Il ne resta que cinq filles.<br />

Herr Dudli pratiqua d'abord le métier <strong>de</strong><br />

forgeron. <strong>Le</strong>s temps étaient durs et les<br />

paysans laissaient beaucoup <strong>de</strong> temps passer<br />

avant <strong>de</strong> payer leurs factures. <strong>Le</strong>s fers d'un


Jakob et Katherine Dudli<br />

cheval étaient souvent déjà usés lorsque son<br />

propriétaire revenait en faire poser <strong>de</strong><br />

nouveaux à son percheron. Une <strong>de</strong>s filles,<br />

Clara, qui <strong>de</strong>vait <strong>de</strong>venir l'arrière-grand-mère<br />

<strong>de</strong> Martin, nous a raconté qu'elle et ses sœurs<br />

étaient souvent envoyées par leur mère, pour<br />

frapper aux portes <strong>de</strong>s débiteurs et les prier <strong>de</strong><br />

régler leurs <strong>de</strong>ttes afin que celle-ci puisse<br />

acheter à manger pour la famille.<br />

Mais, alors que ses filles avançaient en âge,<br />

Jakob Dudli réalisa que jamais aucune<br />

d'elles ne trouverait un bon mari, avec un père<br />

forgeron qui avait tant <strong>de</strong> mal à gagner sa vie.<br />

On ne doit pas oublier qu'à cette époque, le<br />

<strong>de</strong>stin <strong>de</strong>s filles était <strong>de</strong> se marier et d'établir<br />

une lignée familiale. <strong>Le</strong>s prétendants et leurs<br />

familles y regardaient <strong>de</strong> près avant d'aller<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r la main d'une jeune-fille.<br />

<strong>Le</strong> Père Dudli décida alors <strong>de</strong> changer <strong>de</strong><br />

métier et, confiant dans le futur et les qualités<br />

<strong>de</strong> son épouse et <strong>de</strong> ses filles pour l'ai<strong>de</strong>r, il<br />

prit une importante hypothèque et acheta une<br />

belle maison qui <strong>de</strong>vint l'hôtel Löwen, où le<br />

couple ouvrit une auberge bien située au<br />

centre du village <strong>de</strong> Bütschwil (St Gall). C'est<br />

là que vint frapper à la porte, quelques années<br />

plus tard, notre jeune ingénieur.<br />

Albin remarqua rapi<strong>de</strong>ment une <strong>de</strong>s filles,<br />

Clara. Une fois son stage accompli et son<br />

rapport accepté par l'Ecole Polytechnique<br />

Fédérale <strong>de</strong> Zürich, il revint <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r la main<br />

<strong>de</strong> Clara. Elle allait <strong>de</strong>venir une compagne<br />

courageuse, économe et méthodique. Elle<br />

allait épauler son mari professionnellement et<br />

comme épouse et mère <strong>de</strong> famille, jusqu'à la<br />

mort <strong>de</strong> celui-ci.<br />

La maison "Löwen" est d'ailleurs toujours<br />

habitée actuellement par un mé<strong>de</strong>cin, fils d'une<br />

<strong>de</strong>s sœurs <strong>de</strong> Clara, Célina, dont le mari<br />

posséda une imprimerie. Une autre sœur,<br />

Frieda a épousé un fromager, possesseur<br />

d'une importante ferme dans le bourg <strong>de</strong><br />

<strong>Le</strong>s Ancêtres<br />

9<br />

Albin et Clara Peter-Dudli, grands-parents <strong>de</strong> Martin<br />

Dietfurt (St-Gall). Je l'ai encore rencontrée<br />

dans sa belle <strong>de</strong>meure, vers 1980.<br />

Albin se fit rapi<strong>de</strong>ment reconnaître par ses<br />

multiples qualités. C'est ainsi que le Canton <strong>de</strong><br />

Berne fit appel à lui pour prendre la direction<br />

<strong>de</strong> l'Ecole <strong>de</strong> fromagerie cantonale. La<br />

Molkerei Schule Rütti, située à Zollikofen,<br />

tout proche <strong>de</strong> Berne. C’était alors<br />

exceptionnel que les autorités d'un canton en<br />

Suisse nomment un ressortissant d'un autre<br />

canton, à un poste d'enseignement cantonal<br />

officiel. A cette époque, l'Ecole <strong>de</strong> fromagerie<br />

était très importante, car le canton <strong>de</strong> Berne<br />

était un riche canton agricole et les paysans<br />

qui désiraient donner une instruction soli<strong>de</strong> à<br />

leurs fils dans l'art <strong>de</strong> la fromagerie, les<br />

envoyaient se former à Zollikofen. Plus tard<br />

d'ailleurs, le grand-père Albin allait écrire un<br />

livre intitulé "<strong>Le</strong>hrbuch <strong>de</strong>r Emmenthaler<br />

Käserei" dans lequel il parle du fromage<br />

Emmenthal comme du roi <strong>de</strong>s fromages.<br />

La "Schule Rütti", nommée ainsi<br />

couramment, accueillait environ une trentaine<br />

d'élèves chaque année. <strong>Le</strong>s élèves y<br />

apprenaient tout ce qui concernait l'utilisation<br />

du lait, la confection du beurre, <strong>de</strong> multiples<br />

produits laitiers, à côté <strong>de</strong> la fabrication <strong>de</strong>s<br />

fromages variés. Il est à noter qu'Il y avait<br />

également à Zollikofen une école cantonale<br />

d'agriculture, la "Landswirtschftschule" à<br />

laquelle les jeunes paysans pouvaient acquérir<br />

les autres connaissances qui leur<br />

permettraient <strong>de</strong> prendre le relais <strong>de</strong> leurs<br />

parents. Lorsque les parents, cédaient la<br />

charge <strong>de</strong> l'entreprise familiale à leurs enfants,<br />

on construisait à côté <strong>de</strong> la maison principale,<br />

une habitation mo<strong>de</strong>ste. <strong>Le</strong>s parents s'y<br />

installaient alors. Cette petite maison, avait<br />

pour nom le Stöckli. Elle avait souvent<br />

beaucoup <strong>de</strong> charme, avec traditionnellement<br />

et comme presque <strong>de</strong>vant chaque ferme, un


Devant la Molkerei, Clara Peter assiste au départ <strong>de</strong><br />

son mari Albin pour l’EPFZ<br />

poirier qui étalait ses branches le long du mur<br />

sud. Et un banc sur lequel les grand-parents<br />

pouvaient jouir du soleil.<br />

La Molkerei Schule Rütti eut d'ailleurs, et<br />

pendant <strong>de</strong>s décennies, un rayonnement qui<br />

dépassa largement les limites cantonales. On<br />

trouvait encore dans les années soixante, dans<br />

la région du Chablais français <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>scendants <strong>de</strong>s élèves diplômés <strong>de</strong> cette<br />

école. Durant les années trente, on en<br />

retrouvait même certains qui s'étaient installés<br />

dans la région <strong>de</strong>s Grands Lacs aux Etats-<br />

Unis. L'un d'eux est une fois venu séjourner en<br />

Suisse avec son épouse américaine et leurs<br />

sept enfants, afin d'y rencontrer leurs différents<br />

"cousins" restés au pays.<br />

Albin et son épouse partirent donc pour<br />

"L'ETRANGER", peu <strong>de</strong> temps après leur<br />

mariage. C'est-à-dire qu'ils quittèrent la région<br />

St Galloise pour prendre racine dans le canton<br />

<strong>de</strong> Berne. Albin assuma la direction et<br />

l'enseignement <strong>de</strong> la Molkerei Schule à<br />

Zollikofen.<br />

Clara eut la charge d'un poste également<br />

rémunéré par le canton <strong>de</strong> Berne. Il était très<br />

rare à cette époque que soit donné à une<br />

femme une responsabilité semblable au niveau<br />

cantonal. Son cahier <strong>de</strong>s charges consistait à<br />

assurer la bonne marche <strong>de</strong> la maisonnée et<br />

ceci dans un budget annuellement alloué par<br />

Berne. <strong>Le</strong>s élèves vivaient dans les bâtiments<br />

<strong>de</strong> l'école. Ils étaient donc pensionnaires.<br />

La cuisine <strong>de</strong>vait être irréprochable. Chaque<br />

jour, Clara <strong>de</strong>vait faire les plans <strong>de</strong>s repas<br />

avec la cuisinière, personnage incontournable.<br />

il fallait veiller à faire <strong>de</strong>s provisions pour<br />

l'hiver. On encavait fruits et légumes <strong>de</strong><br />

saison, on salait les vian<strong>de</strong>s, on remisait les<br />

pommes <strong>de</strong> terre dans un lieu où elles ne<br />

<strong>Le</strong>s Ancêtres<br />

10<br />

Albin Peter quittant la Molkerei Schüle<br />

risquaient pas <strong>de</strong> germer. On pasteurisait les<br />

bocaux aux contenus multiples. On faisait <strong>de</strong>s<br />

confitures, Clara <strong>de</strong>vait s'assurer du bon<br />

fonctionnement <strong>de</strong> la buan<strong>de</strong>rie où chaque jour<br />

les gazes utilisées pour la fabrication <strong>de</strong>s<br />

fromages étaient soigneusement lavées et<br />

bouillies. <strong>Le</strong>s dortoirs <strong>de</strong>vaient être propres et<br />

ordonnés. <strong>Le</strong>s salles <strong>de</strong> cours et les<br />

laboratoires étaient par contre supervisés par<br />

les maîtres enseignants. Il y avait du<br />

personnel responsable pour le train <strong>de</strong> ferme<br />

quotidien, qui comprenait entre autre le soin<br />

<strong>de</strong>s cochons, nourris au petit-lait, et ceux <strong>de</strong> la<br />

basse-cour et du bétail.<br />

Deux <strong>de</strong>s élèves, probablement les plus<br />

avancés dans leurs étu<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>vaient, matin et<br />

soir à tour <strong>de</strong> rôle, aller chercher le lait à<br />

traiter, chez les paysans. <strong>Le</strong>s domaines<br />

individuels étant vastes, il fallait parcourir<br />

chaque fois une distance importante. Pendant<br />

<strong>de</strong> nombreuses années, ce fut la Jument Lise<br />

qui tira l'équipage. Lorsqu'il y avait les<br />

fromages à livrer, ceci se faisait au voyage<br />

d'aller, puisque la charrette n'était pas encore<br />

chargée avec les bidons <strong>de</strong> lait. Qu'il pleuve,<br />

qu'il neige, ou qu'il vente, que le soleil brille,<br />

rien ne <strong>de</strong>vait interférer avec ce <strong>de</strong>voir. <strong>Le</strong>s<br />

<strong>de</strong>ux conducteurs ont vécu toutes sortes<br />

d'aventures, car les parcours étaient souvent<br />

pleins d'embûches. <strong>Le</strong>s chemins étaient<br />

marqués <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s ornières, ou recouverts<br />

<strong>de</strong> glace selon les saisons.<br />

Clara Peter-Dudli <strong>de</strong>vait impérativement veiller<br />

au bon comportement <strong>de</strong>s élèves. On m'a<br />

assurée que jamais aucune <strong>de</strong>s employées <strong>de</strong><br />

l'entreprise ne fut dans l'obligation <strong>de</strong> se marier<br />

avec un <strong>de</strong>s élèves! En effet, il était<br />

inconcevable alors, qu'une femme enfante<br />

hors du mariage. Chaque année, après le<br />

départ d'une volée d'élèves pour les vacances,


Karl Schmid, le grand-père maternel <strong>de</strong> Martin<br />

les employées tiraient les matelas sur la place<br />

du village pour les battre, puis les retourner,<br />

les laissant quelques heures au soleil avant <strong>de</strong><br />

les traîner à nouveau vers les dortoirs.<br />

Après quelques années, le directeur <strong>de</strong> l'école,<br />

Albin PETER, diplômé <strong>de</strong> l'Ecole<br />

Polytechnique <strong>de</strong> Zürich, fut lui-même nommé<br />

Professeur au nouveau département <strong>de</strong><br />

Laiterie et Fromagerie <strong>de</strong> cette institution. Il fit<br />

alors l'acquisition d'une imposante<br />

motocyclette, suivie quelques années plus tard<br />

d'une automobile décapotable Renault, dont le<br />

démarrage du moteur se faisait encore à la<br />

manivelle. Ceci permettait au professeur Albin<br />

Peter <strong>de</strong> faire chaque semaine les parcours <strong>de</strong><br />

Berne à Zürich où il passait chaque fois<br />

plusieurs jours à enseigner aux étudiants <strong>de</strong><br />

son département.<br />

Quatre enfants naquirent dans la famille <strong>de</strong><br />

Clara et Albin. L'aîné fut appelé Albin (à <strong>de</strong>s<br />

fins <strong>de</strong> clarté, je parlerai <strong>de</strong> lui comme Albin fils<br />

temporairement), comme son père, selon la<br />

coutume. Il fut suivi par une sœur,Clari, puis<br />

par un frère Edouard et enfin par Friedi.<br />

Albin fils, avait la réputation d'être espiègle,<br />

comme le montre l'histoire qui suit: La salle à<br />

manger était située au premier étage <strong>de</strong> l'école<br />

et la cuisine juste en <strong>de</strong>ssous au rez-<strong>de</strong>chaussée.<br />

Un monte-charge activé à la main<br />

servait à faire circuler la vaisselle et les plats.<br />

<strong>Le</strong>s Ancêtres<br />

11<br />

Anna Schmid-Hunziker, grand-mère maternelle <strong>de</strong><br />

Martin<br />

Lorsque les élèves avaient besoin <strong>de</strong> quelque<br />

chose <strong>de</strong> la cuisine, ils criaient et la cuisinière<br />

répondait en penchant la tête dans l'ouverture<br />

du passe-plats pour <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ce qui était<br />

désiré. Un jour la cuisinière entendant un<br />

"Bitte" (S.V.P.) reçu sur la tête le contenu d'un<br />

pot d'eau! Rien ne m'a été conté sur les<br />

conséquences qui ont suivi cette affaire!<br />

<strong>Le</strong> jeune Albin, parvenu à la fin <strong>de</strong> l'école<br />

secondaire, s'inscrivit, comme son père l'avait<br />

fait, à l'Ecole Polytechnique <strong>de</strong> Zürich, pour y<br />

poursuivre <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> chimie. Il fut membre<br />

d'une "fraternité" d'étudiants dans laquelle il<br />

fallait être parrainé par un étudiant plus avancé<br />

pour y être accepté. Lorsqu'il obtenut son<br />

diplôme, le parrain étudiant lui fit ca<strong>de</strong>au d'un<br />

bock à bière en faïence (Humpen), <strong>de</strong> large<br />

contenance, décoré et surmonté d'un<br />

couvercle ciselé en étain. Sur le couvercle était<br />

gravé : von Kabis für Dachs. Kabis(le chou)<br />

était le surnom <strong>de</strong> fraternité du parrain, et<br />

Dachs (le blaireau) celui <strong>de</strong> Albin fils. Je<br />

possè<strong>de</strong> encore ce témoignage du passé qui a<br />

été offert par sa cousine Edith à mon époux,<br />

lors <strong>de</strong> son 70 ème anniversaire.<br />

Albin fils poursuivit ses étu<strong>de</strong>s à l'Ecole<br />

Polytechnique après son diplôme d'ingénieur<br />

et obtint son doctorat, "Doktor <strong>de</strong>r technischen<br />

Wissenschaften" sous la supervision du<br />

Professeur Dr. H.E. FIERZ, intitulée: «Die<br />

Analyse von Azofarbstoffen".


Une fois le doctorat en main Albin fils épousa<br />

Anna Schmid, <strong>de</strong>scendante d'une famille<br />

d'industriels <strong>de</strong> vieille souche <strong>de</strong> la région<br />

zurichoise, dont le père enseignait la littérature<br />

alleman<strong>de</strong> à l'Ecole <strong>de</strong> Commerce <strong>de</strong> la ville.<br />

La mère, Anna Schmid-Hunziger, avait suivi<br />

les cours du séminaire et était <strong>de</strong>venue<br />

institutrice. Elle n'enseigna plus après le<br />

mariage, mais elle mit en pratique toute sa vie<br />

l'expérience acquise, car elle avait un grand<br />

sens <strong>de</strong> responsabilité sociale, et savait se<br />

rendre utile là où la nécessité existait. Ce fut<br />

en particulier le cas durant la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

première guerre mondiale (1914-1918)<br />

pendant laquelle elle organisa <strong>de</strong>s ateliers <strong>de</strong><br />

couture pour donner du travail aux épouses<br />

<strong>de</strong>s soldats mobilisés au front. En effet, à cette<br />

époque, il fallait compléter le revenu <strong>de</strong>s<br />

familles dont les hommes étaient sous les<br />

drapeaux, car les assurances étaient<br />

presqu'inexistantes.<br />

Albin, qui allait <strong>de</strong>venir le père <strong>de</strong> Martin,<br />

accepta un poste <strong>de</strong> chimiste chez la firme<br />

Sandoz à Bâle. Il y fit, durant 35 ans environ<br />

une carrière comme spécialiste <strong>de</strong>s colorants.<br />

Plusieurs couleurs, particulièrement<br />

résistantes au soleil, aux aci<strong>de</strong>s, aux abrasifs<br />

et qui pouvaient être appliquées à <strong>de</strong>s<br />

matières <strong>de</strong> tous genres, lesquelles n'étaient<br />

<strong>de</strong> loin pas limitées aux textiles, ont été<br />

découvertes par les soins et l'imagination <strong>de</strong><br />

Albin. Il obtint <strong>de</strong> nombreux brevets pour <strong>de</strong>s<br />

bases <strong>de</strong> colorants comme l'alizarin,<br />

l'anthrachinon, la phtaloganin, la lanasyn, les<br />

pigments <strong>de</strong> dispersion et les relcapigments. Il<br />

prit sa retraite, ayant assumé un poste <strong>de</strong><br />

directeur chez Sandoz durant ses <strong>de</strong>rnières<br />

années professionnelles. J'ai eu la chance, en<br />

tant que sa belle-fille, d'apprécier une partie <strong>de</strong><br />

ses talents. Sa gaîté naturelle apparaissait<br />

dans les moments <strong>de</strong> détente. Il conserva son<br />

sens <strong>de</strong> l’humour jusqu'à sa mort. Il avait<br />

également un talent pour répondre aux<br />

questions scientifiques et techniques que nous<br />

pouvions lui poser. Je me souviens d'une<br />

soirée où il m'expliqua avec force exemples et<br />

<strong>de</strong>ssins à l'appui, ce qu'était un nombre<br />

<strong>Le</strong>s Ancêtres<br />

12<br />

irrationnel. Fort heureusement, il ne me mit<br />

pas à l'épreuve, car lors <strong>de</strong> mes étu<strong>de</strong>s, je<br />

n'avais pas atteint ce <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> connaissances<br />

en mathématique! Mais j'ai été reconnaissante<br />

qu'il se donne tant <strong>de</strong> mal pour moi. Quant aux<br />

quelques petits-enfants qu'il a encore pu<br />

connaître, ils étaient sa joie.<br />

Albin passa une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> la guerre<br />

1940-1944 sous les drapeaux durant la "mob".<br />

Il fut capitaine dans l'artillerie <strong>de</strong> la<br />

Confédération Suisse. <strong>Le</strong>s canons étaient<br />

encore tirés par <strong>de</strong>s chevaux, ce qui donna<br />

l'occasion à "Grosspapa" <strong>de</strong> monter <strong>de</strong> temps<br />

en temps à cheval, Il en garda toujours un<br />

beau souvenir!<br />

Je veux rappeler spécialement à l'intention <strong>de</strong><br />

mes petits-enfants, que l'Armée Suisse qui n'a<br />

pas <strong>de</strong> général en temps <strong>de</strong> paix, avait élu à<br />

sa tête pendant la <strong>de</strong>rnière guerre mondiale, le<br />

Général Guisan qui assuma ses fonctions <strong>de</strong><br />

soldat et <strong>de</strong> patriote avec vision et un esprit <strong>de</strong><br />

décision extraordinaire. Il a une nouvelle fois<br />

cimenté l'unité <strong>de</strong> la Suisse le 25 juillet 1940,<br />

sur la prairie du Grütli face au conflit qui<br />

rongeait alors l'Europe. <strong>Le</strong> régiment d'artillerie<br />

<strong>de</strong> "Grosspapa" était donc placé sous le<br />

comman<strong>de</strong>ment du Général Guisan.<br />

Mon beau-père eut peu <strong>de</strong> loisirs pendant sa<br />

vie, mais il appliqua ses moments <strong>de</strong> détente à<br />

la photographie, domaine dans lequel il<br />

excella. Sa famille a dû parfois faire montre <strong>de</strong><br />

patience jusqu'à ce que les mises au point <strong>de</strong>s<br />

portraits lui paraissent satisfaisantes. Je<br />

conserve avec soin les albums qu'il nous a<br />

laissés. <strong>Le</strong>s paysages, les fleurs, les astres<br />

célestes même, qu'il fixait sur sa pellicule à<br />

l'ai<strong>de</strong> d'un télescope, sont <strong>de</strong>s témoins <strong>de</strong> ses<br />

dons.<br />

Pendant cette pério<strong>de</strong>, ses trois fils<br />

grandissaient. Son épouse Anna l'épaula avec<br />

intelligence et une fermeté dans leur<br />

éducation, dont ils ont parfois souffert et se<br />

sont plus tard souvent un peu moqué, mais qui<br />

a peut-être contribué à fortifier leur caractère.


1. Enfance et adolescence à Bâle<br />

En 1928, le premier fils Martin fit son entrée<br />

dans le mon<strong>de</strong>, suivi par <strong>de</strong>ux frères quelques<br />

années plus tard. <strong>Le</strong> second, Georg, doué <strong>de</strong><br />

talents artistiques remarquables allait <strong>de</strong>venir<br />

psychologue <strong>de</strong>s écoles <strong>de</strong> Bâle-Campagne. Il<br />

mourut encore très jeune, laissant sa veuve<br />

avec trois enfants en âge scolaire. <strong>Le</strong> ca<strong>de</strong>t,<br />

Andres, juriste, reprit peu à peu l'entreprise <strong>de</strong><br />

machines textiles qu'avait fondée son beaupère.<br />

La famille prit ses assises à Binningen,<br />

gros bourg du canton <strong>de</strong> Bâle-Campagne<br />

essentiellement habité à cette époque par <strong>de</strong>s<br />

gens <strong>de</strong> la terre et <strong>de</strong> petits artisans. Albin et<br />

Anna Peter-Schmid ayant acquis un lopin <strong>de</strong><br />

terre près du sommet <strong>de</strong> la colline, y firent<br />

construire la maison familiale dans laquelle les<br />

enfants eurent la chance <strong>de</strong> passer leur<br />

jeunesse. A cette époque, elle était entourée<br />

<strong>de</strong> prés, <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s fermes et <strong>de</strong> forêts. Pour<br />

les garçons, cet endroit offrait une liberté<br />

propice à leur santé et à leur développement.<br />

<strong>Le</strong>s quatre générations PETER (1928)<br />

Jeunesse et Etu<strong>de</strong>s en Suisse<br />

13<br />

L'école du village "Die Holleschule", grosse<br />

bâtisse rouge brique n'a laissé essentiellement<br />

à Martin que <strong>de</strong> bons souvenirs. Il posait<br />

souvent <strong>de</strong>s questions sur l'astronomie, sur la<br />

variation <strong>de</strong> la vitesse <strong>de</strong> l'eau dans les<br />

ruisseaux lorsque leur lit changeait <strong>de</strong> largeur.<br />

A celles-ci le maître qui aimait ses élèves,<br />

prenait la peine <strong>de</strong> s'informer pour ensuite leur<br />

donner une réponse que ses jeunes à l'esprit<br />

curieux pouvaient accepter.<br />

Martin à 7 ans sur le chemin <strong>de</strong> l’école (1935)


A l’école primaire <strong>de</strong> Binningen (1939)<br />

Martin m'a aussi conté, lors <strong>de</strong> promena<strong>de</strong>s<br />

que nous faisions parfois à Binningen,<br />

quelques épiso<strong>de</strong>s du parcours entre la<br />

maison et l'école. Ce parcours prenait plus ou<br />

moins <strong>de</strong> temps. Plusieurs anicroches eurent<br />

lieu avec <strong>de</strong>s propriétaires <strong>de</strong> parcelles <strong>de</strong>vant<br />

lesquelles les écoliers passaient, béret sur la<br />

tête et culottes courtes, soit parce que ceux-ci<br />

excitaient le chien, soit parce qu'ils sifflaient<br />

très fort entre leurs doigts, en se cachant<br />

<strong>de</strong>rrière un arbre pour effrayer les habitants.<br />

Lorsque Martin approcha <strong>de</strong>s 10 ans, la<br />

tension montait en Europe. Bâle n'était<br />

séparée <strong>de</strong> l'Allemagne alors nazie, que par le<br />

Rhin. <strong>Le</strong> chef <strong>de</strong> famille, Albin, partit pour<br />

l'armée où il passa <strong>de</strong> longs mois durant la<br />

"mob", comme officier d'artillerie. La mère<br />

Anna, fut obligée d’assumer mille travaux<br />

supplémentaires, comme toutes celles dont les<br />

époux étaient sous les drapeaux: il fallait<br />

recharger chaque matin les boulets <strong>de</strong> charbon<br />

dans la chaudière dont les parois <strong>de</strong>vaient être<br />

passées au grattoir régulièrement afin d'en<br />

débarrasser les scories. Il fallait s'assurer que<br />

le bloc <strong>de</strong> glace du frigidaire était encore<br />

suffisant sinon la maman <strong>de</strong>vait faire appel au<br />

livreur afin qu'il passe avec sa charrette. Une<br />

fois un bloc sélectionné, celui-ci jetait un sac<br />

<strong>de</strong> jute sur son épaule et y faisait glisser la<br />

masse glacée pour la déposer ensuite sur le<br />

porche. La maman avait toujours besoin d'ai<strong>de</strong><br />

Jeunesse et Etu<strong>de</strong>s en Suisse<br />

14<br />

ensuite pour mettre le nouveau bloc en place.<br />

Et les chaussettes ! Avec trois garçons et un<br />

mari dont il fallait gar<strong>de</strong>r les pieds au chaud<br />

pendant les hivers particulièrement durs <strong>de</strong>s<br />

années 1939 à 1943; elle passait la plupart <strong>de</strong><br />

ses soirées à en tricoter ou à en ravau<strong>de</strong>r.<br />

Je me souviens que, comme les jeunes <strong>de</strong> ma<br />

génération qui avaient passé les années <strong>de</strong><br />

guerre en Europe <strong>de</strong> l'Ouest, cette habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

ravau<strong>de</strong>r allait <strong>de</strong> soi. Plus tard, lorsque nous<br />

vivions aux Etats-Unis, je consacrais souvent<br />

les dimanches après-midi à remettre en état<br />

les chaussettes <strong>de</strong> mes 3 petits garçons,<br />

pendant qu'ils jouaient au jardin. Mes voisins<br />

trouvaient cette activité très drôle. Ils tentaient<br />

parfois <strong>de</strong> me convaincre <strong>de</strong> son inutilité. Mais<br />

il m'a fallu du temps pour m'adapter aux<br />

facilités qu'offre <strong>de</strong> plus en plus le commerce<br />

du vêtement. De nos jours, il suffit d'un trou<br />

pour que l'objet transite vers les chiffons!<br />

<strong>Le</strong> Plan Wahlen qui avait été largement<br />

accepté par la population, obligeait chacune ou<br />

chacun à planter <strong>de</strong>s légumes sur la moindre<br />

parcelle <strong>de</strong> terre qui entourait son habitat. Il<br />

fallait donc labourer, retourner, planter - surtout<br />

<strong>de</strong>s pommes <strong>de</strong> terre - puis sarcler et faire un<br />

sort aux mauvaises herbes dont on nourrissait<br />

les lapins ou les poules. La Suisse, en effet,<br />

dépendait en temps <strong>de</strong> paix d'une importation<br />

très gran<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>nrées alimentaires pour<br />

nourrir sa population. Il fallait prévoir les temps<br />

<strong>de</strong> pénurie, qui ne tar<strong>de</strong>raient d'ailleurs pas à<br />

arriver.<br />

Durant les années <strong>de</strong> guerre, il était conseillé<br />

aux femmes et aux enfants <strong>de</strong> quitter la région<br />

<strong>de</strong> Bâle qui était très exposée; ceci au moins<br />

pendant les vacances scolaires d'été. Martin,<br />

avec sa mère et ses frères, passèrent<br />

plusieurs longues pério<strong>de</strong>s dans une ferme<br />

d'un petit village <strong>de</strong> montagne blotti entre les<br />

massifs du Hohgant, <strong>de</strong> la AugstMatthorn et<br />

du Gemmenalphorn au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Interlaken.<br />

C'était Habkern. Traduit en français, cela veut<br />

dire "autour", qui est une sorte d'épervier<br />

vivant sur ces sommets sauvages. J'en<br />

parlerai à nouveau dans un chapitre ultérieur.<br />

Sa mère, qui jouait bien du piano, lui fit étudier<br />

cet instrument dès l'âge <strong>de</strong> 8 ans. Il fit ses<br />

débuts avec une maîtresse scrupuleuse et<br />

étroitement exigeante. Plus tard, lorsqu'il<br />

atteignit l'âge du collège, il eut la chance <strong>de</strong><br />

continuer avec l'un <strong>de</strong>s meilleurs maîtres <strong>de</strong><br />

Bâle, le professeur Ehrsam, décédé vers 1998.<br />

Cet homme marqua son jeune élève d'une<br />

empreinte profon<strong>de</strong>.


A l'âge <strong>de</strong> 16 ans Martin a écrit une<br />

dissertation intitulée "Mes rapports avec la<br />

musique", dans laquelle il décrivait sa<br />

préparation d'une sonate <strong>de</strong> Mozart jusqu'à<br />

son exécution lors d'une audition, et tous les<br />

moments d'anxiété et <strong>de</strong> découragement par<br />

lesquels il avait passé. Une fois l'épreuve<br />

réussie, il réalisa qu'il avait peut-être été un<br />

exécutant acceptable. Néanmoins, l'appel vers<br />

les sciences naturelles l'attirait intensément.<br />

<strong>Le</strong>s Sciences semblaient lui offrir un espace<br />

dans lequel sa créativité pourrait se<br />

développer. Il continua cependant les étu<strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong> piano jusqu'à la fin <strong>de</strong>s années <strong>de</strong> collège<br />

et élargit beaucoup son répertoire.<br />

Lorsque Martin obtint sa maturité et allait<br />

quitter Bâle, son maître Ehrsam envoya à son<br />

ancien élève une photographie <strong>de</strong> lui-même,<br />

en souvenir. Derrière cette photo, il écrivit:<br />

"Martin Peter, zum freundlichen<br />

Ge<strong>de</strong>nken an unsere musikalischen, psychologischen,<br />

sozialpolitischen, physikalischen<br />

und literarischen Besprechungen.<br />

Herzensgrüsse." (Basel, 28 nov. 1947)<br />

Dans les années qui suivirent, et à part<br />

quelques brèves pério<strong>de</strong>s qui lui permirent <strong>de</strong><br />

Martin et son frère Georg aux éclaireurs (1941)<br />

Jeunesse et Etu<strong>de</strong>s en Suisse<br />

15<br />

se remettre au piano, d'autres priorités<br />

s'imposèrent et Martin dut y renoncer<br />

définitivement. Il resta par contre toujours très<br />

sensible à la musique. Mozart a été son<br />

préféré.<br />

Martin fut membre d'un groupe d'éclaireurs<br />

(Pfadfin<strong>de</strong>r), section <strong>de</strong> Wal<strong>de</strong>ck à Binningen.<br />

Il y vécut <strong>de</strong>s moments importants durant son<br />

adolescence. En particulier, les camps annuels<br />

à l'occasion <strong>de</strong>squels chacun pouvait et <strong>de</strong>vait<br />

faire preuve d'imagination et d'habileté pour<br />

construire ponts, foyers au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>squels<br />

bouillait la marmite, accrochée qu'elle était à<br />

trois fortes branches. La réussite <strong>de</strong> la soupe<br />

était indispensable si les estomacs <strong>de</strong> la<br />

troupe voulaient se trouver satisfaits. <strong>Le</strong><br />

raffinement n'était pas requis. <strong>Le</strong>s jeunes<br />

ajoutaient simplement à l'eau et au sel tous les<br />

légumes qu'ils pouvaient obtenir <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s<br />

paysans voisins du camp. <strong>Le</strong>s tentes<br />

entourées <strong>de</strong> rigoles bien creusées, <strong>de</strong>vaient<br />

protéger les dormeurs contre les infiltrations<br />

d'eau, etc.<br />

Il faut remarquer que Martin n'avait jamais<br />

accès à la cuisine chez lui. L'apprentissage <strong>de</strong><br />

cet art lui a beaucoup manqué plus tard,<br />

lorsqu'il est venu étudier aux USA.<br />

Heureusement que, <strong>de</strong> nos jours, les garçons<br />

sont souvent <strong>de</strong> fins cuisiniers! Il a fallu leur<br />

donner leur chance! Mais à cette époque cela<br />

ne figurait pas ou rarement dans l'éducation<br />

<strong>de</strong>s jeunes garçons.<br />

De ces camps, <strong>de</strong>s longs tours en vélos avec<br />

les éclaireurs, il gardait <strong>de</strong>s souvenirs<br />

lumineux. Il s'y est formé un groupe <strong>de</strong><br />

camara<strong>de</strong>s avec lesquels il a cultivé durant<br />

plusieurs années un contact épistolaire. J'ai eu<br />

en main le livre <strong>de</strong>s règlements <strong>de</strong> ces<br />

éclaireurs. Martin y avait coché toutes les<br />

épreuves qu'il avait réussies. Lorsque je suis<br />

venue pour la première fois chez ses parents<br />

en Suisse, mariée <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux années, Martin<br />

m'a fait enfourcher le vélo d'un <strong>de</strong> ses frères<br />

pour me montrer un <strong>de</strong>s fameux parcours sur<br />

la montagne du Blauen qui domine le pays<br />

bâlois. C'était la première fois que je pédalais<br />

sur une bicyclette d'homme et mon sens<br />

d'équilibre a été mis à ru<strong>de</strong> épreuve.<br />

Martin consacrait beaucoup <strong>de</strong> son temps libre<br />

à bricoler, à lire et à inventer. La radio était<br />

alors dans les familles un objet intouchable<br />

pour les enfants. <strong>Le</strong>s tubes radio sautaient<br />

facilement ! Donc il décida <strong>de</strong> fabriquer luimême<br />

une radio – dont le schéma est<br />

reproduit en fin <strong>de</strong> chapitre – pour voir<br />

comment cela fonctionnait. L'argent <strong>de</strong> poche


La mère <strong>de</strong> Martin, Anna Peter-Schmid (1941)<br />

(5 frs par mois en ce temps-là), ne suffisait en<br />

tous les cas pas à l'achat <strong>de</strong>s pièces<br />

nécessaires. Sa mère fit ce qu'elle pouvait, en<br />

vidant sa chambre <strong>de</strong> couture pour la cé<strong>de</strong>r à<br />

Martin afin qu'il puisse mettre en application<br />

ses idées, sans arracher à ses <strong>de</strong>ux jeunes<br />

frères une partie <strong>de</strong> leur surface <strong>de</strong> jeux.<br />

Pour compléter ses revenus mensuels, il<br />

partait les jours <strong>de</strong> congé scolaire, au temps<br />

<strong>de</strong>s labours, <strong>de</strong>rrière la charrue d'un paysan et<br />

ramassait les souris sauvages qui sautaient<br />

hors <strong>de</strong>s sillons tracés. La boîte accrochée à<br />

son cou se remplissait <strong>de</strong> nombreux petits<br />

mammifères grouillants. Martin allait les vendre<br />

soit dans <strong>de</strong>s laboratoires d'expérimentation<br />

pharmaceutique, soit au "Café <strong>de</strong>s Tropiques",<br />

<strong>Le</strong> village <strong>de</strong> Sargans<br />

Jeunesse et Etu<strong>de</strong>s en Suisse<br />

16<br />

qui était tenu à Bâle par <strong>de</strong>ux anciens<br />

chasseurs d'Afrique. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s tables du<br />

café étaient en plaques <strong>de</strong> verre sous<br />

lesquelles se lovaient toutes sortes <strong>de</strong><br />

serpents affamés.<br />

De plus, une partie <strong>de</strong>s vacances scolaires<br />

d'été, Martin alla remplir les <strong>de</strong>voirs d'ai<strong>de</strong> aux<br />

paysannes, dont les maris ou fils étaient à<br />

l'armée. C'était une obligation fédérale durant<br />

cette pério<strong>de</strong>. Il fit ceci dans la famille <strong>de</strong> ses<br />

ancêtres à Sargans, St-Gall, canton d'origine<br />

<strong>de</strong> la famille. Il se plaisait à ses travaux durs<br />

<strong>de</strong> plein air. Ce qu'il n'apprécia guère, était le<br />

souper quotidien qui se composait toujours <strong>de</strong><br />

flocons d'avoine cuits sur lesquels était<br />

déposée une épaisse couche <strong>de</strong> purée <strong>de</strong><br />

pommes et le tout recouvert par la mère <strong>de</strong><br />

famille, <strong>de</strong> sbrinz râpé, juste avant que chacun<br />

y plonge sa cuiller! Martin m'a raconté qu'il<br />

essayait <strong>de</strong> se servir en évitant le fromage,<br />

mais la matrone avait vite fait <strong>de</strong> mélanger le<br />

tout à l'ai<strong>de</strong> d'une énorme spatule en bois!<br />

C'était ça ou bien, aller se coucher avec<br />

l'estomac vi<strong>de</strong>. Et Martin ne voulait surtout pas<br />

donner l'impression qu'il n'appréciait pas.<br />

Enfin, il avait certainement bien travaillé, car il<br />

revint dans sa famille après ce séjour rupestre,<br />

avec une santé raffermie et 40 francs en<br />

poche, qu'il s'empressa <strong>de</strong> mettre dans la<br />

petite caisse <strong>de</strong> la future radio.<br />

Martin avait tendu sur l'avant un joli morceau<br />

<strong>de</strong> tissu écossais, reste d'un vêtement que sa<br />

mère avait confectionné. C'est ainsi qu'un<br />

beau jour, lorsqu'il estima que l'appareil était<br />

bien terminé, il poussa le bouton et la radio<br />

commença à grésiller. Cela marchait!<br />

Peu <strong>de</strong> temps après, durant le repas <strong>de</strong> midi<br />

pour lequel son père rentrait toujours, faisant le<br />

voyage aller-retour en bicyclette entre les<br />

laboratoires Sandoz au bord du Rhin et leur<br />

maison sur la colline, soit environ 10 km par<br />

parcours et 100 mètres <strong>de</strong> montée et <strong>de</strong><br />

Maison familiale à Binningen (1937)


Martin à 14 ans (1942)<br />

<strong>de</strong>scente, la sonnette <strong>de</strong> la maison retentit.<br />

C'était la police dont les services avaient<br />

détecté un signal radio non autorisé.<br />

En Suisse, chaque propriétaire <strong>de</strong> radio<br />

réceptrice homologuée paie une re<strong>de</strong>vance. A<br />

cette époque, la re<strong>de</strong>vance était bien par<br />

famille, mais très rares étaient les familles qui<br />

possédaient 2 postes. Ce n'était pas prévu!<br />

Par surcroît, ce spécimen ne pouvait pas être<br />

homologué. Il a fallu que le père explique à ces<br />

messieurs ce qui en était. Mais l'argument ne<br />

fut pas accepté par la maréchaussée. La radio<br />

naquit puis dormit. Je l'ai encore vue lorsque je<br />

suis venue pour la première fois dans ma<br />

nouvelle famille à Binningen 15 ans plus tard.<br />

Enfin, pour Martin, il avait réalisé un spécimen<br />

qui l'avait intrigué. Il a d'ailleurs toujours eu<br />

une prédilection pour développer <strong>de</strong>s projets et<br />

ne s'est donc pas morfondu après cette<br />

mésaventure! Elle n'a en rien affaibli son goût<br />

pour l'expérimentation!<br />

J'ai retrouvé les budgets et comptes tapés à la<br />

machine par Martin jeune homme, car son<br />

père lui avait fait ca<strong>de</strong>au d'une machine à<br />

écrire marque ERICA en lui disant qu'il <strong>de</strong>vait<br />

apprendre à taper aussi tôt que possible. C'est<br />

d'ailleurs plus tard, sur cette même machine,<br />

que j'ai mis sur papier le texte <strong>de</strong> la thèse <strong>de</strong><br />

doctorat <strong>de</strong> Martin en 1955! Six années plus<br />

tard, j'y ai tenu la correspondance entre les<br />

USA et la Suisse pour l'installation du nouvel<br />

Jeunesse et Etu<strong>de</strong>s en Suisse<br />

17<br />

Place <strong>de</strong> la cathédrale à Bâle, où est situé le<br />

Humanistisches Gymnasium<br />

institut dont il allait assumer la direction à<br />

<strong>Genève</strong>.<br />

Martin était <strong>de</strong> plus très organisé, et les feuilles<br />

tapées ainsi et que j'ai retrouvées<br />

<strong>de</strong>rnièrement, dévoilent les projets <strong>de</strong><br />

vacances scolaires qu'il s'imposait vers l'âge<br />

<strong>de</strong> 15 ans:<br />

Chaque jour:<br />

• Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> piano<br />

• Préparation d'examens pour les éclaireurs<br />

• Technique <strong>de</strong> la photo ; projet récepteurradio,<br />

5 tubes, 4 watts<br />

• <strong>Le</strong>ctures: Jung, Gotthelf,Goethe (Wilhelm<br />

Meisters <strong>Le</strong>hrjahre et Faust), Dunant le<br />

penseur, Œuvres <strong>de</strong> Platon.<br />

C'est au Humanistisches Gymnasium <strong>de</strong> Bâle<br />

que Martin fit son école secondaire entre 1939<br />

et 1947. Cette institution était située au cœur<br />

<strong>de</strong> la ville, sur la colline. La porte d'entrée<br />

ouvrait sur la place <strong>de</strong> la belle cathédrale en<br />

grès rose qui domine le Rhin. <strong>Le</strong>s parcours<br />

quotidiens furent alors presque i<strong>de</strong>ntiques à<br />

ceux <strong>de</strong> son père. Martin fait une <strong>de</strong>scription<br />

<strong>de</strong> ces parcours scolaires que je cite<br />

textuellement:<br />

« Au début <strong>de</strong> l’année scolaire, au printemps,<br />

je partais le matin <strong>de</strong> bonne heure sur mon<br />

vélo, en dévalant la colline <strong>de</strong> Binningen.<br />

N’avais-je pas pourtant oublié un cahier ou un<br />

livre ? La réponse étant souvent positive, il me<br />

fallait rebrousser chemin péniblement pour<br />

compléter ce qui manquait. J’accélérais alors<br />

mon tempo, pour rattraper le temps perdu et<br />

passais la frontière qui sépare le <strong>de</strong>mi-canton<br />

<strong>de</strong> Bâle-Campagne <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> Bâle-Ville. A<br />

partir <strong>de</strong> ce point, <strong>de</strong> nombreux agents <strong>de</strong><br />

police surveillaient le trafic et j’étais obligé<br />

d’adapter ma vitesse aux règlements. J’avais


alors un peu le temps <strong>de</strong> réfléchir à <strong>de</strong>s plans<br />

<strong>de</strong> futur plus ou moins réalistes. Je me<br />

<strong>de</strong>mandais aussi quelle excuse acceptable je<br />

pourrais présenter à l’entrée du gymnasium<br />

pour justifier un retard à l’arrivée. En général je<br />

parvenais à la place <strong>de</strong> la Cathédrale où se<br />

situait la vénérable institution et je pénétrais<br />

sans être remarqué dans ce lieu où j’allais<br />

<strong>de</strong>venir tout œil et toute oreille pendant <strong>de</strong><br />

longues heures.<br />

En fin d’après-midi, je luttais aussi vite que<br />

possible sur la pente rai<strong>de</strong> <strong>de</strong> la colline qui me<br />

ramenait vers notre maison. Ici et là, quelques<br />

camara<strong>de</strong>s du quartier reprenaient leur souffle<br />

et échangeaient leurs impressions sur <strong>de</strong>s<br />

bribes <strong>de</strong> sagesse qui leur avaient été<br />

inculquées durant la journée. On discutait<br />

aussi <strong>de</strong> tout et <strong>de</strong> rien. Au temps <strong>de</strong>s grosses<br />

chaleurs estivales, ceci se passait à l’ombre <strong>de</strong><br />

quelques arbres. En automne, nous<br />

choisissions celle <strong>de</strong>s arbres fruitiers car nous<br />

trouvions dommage <strong>de</strong> ne pas profiter <strong>de</strong>s<br />

fruits mûrs qui étaient tombés par terre. Mais<br />

souvent, nous ne pouvions pas résister à<br />

quelques fruits qui étaient encore sur les<br />

arbres. Ainsi, il fallait compter douze minutes<br />

pour parvenir à l’école. Pour le retour on<br />

prévoyait en général presqu’une heure ! »<br />

<strong>Le</strong>s maîtres du collège possédaient tous une<br />

vaste culture et dominaient en général<br />

largement les matières qu'ils enseignaient. Je<br />

cite à nouveau les paroles d'alors <strong>de</strong> Martin,<br />

paroles qu'il a notées plus tard <strong>de</strong> mémoire<br />

dans une brève autobiographie à laquelle je<br />

me réfèrerai <strong>de</strong> temps en temps, désirant dans<br />

ces cas me tenir aussi près que possible <strong>de</strong><br />

ses propres <strong>de</strong>scriptions :<br />

« Dès la première année au Gymnasium, nous<br />

avons eu <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> mathématique. <strong>Le</strong><br />

professeur était Herr ZICKENDRAHT <strong>de</strong><br />

l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Bâle. Puis, <strong>de</strong>ux ans plus tard<br />

débutaient les cours <strong>de</strong> chimie. Ce n’est<br />

cependant que pendant la <strong>de</strong>rnière année<br />

avant le diplôme <strong>de</strong> maturité que j’ai été<br />

introduit à la physique par un mathématicien,<br />

le professeur BATCHELET. Il a été nommé<br />

plus tard à l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Zürich. Il a été un<br />

maître vraiment inspirant. Il consacrait<br />

volontiers <strong>de</strong> longues heures en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong><br />

l’horaire imposé, pour introduire quelques<br />

étudiants sélectionnés à <strong>de</strong>s notions plus<br />

avancées que celles qui faisaient partie du<br />

programme <strong>de</strong> préparation à l’examen <strong>de</strong><br />

maturité « classique ». C’est grâce à<br />

Professeur BATCHELET que j’ai pu acquérir<br />

quelques notions d’Analyse qui étaient<br />

Jeunesse et Etu<strong>de</strong>s en Suisse<br />

18<br />

Martin, ses parents Albin et Anna<br />

et ses frères Georg et Andres (1946)<br />

exigées pour l’admission à l’Ecole Polytechnique<br />

<strong>de</strong> Zürich.<br />

C’est ainsi que j’ai pu franchir la barrière entre<br />

les étu<strong>de</strong>s classiques du Gymnasium et<br />

l’enseignement scientifique auquel je me<br />

<strong>de</strong>stinais. »<br />

Martin conserva pendant <strong>de</strong> nombreuses<br />

années les connaissances <strong>de</strong> la culture et <strong>de</strong>s<br />

langues anciennes qu'il avait acquises durant<br />

ses années <strong>de</strong> collège et il y eut recours plus<br />

tard à maintes occasions, surtout durant ses<br />

années <strong>de</strong> rectorat à l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>.<br />

Parmi les activités extra-scolaires <strong>de</strong> cette<br />

pério<strong>de</strong>, j'aime à citer la création, la mise en<br />

scène et l'interprétation <strong>de</strong> quelques pièces <strong>de</strong><br />

théâtre par les élèves du collège auxquelles<br />

Martin participa: EGMONT dans laquelle il joua<br />

le rôle du Comte d'Alba et Der Tanz ums<br />

gol<strong>de</strong>ne Kalb, comédie en 2 actes où il<br />

incarnait un lieutenant du type bouffon. (C'était<br />

lors <strong>de</strong> la célébration du diplôme <strong>de</strong> maturité).<br />

Une autre activité dont Martin a gardé un<br />

souvenir inoubliable a été sa participation<br />

durant toutes ces années <strong>de</strong> 1939 à 1947 au<br />

chœur du Humanistisches Gymnasium qui<br />

chantait dans les gran<strong>de</strong>s occasions à la<br />

cathédrale <strong>de</strong> Bâle.<br />

"O singet unserm Gott" <strong>de</strong> G.F. Hän<strong>de</strong>l, la<br />

cantate "Auf, Musensöhne, stimmt an <strong>de</strong>n<br />

San" <strong>de</strong> H. Purcell, et Laudi, du compositeur<br />

suisse Hermann Suter, le Tantum Ergo <strong>de</strong><br />

Mozart, un Sub Tuum Praesidium <strong>de</strong> Mozart,<br />

une messe en l'honneur <strong>de</strong> St-Nicolas, <strong>de</strong> J.<br />

Haydn, <strong>de</strong>s cantates <strong>de</strong> J.S. Bach et enfin, la<br />

Passion selon St-Mathieu <strong>de</strong> J.S. Bach.<br />

<strong>Le</strong> 2 avril 1944, à l'âge <strong>de</strong> 16 ans, Martin fit sa<br />

confirmation en l'Eglise Réformée <strong>de</strong>


Binningen "St-Margareth" avec le pasteur<br />

Neidhart.<br />

Martin obtint le diplôme <strong>de</strong> Maturité le 2 avril<br />

1947. La cérémonie <strong>de</strong> remise du diplôme eut<br />

lieu à la St-Martinskirche, la même église où<br />

allait lui être décerné le doctorat honoris causa<br />

<strong>de</strong> l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Bâle en 1994, soit 47 ans<br />

plus tard.<br />

L'année gymnasiale à Bâle se terminait au<br />

printemps et les cours à l'Ecole Polytechnique<br />

Fédérale <strong>de</strong> Zürich débutaient en automne. Ce<br />

qui donna l'occasion à Martin <strong>de</strong> suivre<br />

certains cours à l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> sa ville. En<br />

particulier, un cours par le professeur Heinrich<br />

BARTH sur "Sein und Zeit" du philosophe<br />

HEIDEGGER et un cours d'Analyse en<br />

mathématique par le professeur OSTROVSKY.<br />

Ceci le prépara pour l'entrée à la Section IX,<br />

Physique et Mathématique, <strong>de</strong> l'ETHZ.<br />

2. Etu<strong>de</strong>s à l'Ecole Polytechnique<br />

<strong>de</strong> Zürich.<br />

En septembre 1947, ce fut le départ pour<br />

Zürich où il allait être accueilli chez ses grands<br />

parents maternels, Prof. et Frau Karl Schmid-<br />

Hunziker à Wollishofen. Il y résida pendant<br />

toute la durée <strong>de</strong> ses étu<strong>de</strong>s à l'Ecole<br />

Polytechnique <strong>de</strong> Zürich, <strong>de</strong> 1947 à 1952. Sa<br />

chambre jouxtait le bureau <strong>de</strong> son grand-père<br />

et lorsqu'il voulait se détendre, il avait tout loisir<br />

<strong>de</strong> lire quelques pages <strong>de</strong> littérature alleman<strong>de</strong><br />

qui en couvraient les étagères. La fenêtre,<br />

<strong>de</strong>puis la colline <strong>de</strong> Wollishofen donnait une<br />

vue libératrice sur le lac <strong>de</strong> Zürich. Durant<br />

cette pério<strong>de</strong>, il consacra environ 500 jours à<br />

l'armée suisse, tout d'abord en tant que recrue,<br />

puis comme sous-officier. A Bière, il se forma à<br />

l'Ecole d'Officiers <strong>de</strong> l'Artillerie et <strong>de</strong>vint<br />

lieutenant. C'est durant ces quelques mois qu'il<br />

apprit à conduire les gros camions militaires. Il<br />

me fit un jour une <strong>de</strong>scription d'un parcours sur<br />

la route qui conduit à Hérémence et qui, étroite<br />

et sinueuse, n'était pas encore goudronnée en<br />

1951. L'expression courante était qu'il fallait<br />

scier pour réussir à prendre un virage avec<br />

succès.<br />

La cérémonie <strong>de</strong> la nomination au gra<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

lieutenant eut lieu au Château <strong>de</strong> Chillon. <strong>Le</strong>s<br />

parents <strong>de</strong>s nouveaux officiers y étaient<br />

également conviés et vinrent partager ce grand<br />

moment avec leur fils aîné.<br />

il fallait encore "payer ses galons", ce que<br />

Martin fit par la suite à la caserne du Monte<br />

Jeunesse et Etu<strong>de</strong>s en Suisse<br />

19<br />

Martin lieutenant d’artillerie (1951)<br />

Ceneri. <strong>Le</strong>s chefs, voulant faciliter une initiation<br />

<strong>de</strong>s jeunes suisses alémaniques à la langue<br />

du Tessin, leur procurèrent <strong>de</strong>s livres d'italien<br />

que l'armée suisse avait achetés aux surplus<br />

<strong>de</strong> l'armée alleman<strong>de</strong>.<br />

Je vais ici citer textuellement ce que Martin<br />

Peter a écrit au sujet <strong>de</strong> ses étu<strong>de</strong>s à Zürich :<br />

"The four years that followed were a rich<br />

experience: ZIEGLER's Mechanics,<br />

GONSETH's Analysis, HOPF's Linear<br />

Algebra and Topology, PFLUGER's Theory<br />

of Complex Functions, ECKMANN's<br />

Combinatorial Science, and Differential<br />

Geometry, even STIEFEL's Darstellen<strong>de</strong><br />

Geometrie and the Projective Geometry by<br />

KOLLROS, were presented in excellent<br />

courses with instructive exercises.<br />

Experimental Physics was given in the<br />

famous SCHERRER lectures.”<br />

Prof. Paul SCHERRER, <strong>de</strong> l’EPFZ


A la fin <strong>de</strong>s cours, le professeur SCHERRER<br />

avait coutume <strong>de</strong> rester pour discuter avec ses<br />

étudiants aussi longtemps qu'ils étaient<br />

intéressés aux problèmes développés. <strong>Le</strong>s<br />

discussions portaient également sur maints<br />

sujets hors <strong>de</strong> la physique propre. Un jour la<br />

question porta sur les possibilités <strong>de</strong> carrière.<br />

Scherrer leur dit que la carrière la plus<br />

probable serait celle d'enseigner à l'école<br />

secondaire, mais qu'il y avait <strong>de</strong>s douzaines <strong>de</strong><br />

candidatures pour chaque ouverture <strong>de</strong> poste.<br />

Puis, il y avait l'éventualité d'être appelé à un<br />

poste <strong>de</strong> professeur d'université, ce qui arrivait<br />

une fois tous les dix ans environ. D'autre part,<br />

et pour ceux qui ne pouvaient pas attendre, il y<br />

avait la possibilité <strong>de</strong> travailler aux<br />

Laboratoires BELL aux USA, ce qui donnait<br />

l'occasion <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> la recherche à plein<br />

temps et d'être en plus bien rémunéré. Mon<br />

mari m'a raconté que cette phrase n'était pas<br />

tombée dans l'oreille d'un sourd, car il décida<br />

sur-le-champ qu'il aspirerait vers cette voie si<br />

l'occasion se présentait.<br />

Je continue la <strong>de</strong>scription qu'a faite Martin<br />

Peter sur le curriculum à l'ETHZ:<br />

“The exercises administered by H.<br />

FRAUENFELDER and W. KÄNZIG were<br />

masterly constructed and therefore most<br />

instructive. After I had han<strong>de</strong>d my first series of<br />

answers, Profs. Werner Känzig and Hans<br />

Frauenfel<strong>de</strong>r gave me a fatherly talking; since<br />

all my answers were fully wrong. –" did I really<br />

want to continue?" In view of my career plans<br />

<strong>de</strong>scribed above, I had to say, -"yes I want to".<br />

And I believe that, from then on, all my<br />

exercises were correct. Some Solid State<br />

Physics was given by Georg BUSCH, who<br />

was also faithfully present in the "Praktikum".<br />

Theoretical Physics was given by the great<br />

Prof. Georg BUSCH <strong>de</strong> l’EPFZ<br />

Jeunesse et Etu<strong>de</strong>s en Suisse<br />

20<br />

WOLFGANG PAULI. The courses were hardly<br />

un<strong>de</strong>rstandable, but fortunately there existed<br />

excellent course notes by THELLUNG,<br />

SCHAFROTH and others. The titles of these<br />

courses were: Electrodynamics,<br />

Thermodynamics, Statistical Mechanics,<br />

Optics and Electron Theory. No course on<br />

Quantum Theory was required.”<br />

« J’ai préparé ma thèse <strong>de</strong> diplôme sous la<br />

direction <strong>de</strong> Professeur Werner KÄNZIG. <strong>Le</strong>s<br />

résultats obtenus ont été publiés sous le titre :<br />

« Critical Domain Size of Ferroelectrics »dans<br />

Physical Review <strong>Le</strong>tters, (PRL) 85, 940-<br />

941,1952, dont une <strong>de</strong>scription plus complète<br />

figure dans Helvetica Physica Acta (HPA) 26,<br />

521, 1953.<br />

J’ai passé les épreuves du diplôme <strong>de</strong><br />

physicien avec les meilleures notes en 1952 et<br />

j’ai reçu à cette occasion la Médaille KERN.<br />

Je ne connaissais même pas alors l’équation<br />

<strong>de</strong> SCHRÖDINGER (Physique quantique). »<br />

Quelques jours <strong>de</strong> détente ont tout <strong>de</strong> même<br />

trouvé leur place durant les congés <strong>de</strong> Noël.<br />

<strong>Le</strong>s parents avaient organisé <strong>de</strong>ux ou trois<br />

séjours à Grin<strong>de</strong>lwald dans un hôtel où la<br />

famille <strong>de</strong> Martin et celle d'une famille cousine<br />

se retrouvaient. A ces occasions, l'oncle FRITZ<br />

MULLENER, directeur <strong>de</strong>s sports du canton <strong>de</strong><br />

Berne enseigna les techniques du ski d'alors à<br />

En haut : Anna et Albin Peter, les parents <strong>de</strong> Martin.<br />

En bas : Georg et Andres, ses <strong>de</strong>ux frères (1955).


Cours <strong>de</strong> Stemmbogen (1946)<br />

Jeunesse et Etu<strong>de</strong>s en Suisse<br />

tous les cousins et cousines. C'était l'époque<br />

du Stemmbogen et du Christiania. Ces<br />

quelques rares vacances ont beaucoup<br />

compté pour Martin.<br />

Son professeur <strong>de</strong> travail <strong>de</strong> diplôme lui<br />

proposa <strong>de</strong> faire une thèse avec lui sur le sujet<br />

<strong>de</strong>s "Forces <strong>de</strong> Van <strong>de</strong>r Waals" entre <strong>de</strong>ux<br />

soli<strong>de</strong>s. Mais Martin désirait partir à l'étranger.<br />

Ainsi Prof. PAUL SCHERRER lui rédigea une<br />

recommandation pour le Prof. SLATER au<br />

Massachusetts Institute of Technology à<br />

Cambridge, aux Etats-Unis, (MIT).<br />

Avant son départ, conscient qu'il lui faudrait<br />

connaître les éléments <strong>de</strong> la Mécanique<br />

Quantique, <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> l'Atlantique, il<br />

partit sur les dunes <strong>de</strong> Hollan<strong>de</strong>, pour y passer<br />

quelques semaines avec le livre <strong>de</strong> SCHIFF<br />

"Quantum Mechanics" qui lui avait été<br />

recommandé par son ami Kurt ALDER, comme<br />

lui, ancien élève du Professeur Paul Scherrer.<br />

K. Al<strong>de</strong>r allait plus tard <strong>de</strong>venir Professeur <strong>de</strong><br />

Physique théorique à l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Bâle<br />

après avoir passé <strong>de</strong>ux années au Danemark.<br />

C'est en septembre 1952 que Martin Peter<br />

s'embarqua pour les USA.<br />

Schéma conçu par Martin pour la radio qu’il a construite pendant ses années <strong>de</strong> collège<br />

21


Jeunesse et Etu<strong>de</strong>s en Suisse<br />

Vue artistique du bâtiment principal <strong>de</strong> l’Ecole Polytechnique Fédérale <strong>de</strong> Zurich (EPFZ)<br />

L’Institut <strong>de</strong> Physique <strong>de</strong> l’EPFZ<br />

22


1. Massachusetts Institute of<br />

Technology.<br />

C'est en septembre 1952 que Martin Peter<br />

s'embarqua en Hollan<strong>de</strong> pour les USA sur un<br />

ancien navire militaire allemand converti en<br />

paquebot civil, le Groote Bear. Ce navire<br />

n'était pas prévu pour le confort <strong>de</strong>s passagers<br />

et tanguait violemment. Martin n'avait pas le<br />

pied marin et m'a raconté ses souffrances<br />

jusqu'à ce qu'un passager bienveillant lui<br />

donne quelques comprimés <strong>de</strong> dramamine!<br />

Il aborda à New York et s'informa <strong>de</strong>s moyens<br />

ferroviaires pour atteindre Boston. Avant <strong>de</strong><br />

quitter l'Europe, il avait étudié son vieil atlas<br />

scolaire suisse et avait constaté que Boston se<br />

trouvait à la latitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Naples. Dans sa hâte,<br />

Il n'avait par contre pas pris en considération<br />

l'influence du courant du Labrador en<br />

préparant sa valise. Octobre est très beau en<br />

Nouvelle-Angleterre. On l'appelle "the Indian<br />

Summer". C'est un enchantement coloré<br />

flamboyant. Mais gare aux premiers frimas!<br />

Martin trouva à se loger à la Bay State Road à<br />

Boston, rue parallèle à la rivière Charles, chez<br />

une veuve un peu fouineuse, mais qui ne se<br />

souciait guère <strong>de</strong> la propreté et du confort <strong>de</strong><br />

ses locataires. Je ne le connaissais pas encore<br />

cette année-là. Il m'a fait quelques <strong>de</strong>scriptions<br />

<strong>de</strong> ses débuts.<br />

J'aimerais préciser qu'en 1952, un étudiant qui<br />

partait pour les USA savait que les contacts<br />

avec sa famille ne seraient pas aisés. Très<br />

rares étaient ceux qui pouvaient s'offrir l'avion.<br />

Une communication téléphonique n'était pas<br />

envisageable dans un budget normal. <strong>Le</strong> câble<br />

n'avait pas encore été posé entre l'Europe et<br />

les USA. La correspondance "avion" existait,<br />

mais il faillait compter une dizaine <strong>de</strong> jours<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

23<br />

entre l'envoi d'une lettre et la réception <strong>de</strong> sa<br />

réponse.<br />

Martin avait été reçu aux USA avec un visa <strong>de</strong><br />

visiteur pour une année, ce qui lui permettait<br />

d'être simple auditeur à MIT. Comme il était<br />

décidé à poursuivre ses étu<strong>de</strong>s, il fallait qu'il<br />

entre à la "Graduate School". Ceci nécessitait<br />

une préparation intense avec <strong>de</strong>s cours<br />

nouveaux. Ceux qui réussissaient ensuite les<br />

examens écrits et les examens oraux étaient<br />

acceptés. <strong>Le</strong> prix d'inscription aux cours <strong>de</strong><br />

MIT était très élevé. Martin Peter utilisa le<br />

sol<strong>de</strong> <strong>de</strong> son prix KERN <strong>de</strong> l'Ecole<br />

Polytechnique <strong>de</strong> Zürich, ainsi que le montant<br />

d'une bourse d'une année qui lui avait été<br />

accordée par la Confédération pour y faire en<br />

partie face. Il informa son père qui décida <strong>de</strong><br />

lui garantir le budget nécessaire pour le reste.<br />

Je mentionne ici une anecdote à ce sujet.<br />

Lorsque son père voulut faire procé<strong>de</strong>r à<br />

l'envoi, il s'adressa à la filiale locale <strong>de</strong> sa<br />

banque en Suisse. <strong>Le</strong> préposé l'assura qu'il<br />

savait vers quelle banque <strong>de</strong> Boston la somme<br />

serait expédiée. Martin ne voyant rien venir<br />

après une quinzaine <strong>de</strong> jours, reprit la plume.<br />

La situation <strong>de</strong>venait critique. Entre temps, la<br />

banque bâloise fut informée que la somme<br />

avait été retournée, car la banque <strong>de</strong>stinatrice<br />

n'existait pas. La chose fut alors corrigée.<br />

Mais entre temps un professeur suisse <strong>de</strong> MIT,<br />

Heiner MEDICUS introduisit Martin auprès du<br />

doyen <strong>de</strong>s étudiants étrangers, le professeur<br />

Nathaniel FRANK, qui le reçu et l’informa que,<br />

si il s'inscrivait à la préparation <strong>de</strong>s examens<br />

d'entrée à la "Graduate School", MIT, au vu<br />

<strong>de</strong>s notes obtenues à Zürich, pourrait lui<br />

proposer un poste d'assistant-préparateur pour<br />

les expériences <strong>de</strong> cours <strong>de</strong> trois professeurs.


Martin le remercia et lui répondit que son<br />

intention, en venant aux Etats-Unis, était<br />

d'étudier et qu'un tel poste ne lui en donnerait<br />

pas la possibilité. <strong>Le</strong> doyen qui était fin<br />

psychologue, s'excusa alors, invoquant un<br />

ren<strong>de</strong>z-vous et <strong>de</strong>manda encore au jeune<br />

homme <strong>de</strong> quelle somme il disposait. La<br />

réponse fut –" I have still 80 $". Ce à quoi le<br />

doyen suggéra un autre ren<strong>de</strong>z-vous huit jours<br />

plus tard.<br />

Comme les fonds avaient dangereusement<br />

diminués durant ce laps <strong>de</strong> temps, Martin, mis<br />

en face <strong>de</strong> la réalité, accepta l'offre qui lui avait<br />

été faite. Un tel poste offrait alors une<br />

rémunération <strong>de</strong> 80 $ par mois.<br />

Martin n'ayant pas <strong>de</strong> connaissances<br />

culinaires, comme je l'ai mentionné<br />

auparavant, partit cependant au supermarché<br />

pour y faire quelques achats. Puis il alla<br />

acheter un réchaud <strong>de</strong> camping à une<br />

quincaillerie. Au moment où il quitta le<br />

magasin, il découvrit que le sac contenant les<br />

provisions avait disparu. C'était mal parti !<br />

Martin décida donc <strong>de</strong> se rabattre sur les cafés<br />

du coin. Dans le quartier, ceux-ci étaient<br />

nombreux et offraient <strong>de</strong>s repas bon marché<br />

qui satisfaisaient les ventres creux, mais rien<br />

<strong>de</strong> plus. Fi d'une alimentation équilibrée!<br />

J'ai lu ces <strong>de</strong>rniers temps <strong>de</strong> nombreuses<br />

lettres du grand-père <strong>de</strong> Zürich qui <strong>de</strong>vait se<br />

faire du souci, car dans chacune d'elles, il<br />

recommandait à Martin <strong>de</strong> prendre soin <strong>de</strong> sa<br />

santé, lui disant que si on perd ce capital, on<br />

ne le retrouve pas. Martin traversa là une<br />

pério<strong>de</strong> difficile. Entre-temps, l'hiver avait<br />

frappé la Nouvelle-Angleterre. <strong>Le</strong>s<br />

températures étaient <strong>de</strong>venues glaciales. La<br />

traversée quotidienne du long pont sur la<br />

Charles River, qui sépare Boston <strong>de</strong><br />

Cambridge, était redoutable pour celui qui<br />

n'avait qu'un imperméable comme coupevent<br />

! Martin souffrait constamment <strong>de</strong><br />

bronchite et <strong>de</strong> sinusite. Quand je l'ai connu, je<br />

lui ai fait acheter une bouilloire électrique pour<br />

se faire au moins <strong>de</strong>s citronna<strong>de</strong>s chau<strong>de</strong>s. Je<br />

n'ai pas perdu <strong>de</strong> temps avant <strong>de</strong> lui tricoter un<br />

bonnet <strong>de</strong> laine noir qui a d'ailleurs été le<br />

premier d'une lignée qui s'est allongée toute sa<br />

vie, car ils ont essaimé au fur et à mesure<br />

dans <strong>de</strong>s endroits aussi divers qu'introuvables.<br />

Je vais laisser la suite au texte original <strong>de</strong><br />

Martin auquel je tiens à me tenir pour les<br />

détails concernant la partie professionnelle et<br />

scientifique <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong>.<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

24<br />

"At MIT, I entered M.W.P. STRANDBERG's<br />

laboratory at the Research Laboratories of<br />

Electronics (RLE) to work on microwave<br />

spectroscopy. In spite of my still precarious<br />

status as "exchange visitor", I soon got a job<br />

as teaching assistant, with responsibility for the<br />

experimental courses of Francis BITTER (of<br />

Bitter's magnet fame), ROSSI (cosmic rays)<br />

and Sandy BROWN (plasma physics). Also, I<br />

was allowed to take the entrance exams for<br />

graduate studies. Thanks to my teachers in<br />

Zürich, and SCHIFF's excellent textbook<br />

studied in Holland prior to my coming to MIT, I<br />

passed with highest marks and entered the<br />

graduate curriculum. Also helpful was another<br />

Swiss named MUELLER, as well as two former<br />

PAULI stu<strong>de</strong>nts, Profs. Felix VILLARS and<br />

Vicky WEISSKOPF."<br />

J'interromps le texte <strong>de</strong> Martin, car c'est au<br />

moment où Martin allait passer ses examens<br />

écrits pour l'entrée à la "graduate school" que<br />

nous nous sommes rencontrés. Moi j'étudiais à<br />

la BOSTON UNIVERSITY, <strong>de</strong> l'autre côté <strong>de</strong> la<br />

rivière, tout en faisant <strong>de</strong>s heures <strong>de</strong> bureau<br />

chez la Dean of Women <strong>de</strong> l'université. Bon, je<br />

laisse le physicien continuer la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong><br />

sa vie à MIT!<br />

"Professor WEISSKOPF's course on Quantum<br />

Electrodynamics was an inspiring experience.<br />

As a so-called "minor" subject, I studied<br />

Electrical Engineering, with courses in the<br />

synthesis of lumped circuits, but also on<br />

Information Theory (WIENER filters etc). The<br />

exercises for these courses took much time,<br />

and so did my job as teaching assistant.<br />

Things came to a head when Prof. BITTER<br />

asked me to set up a <strong>de</strong>monstration of the<br />

laws of Special Relativity. I went to work,<br />

building a small accelerator, using a VAN DE<br />

GRAAF generator, an accelerator tube for<br />

electrons, a bending section for these<br />

electrons in a magnet, and a piece of glass as<br />

<strong>de</strong>tector for the 250 keV electron beam.<br />

Plotting the accelerating voltage against the<br />

bending field, clearly <strong>de</strong>monstrated relativity.<br />

However, I completely had forgotten - or better,<br />

never heard of - radiation safety. So, by the<br />

time I had succee<strong>de</strong>d to produce a nice blue<br />

spot on my glass <strong>de</strong>tector, I also had produced<br />

a remarkable headache about which I<br />

complained. "They" then sent in a radiation<br />

safety officer who did not take long to <strong>de</strong>tect<br />

enough Rads, so that he left my room as fast<br />

as he had come in. As a consequence, my<br />

machine was ma<strong>de</strong> safe, and it's <strong>de</strong>sign even<br />

published (<strong>Le</strong>cture Demonstration of<br />

Relativistic Behavior of Electrons, published in


“American Journal of Physics", vol. 23, p. 515,<br />

1955). Little did I know then, that this<br />

publication came almost 50 years after<br />

basically the same experimental set up had<br />

been used by Charles Eugène GUYE,<br />

professor of experimental physics in GENEVA,<br />

to give the first direct experimental<br />

confirmation of EINSTEIN's new Theory of<br />

Relativity. And even less could I imagine that<br />

seven years later, I would become the<br />

successor of the same Charles Eugène GUYE.<br />

N.B. C’est Charles Eugène Guye (1866-1942) qui,<br />

d'après Einstein a fourni la meilleure vérification<br />

expérimentale <strong>de</strong> la variation <strong>de</strong> la masse en<br />

fonction <strong>de</strong> la vitesse, une variation qui était<br />

postulée par la théorie <strong>de</strong> la Relativité.<br />

Another immediate consequence of my<br />

glorious but dangerous <strong>de</strong>monstration was that<br />

the triad of Professors for whom I toiled as a<br />

lecture <strong>de</strong>monstrator, <strong>de</strong>ci<strong>de</strong>d to look for<br />

another teaching assistant, and to send me on<br />

into a Research Assistantship. From that time<br />

on, and until my nomination in GENEVA, I<br />

could <strong>de</strong>vote myself to research exclusively.<br />

My thesis adviser, Malcolm Woodrow Pershing<br />

STRANDBERG (a former stu<strong>de</strong>nt of VAN<br />

VLECK), had started by testing the solidity of<br />

my Quantum Mechanics knowledge, by<br />

handing me a long and difficult article on<br />

Triatomic Molecules, and their microwave<br />

spectrum due to rotation coupled to vibrational<br />

mo<strong>de</strong>s. Having gone through this trial, he told<br />

me to find one such rotation-vibration<br />

frequency in OCS, which was still unknown,<br />

although firmly predicted to exist, but to be<br />

much weaker than any lines seen before.<br />

I therefore set out to build a microwave<br />

spectrometer bigger and better than any which<br />

had been built previously, with the gas OCS in<br />

a very long wave gui<strong>de</strong>, and using very long<br />

integration times for measurement. The line I<br />

sought did however not show up, and the<br />

spectrometer turned out to produce noises<br />

erratically. After many long days, followed by<br />

long nights of measuring, I finally talked to the<br />

old eccentric man down the hall, who spent all<br />

his nights on his milling machine, making parts<br />

for some secret microwave system. The man's<br />

name was Rex INGRAM. He talked very little,<br />

preferring to communicate by cryptic remarks.<br />

That night, he inquired on the state of my<br />

frustrating work, and he said: "the solution to<br />

your problem is bee's wax ".<br />

The next day, I bought a pot full of that magic<br />

substance; wrapped my spectrometer in a<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

25<br />

M. Peter experimenting at MIT Research Laboratories<br />

of Electronics (1954)<br />

heater and drenched it with bee's wax. And<br />

in<strong>de</strong>ed! There was the line. The noises had<br />

been of acoustical origin, and were now<br />

damped out. Furthermore, the heater<br />

enhanced the population of my excited states<br />

by a large amount. And so, the line appeared<br />

although it had been hid<strong>de</strong>n behind another<br />

line already known. The only written record of<br />

this experiment and proof is an abstract of a<br />

communication to the American Physical<br />

Society, and a mention in TOWNES's book on<br />

"Microwave Spectroscopy".<br />

What followed was a contract with the SIGNAL<br />

CORPS, to build a novel Microwave<br />

Spectrometer, in which the wave gui<strong>de</strong> was<br />

replaced by a complex antenna system in a big<br />

vacuum tank, and the gas, by a large-size<br />

Molecular Beam, so that the absorption<br />

spectrum could be observed without the<br />

precision limiting Doppler Effect. This<br />

apparatus, for which the Signal Corps paid to<br />

MIT a respectable 100'000 $, did work, but<br />

never as well as it should, in spite of a five<br />

years of hard labor on that system. The work is<br />

<strong>de</strong>scribed in my PhD thesis (which was at that<br />

time a rather informal document), and also by<br />

a technical Report No 1- August 26 1956,<br />

supplement to final progress report of March<br />

17, 1958 on a Signal Corps contract, edited by<br />

the Research Laboratory of Electronics (RLE),<br />

MIT.


Non negligible spinoffs are the building of the<br />

first phase stabilized microwave oscillator<br />

(publ. In Proc. I.R.E, Vol 45 No 7, p. 869,<br />

1955) and an article on high-field Stark Effect<br />

in Linear Rotors (J. Chem. Phys 26, p. 1657,<br />

1957).<br />

In view of the hard labor <strong>de</strong>livered in this<br />

project, I got my PhD in 1955. The ceremony in<br />

the Auditorium maximum was unforgettable,<br />

the doctor's hood impressive. Ever since I<br />

regret the utterly bureaucratic way in which our<br />

Geneva University <strong>de</strong>livers its diplomas."<br />

J'interjette à nouveau quelques faits<br />

personnels. En effet, Martin et moi nous nous<br />

étions rencontrés dans les tout premiers mois<br />

<strong>de</strong> l'année 1953. En juin 1954, je passais mon<br />

examen <strong>de</strong> "Associate of Art" à Boston<br />

University et nous avons pu nous marier une<br />

semaine plus tard chez mon oncle Henri<br />

DOLL, frère <strong>de</strong> mon père et remarquable<br />

physicien qui avait été un <strong>de</strong>s pionniers <strong>de</strong><br />

l'entreprise Schlumberger au sein <strong>de</strong> laquelle il<br />

contribua par <strong>de</strong>s travaux essentiels. Parmi<br />

ceux-ci, le "carottage électrique" qui permet <strong>de</strong><br />

mesurer les variations <strong>de</strong> résistivité <strong>de</strong>s<br />

couches terrestres à l'ai<strong>de</strong> d'une son<strong>de</strong><br />

électrique qu'on fait <strong>de</strong>scendre dans un trou<br />

percé d'avance. Ceci est à la base <strong>de</strong>s futures<br />

détections <strong>de</strong>s champs pétrolifères (1933).<br />

Plus tard cet oncle effectua un grand nombre<br />

<strong>de</strong> travaux pendant les années <strong>de</strong> guerre, à<br />

Houston (Texas) où s'était installée la<br />

Schlumberger, pour les systèmes <strong>de</strong> détection<br />

<strong>de</strong>s mines et <strong>de</strong> téléguidage <strong>de</strong>s fusées. Dès<br />

la fin <strong>de</strong> la guerre, il avait créé un laboratoire<br />

<strong>de</strong> recherche important à Ridgefield (Conn), le<br />

Schlumberger-Doll Research Center. Ce<br />

laboratoire fut d'abord appelé EMR (Electro-<br />

Magnetic Research). Il a continué à se<br />

spécialiser dans <strong>de</strong> nombreux domaines <strong>de</strong><br />

l'électricité et du magnétisme, toujours à <strong>de</strong>s<br />

fins d'applications. Il est resté à Ridgefield<br />

jusqu'en 2004 et vient d’être déplacé à<br />

Cambridge près <strong>de</strong>s grands centres<br />

universitaires <strong>de</strong> Harvard et MIT.<br />

C'est en 1952 que mon oncle m'avait invitée à<br />

venir aux USA <strong>de</strong>puis la France. J'avais<br />

débuté très jeune dans la vie professionnelle et<br />

je rêvais <strong>de</strong> compléter ma formation scolaire.<br />

Je dois lui porter une reconnaissance à vie.<br />

Ainsi donc le mariage eut lieu chez lui à<br />

Ridgefield. C'est en l'église épiscopale locale<br />

<strong>de</strong> St Stephen, avec le pasteur Aaron<br />

Man<strong>de</strong>rbach et un ami, le pasteur Sewall<br />

Emerson <strong>de</strong> Boston, que notre union fut<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

26<br />

Notre mariage, Ridgefield, Conn., 12 juin 1954<br />

religieusement scellée. Mon oncle m'a<br />

conduite jusqu'à l'autel et un frère <strong>de</strong> mon<br />

beau-père, qui représentait Nestlé en<br />

Amérique du Sud, a accompagné Martin. Nos<br />

parents respectifs ont dû attendre une année<br />

avant <strong>de</strong> nous connaître. Nos <strong>de</strong>ux pères étant<br />

encore actifs professionnellement, ne<br />

pouvaient se permettre <strong>de</strong>ux voyages en<br />

bateau qui prenaient du temps. C'est d'ailleurs<br />

à l'occasion <strong>de</strong> notre mariage, que mon oncle<br />

avait commandé d'avance <strong>de</strong>ux communications<br />

téléphoniques vers Paris et Bâle afin<br />

que nos parents puissent au moins entendre<br />

nos voix et sentir que nous étions heureux.<br />

Ceci aura été le seul coup <strong>de</strong> téléphone que<br />

nous avons eu entre les USA et l'Europe<br />

jusqu'en 1960, six ans plus tard!<br />

Après le mariage, nous pûmes quitter<br />

Ridgefield aspergés <strong>de</strong> grains <strong>de</strong> riz par la<br />

famille et les trois cousines et leurs époux, et<br />

les amis qui avaient été invités, et prendre la<br />

route <strong>de</strong> retour vers Boston au volant d'une<br />

grosse Cadillac 1941 que mon oncle avait<br />

conduite <strong>de</strong>puis qu'il était arrivé aux Etats-Unis<br />

au début <strong>de</strong> la guerre et jusqu'à ce jour. J'étais<br />

la conductrice, car j'avais obtenu mon permis<br />

très tôt après mon arrivée aux USA, bien que<br />

ne possédant pas d'auto à cette époque.<br />

J'avais l'impression <strong>de</strong> conduire presque un<br />

camion! Et mon mari anxieux <strong>de</strong> souffrir du mal<br />

d'auto, comme il avait souffert du mal <strong>de</strong> mer,


a découvert que <strong>de</strong> ce côté-là, il n'y avait<br />

aucun problème. Nous avons pu alors nous<br />

installer dans un appartement, transportant<br />

nos avoirs sur une remorque que tirait la<br />

Cadillac, <strong>de</strong>puis nos <strong>de</strong>ux rési<strong>de</strong>nces<br />

estudiantines.<br />

Un autre ca<strong>de</strong>au nous attendait. Après la<br />

cérémonie du mariage, le pasteur Emerson<br />

nous remit en surprise la clé <strong>de</strong> son "cottage"<br />

familial au bord <strong>de</strong> la mer, dans l'Etat du<br />

Maine, et nous suggéra d'aller y passer une<br />

bonne semaine. Quel ca<strong>de</strong>au ! Nous avons<br />

découvert cette région boisée, avec ses baies<br />

étroites qui pénétraient profondément dans la<br />

terre. Nous avons aussi navigué à la rame<br />

dans la gran<strong>de</strong> baie du Penobscot, parfois<br />

entourés <strong>de</strong> petits phoques bruns qui<br />

aboyaient comme <strong>de</strong> jeunes chiens. Martin<br />

préparait les examens oraux dans cette<br />

atmosphère calme et moi je récoltais <strong>de</strong>s<br />

moules sur les rochers et les faisais cuire, à sa<br />

gran<strong>de</strong> frayeur. En effet, durant les années<br />

cinquante on ne trouvait pas <strong>de</strong> moules sur les<br />

marchés courants en Suisse. Il était anxieux<br />

<strong>de</strong> ce qui allait l'attendre ultérieurement.<br />

Quinze et dix-sept années plus tard, <strong>de</strong>ux <strong>de</strong><br />

nos fils allèrent passer un mois d'été avec<br />

cette famille Emerson, en les aidant à<br />

s'occuper <strong>de</strong> leurs trois enfants. L'un d'eux<br />

assista le Révérend à se construire une<br />

chapelle et l'autre à bâtir un atelier adossé à<br />

leur petite maison <strong>de</strong> bois. Pour ses enfants, le<br />

Révérend Emerson avait construit durant leur<br />

enfance, une dalle <strong>de</strong> béton <strong>de</strong>vant la maison<br />

et chaque été la famille y montait une large<br />

toile <strong>de</strong> tente. <strong>Le</strong> domaine habité par la famille<br />

Emerson <strong>de</strong>puis près d'un siècle voyait<br />

pousser <strong>de</strong> nouvelles cabanes avec chaque<br />

génération.<br />

Une année passa vite. Martin travaillait au<br />

laboratoire toute la journée et décrit ses<br />

travaux en anglais ci-<strong>de</strong>ssus. Moi j'étais<br />

d'abord active au département d'orientation<br />

professionnelle <strong>de</strong> mon université, tout en<br />

suivant les cours du soir. Une grand partie <strong>de</strong>s<br />

nuits se passait au laboratoire où je tenais très<br />

souvent compagnie à mon mari.<br />

En juin 1955, Martin obtint son PhD <strong>de</strong> MIT.<br />

J'avais tapé le texte sur sa petite machine à<br />

écrire, en collant les graphiques et photos <strong>de</strong><br />

l'équipement utilisé. Comme le dit Martin plus<br />

haut, la présentation en était informelle. C'était<br />

courant à Boston à cette époque.<br />

C'est donc une année après notre mariage,<br />

une fois le PhD. acquis, que nous avons<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

27<br />

<strong>Le</strong> Docteur ès philosophie, MIT, juin 1955<br />

décidé <strong>de</strong> partir. La traversée se fit sur le<br />

paquebot FLANDRE pour aller rencontrer nos<br />

parents et familles européennes respectives<br />

en France et en Suisse.<br />

Mes parents étaient venus nous chercher au<br />

Havre, pour nous conduire dans ma famille<br />

près <strong>de</strong> Paris et avaient réuni mes quatre frère<br />

et sœurs, chez eux. <strong>Le</strong>s parents <strong>de</strong> Martin<br />

nous joignirent en auto <strong>de</strong>puis Bâle. C'est avec<br />

eux que nous avons pris ensuite la route vers<br />

la Suisse quelques jours plus tard. J'eus même<br />

l'honneur <strong>de</strong> pouvoir <strong>de</strong> temps en temps tenir<br />

le volant <strong>de</strong> la nouvelle auto américaine à<br />

conduite automatique <strong>de</strong> mon beau-père.<br />

<strong>Le</strong>s parents <strong>de</strong> Martin Peter <strong>de</strong> Bâle, avaient<br />

organisé une réunion impressionnante dans un<br />

beau restaurant au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Berne, pour<br />

présenter l'épouse française (alsacienne) à la<br />

famille élargie <strong>de</strong> Berne et <strong>de</strong> Zürich. <strong>Le</strong>s<br />

frères <strong>de</strong> Martin, Georg et Andres, offrirent une<br />

"Schnitzelbank". C'est une façon traditionnelle<br />

à Bâle <strong>de</strong> représenter <strong>de</strong>s évènements<br />

importants. -La plus marquante <strong>de</strong> ces<br />

réalisations est créée annuellement à<br />

l'occasion du Basel Fastnacht.- La<br />

Schnitzelbank du jour était une <strong>de</strong>scription en<br />

quelques tableaux humoristiques<br />

accompagnés chacun d'un poème approprié et


en rimes, sur la jeunesse <strong>de</strong> Martin. Etaient<br />

présents à côté <strong>de</strong> ses parents, son oncle Karl<br />

SCHMID, professeur <strong>de</strong> littérature alleman<strong>de</strong>,<br />

et qui introduisait les étudiants romands du<br />

Poly aux subtilités <strong>de</strong> la langue alleman<strong>de</strong>. Il<br />

était alors recteur <strong>de</strong> l'Ecole Polytechnique <strong>de</strong><br />

Zürich, son épouse Elsie Attenhoffer, gran<strong>de</strong><br />

actrice qui avait été active courageusement<br />

pendant la guerre en jouant dans un cabaret à<br />

Zürich, le "cabaret Cornichon" dans <strong>de</strong>s<br />

sketches qui critiquaient les Nazis. Il semble<br />

que l'on ait retrouvé les textes <strong>de</strong> ses pièces<br />

après la guerre aux archives du Département<br />

<strong>de</strong>s Affaires Etrangères du Reich ; sa sœur<br />

Martha SCHMID, infirmière à la section <strong>de</strong>s<br />

nouveau-nés prématurés à l'hôpital <strong>de</strong> Zürich,<br />

les grands-parents maternels SCHMID <strong>de</strong><br />

Martin, <strong>de</strong> Zürich, chez qui il avait logé au<br />

temps <strong>de</strong> ses étu<strong>de</strong>s à l'EPFZ, et <strong>de</strong> nombreux<br />

autres parents, oncles, tantes, cousins et<br />

cousines du côté <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong> Martin. Dr.<br />

Paul DONZE m'a confirmé que, venant <strong>de</strong> la<br />

région francophone pour étudier à l'EPFZ, il<br />

avait bénéficié <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> l'oncle Karl qui<br />

prenait toujours le temps nécessaire pour ai<strong>de</strong>r<br />

ses étudiants à maîtriser l'allemand.<br />

A la suite <strong>de</strong> ces festivités familiales, Martin<br />

m'emmena pour une quinzaine <strong>de</strong> jours dans<br />

le village <strong>de</strong> Habkern, dans l'Oberland Bernois,<br />

où sa mère, ses frères et lui avaient passé<br />

toutes les vacances <strong>de</strong> guerre au premier<br />

étage d'une ferme typique <strong>de</strong> la région. J'en ai<br />

parlé au chapitre précé<strong>de</strong>nt. Ce séjour, en tant<br />

que nouvelle épouse <strong>de</strong> Martin, m'a laissé un<br />

souvenir enchanteur et a gran<strong>de</strong>ment<br />

rehaussé en moi un amour <strong>de</strong> la montagne qui<br />

ne m'a jamais quittée. Pendant la durée <strong>de</strong> ce<br />

séjour, nos parents, frères et sœurs se sont<br />

tous relayés pour passer quelques jours avec<br />

nous à Habkern, lieu si propice à <strong>de</strong>s<br />

promena<strong>de</strong>s remarquables.<br />

Avant <strong>de</strong> quitter l'Europe, nous rendîmes visite<br />

à mes grands-parents d'Alsace, dans le village<br />

<strong>de</strong> Eschentzwiller situé sur une colline qui<br />

domine la vallée du Rhin entre Mulhouse et<br />

Bâle. Martin décida <strong>de</strong> rentrer en bicyclette<br />

jusqu'à Bâle. Il longea le Rhin bien canalisé<br />

sur ce parcours, avec <strong>de</strong>s dalles <strong>de</strong> béton en<br />

pente qui <strong>de</strong>viennent visqueuses à l'approche<br />

<strong>de</strong> l'eau. <strong>Le</strong> paysage était beau. <strong>Le</strong> vélo<br />

s'approchait <strong>de</strong> plus en plus du cours du<br />

fleuve. Soudain il entraîna son conducteur<br />

avec lui dans les flots. Martin eut piètre figure<br />

en passant la douane avec ses vêtements<br />

déchirés et trempés. Il s'était à grand peine<br />

extirpé <strong>de</strong> l'eau après avoir trouvé une prise, et<br />

sauva aussi son vélo. De plus, sur son<br />

passeport venait d'être apposé le nouveau visa<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

28<br />

Martin Peter, 1955 aux USA<br />

américain, la "green card" qui lui permettait <strong>de</strong><br />

travailler normalement en Amérique et qui, par<br />

une chance incroyable n'avait pas souffert du<br />

bain.<br />

Mais la vie nous rappelait vers Boston, et c'est<br />

en avion que nous avons réintégré après cet<br />

été inoubliable, cette ville que nous aimions.<br />

Martin s'est remis au travail à MIT sur l'étu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> "MOLECULAR BEAM SPECTROSCOPY",<br />

MIT : molecular beam apparatus (1955)


avec un engagement <strong>de</strong> post doc qui <strong>de</strong>vait<br />

durer 2 années. Moi, je continuais mes cours<br />

le soir à l'<strong>Université</strong> et travaillais à mi-temps au<br />

Beth Israël Hospital au Département <strong>de</strong><br />

Psychologie jusqu'en avril 1956. Je passais<br />

souvent <strong>de</strong> longues soirées avec mon mari au<br />

laboratoire, faisant les calculs pour mes cours<br />

sur une machine à calculer infernale. La<br />

moindre erreur <strong>de</strong> logique déclenchait un bruit<br />

continu épouvantable, et je <strong>de</strong>vais appeler au<br />

secours pour l'interrompre.<br />

Lorsque le tank à vi<strong>de</strong> que Martin avait<br />

construit, fut terminé et que le niveau <strong>de</strong> vi<strong>de</strong><br />

fut suffisant pour discerner le rayon<br />

moléculaire et le spectre d'absorption du gas<br />

étudié, Martin me donna ordre d'aller dans le<br />

hall, car il n'était pas certain que les parois du<br />

tank allaient résister à l'implosion lors <strong>de</strong> la<br />

première expérience. Mais cela fonctionna!<br />

Souvent, vers minuit, nous allions prendre un<br />

"sunny si<strong>de</strong> up" (œuf au plat renversé) ou<br />

une bouillie <strong>de</strong> "oatmeal" dans le "diner" qui<br />

se trouvait dans la rue adjacente aux<br />

laboratoires <strong>de</strong> recherche électronique <strong>de</strong> MIT,<br />

avec une clientèle nocturne assurée à<br />

l'époque.<br />

Je ne sais pas si ces "diners" existent toujours,<br />

mais ils représentaient un avantage<br />

considérable pour les travailleurs <strong>de</strong> la nuit<br />

dans les villes, et ceci, 24h/24. C'était <strong>de</strong>s<br />

sortes <strong>de</strong> restaurants-bars installés dans<br />

d'anciens wagons <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> fer, au coin <strong>de</strong><br />

certaines rues ou sur <strong>de</strong>s places publiques.<br />

<strong>Le</strong> 21 mai 1956 naquit notre premier fils Robin.<br />

Deux mois après, nous avons migré <strong>de</strong> notre<br />

appartement vers la maison du professeur<br />

Felix VILLARS <strong>de</strong> MIT, à Watertown près <strong>de</strong><br />

Boston. Ce <strong>de</strong>rnier allant passer avec sa<br />

famille une année sabbatique au CERN à<br />

<strong>Genève</strong>, nous avait fait cette confiance. Sa<br />

famille a d'ailleurs logé pendant cette année à<br />

La Capite! Notre <strong>de</strong>uxième fils Henry est né le<br />

22 avril 1957 alors que nous vivions dans cette<br />

sympathique maison entourée d'un petit jardin.<br />

Quelles belles heures nous avons pu passer à<br />

Watertown!<br />

Je laisse à nouveau la parole à Martin:<br />

"After two more years as a Post Doc Research<br />

Associate, always in the same lab at MIT,<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

29<br />

came the recruiter from the fabulous BELL<br />

LABORATORIES that would bring me to<br />

Murray Hill, New Jersey. It was the logical, and<br />

yet slightly miraculous conclusion of my years<br />

of study, and the entry into professional life<br />

that my teacher Paul SCHERRER had once<br />

predicted."<br />

Après avoir quitté Boston, nous avons été<br />

passer un nouvel été en Europe. Cela<br />

représentait la transition entre les années<br />

d'étu<strong>de</strong>s et l'entrée dans la vie professionnelle<br />

<strong>de</strong> Martin. <strong>Le</strong> vol fut long et mouvementé! Nos<br />

<strong>de</strong>ux bébés étaient suspendus sur nos têtes<br />

dans <strong>de</strong>s hamacs et ne cessèrent <strong>de</strong> se<br />

manifester bruyamment toute la nuit. <strong>Le</strong>s<br />

voyages duraient alors environ 10 heures entre<br />

les USA et Paris, avec une étape en Islan<strong>de</strong> je<br />

crois. <strong>Le</strong>s jeunes garçons ont été accueillis<br />

avec enthousiasme par nos familles. Robin et<br />

Henry furent baptisés à Klosters, dans les<br />

Grisons, par le pasteur Conradin Gujan. Nous<br />

étions entourés <strong>de</strong> nos frères, sœurs, cousins,<br />

cousines, oncles, tantes, parrains et<br />

marraines. Ma grand-mère maternelle Anna<br />

Favre qui avait plus <strong>de</strong> 80 ans, avait même eu<br />

le courage <strong>de</strong> nous joindre dans ces<br />

montagnes pour cette belle journée.<br />

Nous avions acquis à notre arrivée en Europe<br />

une Volkswagen grise qui nous rendait<br />

indépendants durant cet été. Avant <strong>de</strong> quitter<br />

l'Europe, Martin la conduisit Amsterdam où<br />

elle <strong>de</strong>vait être chargée sur un transporteur<br />

maritime jusqu'aux USA.<br />

Baptême <strong>de</strong> Robin et Henry à Klosters, avec mère,<br />

grand-mère et arrière grand-mère (juillet 1957)


2. Bell Telephone Laboratories<br />

Dès notre retour aux Etats-Unis, nous pûmes<br />

nous installer près <strong>de</strong>s Laboratoires Bell<br />

Telephone, à Murray Hill dans le New Jersey.<br />

BELL LABORATORIES, Murray Hill, N.J.<br />

Martin était parvenu au but qu'il s'était<br />

idéalement fixé lors <strong>de</strong> sa discussion à Zürich<br />

avec le professeur Paul Scherrer en 1951. Il<br />

pouvait dès lors continuer à consacrer son<br />

travail à la recherche, comme il l'avait fait<br />

durant ses <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières années à MIT.<br />

En bon époux et père, il avait pu louer avant<br />

notre départ pour l’Europe, une maison dans<br />

un quartier à Murray Hill, tout proche <strong>de</strong>s<br />

laboratoires. L'endroit grouillait d'enfants car il<br />

était essentiellement habité par <strong>de</strong> jeunes<br />

ménages. Ceci me facilita l'intégration à la<br />

nouvelle vie dans le cadre campagnard où les<br />

laboratoires <strong>de</strong> recherche Bell avaient construit<br />

leur Centre. <strong>Le</strong>s barrières n'étant pas<br />

courantes entre les jardins aux Etats-Unis,<br />

nous avons rapi<strong>de</strong>ment installé un grillage <strong>de</strong><br />

sécurité autour du petit pré <strong>de</strong>vant la maison<br />

afin que nos <strong>de</strong>ux fils, respectivement <strong>de</strong> 16<br />

mois et 5 mois puissent faire connaissance<br />

sans danger avec leur environnement naturel.<br />

L'anecdote suivante est peu commune: Martin<br />

était dans l'obligation <strong>de</strong> passer son permis <strong>de</strong><br />

conduire pour l'Etat du New Jersey. Comme le<br />

temps libre au laboratoire Bell était limité, il<br />

accéléra pour arriver aussi vite que possible au<br />

bureau <strong>de</strong>s autos <strong>de</strong> la ville la plus proche,<br />

Plainfield. Mal lui en pris, car il fut intercepté<br />

par une automobile <strong>de</strong> la police. <strong>Le</strong> sergent<br />

commença à remplir le formulaire <strong>de</strong><br />

déclaration <strong>de</strong> vitesse exagérée et à sa<br />

question concernant la profession <strong>de</strong> Martin,<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

30<br />

qui répondit qu’il était physicien, l’homme parut<br />

ébahi! En effet, c'était exactement ce matin-là<br />

que la première fusée SPUTNIK avait été<br />

lancée dans l'espace avec succès par les<br />

scientifiques et techniciens <strong>de</strong> l'URSS d'alors.<br />

Cela avait provoqué une on<strong>de</strong> <strong>de</strong> choc aux<br />

Etats-Unis. Ainsi le sergent déchira le<br />

formulaire et dit à Martin - "Well, if you work in<br />

physics, I’ll let you go for today. It is an<br />

important day!"<br />

Ce furent <strong>de</strong>s recherches en physique <strong>de</strong>s<br />

soli<strong>de</strong>s, sur la résonance magnétique dans les<br />

métaux, en particulier les métaux <strong>de</strong> transition,<br />

la résonance paramagnétique dans certains<br />

cristaux, la résonance magnétique nucléaire,<br />

et l'antiferromagnétisme lié au précé<strong>de</strong>nt<br />

phénomène. Pour ceux-ci, il bénéficia <strong>de</strong> la<br />

collaboration <strong>de</strong> physiciens remarquables,<br />

comme:<br />

Dr Al Clogston, chef du groupe <strong>de</strong> recherche<br />

no 111 auquel appartenait Martin. Clogston<br />

avait les talents d'un gui<strong>de</strong> non autoritaire, qui<br />

laissait toujours la bri<strong>de</strong> libre à ses jeunes<br />

physiciens, tout en interjetant la bonne<br />

suggestion là où c'était nécessaire. C'est avec<br />

Al Clogston que Martin a publié <strong>de</strong>s travaux<br />

sur <strong>de</strong>s Moments Magnétiques d'atomes ou<br />

d'alliages <strong>de</strong> différents métaux <strong>de</strong> transition.<br />

Dr Philip W. An<strong>de</strong>rson, grand théoricien qui<br />

reçu quelques années plus tard le prix Nobel<br />

<strong>de</strong> Physique avec Neville Mott et John Van<br />

Vleck pour (je cite en anglais) leur<br />

"fundamental contributions to the theory of<br />

electronic structure of magnetic and disor<strong>de</strong>red<br />

systems". An<strong>de</strong>rson participa avec mon mari et<br />

d'autres collaborateurs du groupe, à <strong>de</strong>s<br />

travaux sur le magnétisme dans <strong>de</strong>s moments<br />

localisés dans <strong>de</strong>s métaux. Il <strong>de</strong>vait par la suite<br />

être nommé professeur à Princeton. En 2006,<br />

il est venu offrir son amical témoignage officiel,<br />

sur l'invitation du DPMC au <strong>de</strong>uxième<br />

"Colloque Martin Peter" à <strong>Genève</strong>, pour<br />

parler <strong>de</strong> ses recherches actuelles à la chasse<br />

d'une théorie qui pourrait expliquer le ou les<br />

phénomènes <strong>de</strong> la "supraconductivité à haute<br />

température". J'en parlerai dans le prochain<br />

chapitre.<br />

Dr Bernd Matthias, "le magicien <strong>de</strong>s basses<br />

températures", disait à Martin qu'il n'allait<br />

jamais au lit sans avoir mis une nouvelle<br />

substance au four pour y analyser, après la<br />

cuisson nocturne à près <strong>de</strong> 900°C, d'éventuels<br />

phénomènes qui pourraient laisser présager<br />

un état supraconducteur. Il avait une sensibilité


Prof. Bernd Matthias<br />

et une imagination débordantes et une intuition<br />

incomparable.<br />

Martin, Harry Suhl et Bernd Matthias ont<br />

travaillé ensemble sur <strong>de</strong>s phénomènes <strong>de</strong><br />

conduction électronique dans <strong>de</strong>s terres rares<br />

et <strong>de</strong> résonance paramagnétique d'ions dans<br />

les métaux. <strong>Le</strong>s travaux <strong>de</strong> ces collaborateurs<br />

eurent une influence marquée sur les<br />

recherches dans la physique théorique qui<br />

s'effectuaient aux Laboratoires Bell au début<br />

<strong>de</strong>s années 1960.<br />

Pour alléger un peu les <strong>de</strong>scriptions <strong>de</strong> la vie<br />

aux Laboratoires Bell, Je relate ici une<br />

nouvelle anecdote: En 1959, nous venions<br />

d'emménager comme propriétaires, dans notre<br />

nouvelle maison <strong>de</strong> Watchung. Je m'étais<br />

occupée <strong>de</strong> la réception du matériel et<br />

comptais sur mon époux le soir pour tout<br />

mettre en place. Or, B. Matthias et Martin<br />

s'étant engagés dans une profon<strong>de</strong> discussion,<br />

Martin se souvint que je l'attendais. Ne<br />

connaissant pas encore notre nouveau numéro<br />

<strong>de</strong> téléphone, il le dit à Bernd en lui suggérant<br />

<strong>de</strong> remettre la suite <strong>de</strong> la discussion au<br />

len<strong>de</strong>main.….Ni une, ni <strong>de</strong>ux, Bernd manipula<br />

le téléphone du bureau sans hésitation, et je<br />

répondis! Voici un <strong>de</strong>s nombreux cas <strong>de</strong> cette<br />

intuition <strong>de</strong> Bernd Matthias! Sa carrière<br />

continua d'ailleurs à l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> La Jolla en<br />

Californie où il développa tout un laboratoire<br />

<strong>de</strong> recherche sur la physique <strong>de</strong>s très basses<br />

températures, celles où les atomes se<br />

meuvent très peu. Quelques années plus tard,<br />

après que Martin se soit immergé dans la<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

31<br />

physique genevoise, les liens <strong>de</strong> B. Matthias<br />

avec les groupes <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> et <strong>de</strong> Lausanne<br />

perdurèrent jusqu'à sa mort précoce. Il reçu<br />

d'ailleurs un doctorat Honoris Causa <strong>de</strong><br />

l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Lausanne.<br />

Dr Vincent Jaccarino travailla beaucoup avec<br />

Martin et je rappellerai dans le prochain<br />

chapitre un <strong>de</strong>s travaux pour lequel ils<br />

<strong>de</strong>vinrent tous <strong>de</strong>ux spécialement connus dans<br />

le domaine <strong>de</strong> la physique <strong>de</strong>s soli<strong>de</strong>s. Il avait<br />

une personnalité très forte, s'étant fait les<br />

cou<strong>de</strong>s à Brooklyn dans sa jeunesse et ayant<br />

participé aux combats dans les îles du<br />

Pacifique avec la marine américaine durant les<br />

années finales <strong>de</strong> la guerre contre le Japon. Il<br />

fut appelé par la suite comme professeur à<br />

l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Santa Barbara en Californie.<br />

Martin aimait particulièrement travailler avec le<br />

Prof. Toru Moriya, physicien théorique <strong>de</strong><br />

l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Tokyo, invité pour quelques<br />

mois aux Laboratoires BELL. Moriya durant les<br />

discussions, savait exprimer son désaccord <strong>de</strong><br />

façon fine, mais claire sur une solution<br />

improbable qui lui était proposée. Il fallait<br />

savoir le percevoir et continuer la discussion<br />

en conséquence, tout en ayant l'oreille ouverte<br />

à ses subtiles suggestions. Avec Moriya,<br />

Martin a publié un travail sur la résonance<br />

antiferromagnétique et paramagnétique dans<br />

<strong>de</strong>s cristaux <strong>de</strong> CuF22H2. Prof. Moriya eut la<br />

gentillesse, quelque vingt années plus tard, <strong>de</strong><br />

faire inviter Martin par la fondation japonaise<br />

Yamada pour une visite d'un mois afin <strong>de</strong><br />

rendre visite à plusieurs centres <strong>de</strong> recherche<br />

au Japon (voir Annexe I). Je l'y ai<br />

accompagné, comme spécialiste <strong>de</strong><br />

l'intendance. Ce fut une bonne chose, car il<br />

était happé par les physiciens à chaque étape<br />

<strong>de</strong> notre séjour, d'ailleurs toujours avec<br />

beaucoup <strong>de</strong> gentillesse. Sa santé était fragile<br />

et il fallait protéger ses forces pour l'essentiel.<br />

Dr Satoru Sugano, également invité du Japon<br />

pour quelque temps, publia aussi avec Martin,<br />

in article paru à la Physical Review "Effect<br />

Configuration Mixing and Covalency on the<br />

Energy Spectrum of Ruby». Son épouse<br />

donna naissance durant cette pério<strong>de</strong>, à une<br />

charmante petite fille et je pus lui être <strong>de</strong> bon<br />

conseil sur les métho<strong>de</strong>s américaines <strong>de</strong><br />

soigner <strong>de</strong>s tout petits en s'équipant <strong>de</strong>s objets<br />

indispensables mais adaptés à un petit budget,<br />

comme j'avais pu l'apprendre lors d'un cours<br />

donné par la Croix-Rouge américaine à Boston<br />

alors que j'attendais mon premier fils Robin.<br />

Dr Larry R. Walker fut également un confrère<br />

brillant, à l'humour insatiable. Il n'était pas rare


Buckminster FULLER et une molécule C60<br />

que Martin rentre le soir et me relate une <strong>de</strong>s<br />

nouvelles plaisanteries ou paraphrases <strong>de</strong><br />

Larry. Si ils ne publièrent pas ensemble, ils<br />

eurent néanmoins <strong>de</strong> longues discussions<br />

souvent allégées par les remarques caustiques<br />

qui étaient propres à Larry. <strong>Le</strong> phénomène <strong>de</strong><br />

la supraconductivité était déjà un <strong>de</strong>s sujets<br />

qui intriguait les chercheurs du groupe, dont<br />

Larry. Ils en parlaient souvent durant le temps<br />

du repas au laboratoire. Ils parlaient <strong>de</strong>s<br />

Fullerènes, un corps sphérique inventé par un<br />

architecte du nom <strong>de</strong> Buckminster FULLER et<br />

composé d'un grand nombre <strong>de</strong> polygones<br />

formés par <strong>de</strong>s atomes <strong>de</strong> carbone. Un<br />

physicien eut un jour l'idée d'intercaler 3<br />

molécules <strong>de</strong> CH CL3 et CH Br3 à chaque<br />

cristal <strong>de</strong> carbone60 et les Fullerènes perdirent<br />

alors une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> leur résistance<br />

électrique et <strong>de</strong>vinrent soudain<br />

supraconducteurs. Larry paraphrasa alors sur<br />

Fuckminster Buller et Parking Meter, <strong>de</strong>ux <strong>de</strong><br />

ses contrepèteries fréquentes dont il émaillait<br />

ses remarques! Si je mentionne cet épiso<strong>de</strong><br />

amusant, c'est parce que ce domaine, qui<br />

commençait à intéresser <strong>de</strong> plus en plus les<br />

physiciens du soli<strong>de</strong>, <strong>de</strong>vint un peu le socle sur<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

32<br />

lequel Martin Peter décida d'asseoir les débuts<br />

<strong>de</strong> son nouvel institut à <strong>Genève</strong> en 1962.<br />

Dr Harry Suhl fut aussi un collaborateur<br />

extrêmement vif, qui publia avec Martin <strong>de</strong>s<br />

travaux sur le comportement <strong>de</strong>s électrons <strong>de</strong><br />

conduction dans <strong>de</strong>s métaux <strong>de</strong> terres rares<br />

(voir sur Internet le tableau <strong>de</strong> Men<strong>de</strong>leïev sur<br />

la classification <strong>de</strong>s éléments). Lui aussi,<br />

comme B. Matthias jusqu'à son décès, termine<br />

actuellement sa carrière à l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> La<br />

Jolla, Californie comme professeur <strong>de</strong><br />

physique théorique. Il a été invité à <strong>Genève</strong><br />

par le Département <strong>de</strong> Physique <strong>de</strong> la Matière<br />

Con<strong>de</strong>nsée, lors du 70 ème anniversaire <strong>de</strong><br />

Martin.<br />

Dr Arthur L. Schawlow eut toujours une très<br />

bonne entente avec Martin. Ils travaillèrent<br />

ensemble dans le domaine <strong>de</strong> la<br />

supraconductivité et Art aurait désiré que<br />

Martin contribuât avec lui aux travaux qui<br />

conduisirent à la réalisation du Laser, mais le<br />

temps ne le permettait plus. Schawlow persista<br />

et réussit bientôt à créer un rayon laser.<br />

SCHAWLOW et son beau-frère Charles H.<br />

TOWNES, qui avait également été un<br />

collaborateur <strong>de</strong>s laboratoires BELL quelques<br />

années plus tôt, découvrirent chacun, <strong>de</strong>s<br />

phénomènes fonctionnant selon le même<br />

principe, et qui ont eu <strong>de</strong>s répercutions<br />

concrètes presque immédiates dans les<br />

domaines <strong>de</strong>s applications industrielles<br />

électroniques et médicales. <strong>Le</strong> Maser<br />

(Microwave Amplification Stimulated by<br />

Electromagnetic Radiation), fut présenté pour<br />

la première fois à New York, lors d'une<br />

conférence <strong>de</strong> la AMERICAN PHYSICAL<br />

SOCIETY en 1958. <strong>Le</strong> Laser (Light<br />

Amplification Stimulated by Electromagnetic<br />

Radiation) fut annoncé en 1963. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

physiciens reçurent le Prix Nobel <strong>de</strong> physique.<br />

Arthur était un "fan" du jazz New Orléans et il<br />

en écoutait chaque matin en se rasant. Il<br />

entraîna un jour Martin dans une vente aux<br />

enchères <strong>de</strong> disques 33 tours où l'on pouvait<br />

entendre les meilleurs musiciens <strong>de</strong> jazz du<br />

début et du milieu du 20 ème siècle. Nous avons<br />

rapporté une douzaine <strong>de</strong> ces disques en<br />

Europe. Ils <strong>de</strong>vraient avoir été transférés sur<br />

CD <strong>de</strong>puis par un <strong>de</strong> nos petits-fils Olivier.<br />

L'épouse <strong>de</strong> Art, Aurélia, était musicienne et<br />

dirigeait <strong>de</strong>s chœurs. Elle était la sœur <strong>de</strong> Dr<br />

Charles H. Townes que je cite au paragraphe<br />

précé<strong>de</strong>nt.<br />

Dr David Shaltiel venu d'Israël, fut invité par<br />

les laboratoires pour assister Martin dans ses


travaux durant les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières années où<br />

ce <strong>de</strong>rnier collabora aux laboratoires <strong>de</strong><br />

Murray Hill. Ensemble, ils ont publié un travail<br />

sur la résonance paramagnétique <strong>de</strong>s ions<br />

dans <strong>de</strong>s métaux <strong>de</strong> haute susceptibilité. Puis<br />

David est encore resté dans le groupe d’Albert<br />

Clogston quelques temps après le départ <strong>de</strong><br />

Martin et a ensuite été nommé Professeur à<br />

l'<strong>Université</strong> Hébraïque <strong>de</strong> Jérusalem. Depuis,<br />

durant toutes les <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong><br />

Martin, ils ont continué à se rencontrer et à<br />

travailler ensemble. Martin ayant été invité<br />

plusieurs fois en Israël pour donner <strong>de</strong>s<br />

séminaires ou participer à <strong>de</strong>s colloques.<br />

Dr Joe Dillon aura été durant les 5 années<br />

que Martin a passées aux laboratoires Bell un<br />

compagnon très cultivé, fidèle, gai, travailleur<br />

assidu, et toujours ouvert envers ceux qui<br />

avaient besoin <strong>de</strong> lui pour <strong>de</strong>s échanges<br />

d'idées. Il a un jour pu montrer l'image <strong>de</strong><br />

domaines ferromagnétiques (domaines <strong>de</strong><br />

WEISS), <strong>de</strong> couleurs individuelles, et <strong>de</strong> quelle<br />

façon la forme et la relation <strong>de</strong> ces domaines<br />

changent en fonction <strong>de</strong> la variation <strong>de</strong><br />

champs magnétiques extérieurs auxquels ils<br />

sont soumis. Ceci est perçu dans <strong>de</strong>s couches<br />

minces, éclairées en lumière polarisée. Cela<br />

avait été un événement dans le groupe et mon<br />

mari m'avait rapporté le soir même une photo<br />

d'un échantillon.<br />

Je ne puis omettre <strong>de</strong> mentionner le technicien<br />

qui a collaboré avec Martin durant les 5<br />

années que ce <strong>de</strong>rnier a passées à Murray<br />

Hill. Son nom était John Mock. Il a en<br />

particulier participé avec Martin et d'autres coauteurs<br />

à plusieurs publications significatives<br />

dans les domaines qui intéressaient les<br />

physiciens du groupe. Il bricolait aussi <strong>de</strong><br />

nombreux appareils chez lui, dans sa cave<br />

avec l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> son épouse. Il était un "fan" <strong>de</strong><br />

l'aviation et fit même l'acquisition d'un<br />

monomoteur et d'un terrain d'atterrissage en<br />

Oklahoma. En effet sa famille était d'origine <strong>de</strong><br />

cet Etat <strong>de</strong>s USA et nombreux étaient ceux qui<br />

n'avaient pas quitté la région et à qui John et<br />

son épouse aimaient à rendre visite par la voie<br />

<strong>de</strong>s airs.<br />

<strong>Le</strong> bureau voisin <strong>de</strong> Martin était le domaine <strong>de</strong><br />

<strong>Le</strong>ster Germer qui avait reçu le Prix Nobel<br />

quelques années plus tôt, avec Clinton<br />

Joseph Davisson pour avoir démontré, grâce<br />

au phénomène <strong>de</strong> diffraction, qu'un faisceau<br />

d'électrons peut se comporter comme une<br />

on<strong>de</strong>. C'est une preuve <strong>de</strong> la dualité on<strong>de</strong>sparticules.<br />

<strong>Le</strong>ster était un grand montagnard<br />

pour qui les sommets <strong>de</strong>s Montagnes<br />

Rocheuses du Canada avaient peu <strong>de</strong> secrets.<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

33<br />

Il entraîna un jour le suisse Martin pour faire<br />

ses armes dans le massif du Shongung, qui<br />

fait partie <strong>de</strong> la chaîne <strong>de</strong>s Appalaches. Il<br />

réussit à le hisser à travers les rochers via un<br />

surplomb du 2 ème <strong>de</strong>gré. Mais il ne tenta pas<br />

l'expérience une <strong>de</strong>uxième fois! Il choisit par<br />

contre <strong>de</strong> nous prêter une tente qu'il avait<br />

achetée aux surplus militaires américains.<br />

Grâce à cette tente, la famille put aller passer<br />

quelques week-ends dans les montagnes <strong>de</strong>s<br />

Catskills à trois heures d'automobile <strong>de</strong><br />

Watchung, souvent avec les 2 fils aînés sur les<br />

épaules en plus <strong>de</strong>s sacs à dos.<br />

<strong>Le</strong> 9 mars 1960, naquit notre troisième fils<br />

Clarence à l'hôpital voisin à Plainfield, N.J.,<br />

juste <strong>de</strong>vant la gran<strong>de</strong> ampoule électrique,<br />

monument en mémoire <strong>de</strong> Sir Thomas<br />

EDISON, qui avait fait ses expériences<br />

d'ampoules électriques à filament en ces lieux.<br />

La commune <strong>de</strong> Edison fait maintenant partie<br />

<strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Plainfield.<br />

Ce fut pour nous une gran<strong>de</strong> joie <strong>de</strong> l'accueillir<br />

dans notre maison entourée <strong>de</strong> prés et <strong>de</strong><br />

bois. Lorsque mon mari vint nous chercher<br />

avec notre Volkswagen, Clarence et moi à<br />

l'hôpital, l'infirmière qui portait le bébé lui dit –<br />

"can you really put that baby in this small car,<br />

you know, it is precious? Elle supposait<br />

probablement que c'était notre premier!<br />

Clarence était d'un caractère gai et fut vite<br />

adopté par ses <strong>de</strong>ux grands frères Robin et<br />

Henry. Martin leur construisit une gran<strong>de</strong> boîte<br />

<strong>de</strong> sable avec un banc au milieu, sous le seul<br />

arbre <strong>de</strong> notre terrain et qui étalait ses<br />

branches au-<strong>de</strong>ssus. A cette époque, les<br />

systèmes <strong>de</strong> climatisation étaient un luxe<br />

auquel nous ne pouvions rêver et il fallait se<br />

protéger <strong>de</strong>s grosses chaleurs estivales très<br />

humi<strong>de</strong>s et presque tropicales! <strong>Le</strong>s maisons<br />

qu'un ingénieur pouvait s'offrir étaient souvent<br />

charmantes, mais leur isolation était réduite au<br />

Henry et Robin au bain<br />

à WATCHUNG, N.J. (1961)


Notre maison <strong>de</strong> Watchung (1960)<br />

maximum. <strong>Le</strong>s hivers nous apportaient<br />

souvent par contre <strong>de</strong>s tempêtes glaciales<br />

"Blizzard", disait-on. Il arrivait qu'au petit matin<br />

nous nous réveillions avec <strong>de</strong> la neige jusqu'à<br />

mi-hauteur du rez-<strong>de</strong>-chaussée. C'était alors<br />

<strong>de</strong>s occasions <strong>de</strong> contacts avec les voisins,<br />

car chacun contribuait <strong>de</strong> sa pelle afin <strong>de</strong><br />

permettre aux automobiles <strong>de</strong> sortir sur la rue<br />

principale! <strong>Le</strong> quartier abritait quelques familles<br />

avec <strong>de</strong> nombreux enfants qui jouaient<br />

toujours ensemble. Il n'était pas rare que<br />

j'organise <strong>de</strong>s travaux divers pour ces jeunes<br />

avec 8 ou 10 jeunes qui y participaient. On se<br />

rafraîchissait avec le tuyau d'arrosage. Il y<br />

avait les <strong>de</strong>ux Smith, les cinq Aldrich, et<br />

quelques autres qui se joignaient <strong>de</strong> temps en<br />

temps à nous. On fabriquait du "Rootbeer"<br />

boisson ressemblant un peu au coca-cola. On<br />

repeignait <strong>de</strong>s étagères à jeux, on chantait<br />

autour du piano loué toutes sortes <strong>de</strong> chants.<br />

Je possédais 2 volumes <strong>de</strong>s vieilles chansons<br />

françaises illustrées par Boutet <strong>de</strong> Monvel et<br />

que les petits américains chantaient avec une<br />

phonétique bien à eux. Il y avait aussi un<br />

recueil <strong>de</strong> chants anglais et américains,<br />

d'ailleurs beaucoup plus adaptés à la<br />

compréhension <strong>de</strong>s enfants.<br />

Nous sortions très peu, car il était difficile <strong>de</strong><br />

trouver <strong>de</strong>s jeunes pour faire du baby-sitting le<br />

soir. Un jour que nous nous étions décidés à le<br />

faire, la jeune fille nous raconta à notre retour,<br />

que notre aîné Robin, qui avait bientôt 4 ans,<br />

avait <strong>de</strong>scendu l'escalier, et la voyant<br />

assoupie, lui avait dit - "you know, you cannot<br />

sleep, because, if there is fire, you will not see<br />

it!"<br />

La vie était très régulière, rythmée autour du<br />

travail <strong>de</strong> Martin. <strong>Le</strong>s collaborateurs <strong>de</strong>s<br />

Laboratoires Bell bénéficiaient <strong>de</strong> 15 jours <strong>de</strong><br />

congés payés par an, ce qui ne donnait pas la<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

34<br />

En chemin pour le Mount Kathadyn, été 1955<br />

possibilité <strong>de</strong> s'éva<strong>de</strong>r trop loin pour les<br />

vacances. Nous avons loué une seule fois une<br />

petite "lodge " pour la famille sur le littoral sud<br />

du New Jersey à Long Beach Island. Notre<br />

benjamin avait cinq mois. Depuis sa<br />

naissance, une cousine <strong>de</strong> mon mari nous<br />

avait joints venant <strong>de</strong> Suisse. Elle a été pour<br />

nous un soulagement immense et est restée<br />

<strong>de</strong>puis lors une vraie amie. Son nom est<br />

Katherine Weibel-Schönenberger, car elle<br />

s'est mariée <strong>de</strong>puis.<br />

La présence <strong>de</strong> cette cousine nous permit <strong>de</strong><br />

faire, Martin et moi quelques randonnées<br />

magnifiques. Nous étions membres <strong>de</strong> la<br />

société "Appalachian Mountain Club" et<br />

avons sillonné aussi souvent que possible<br />

cette chaîne <strong>de</strong> montagnes. <strong>Le</strong> sommet le plus<br />

septentrional était le Mount Kathadyn, situé<br />

presque à la frontière du Canada au nord <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> la partie <strong>de</strong>s Appalaches que les<br />

Américains ont nommé The Prési<strong>de</strong>nt Range<br />

(Mount Adam, Mount Washington, Mount<br />

Jefferson, Mount Kathadyn), dans une région<br />

très sauvage, domaine d'une faune pour nous<br />

encore en partie inconnue. Nous y vîmes <strong>de</strong>s<br />

élans, <strong>de</strong>s aigles, toutes sortes <strong>de</strong> rapaces, et<br />

bien d'autres habitants <strong>de</strong> ces lieux.<br />

Nous avons fait cette expédition exceptionnelle<br />

avec un ami <strong>de</strong> MIT et son épouse Dr<br />

Charles Davis Jr. et Patricia. <strong>Le</strong> voyage dura<br />

toute la nuit et nous nous relayions pour dormir<br />

à l'arrière <strong>de</strong> la camionnette. Il fut suivi d'une<br />

longue montée à pied jusqu'au "camp", puis <strong>de</strong><br />

l'escala<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette montagne ru<strong>de</strong> et


ocailleuse, exposée à tous les vents. <strong>Le</strong><br />

sommet, à environ 2000 mètres est une longue<br />

crête escarpée qui offre un spectacle<br />

splendi<strong>de</strong> sur une immense région <strong>de</strong> forêts.<br />

Impossible d'oublier pareille aventure!<br />

En 1961, je pus aller en France et en Suisse,<br />

avec notre fils aîné Robin, âgé alors <strong>de</strong> quatre<br />

ans, pour faire un tour <strong>de</strong>s familles et participer<br />

aussi à la célébration <strong>de</strong>s noces <strong>de</strong> diamant <strong>de</strong><br />

mes grands-parents paternels à Lyon. Kathy<br />

resta pour ai<strong>de</strong>r Martin et veiller sur la maison<br />

et les <strong>de</strong>ux plus jeunes garçons pendant notre<br />

absence. Elle fut une maîtresse <strong>de</strong> maison<br />

parfaite et elle sut comment faire face au petit<br />

Henry <strong>de</strong> trois ans, qui <strong>de</strong>mandait sans cesse<br />

"Où est Robin ?" et "Quand est-ce que Maman<br />

va revenir ?"<br />

En fait, c'est lorsque je me trouvais à Bâle<br />

chez mes beaux-parents, que je reçus une<br />

lettre <strong>de</strong> Martin m'informant que l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>Genève</strong> proposait <strong>de</strong> lui ouvrir ses portes!<br />

Nous étions alors en avril. Nous allions quitter<br />

les Etats-Unis en septembre 1962. J'étais dans<br />

une pièce avec ma belle-mère. Martin<br />

m'enjoignait <strong>de</strong> surtout ne pas en parler! Elle<br />

s'aperçut probablement <strong>de</strong> mon visage lorsque<br />

je lus la lettre <strong>de</strong> Martin, mais ne posa pas <strong>de</strong><br />

question.<br />

S'en suivit une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> décisions difficiles à<br />

prendre pour la famille, <strong>de</strong> travail intense pour<br />

Martin qui désirait consacrer le meilleur du<br />

temps qui lui restait aux Laboratoires Bell, en<br />

particulier pour le difficile travail avec Vincent<br />

Jaccarino, sur "Ultra High Field Superconductivity".<br />

Une fois la décision prise, et afin <strong>de</strong> préparer la<br />

mise en place du nouvel institut à l'Ecole <strong>de</strong><br />

Physique <strong>de</strong> l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>, Martin<br />

alla passer un mois en Suisse, pour rencontrer<br />

le Prési<strong>de</strong>nt du Département <strong>de</strong> l'Instruction<br />

Publique d'alors, M. Alfred Borel, ainsi que le<br />

Prési<strong>de</strong>nt et fondateur du Fonds National<br />

Suisse <strong>de</strong> la Recherche Scientifique,<br />

Alexandre VON MURALT.<br />

Lors <strong>de</strong> son retour à Murray Hill, Martin eut<br />

besoin <strong>de</strong> correspondre avec <strong>de</strong> nombreuses<br />

personnes et différents organes <strong>de</strong><br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

35<br />

l'administration universitaire cantonale et du<br />

Fonds National (FNSRS) pour donner forme<br />

au futur institut. Je proposai <strong>de</strong> le secon<strong>de</strong>r<br />

pour ceci. <strong>Genève</strong> accepta <strong>de</strong> payer pour moi<br />

les frais d'une "baby-sitter" pendant les heures<br />

durant lesquelles je me consacrerais à ce<br />

travail <strong>de</strong> secrétariat. Ceci nous a beaucoup<br />

facilité la réalisation du projet <strong>de</strong> retour. La<br />

petite machine à écrire sur laquelle j'avais tapé<br />

la thèse <strong>de</strong> doctorat, fut allègrement remise en<br />

fonction presque chaque jour.<br />

La précieuse cousine n'avait pas pu prolonger<br />

son visa pour les USA et avait dû nous quitter<br />

pour rentrer en Suisse quelques mois<br />

auparavant. Nous avons dû nous débrouiller<br />

durant cette pério<strong>de</strong> cruciale. <strong>Le</strong> soir donc,<br />

alors que mon mari passait encore <strong>de</strong>s heures<br />

aux laboratoires, je prenais les rabots, le<br />

mastique et le pinceau afin <strong>de</strong> donner un bel<br />

aspect à notre fragile maison. Travaux que<br />

j'effectuais, une fois les enfants endormis. Il<br />

fallait trouver un nouveau propriétaire. Je me<br />

souviens d'une nuit blanche consacrée à<br />

repeindre le salon, travail trop ardu pour être<br />

fait par moi seule. Une équipe <strong>de</strong> nuit,<br />

composée <strong>de</strong> nous <strong>de</strong>ux et d'un jeune cousin<br />

étudiant à Columbia University Edouardo<br />

Peter et <strong>de</strong> son épouse, en vint à bout. Nous<br />

l'avons d'ailleurs souvent mis à contribution<br />

lors <strong>de</strong> ses visites. <strong>Le</strong> pré était assez grand<br />

<strong>de</strong>vant la maison et nous n'avions qu'une<br />

ton<strong>de</strong>use à mains à laquelle Edouardo<br />

s'attelait avec beaucoup <strong>de</strong> gentillesse, à notre<br />

grand soulagement.<br />

Ceci a été une époque très dure durant<br />

laquelle chacun <strong>de</strong> nous donnait son<br />

maximum. On dirait "ça passe ou ça casse"! Et<br />

ça a passé puisque nous avons pu tout régler,<br />

vendre la maison, et monter sur le tout<br />

nouveau paquebot France avec même une<br />

automobile Valiant que nous avions pu<br />

acquérir en revendant la petite Volkswagen et<br />

la grosse vieille Oldsmobile.<br />

Une nouvelle vie allait commencer pour<br />

Martin. Il avait vécu ces cinq années<br />

consacrées uniquement à la recherche. Dès<br />

lors, un horizon d'enseignant et <strong>de</strong> gui<strong>de</strong> pour<br />

<strong>de</strong>s jeunes esprits scientifiques allait débuter.


<strong>Le</strong> Révérend S.Emerson et son épouse avec Martin<br />

lors <strong>de</strong> notre mariage le 12 juin 1954<br />

Au sommet du Mount Kathadyn (1955)<br />

Aux Etats-Unis d'Amérique<br />

<strong>Le</strong> bac à sable construit par Martin dans le jardin <strong>de</strong><br />

notre maison <strong>de</strong> Watchung (1959)<br />

Henry, Clarence et Robin Peter en randonnée au<br />

Mount Hunter dans les Catskills, (1961)<br />

36<br />

Robin, automne 1959


Alors que le Paquebot France sur lequel nous<br />

voguions, se trouvait à peu près à la longitu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s Açores, un garçon <strong>de</strong> cabine vint frapper à<br />

la porte. Il <strong>de</strong>mandait à mon mari <strong>de</strong><br />

l'accompagner au poste téléphonique du<br />

capitaine où une communication l'attendait. Il<br />

était extrêmement rare qu'un passager puisse<br />

être atteint par cette voie à l'époque. <strong>Le</strong><br />

téléphone provenait <strong>de</strong> Vincent Jaccarino <strong>de</strong>s<br />

Laboratoires BELL que Martin Peter venait <strong>de</strong><br />

quitter.<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

"Hello Martin, you know that we are at war.<br />

We are besieging the Bay of Pigs in<br />

Cuba. But I also want to tell that our work<br />

on the "Ultra High Field Superconductivity"<br />

has been accepted for publication by the<br />

Physical Review <strong>Le</strong>tters. So, Farewell, and<br />

I hope you make it without problem till<br />

France!"<br />

Inutile <strong>de</strong> dire dans quel état d'esprit mon mari<br />

L’École <strong>de</strong> Physique en 1969<br />

37<br />

est revenu joindre sa famille !<br />

Quelle nouvelle après les jours et les nuits <strong>de</strong><br />

labeur acharné passés au laboratoire pour<br />

finaliser ce travail avant le grand départ!<br />

Jusqu’au Havre, cependant, rien ne s’est fait<br />

sentir pour nous <strong>de</strong> cette guerre et nous avons<br />

abordé sans problème. Quelques jours plus<br />

tard, nous prenions la route vers la Suisse et<br />

vers une nouvelle vie, dans notre Valiant toute<br />

neuve aux essieux bien mis à l'épreuve.<br />

Chers fils, chers petits-enfants qui avez encore<br />

connu votre grand-père, chers anciens<br />

collaborateurs, chers amis <strong>de</strong> Martin.<br />

Je vais dès lors parler <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong><br />

genevoise et <strong>de</strong> la nouvelle Ecole <strong>de</strong><br />

Physique…<br />

… celle que mon mari a abordée après une<br />

éducation bourgeoise et une formation<br />

académique en Suisse, après une dizaine<br />

d'années <strong>de</strong> ru<strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s scientifiques aux<br />

Etats-Unis. Ces quarante années à <strong>Genève</strong>,<br />

Martin Peter les a façonnées, les a affrontées,<br />

sur la base <strong>de</strong> ce passé formateur et avec sa<br />

riche personnalité.<br />

Dans ce chapitre, je ne donnerai pas une<br />

<strong>de</strong>scription chronologique précise <strong>de</strong>s activités<br />

<strong>de</strong> mon mari. <strong>Le</strong> but <strong>de</strong> mon récit est <strong>de</strong> faire<br />

revivre un peu l'image d'un homme très<br />

intense, rigoureux, et ayant un profond sens<br />

<strong>de</strong>s responsabilités pour lesquelles il a été<br />

choisi ou qu'il a choisies souvent <strong>de</strong> son<br />

propre gré. Je prie tous ceux qui prendront<br />

connaissance <strong>de</strong> ce chapitre <strong>de</strong> bien vouloir<br />

pardonner <strong>de</strong>s omissions ou quelques erreurs<br />

d'interprétations lorsque je parle <strong>de</strong> physique.


C'est simplement en épouse, non scientifique,<br />

que je m'exprime.<br />

En 1961, M. Peter est venu à <strong>Genève</strong> pour<br />

faire la connaissance <strong>de</strong> ceux avec qui il<br />

commencerait à travailler s’il prenait la<br />

décision <strong>de</strong> se fixer à <strong>Genève</strong>. J'aimerais<br />

mentionner le Prési<strong>de</strong>nt du Département <strong>de</strong><br />

l’Instruction Publique au printemps 1961,<br />

Monsieur Alfred Borel, qui lors <strong>de</strong>s tractations<br />

<strong>de</strong> mon mari avec <strong>Genève</strong>, et alors que ce<br />

<strong>de</strong>rnier hésitait à faire le saut <strong>de</strong>puis les Etats-<br />

Unis, après que je lui ai présenté un budget<br />

minimal pour vivre dans cette cité avec trois<br />

enfants, lui rétorqua:<br />

« Mais vous <strong>de</strong>vez vous rendre compte que <strong>de</strong><br />

travailler pour un laboratoire privé n’est pas la<br />

même chose que <strong>de</strong> travailler pour une<br />

République ! »<br />

Là, il n’y avait rien à redire et le saut avait été<br />

accompli. <strong>Le</strong>s Canton et République <strong>de</strong><br />

<strong>Genève</strong> ont toujours apporté leur soutien et<br />

leur compréhension aux entreprises <strong>de</strong> Martin<br />

Peter, <strong>de</strong> même que le Fonds National Suisse.<br />

Ils ont accordé dès le début tous les crédits<br />

que mon mari avait sollicités et qui étaient très<br />

importants pour la mise en place en<br />

équipement <strong>de</strong> travail et en personnel. C'était<br />

un signe <strong>de</strong> confiance remarquable.<br />

En effet, jusqu'au début <strong>de</strong>s années soixante,<br />

la Suisse avait été frileuse envers les<br />

investissements et les dépenses consenties<br />

pour une science qui <strong>de</strong>venait très dynamique<br />

outre-mer <strong>de</strong>puis la fin <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière guerre.<br />

La plupart <strong>de</strong>s chercheurs avaient par<br />

conséquent émigré après la fin <strong>de</strong> leurs<br />

étu<strong>de</strong>s.<br />

Il est à noter qu’en automne 1961, Monsieur<br />

André Chavanne a été élu à la tête du<br />

Département <strong>de</strong> l’Instruction Publique du<br />

Canton et République <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>.<br />

Jusqu'à cette date, le travail <strong>de</strong> physicien <strong>de</strong><br />

Martin Peter avait été, par la force <strong>de</strong>s choses,<br />

celui d'un solitaire. Toute pensée profon<strong>de</strong>,<br />

même si elle peut être influencée par le mon<strong>de</strong><br />

qui entoure un créateur, reste d'ailleurs le fruit<br />

<strong>de</strong> ses moments d'isolement intellectuel.<br />

C'est par la suite, une fois cette solitu<strong>de</strong><br />

indispensable acceptée et maîtrisée, que peut<br />

rayonner le créateur vers autrui, vers ce<br />

mon<strong>de</strong> extérieur, lorsqu'il sent qu'il peut y<br />

apporter une contribution utile ou nouvelle. Il<br />

peut alors en assumer la responsabilité. Cette<br />

conviction <strong>de</strong> responsabilité pour mener à bien<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

38<br />

André Chavanne, prési<strong>de</strong>nt Département <strong>de</strong><br />

l’Instruction Publique (1965)<br />

ses entreprises et ouvrir le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

recherche à ses futurs étudiants, se sera<br />

approfondie et amplifiée durant toute la vie du<br />

Professeur Martin Peter.<br />

Il a parallèlement toujours senti que la source<br />

<strong>de</strong> son esprit d'entreprise reposait en premier<br />

lieu sur le labeur qu'il apportait à ses travaux<br />

en physique. Une autre source restait celle <strong>de</strong><br />

la stabilité familiale. Dans ce domaine, il<br />

donnait beaucoup, mais il exigeait intensément<br />

en retour. Il avait un tempérament <strong>de</strong> chef. Ses<br />

jeunes professeurs et ses assistants parlaient<br />

parfois du patriarche et même, mais rarement<br />

et avec un sourire, du dictateur. Un autre<br />

facteur <strong>de</strong> force a toujours été le besoin <strong>de</strong> se<br />

sentir en confiance avec les personnes avec<br />

qui il travaillait. Il avait besoin <strong>de</strong> les prendre<br />

au sérieux, <strong>de</strong> reconnaître chez elles ce qu'il y<br />

avait <strong>de</strong> bon, d'humain. L'honnêteté réciproque<br />

lui était indispensable. En l'absence<br />

d'honnêteté ou en présence <strong>de</strong> conclusions<br />

superficielles, il était intraitable.<br />

Mais, nous voici à <strong>Genève</strong>, ville que j'avais<br />

découverte en 1942, alors que j'arrivai <strong>de</strong> la<br />

France occupée à l'âge <strong>de</strong> 12 ans, avec une<br />

petite sœur <strong>de</strong> cinq années ma ca<strong>de</strong>tte,<br />

marchant en rang par <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>puis la gare <strong>de</strong>s<br />

Eaux-Vives jusqu'au Grand-Théâtre où nous<br />

allions passer la nuit sur <strong>de</strong>s matelas d'accueil,<br />

avant d'être dirigées vers <strong>de</strong>s familles dans<br />

toutes les régions <strong>de</strong> Suisse. La Croix-Rouge<br />

suisse dont j'ai rencontré <strong>de</strong>puis plusieurs<br />

volontaires genevois, ouvrait les portes du<br />

pays à <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong>s contrées en guerre


Joseph Maria Jauch vers 1968 (photo<br />

extraite <strong>de</strong> “Physical Reality some<br />

Mathematical Description” par Charles P.<br />

Enz et Jagdish Mehra ; D. Rei<strong>de</strong>l, éditeurs).<br />

pour les vacances d'été. C'est donc vingt ans<br />

plus tard que j'ai passé à nouveau au-<strong>de</strong>ssus<br />

du Mur <strong>de</strong>s Réformateurs !<br />

<strong>Le</strong> nouveau bâtiment <strong>de</strong> la Section <strong>de</strong><br />

Physique avait été construit en 1951. C'est là<br />

que se dirigea mon mari un <strong>de</strong>s premiers jours<br />

d'octobre 1962. Il y retrouva le premier<br />

prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l'Ecole, Professeur Joseph Maria<br />

Jauch, ainsi que le seul professeur <strong>de</strong> ce qui<br />

allait être le département <strong>de</strong> physique<br />

expérimentale dont il prenait la tête, le<br />

Professeur Georges Béné.<br />

Georges Béné était français. Il avait fait ses<br />

étu<strong>de</strong>s à la Sorbonne, était professeur<br />

<strong>de</strong> l'<strong>Université</strong> française et avait été détaché<br />

par l'Education Nationale <strong>de</strong> son pays pour<br />

<strong>de</strong>venir professeur à <strong>Genève</strong>. C'était un<br />

Savoyard <strong>de</strong> Saint-Jeoire-en-Faucigny. Martin<br />

Peter et lui étaient faits pour s'entendre.<br />

<strong>Le</strong> professeur J. M. Jauch avait fait son<br />

diplôme avec Prof. Wolfgang Pauli à l’Ecole<br />

Polytechnique Fédérale <strong>de</strong> Zürich. Après <strong>de</strong>ux<br />

années à l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Minnesota, il obtint<br />

son doctorat et revint à Zürich appelé par W.<br />

Pauli. Ce <strong>de</strong>rnier dût s’expatrier pendant toute<br />

la durée <strong>de</strong> la guerre et partit pour Princeton.<br />

Jauch resta à Zürich jusqu’en 1945. Après une<br />

année passée aux Laboratoires BELL, il fut<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

39<br />

nommé professeur à la l’université d’Iowa où il<br />

travailla jusqu’en 1959. Appelé à <strong>Genève</strong> en<br />

1959 par le Prési<strong>de</strong>nt Alfred Borel dont j'ai<br />

parlé ci-<strong>de</strong>ssus, pour réorganiser et dynamiser<br />

la physique à l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>, il a<br />

d’abord passé une année en Angleterre à l’<br />

« Office of Naval Research ». Année qu’il a<br />

utilisée pour analyser la situation <strong>de</strong> la<br />

recherche en physique dans différents pays<br />

d’Europe. Il a pris sa charge à <strong>Genève</strong> en<br />

1960. C’est probablement sur le conseil du<br />

Professeur Jauch que le Prési<strong>de</strong>nt Borel a<br />

invité Ernest Heer et Martin Peter.<br />

Trois départements furent créés le long <strong>de</strong><br />

l’Arve :<br />

Physique théorique dirigé par le Professeur<br />

Joseph Maria Jauch alors prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l'Ecole<br />

<strong>de</strong> Physique.<br />

Physique Nucléaire et Corpusculaire dirigé<br />

par le Professeur Ernest Heer. C’est sous la<br />

conduite du Professeur Paul Scherrer que E.<br />

Heer avait fait sa thèse <strong>de</strong> doctorat. Puis il est<br />

parti aux Etats-Unis. A l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong><br />

Rochester, il a été nommé Senior Research<br />

Associate. C'est par appel du Département <strong>de</strong><br />

l'Instruction Publique qu'il a joint l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>Genève</strong> en 1961, pour prendre la direction du<br />

nouveau département.<br />

Physique Expérimentale qui <strong>de</strong>vait <strong>de</strong>venir<br />

dès 1970 le Département <strong>de</strong> Physique <strong>de</strong> la<br />

Matière Con<strong>de</strong>nsée. <strong>Le</strong> Professeur Martin<br />

Peter, dont j’ai décrit aux chapitres précé<strong>de</strong>nts<br />

le parcours académique, est venu directement<br />

<strong>de</strong>s Laboratoires Bell en 1962 pour en prendre<br />

la direction. Il avait été nommé également par<br />

appel. Il a été assisté dès le début par le Prof.<br />

Georges Béné.<br />

D’autres unités joignirent peu à peu la Section:<br />

L'Institut <strong>de</strong> Biologie Moléculaire dirigé alors<br />

par le Professeur Edouard Kellenberger. <strong>Le</strong><br />

Dr Werner Arber travaillait avec lui et y fit <strong>de</strong>s<br />

recherches sur l’ADN dans les bactériophages.<br />

Il fut honoré du Prix Nobel quelques années<br />

plus tard. Kellenberger et Arber joignirent le<br />

Biozentrum <strong>de</strong> Bâle en 1971. Alfred Tissière<br />

<strong>de</strong>vint alors le directeur <strong>de</strong> l'Institut à <strong>Genève</strong>.<br />

.<br />

L'institut <strong>de</strong> Cristallographie dirigé par le<br />

Professeur Erwin Parthé.<br />

Certains instituts <strong>de</strong>vinrent <strong>de</strong>s départements<br />

ultérieurement. En effet, à cette époque, une<br />

unité <strong>de</strong>vait comprendre un minimum <strong>de</strong> trois


Martin Peter au tableau noir (1967)<br />

professeurs pour pouvoir être promue au rang<br />

<strong>de</strong> département.<br />

Très tôt, M. Peter approcha Dr. Jean Muller<br />

<strong>de</strong> l'Ecole Polytechnique Fédérale <strong>de</strong> Zürich et<br />

lui <strong>de</strong>manda si il accepterait <strong>de</strong> venir le joindre<br />

comme professeur au département <strong>de</strong><br />

Physique Expérimentale. Jean et son épouse<br />

se sentaient très proches <strong>de</strong> la Suisse<br />

Roman<strong>de</strong> et la réponse fut positive. Jean<br />

Muller et son groupe (Dr. E. Bucher et Dr. F.<br />

Heiniger) développèrent à <strong>Genève</strong> un<br />

important appareillage <strong>de</strong> mesures <strong>de</strong>s<br />

propriétés <strong>de</strong>s supraconducteurs à basses et<br />

très basses températures. Ses travaux sont<br />

connus bien au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’Europe. Nuit et jour, il<br />

y avait toujours quelqu’un qui s’activait dans ce<br />

laboratoire.<br />

Il est amusant <strong>de</strong> noter que pour leur service<br />

militaire, Ernest Heer, Jean Muller, Martin<br />

Peter et Alex K. Müller – plus tard Prix Nobel<br />

<strong>de</strong> physique avec Dr. J. G. Bednorz pour la<br />

découverte <strong>de</strong> la Supraconductivité à Haute<br />

Température – firent ensemble leur Ecole <strong>de</strong><br />

Recrues et leur Ecole d'Aspirants.<br />

Début du Département <strong>de</strong> Physique<br />

Expérimentale, <strong>de</strong>venu Département <strong>de</strong> la<br />

Matière Con<strong>de</strong>nsée.<br />

Martin Peter découvrit un vaste bureau. <strong>Le</strong><br />

tableau noir occupait la place qui s’imposait<br />

alors. De gran<strong>de</strong>s fenêtres laissaient voir la<br />

rangée d'arbres qui longent l'Arve. Chacun<br />

s’activait pour ai<strong>de</strong>r le nouvel occupant <strong>de</strong>s<br />

lieux à s’installer. <strong>Le</strong>s crédits pour l’installation<br />

matérielle d'un bureau étaient alors très<br />

réduits, par contraste avec ceux qui avaient<br />

été accordés à mon mari pour la recherche.<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

40<br />

Martin Peter dans son bureau à l’Ecole <strong>de</strong> Physique<br />

(1975)<br />

Mais, il fallait tout <strong>de</strong> même <strong>de</strong>s étagères.<br />

C’est alors que l’on fit appel à l’homme fort <strong>de</strong><br />

l’Ecole surnommé Narcisse, un ancien <strong>de</strong> la<br />

Légion Etrangère. En un rien <strong>de</strong> temps, ce<br />

<strong>de</strong>rnier mit la main sur <strong>de</strong>s planches usagées<br />

trouvées dans un entrepôt <strong>de</strong> l’Instruction<br />

Publique. II les scia, les ajusta et le tour était<br />

joué. Ces étagères vivent peut-être encore <strong>de</strong><br />

nos jours ? J’étais présente lors <strong>de</strong><br />

l’inauguration <strong>de</strong> ce mobilier <strong>de</strong> base, et ma<br />

main disparut dans la poignée imposante <strong>de</strong><br />

Narcisse. Je n’oublierai jamais le large sourire<br />

qui l’accompagnait sous sa casquette trop<br />

petite, posée <strong>de</strong> biais sur un large front !<br />

Martin Peter avait un concept <strong>de</strong> ce qui <strong>de</strong>vrait<br />

se développer au Département <strong>de</strong> Physique<br />

Expérimentale. Dans le domaine <strong>de</strong>s métaux<br />

dans lequel il avait travaillé aux Laboratoires<br />

BELL, il entrevoyait un futur prometteur. Lors<br />

d'une entrevue initiale en 1961, il avait obtenu<br />

l'accord préalable <strong>de</strong>s Autorités genevoises<br />

concernées et du Professeur Alex von Muralt,<br />

prési<strong>de</strong>nt du Fonds National Suisse (FNS) et<br />

son fondateur, d’inviter <strong>de</strong>ux physiciens <strong>de</strong><br />

renom pour la première année. Il s’agissait du<br />

Professeur <strong>de</strong> Physique théorique Shoishiro<br />

Koïdé <strong>de</strong> l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Tokyo, qui apporta au<br />

département son expérience dans le domaine<br />

<strong>de</strong> la résonance paramagnétique et <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong><br />

du rôle <strong>de</strong>s impuretés dans les métaux. Koïdé


Excursion au Salève avec Shoishiro Koïdé (1964)<br />

prolongea son séjour à <strong>Genève</strong>, en tant<br />

qu'enseignant et chercheur pendant une<br />

année supplémentaire. Fait incroyable pour un<br />

homme <strong>de</strong> langue japonaise: dès le début, il<br />

donna ses cours en français! Avec lui et son<br />

épouse Maïumi, qui enseignait le piano, nos<br />

enfants et nous <strong>de</strong>ux avons passé <strong>de</strong> très<br />

bons moments lors d'excursions dans les<br />

environs <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>. Shoishiro Koïdé vint nous<br />

retrouver pour une soirée à Tokyo alors que<br />

nous passions un mois au Japon en<br />

septembre 1990, visitant plusieurs centres <strong>de</strong><br />

recherches.<br />

Quelques mois plus tard, Prof. J. Robert<br />

Schrieffer <strong>de</strong> l'<strong>Université</strong> d'Illinois à Urbana,<br />

USA, vint passer un semestre à <strong>Genève</strong>. Il<br />

était déjà connu pour la découverte <strong>de</strong> la<br />

théorie <strong>de</strong> la supraconductivité qui explique<br />

pourquoi et dans quelles conditions la<br />

résistance électrique peut disparaître quand un<br />

courant traverse un corps métallique.<br />

Schrieffer donna une impulsion déterminante<br />

pour la direction <strong>de</strong> l'étu<strong>de</strong> dans les métaux,<br />

que mon mari voulait entreprendre et qui allait<br />

<strong>de</strong>venir le noyau du département à <strong>Genève</strong>.<br />

Schrieffer reçu le Prix Nobel <strong>de</strong> Physique en<br />

1972 avec les Professeurs Bar<strong>de</strong>en et<br />

Cooper (découvertes <strong>de</strong>s "Paires <strong>de</strong> Cooper").<br />

En l’année 1967 J.R. Schrieffer est venu à<br />

nouveau passer un mois au DPMC.<br />

Professeur Joseph Maria Jauch aida<br />

beaucoup Martin Peter à créer sa place en lui<br />

donna un appui sans condition au sein <strong>de</strong><br />

l'Alma Mater. Jauch introduisit également le<br />

nouvel arrivant à <strong>de</strong>s concerts <strong>de</strong> quatuor au<br />

sein <strong>de</strong>squels il jouait le violon. Cet instrument<br />

n'était jamais loin <strong>de</strong> lui. Jauch avait perdu ses<br />

parents à l’âge <strong>de</strong> 15 ans et parvint à étudier la<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

41<br />

Prof. J. Robert Schrieffer et Claudine Peter<br />

à Phila<strong>de</strong>lphie (1977)<br />

physique à Zürich avec une volonté qui lui<br />

permit d’affronter tous les obstacles. Etant très<br />

doué pour la musique, il avait appris jeune le<br />

violon. Il avait créé un petit groupe <strong>de</strong> jeunes<br />

musiciens qui jouaient pour arrondir les fins <strong>de</strong><br />

mois durant les étu<strong>de</strong>s. A <strong>Genève</strong>, il entraîna<br />

certains dimanches mon mari pour faire<br />

connaissance sur les skis avec la Dôle, sa<br />

neige et ses vents presque polaires dans les<br />

années soixante. Quel contraste avec les<br />

collines du New Jersey !<br />

C'est ensuite sur les pentes <strong>de</strong> la Dôle que<br />

nous avons initié nos trois fils à ce sport avec<br />

lequel ils semblent maintenant presque être<br />

nés. Notre fils ca<strong>de</strong>t Clarence, a débuté à<br />

l'âge <strong>de</strong> 3 ans en dévalant – avec une certaine<br />

incertitu<strong>de</strong> – les pentes <strong>de</strong> la Dôle entre les<br />

skis maternels.<br />

<strong>Le</strong> travail à la Section <strong>de</strong> Physique a débuté<br />

rapi<strong>de</strong>ment et M. Peter s’est, dès le début senti<br />

comme « à la maison ». Ce sentiment a<br />

perduré jusqu’à sa retraite, grâce à une<br />

harmonie exceptionnelle qui y a régné,<br />

résistant même aux tempêtes qui ont secoué<br />

les milieux estudiantins dans une gran<strong>de</strong> partie<br />

<strong>de</strong> l’Europe entre 1968 et 1970, tempêtes<br />

auxquelles il aurait, sans le savoir encore, à<br />

faire face quelques années plus tard, mais pas<br />

à la Section <strong>de</strong> Physique.<br />

Nous eûmes dès le début la chance <strong>de</strong><br />

rencontrer à la Section <strong>de</strong> Physique le<br />

Professeur Ed. Poldini, personnage imposant,<br />

qui rayonnait la bonté et l'humour. Il enseignait<br />

la géophysique à notre Alma Mater. Il avait<br />

<strong>de</strong>rrière lui une longue carrière d'ingénieur<br />

durant laquelle il avait travaillé avec mon oncle<br />

Henri Doll pour la firme Schlumberger,<br />

participant avec lui, jusqu'à la <strong>de</strong>uxième guerre


Martin Peter et Henri Doll à New York (1977)<br />

mondiale, à la découverte <strong>de</strong> champs<br />

pétrolifères en Sibérie, et dans le Caucase.<br />

Mon oncle avait développé les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

carottage électrique. Ceci a permis <strong>de</strong> mesurer<br />

les variations <strong>de</strong> résistivité <strong>de</strong>s sols et <strong>de</strong><br />

déterminer les couches <strong>de</strong> pétrole exploitables.<br />

Ces ingénieurs vivaient dans <strong>de</strong>s conditions<br />

très dures. Ils travaillaient en plein hiver, avec<br />

<strong>de</strong>s températures <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> -30°C, avec<br />

<strong>de</strong>s appareils lourds et d'énormes rouleaux <strong>de</strong><br />

fils électriques, dans un environnement humain<br />

<strong>de</strong> plus en plus méfiant, jusqu'à ce que Staline<br />

oblige les ingénieurs étrangers à quitter<br />

l'URSS. Il m'a été mentionné que c'était Poldini<br />

qui avait déterminé le tracé du tronçon <strong>de</strong> la<br />

future autoroute A1 entre <strong>Genève</strong> et<br />

Lausanne, en tenant en compte <strong>de</strong> l'ancien lit<br />

<strong>de</strong> certaines rivières <strong>de</strong> Romandie. Cette<br />

autoroute fut inaugurée en 1964 pour<br />

l'Exposition Nationale Suisse. C'est à<br />

l'occasion d'une invitation à souper chez Prof.<br />

Poldini et son épouse Tania, que nous<br />

apprîmes la nouvelle soudaine <strong>de</strong> l'assassinat<br />

du Prési<strong>de</strong>nt Kennedy !<br />

Dès la rentrée universitaire d'octobre 1962<br />

mon mari a donné le grand cours <strong>de</strong> physique.<br />

L'auditoire était bourré à craquer. Il m'avait<br />

<strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> venir comme auditrice. Ceci nous<br />

permettait <strong>de</strong> parler du déroulement <strong>de</strong> ces<br />

cours le soir. Après les années <strong>de</strong> travail<br />

penché sur <strong>de</strong>s appareils, cela représentait<br />

une expérience nouvelle dans une langue qui<br />

n'était pas sa langue maternelle. Il avait entre<br />

autre une étudiante qui ne pouvait pas rester<br />

en place et qui perturbait l'auditoire. Nous<br />

avons pensé alors qu'il serait peut-être bon <strong>de</strong><br />

la prier <strong>de</strong> s'asseoir au premier rang. Dès ce<br />

jour, elle a pu se concentrer et elle obtint<br />

même son diplôme. Un paquet contenant une<br />

bouteille <strong>de</strong> liqueur nous parvint une année<br />

plus tard <strong>de</strong>puis Athènes, en remerciement!<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

42<br />

Membres <strong>de</strong> l’Ecole <strong>de</strong> Physique en 1963<br />

Nous habitions alors à Petit-Lancy qui n'était<br />

pas trop loin. <strong>Le</strong> trajet entre le Pont St-<br />

Georges et l'Ecole <strong>de</strong> Physique était un peu<br />

étrange à l'époque. Ce n'était que baraques<br />

faites <strong>de</strong> pièces rapportées, grillages, chiens<br />

pas toujours en laisse et quelques poules. Je<br />

n'avais pas envie d'y traîner. Je pouvais<br />

m'échapper <strong>de</strong> chez nous pendant les heures<br />

d'école <strong>de</strong> mes aînés.<br />

Une gentille Autrichienne s'occupait <strong>de</strong> notre<br />

Clarence âgé <strong>de</strong> 2 ans et me secondait à la<br />

maison, tout en suivant <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> français.<br />

Elle était vive et intelligente, bonne<br />

pédagogue, mais piètre manipulatrice <strong>de</strong><br />

vaisselle ! A peu près tout ce que j'avais<br />

acquis comme assiettes durant les années au<br />

New Jersey, avec les bons <strong>de</strong>s supermarchés<br />

avait atterri en morceaux dans la poubelle!<br />

Mais c'était un détail dont nous avons souvent<br />

ri, un peu jaune cependant.<br />

On comprendra <strong>de</strong>s quelques lignes avec<br />

lesquelles j'ai élaboré un portrait <strong>de</strong> Martin<br />

Peter, qu'il ait très tôt élargi le rôle qu'allait<br />

remplir le Département <strong>de</strong> Physique<br />

expérimentale <strong>de</strong> l'<strong>Université</strong> à <strong>Genève</strong>. Ainsi,<br />

l'<strong>Université</strong> s'ouvrait vers la Cité.<br />

Avec le Dr. Paul Waldvogel, le Colloque<br />

Ecole <strong>de</strong> Physique – Industrie Genevoise<br />

(CEPIG) a été fondé dès 1966 sous leur<br />

impulsion conjointe. Ce fut le début d'une<br />

collaboration à laquelle furent invitées à se<br />

joindre les industries genevoises désireuses<br />

<strong>de</strong> présenter certains <strong>de</strong> leurs problèmes <strong>de</strong><br />

recherche et <strong>de</strong> développement et d'en<br />

discuter avec les physiciens du département.<br />

<strong>Le</strong>s séminaires continuèrent pendant <strong>de</strong><br />

nombreuses années.<br />

Fort <strong>de</strong> cette expérience, l'idée germa <strong>de</strong><br />

fon<strong>de</strong>r, le Groupe <strong>de</strong> Physique Appliquée


(GAP). Ce groupe vit le jour en 1980. J’en<br />

parlerai plus loin. Un début <strong>de</strong> travail concret<br />

fut réalisé entre le DPMC et les Ateliers <strong>de</strong>s<br />

Charmilles. <strong>Le</strong> Dr. Charles Frei fut délégué<br />

par le DPMC pour travailler avec le Dr. Jean<br />

Pfau, physicien, et alors directeur <strong>de</strong>s Ateliers<br />

<strong>de</strong>s Charmilles, sur le site même <strong>de</strong><br />

l'entreprise, où se trouvait l'équipement<br />

indispensable. Ils y ont développé les<br />

techniques <strong>de</strong> l’électro-érosion, usinage<br />

extrêmement précis <strong>de</strong> pièces métalliques par<br />

étincelles créées dans <strong>de</strong> l’huile.<br />

L'élargissement du rayon d'action <strong>de</strong> la<br />

physique au niveau romand a débuté très tôt.<br />

C'est en 1964, qu'a été signée par les<br />

Prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>s Départements <strong>de</strong> l'Instruction<br />

Publique <strong>de</strong>s cantons <strong>de</strong> Fribourg, Vaud,<br />

Neuchâtel, <strong>Genève</strong> et Berne et par le<br />

Prési<strong>de</strong>nt du Conseil <strong>de</strong>s Ecoles<br />

Polytechniques, une Convention Intercantonale<br />

pour l'Enseignement du<br />

Troisième Cycle en Suisse Roman<strong>de</strong>. <strong>Le</strong><br />

professeur Martin Peter en fut le premier<br />

prési<strong>de</strong>nt. Cette convention permettait d'inviter,<br />

<strong>de</strong>s enseignants <strong>de</strong> haut niveau <strong>de</strong> Suisse ou<br />

<strong>de</strong> l’étranger, pour donner <strong>de</strong>s cours ou <strong>de</strong>s<br />

conférences à <strong>de</strong>s étudiants avancés, <strong>de</strong>s<br />

assistants, ou <strong>de</strong>s professeurs intéressés. J'ai<br />

connu plusieurs <strong>de</strong>s invités, dont le professeur<br />

Philip Allen <strong>de</strong> Stony Brook University, L.I.<br />

USA et le Prof. Hueda du Japon, tous <strong>de</strong>ux<br />

venus avec épouse et enfants et qui ont par la<br />

suite conservé <strong>de</strong>s liens professionnels et <strong>de</strong>s<br />

amitiés durables avec leurs hôtes. <strong>Le</strong><br />

professeur Pierre-Gilles <strong>de</strong> Gennes (1932-<br />

2007), prix Nobel 1991, génial « touche-àtout<br />

», y donna, bien sûr, un cours sur la<br />

Supraconductivité.<br />

Plus tard, mon mari et moi sommes allés <strong>de</strong>ux<br />

fois à l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Stony Brook. Il y avait<br />

toujours un bureau prêt pour accueillir le<br />

physicien <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> dans un environnement<br />

scientifique très stimulant et où il se sentait<br />

très à l'aise. J'avais le temps <strong>de</strong> découvrir les<br />

alentours et je me suis aventurée jusqu'à<br />

Great Neck, Long Island, assez proche <strong>de</strong> là et<br />

où j'ai vécu avec mes parents dans ma toute<br />

jeunesse. Bien qu'ayant une photo <strong>de</strong> notre<br />

maison d'alors, je n'ai jamais pu en retrouver<br />

l'emplacement car Long Island s'est<br />

énormément développée <strong>de</strong>puis les années<br />

trente.<br />

En 1964 déjà avait été publié le résultat <strong>de</strong>s<br />

« Contributions et propositions <strong>de</strong> neuf<br />

professeurs d'université suisses » (annexe D).<br />

Ils faisaient remarquer que la structure <strong>de</strong>s<br />

universités suisses et les statuts <strong>de</strong>s<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

43<br />

Prof. Léon van Hove, CERN (1975)<br />

professeurs n'étaient pas adaptés au<br />

dynamisme indispensable à leur<br />

développement. La plupart <strong>de</strong> ceux qui étaient<br />

revenus <strong>de</strong>s Etats-Unis avaient vu leur salaire<br />

diminué d'environ un tiers lors <strong>de</strong> leur retour en<br />

Suisse. Par comparaison cependant, le coût<br />

<strong>de</strong> la vie ici était plus élevé qu'aux USA.<br />

Je fais ici mention d'un extrait du rapport du<br />

Prof. M. Peter inclus dans cette publication :<br />

« <strong>Le</strong>s conditions <strong>de</strong> salaire, qui me semblaient<br />

favorables lors <strong>de</strong> mes négociations, sont en<br />

vérité sur toute l'échelle, loin d'être<br />

satisfaisantes. Des dispositions doivent être<br />

prises pour permettre aux chercheurs un<br />

niveau <strong>de</strong> vie correspondant à leurs<br />

responsabilités si l'on veut maintenir ces<br />

chercheurs en fonction et attirer le meilleur<br />

talent pour les tâches encore à accomplir ».<br />

Au vu <strong>de</strong> ce qui précè<strong>de</strong>, dès 1967, cinq<br />

professeurs <strong>de</strong>s facultés <strong>de</strong>s Sciences, <strong>de</strong><br />

Droit, <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine et <strong>de</strong>s <strong>Le</strong>ttres <strong>de</strong> <strong>Genève</strong><br />

se réunirent à plusieurs reprises dans une<br />

petite salle à manger du sous-sol <strong>de</strong> la « Cave<br />

Valaisanne », pour formuler une <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

auprès du gouvernement <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>. <strong>Le</strong><br />

prési<strong>de</strong>nt du Département <strong>de</strong> l'Instruction<br />

Publique, André Chavanne, a accueilli<br />

favorablement les requêtes et en 1968, une<br />

augmentation <strong>de</strong>s salaires <strong>de</strong>s professeurs a


Prof. Ernest Stückelberg (vers 1960)<br />

été acceptée par le Grand Conseil, avec effet<br />

rétroactif pour le début <strong>de</strong> l'année en cours. Ce<br />

fut un bol d'air pour les Professeurs qui<br />

jusqu'alors peinaient à faire vivre leurs<br />

familles.<br />

En 1968, le Prof. W. Brenig, professeur <strong>de</strong><br />

physique théorique <strong>de</strong> la Technische<br />

Universität <strong>de</strong> Munich, vint passer un semestre<br />

au DPMC. Martin me disait combien il<br />

appréciait les discussions avec cet esprit<br />

entreprenant et luci<strong>de</strong>.<br />

<strong>Le</strong> professeur Léon Van Hove, théoricien au<br />

CERN a donné en 1975 durant un semestre,<br />

une série <strong>de</strong> cours très appréciés au<br />

Département <strong>de</strong> la Matière Con<strong>de</strong>nsée. Son<br />

cours traitait <strong>de</strong>s "Développements récents en<br />

Physique <strong>de</strong>s Particules" (notes rédigées par<br />

M. Abud). Par la suite, il a succédé à Willy<br />

Jentschke, et a été nommé Directeur Général<br />

pour la Recherche au CERN.<br />

L’année 1969, sous l’impulsion du Prof. Ed.<br />

Kellenberg et la direction du Prof. Ernest<br />

Heer, un étage <strong>de</strong> laboratoires et <strong>de</strong> bureaux<br />

supplémentaires fut ajouté. En effet, avec la<br />

création <strong>de</strong>s nouvelles unités et instituts,<br />

l'espace disponible était <strong>de</strong>venu étouffant.<br />

Jusque-là, le Département <strong>de</strong> Physique<br />

Nucléaire et Corpusculaire qui avait été<br />

cantonné dans <strong>de</strong>s baraques préfabriquées le<br />

long <strong>de</strong> l'Arve, a pu venir s'installer dans le<br />

bâtiment. <strong>Le</strong> nouvel étage se vit même doté<br />

d'une cafétéria, lieu <strong>de</strong> détente et <strong>de</strong> rencontre<br />

collégiale qui <strong>de</strong>vint rapi<strong>de</strong>ment très<br />

fréquentée. Une préposée se fera encore<br />

toujours un plaisir <strong>de</strong> vous servir une boisson<br />

bien chau<strong>de</strong> ou rafraîchissante et un croissant<br />

pour une somme modique, durant les heures<br />

d'ouverture!<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

44<br />

L'Atelier, dans lequel on fabriquait une large<br />

gamme d'appareils, <strong>de</strong> pièces métalliques, <strong>de</strong><br />

"<strong>de</strong>wars", récipients servant à contenir <strong>de</strong>s<br />

liqui<strong>de</strong>s cryogéniques, occupait une bonne<br />

partie du rez-<strong>de</strong>-chaussée. <strong>Le</strong>s techniciens et<br />

les mécaniciens étaient excellents et dévoués.<br />

Je ne puis oublier que le personnel <strong>de</strong> cet<br />

atelier avait confectionné un très beau socle <strong>de</strong><br />

plastique transparent pour la "pendule<br />

oignon" qui a été remise par le DPMC à mon<br />

mari lors <strong>de</strong> son entrée en retraite. <strong>Le</strong> hall<br />

d'entrée <strong>de</strong> l'Ecole <strong>de</strong> Physique était<br />

heureusement spacieux. Ainsi, l'accueil y était<br />

agréable. Au fond <strong>de</strong> ce hall, l'œil attentif <strong>de</strong><br />

Madame Foresti ne laissait aucun doute sur<br />

les allées et venues <strong>de</strong> quiconque y passait.<br />

Elle était préposée au courrier et surtout, elle a<br />

été pendant longtemps la téléphoniste <strong>de</strong> la<br />

Faculté <strong>de</strong>s Sciences! Elle connaissait tout le<br />

mon<strong>de</strong>. Au même niveau était située la<br />

Bibliothèque <strong>de</strong> l'Ecole <strong>de</strong> Physique.<br />

Présence importante: la chaise placée à<br />

gauche <strong>de</strong> la troisième marche <strong>de</strong> l'entrée était<br />

réservée au grand Professeur Ernest<br />

Stückelberg von Brei<strong>de</strong>nbach zu<br />

Brei<strong>de</strong>nstein qui avait du mal à gravir les<br />

marches.<br />

Ce professeur, théoricien, était un homme<br />

remarquable. Parmi ses inventions et<br />

recherches, on compte : la physique <strong>de</strong>s<br />

particules nouvelles (1936), antiélectrons et<br />

mésons, la matrice S, le Groupe <strong>de</strong><br />

Renormalisation en théorie <strong>de</strong>s champs et la<br />

Thermodynamique Quantique. Il souffrait<br />

malheureusement <strong>de</strong>puis sa jeunesse d'une<br />

maladie dépressive dont les attaques se firent<br />

<strong>de</strong> plus en plus fréquentes et éprouvantes<br />

avec les années. Ainsi à l'époque <strong>de</strong> la venue<br />

à <strong>Genève</strong> <strong>de</strong> Martin Peter, il donnait peu <strong>de</strong><br />

cours, d'ailleurs avec <strong>de</strong>s représentations <strong>de</strong><br />

symboles <strong>de</strong> physique très difficiles à<br />

comprendre. Un <strong>de</strong> ses étudiants, le Dr Paul<br />

Scheurer a rédigé ses cours pour en faciliter<br />

le déchiffrement par les théoriciens. Il est par<br />

la suite allé enseigner en Belgique.<br />

Stueckelberg a été fidèle aussi longtemps que<br />

possible à la Section <strong>de</strong> Physique. Il était<br />

également un auditeur assidu <strong>de</strong>s conférences<br />

du CERN où il était très respecté. On raconte<br />

que les jeunes conférenciers qui le voyaient<br />

parmi les auditeurs du « Grand Colloque »<br />

étaient parfois déstabilisés.<br />

En effet, Professeur Stueckelberg était<br />

toujours accompagné <strong>de</strong> son petit chien Teckel<br />

nommé Carlo. Il semblait que leurs <strong>de</strong>ux<br />

cerveaux étaient en symbiose à ces moments.<br />

Alors que Stueckelberg paraissait assoupi


Livraison <strong>de</strong> l’aimant VARIAN à l’Ecole <strong>de</strong> Physique<br />

(1969)<br />

durant une présentation scientifique, si par<br />

hasard le conférencier émettait une hypothèse<br />

ou proposait une conclusion pas tout à fait<br />

exacte, Carlo aboyait discrètement ou secouait<br />

la chaîne <strong>de</strong> son collier. A ce moment précis,<br />

Stueckelberg reconnaissait l’erreur du<br />

conférencier, sans le lui faire remarquer<br />

toutefois sur le moment. <strong>Le</strong> fait s’est répété<br />

plusieurs fois et est donc resté dans les<br />

annales par ouï-dire…<br />

On a profité <strong>de</strong> cette addition d'étage pour<br />

installer un gros aimant VARIAN d'environ cinq<br />

tonnes qui, à l'ai<strong>de</strong> d'une grue a passé par le<br />

toit en construction. C'était un <strong>de</strong>s plus gros<br />

sur le marché, Cet instrument était<br />

évi<strong>de</strong>mment indispensable pour un<br />

département qui s'adonnait essentiellement à<br />

la physique <strong>de</strong>s métaux, à leurs propriétés<br />

magnétiques et <strong>de</strong> transport. Mais, lorsque <strong>de</strong>s<br />

aimants supraconducteurs ont été fabriqués,<br />

ils ont vite supplanté les aimants traditionnels<br />

avec bobines <strong>de</strong> cuivre. <strong>Le</strong> gros aimant est<br />

donc ressorti par le toit et a été vendu à Lyon<br />

où il est utilisé pour <strong>de</strong>s calibrages.<br />

Pour les non scientifiques je préciserai que les<br />

nouveaux aimants supraconducteurs ne<br />

pèsent que quelques dizaines à centaines <strong>de</strong><br />

kilogrammes (systèmes <strong>de</strong> refroidissement<br />

compris). <strong>Le</strong>s bobines sont faites actuellement<br />

d’alliages <strong>de</strong> métaux supraconducteurs<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

45<br />

Martin au laboratoire, l’aimant vient d’arriver (1969)<br />

traditionnels (Niobium, Etain ou Titane). <strong>Le</strong><br />

développement <strong>de</strong> bobinage à base <strong>de</strong>s<br />

nouvelles céramiques « à haute température »<br />

du type Yttrium, Baryum, Cuivre et Oxygène,<br />

(YBa2Cu3O7) est en cours (au GAP entre<br />

autre). L’intérêt <strong>de</strong> ces différents<br />

supraconducteurs rési<strong>de</strong> dans le fait que leur<br />

résistance électrique est nulle au-<strong>de</strong>ssous<br />

d’une température critique. On peut donc<br />

produire <strong>de</strong>s champs magnétiques plus<br />

intenses grâce à <strong>de</strong>s courants plus élevés,<br />

sans que les aimants ne surchauffent.<br />

Et pendant qu’un nouvel étage commençait à<br />

chapeauter l’Ecole <strong>de</strong> Physique, La famille<br />

Peter se créa un toit valaisan pour ses<br />

vacances. Ce fut un petit chalet aux murs <strong>de</strong><br />

grosses poutres que nous avons baptisé « <strong>Le</strong>s<br />

Armaillis ». Mon mari y avait évi<strong>de</strong>mment son<br />

bureau où il pouvait se tenir <strong>de</strong>bout au niveau<br />

du faîte du toit. Pour le reste, la position assise<br />

Chalet « <strong>Le</strong>s Armaillis » à Haute-Nendaz (1969)


Claudine et Martin Peter à la Dent <strong>de</strong> Nendaz (1968)<br />

était recommandée. Dans ce cadre il put<br />

toujours retrouver le calme et récupérer la<br />

santé à la suite d’efforts multiples. Je me<br />

souviens <strong>de</strong>s petits-déjeuners, où avec nos<br />

enfants et presque toujours <strong>de</strong>s copains ou<br />

copines, avaient lieu <strong>de</strong>s discussions<br />

passionnantes sur la géométrie, l’histoire, les<br />

sciences. Certains ne participèrent peut-être<br />

pas jusqu’au bout avec enthousiasme, car ils<br />

voyaient l’heure du départ à skis qui se<br />

retardait! Mais je suis certaine que ces<br />

moments se sont glissés dans leur mémoire et<br />

auront éveillé en eux leur curiosité<br />

intellectuelle.<br />

Pendant les années au rectorat,<br />

1966 – 1972.<br />

Très vite, dès 1966, Martin Peter a été nommé<br />

vice-recteur en charge <strong>de</strong> la Commission<br />

Administrative <strong>de</strong> l'<strong>Université</strong>, responsable<br />

alors du budget. Prof. Eric Martin était vicerecteur<br />

avec lui. Ils épaulaient tous <strong>de</strong>ux le<br />

Recteur Denis van Berchem. Martin Peter<br />

n’avait alors que 38 ans et préjugeait avec<br />

confiance <strong>de</strong> sa santé. <strong>Le</strong> budget <strong>de</strong><br />

l'université a d'ailleurs été multiplié par <strong>de</strong>ux<br />

durant ses années au vice rectorat.<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

46<br />

Dessin <strong>de</strong> Ronald Mermod : Martin Peter lors d’une<br />

séance <strong>de</strong> la Commission Administrative <strong>de</strong> l’université<br />

(1967)<br />

Martin PETER a réussi à cumuler la lour<strong>de</strong><br />

charge <strong>de</strong> vice recteur, avec son travail <strong>de</strong><br />

physicien. Une fois ses obligations presque<br />

quotidiennes remplies pour la Commission<br />

Administrative, il allait retrouver ses chers<br />

physiciens en début <strong>de</strong> soirée et leur disait<br />

parfois, - ce qui m'a été rapporté par l'un d'eux<br />

-«Au travail maintenant !». Ceux-ci jouèrent le<br />

jeu et firent ce qu'ils pouvaient pour décharger<br />

mon mari là où c'était possible. Professeur<br />

Jérôme Sierro accepta d'assumer la charge<br />

du cours <strong>de</strong> physique pour physiciens et<br />

mathématiciens. Dès 1969 Jérôme Sierro a<br />

donné le cours <strong>de</strong> physique pour les mé<strong>de</strong>cins,<br />

succédant au Professeur Jean Muller <strong>de</strong>venu<br />

Doyen <strong>de</strong> la Faculté <strong>de</strong>s Sciences.<br />

Ceci a représenté un allégement sérieux pour<br />

mon mari, car je me souviens qu'il ne donnait<br />

jamais <strong>de</strong>ux fois un cours i<strong>de</strong>ntique. Il<br />

consacrait <strong>de</strong>s heures pour préparer chaque<br />

cours, en variant les présentations et les<br />

explications, et ceci, longtemps avant que le<br />

coq ne chante! Ainsi Martin parvint à traverser<br />

une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> surcharge qui allait d'ailleurs<br />

s'amplifier jusqu'en 1973 avec le rectorat. <strong>Le</strong><br />

physicien y survécut <strong>de</strong> justesse grâce à ses<br />

fidèles collaborateurs.<br />

L'agitation estudiantine se répandait comme<br />

une traînée <strong>de</strong> poudre à travers plusieurs pays


Visite <strong>de</strong> J. Robert Schrieffer (1968)<br />

d'Europe <strong>de</strong> l'Ouest, <strong>de</strong>puis Paris où la<br />

Sorbonne et le Quartier Latin étaient mis à<br />

mal. <strong>Genève</strong> ne fut pas épargnée. C’est en<br />

1968 et 1969 que la vénérable institution <strong>de</strong><br />

Calvin fut la plus secouée. A l’occasion du<br />

Dies Aca<strong>de</strong>micus <strong>de</strong> juin 1968, plusieurs<br />

doctorats honoris causa allaient être décernés.<br />

<strong>Le</strong> Professeur J. Robert Schrieffer était parmi<br />

eux. Je ne me souviens plus <strong>de</strong>s autres. Ce<br />

que j’ai vu, c’est qu’à cause <strong>de</strong> l’agitation, le<br />

recteur Van Berchem, les <strong>de</strong>ux vice-recteurs<br />

Eric Martin et M. Peter, et les doyens ont dû<br />

quitter la salle pour remettre ces honneurs aux<br />

bénéficiaires dans le bureau du rectorat.<br />

Lors d’une journée « Portes ouvertes »<br />

organisée par les Anciens (Alumni) en 1969,<br />

il y eut un sérieux problème. J’avais été<br />

chercher mon mari à la gare Cornavin juste<br />

avant la séance officielle. Il était en permission<br />

spéciale d’une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> service militaire. Il<br />

eut juste le temps <strong>de</strong> revêtir la robe<br />

professorale et d’endosser la belle chaîne du<br />

recteur avec l’intention d’entrer dans le grand<br />

auditoire d’Uni Bastions. Dans le hall, il<br />

s’apprêta à faire son entrée avec le Prési<strong>de</strong>nt<br />

Chavanne et le politicien français <strong>de</strong> Gauche<br />

Edgar Faure invité à <strong>Genève</strong> par « les<br />

Anciens ». Ils réalisèrent à ce moment, que<br />

l’auditoire était plein et qu’une masse<br />

in<strong>de</strong>scriptible d’agitateurs y avait pris place. Ils<br />

réussirent à se frayer un passage vers le<br />

podium et firent face à la foule… Hurlements,<br />

injures, fumée <strong>de</strong> cigarettes les assaillirent. <strong>Le</strong><br />

journal décrivit la scène le len<strong>de</strong>main en disant<br />

« <strong>Le</strong> Prési<strong>de</strong>nt était bleu, le Recteur était blanc<br />

et Edgar Faure était rouge ». L’auditoire fut<br />

évacué sans acci<strong>de</strong>nt, mais ce lieu ne<br />

possédant pas d’issue <strong>de</strong> secours, on l’avait<br />

échappé belle !<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

47<br />

<strong>Le</strong> Recteur <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> (1969)<br />

« <strong>Le</strong>s Problèmes <strong>de</strong> notre <strong>Université</strong> »<br />

(annexe F). Lors <strong>de</strong> la rentrée universitaire<br />

1969/70, le Recteur Peter a fait un discours<br />

dans lequel il s'est exprimé sur la nécessité<br />

pour les étudiants <strong>de</strong> s’organiser pour former<br />

<strong>de</strong>s commissions qui travailleraient en toute<br />

légalité, et en accord avec le corps professoral,<br />

afin <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s propositions qui mèneraient à<br />

<strong>de</strong>s réalisations constructives. Car, <strong>de</strong> vouloir<br />

tout remanier à l’université pendant le temps<br />

<strong>de</strong> leurs étu<strong>de</strong>s, sans avoir eu l’occasion <strong>de</strong><br />

prendre connaissance du fonctionnement<br />

antérieur <strong>de</strong> l’Institution serait vain.<br />

Je cite un passage <strong>de</strong> ce discours d’entrée :<br />

« Conquérir l'héritage <strong>de</strong> nos aïeux. Non pas<br />

dans une attitu<strong>de</strong> admirative, mais en vue <strong>de</strong><br />

Martin Peter, recteur et André Chavanne, conseiller<br />

d’état en charge <strong>de</strong> l’Instruction Publique (1970)


transformer cet héritage, qui nous confère tant<br />

<strong>de</strong> puissance, mais qui nous a aussi amené<br />

<strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> dimensions sans précé<strong>de</strong>nt.<br />

Notre <strong>Université</strong> est avant tout le lieu où la<br />

transmission <strong>de</strong> cet héritage doit être assurée.<br />

C'est pourquoi, chers étudiants, cette<br />

transformation ne pourra être liquidée pendant<br />

vos étu<strong>de</strong>s. Elle sera la tâche <strong>de</strong> toute votre<br />

vie. Vous vous y vouerez côte à côte avec tous<br />

ceux qui n'auront pas partagé avec vous le<br />

privilège d'une formation universitaire. »<br />

Tout a beaucoup évolué <strong>de</strong>puis, et les<br />

problèmes auxquels les étudiants ont à faire<br />

face <strong>de</strong> nos jours sont très différents, tout<br />

comme le mon<strong>de</strong> auquel ils seront confrontés<br />

à la suite <strong>de</strong> leurs étu<strong>de</strong>s. – Voir la première<br />

partie du discours où le recteur parle <strong>de</strong>s<br />

philosophes Carl Friedrich von Weizecker et<br />

Marcuse (annexe F). – Cette partie reste<br />

probablement d'actualité.<br />

A cette époque, le Recteur, comme le vicerecteur,<br />

qu’il avait été précé<strong>de</strong>mment, cumulait<br />

cette charge avec celle <strong>de</strong> l’enseignement et<br />

<strong>de</strong> la recherche. Il fallait <strong>de</strong> la force. Il fallait du<br />

tact ! Il fallait savoir comman<strong>de</strong>r, savoir<br />

écouter, savoir déci<strong>de</strong>r. Sa secrétaire travaillait<br />

à mi-temps pour lui dans un vaste "pool" <strong>de</strong><br />

secrétariat dans le bâtiment <strong>de</strong>s Bastions.<br />

J’allais la trouver environ une fois par semaine<br />

pour organiser l’agenda <strong>de</strong> mon mari.<br />

Pendant la pério<strong>de</strong> du rectorat, mon mari<br />

continuait sa route <strong>de</strong> physicien et publiait <strong>de</strong>s<br />

résultats <strong>de</strong> calculs sur les matériaux non<br />

magnétiques pour la Compensation thermique<br />

<strong>de</strong> l’Elasticité, avec Prof. Samuel Steinemann<br />

<strong>de</strong> l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Lausanne; sur l’Elasticité <strong>de</strong>s<br />

Matériaux paramagnétiques avec Steinemann<br />

et Øystein Fischer, et sur les<br />

Supraconducteurs magnétiques avec un<br />

groupe composé <strong>de</strong> P. Donzé, Ø. Fischer, A.<br />

Junod, J. Ortelli, A. Treyvaud, E. Walker, M.<br />

Wilhelm et B. Hil<strong>de</strong>brand (annexe A).<br />

Il <strong>de</strong>venait <strong>de</strong> plus en plus clair dans l’esprit <strong>de</strong><br />

Martin Peter que les recherches en physique<br />

du soli<strong>de</strong> allaient exiger la collaboration <strong>de</strong><br />

plusieurs universités roman<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s Ecoles<br />

polytechniques, et la formation d’un institut<br />

central qui possé<strong>de</strong>rait <strong>de</strong>s facilités techniques<br />

et un appareillage très puissant. De<br />

nombreuses discussions préparatoires eurent<br />

lieu avec ses collaborateurs <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> et <strong>de</strong>s<br />

physiciens <strong>de</strong>s autres universités roman<strong>de</strong>s et<br />

<strong>de</strong> l’Ecole Polytechnique <strong>de</strong> Lausanne.<br />

En juin 1989 fut inauguré IRRMA, Institut<br />

Romand <strong>de</strong> Recherche numérique en<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

48<br />

Physique <strong>de</strong>s Matériaux. <strong>Le</strong> centre <strong>de</strong><br />

recherche fut situé sur le campus <strong>de</strong> l’EPFL et<br />

le premier directeur a été le Prof. Alfonso<br />

Bal<strong>de</strong>reschi, suivi après une pério<strong>de</strong> initiale,<br />

par le prof. Roberto Car, venu <strong>de</strong> la<br />

« International School for advanced studies »<br />

<strong>de</strong> Trieste. Prof. R. Car fut nommé à la Faculté<br />

<strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong> l’université <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>, et<br />

délégué à IRRMA pour y diriger la recherche<br />

<strong>de</strong> ce nouvel institut au centre d’Ecublens.<br />

Dans un rapport du Professeur Martin Peter,<br />

présenté en 1993, soit quatre années après la<br />

fondation <strong>de</strong> IRRMA il dit :<br />

« IRRMA représente sur le plan scientifique<br />

une réussite remarquable et remarquée à<br />

travers le mon<strong>de</strong>. La Suisse Roman<strong>de</strong><br />

possè<strong>de</strong> une avance réelle dans le domaine<br />

<strong>de</strong> la modélisation <strong>de</strong> la matière con<strong>de</strong>nsée<br />

sur ordinateur, et ceci pour la qualité <strong>de</strong>s<br />

chercheurs engagés et par l’importance <strong>de</strong>s<br />

moyens utilisés (moyens informatiques, Centre<br />

<strong>de</strong> calcul <strong>de</strong> Manno, (Tessin), etc.). Mais, sur<br />

le plan administratif, IRRMA représente encore<br />

un casse-tête qui nécessitera un important pas<br />

en avant vers <strong>de</strong>s structures coopératives plus<br />

efficaces, afin que nous puissions consoli<strong>de</strong>r<br />

notre acquis. »<br />

Quinze ans ont passé <strong>de</strong>puis et IRRMA a<br />

certainement beaucoup évolué <strong>de</strong>puis sa<br />

naissance. Roberto Car est maintenant à<br />

l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Princeton. Lorsque Prof. M.<br />

Peter souhaita se retirer du Bureau <strong>de</strong> IRRMA<br />

en 1995, il en fut nommé Membre Honoraire.<br />

Pour en revenir à l’administration <strong>de</strong><br />

l’université, je vais parler du Secrétaire<br />

général. Ce <strong>de</strong>rnier assumait beaucoup <strong>de</strong><br />

fonctions et eut la charge lour<strong>de</strong> entre 1968 et<br />

1970. C’était le regretté Bernard Ducret qui a<br />

tant fait pour notre Alma Mater. Il a géré et<br />

Martin Peter avec Bernard Ducret, secrétaire général<br />

<strong>de</strong> l’<strong>Université</strong> (1971)


emis en état la Villa Laret à Sils Maria en<br />

Engadine. Cette belle villa avait été léguée à<br />

l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> par la tante d’Anne<br />

Franck. Elle a hébergé pendant <strong>de</strong>s années<br />

<strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> l'<strong>Université</strong> lors <strong>de</strong> leurs<br />

vacances et également été le site <strong>de</strong> semaines<br />

d’étu<strong>de</strong> sur <strong>de</strong>s sujets multiples. Par exemple,<br />

le groupe d’appréciation <strong>de</strong> la musique <strong>de</strong><br />

l’<strong>Université</strong> du Troisième Âge s’y réunit<br />

régulièrement. Il y eut la semaine d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

roches régionales, accompagnée d’un atelier<br />

<strong>de</strong> sculpture, dirigée par le secrétaire général<br />

André Vifian qui avait suivi B. Ducret. <strong>Le</strong>s<br />

membres du Rectorat s’y réunirent plusieurs<br />

fois pour discuter <strong>de</strong> certains problèmes <strong>de</strong><br />

l’université. Mais la distance importante entre<br />

l’Engadine et <strong>Genève</strong> a probablement<br />

représenté un obstacle; la charge financière<br />

semble plus tard avoir dépassé le budget<br />

supportable et la belle villa dans les arbres, à<br />

l’entrée du Fextal a été vendue cette année.<br />

Bernard Ducret a également tenu à jour<br />

l’édition du « Recueil <strong>de</strong>s Professeurs <strong>de</strong><br />

l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> ».<br />

Une autre gran<strong>de</strong> réalisation <strong>de</strong> Bernard<br />

Ducret a été la création <strong>de</strong> l'<strong>Université</strong> du<br />

Troisième Âge dont je n'ai pas à vanter ici les<br />

services qu'elle a rendus et qu'elle rend <strong>de</strong><br />

plus en plus aux personnes ayant atteint l'âge<br />

<strong>de</strong> la retraite et qui désirent rester<br />

intellectuellement actives.<br />

<strong>Le</strong> bureau <strong>de</strong> B. Ducret et celui du Recteur<br />

étaient tout proches l'un <strong>de</strong> l'autre, ce qui<br />

facilitait gran<strong>de</strong>ment les entretiens concernant<br />

la marche <strong>de</strong> notre Alma Mater.<br />

<strong>Le</strong> nombre d’étudiants allait en augmentant.<br />

Certains Instituts et Ecoles furent peu à peu<br />

intégrés à l’<strong>Université</strong>. Des bâtiments venaient<br />

s’ajouter à Uni Bastions et ainsi, les charges<br />

<strong>de</strong> gestion et les charges administratives qui<br />

pesaient sur le corps professoral et sur le<br />

secrétaire général étaient trop lour<strong>de</strong>s et le<br />

rectorat obtint un accord pour nommer un<br />

Directeur Administratif <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong>. <strong>Le</strong><br />

premier fut Monsieur Gaston Cuen<strong>de</strong>t, qui fut<br />

suivi par M. Dominique Föllmi, lorsque G.<br />

Cuen<strong>de</strong>t fut nommé professeur à la Faculté<br />

<strong>de</strong>s Sciences Economiques et Sociales.<br />

Durant cette pério<strong>de</strong> fut également créé le<br />

Chœur universitaire dont Sheng Liang Chen<br />

<strong>de</strong>vint le premier directeur et le resta pendant<br />

environ 25 ans. Ce chœur vit toujours et donne<br />

chaque année un ou <strong>de</strong>ux concerts à<br />

l'occasion <strong>de</strong>squels sont exécutées <strong>de</strong> très<br />

belles œuvres. On trouve encore parmi les<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

49<br />

Passation <strong>de</strong> pouvoir entre <strong>de</strong>ux recteurs (1972)<br />

choristes actuels certains personnages haut<br />

placés dans l'administration du canton <strong>de</strong><br />

<strong>Genève</strong> et qui étaient étudiants à l'époque <strong>de</strong><br />

la création du chœur. Ceci prouve combien<br />

certains participants restent attachés à cet<br />

ensemble vocal <strong>de</strong> haut niveau.<br />

Durant la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> son rectorat, dès 1970,<br />

Martin Peter avait obtenu <strong>de</strong> faire nommer un<br />

troisième vice-recteur. Professeur Jean<br />

Rudhardt accepta d'assumer cette fonction.<br />

<strong>Le</strong>s Professeurs Robert Patry <strong>de</strong> la Faculté <strong>de</strong><br />

Droit, Ernest Heer <strong>de</strong>s Sciences et Rudhardt<br />

<strong>de</strong> la Faculté <strong>de</strong>s <strong>Le</strong>ttres, siégèrent ainsi au<br />

rectorat. Jean Rudhardt y resta 2 années et<br />

céda ensuite la place à Professeur Charles<br />

Rouiller <strong>de</strong> la faculté <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine. En effet,<br />

Prof. Peter allait quitter le rectorat une année<br />

plus tard et Charles Rouiller ayant été nommé<br />

pour le remplacer dès septembre 1973 désirait<br />

se préparer auparavant à cette charge. Je sais<br />

que Robert Patry a par exemple réglé la<br />

question d'une assurance maladie pour les<br />

étudiants. Après sa charge au rectorat, il a été<br />

élu au Tribunal Fédéral. Charles Rouiller étant<br />

décédé subitement, c'est Ernest Herr, alors<br />

vice-recteur, qui a pris la relève. Il a donc<br />

assumé la charge du rectorat <strong>de</strong> 1974 à 1977.<br />

Plusieurs physiciens ont d'ailleurs été recteurs<br />

<strong>de</strong> l'université <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>.<br />

Pour élargir un peu l’horizon au-<strong>de</strong>là du canton<br />

<strong>de</strong> <strong>Genève</strong>, rappelons que la lune a été<br />

abordée par l'homme en l’année 1969 par<br />

l’astronaute américain Neil Armstrong ! On<br />

peut à ce sujet lire la page 6 du discours du<br />

recteur Martin Peter lors <strong>de</strong> la séance<br />

d’ouverture <strong>de</strong> l’année académique 1969-1970<br />

(annexe F).


Lors <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière année du rectorat <strong>de</strong> Denis<br />

van Berchem, <strong>de</strong>s projets avaient été élaborés<br />

pour un traité d’amitié entre l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong><br />

Cluj-Napocca en Transylvanie et <strong>Genève</strong>.<br />

C’est en 1971 que le Recteur Martin Peter, que<br />

j’accompagnai comme secrétaire pour<br />

l’occasion, alla rencontrer le recteur Pascu <strong>de</strong><br />

Cluj-Napocca pour la signature du traité. Des<br />

échanges n’ont par la suite pas toujours été<br />

faciles, ni possibles, car l’Administration <strong>de</strong><br />

Bucarest faisait beaucoup <strong>de</strong> difficultés à<br />

l’époque, pour laisser sortir <strong>de</strong>s ressortissants<br />

spécialement bien formés, surtout dans les<br />

sciences. Par contre, plusieurs professeurs <strong>de</strong><br />

<strong>Genève</strong>, spécialistes d’histoire ancienne, <strong>de</strong><br />

paléontologie et <strong>de</strong> cristallographie, purent y<br />

aller pour <strong>de</strong> brefs séjours. Ce traité est<br />

toujours en vigueur.<br />

Je ne sais pas si certains <strong>de</strong> nos botanistes<br />

ont été à Cluj, mais l’université y possè<strong>de</strong> un<br />

<strong>de</strong>s plus intéressants jardins botaniques<br />

d’Europe où se trouvent <strong>de</strong>s collections créées<br />

par le grand Linné.<br />

Jules I er<br />

Ce personnage mérite d’être présenté. Une<br />

fois la pério<strong>de</strong> du rectorat terminée, Martin<br />

Peter avait fait ses plans. Une comman<strong>de</strong> ne<br />

tarda pas et nous vîmes bientôt arriver le<br />

prochain habitant <strong>de</strong> la maison. Installé sur<br />

une gran<strong>de</strong> table, il n’attendait que les doigts<br />

<strong>de</strong> son maître pour lui obéir. Seul, il était<br />

inerte. Nous l'avons nommé Jules.<br />

« QWERTZUIOP – 1234567890 » entra en<br />

action un beau matin. <strong>Le</strong> courant électrique<br />

aidant, il suffisait <strong>de</strong> lui dire « vas-y » avec le<br />

petit doigt. Son maître enchanté put alors lui<br />

confier les problèmes qui habitaient son esprit.<br />

« Oui, mais pas si simple ! » <strong>Le</strong> langage<br />

ASSEMBLER avec lequel Martin Peter avait vu<br />

fonctionner les ordinateurs aux Laboratoires<br />

BELL aux Etats-Unis était encore tout proche.<br />

On en était au langage BASIC et au<br />

FORTRAN. Jules avait sa logique qui ne<br />

coïncidait pas toujours avec celle <strong>de</strong> son<br />

maître. Il avait évi<strong>de</strong>mment une mémoire qui<br />

s’avéra très rapi<strong>de</strong>ment insuffisante et il ne<br />

fallut pas tar<strong>de</strong>r avant <strong>de</strong> lui allouer 10'000<br />

Kilobytes <strong>de</strong> plus, et à grands frais ! La<br />

machine bloquait lorsqu’elle discernait un<br />

argument en boucle. Pire, si à certaines<br />

occasions le bouton X était activé au lieu du<br />

bouton Y, Jules oubliait tout ce qu’il avait<br />

enregistré <strong>de</strong>puis la <strong>de</strong>rnière comman<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce<br />

genre. Il s’agissait souvent d’équations ou<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

50<br />

d’arguments essentiels. <strong>Le</strong> maître <strong>de</strong>vait se<br />

remettre au travail, comptant sur sa propre<br />

mémoire et toujours seul et à n'importe quelle<br />

heure du jour ou <strong>de</strong> la nuit.<br />

Deux petits rubans magnétiques permettaient<br />

d’enregistrer tout le défilement d’un calcul et sa<br />

résolution, si ce n’était pas trop long ! Ces<br />

rubans mangeaient beaucoup et mémorisaient<br />

peu, au vu <strong>de</strong> ce qu’estimait Martin. Donc, il<br />

fallait remplacer trop souvent ces vauriens qui<br />

s’embrouillaient facilement.<br />

Mon mari mit Jules parfois au service <strong>de</strong><br />

l’éducation <strong>de</strong> nos fils. La collection <strong>de</strong><br />

minéraux <strong>de</strong> Henry fut systématiquement<br />

classée par composés pour chaque spécimen.<br />

<strong>Le</strong> vocabulaire allemand fut préparé avec<br />

rigueur pour Henry et Robin.<br />

Peu à peu, Jules et son maître purent travailler<br />

plus en harmonie. <strong>Le</strong>s résultats virtuels qu’ils<br />

découvraient allaient permettre au futur<br />

expérimentateur <strong>de</strong> les appliquer à la matière<br />

réelle. Mais le maître à cet instant avait trouvé<br />

plus fort que lui et il dut partir faire réparer son<br />

système corporel à l’hôpital.<br />

Chose étrange, c’est un peu grâce à Jules que<br />

le moral <strong>de</strong> mon mari reprit le <strong>de</strong>ssus durant la<br />

crise. En effet, lorsqu’il était parti pour être<br />

soigné, Jules travaillait à un problème sur<br />

l’évaluation <strong>de</strong>s caractéristiques <strong>de</strong> certains<br />

supraconducteurs. Ainsi, lorsque je rendais<br />

visite au mala<strong>de</strong> à l’hôpital, il me disait qu’à<br />

une certaine étape du calcul, je <strong>de</strong>vais changer<br />

les ban<strong>de</strong>s magnétiques et donner certains<br />

ordres pour que le calcul continue. Il fallut 72<br />

heures pour obtenir le résultat espéré et je ne<br />

sais pas grâce à quelle bonne étoile je ne suis<br />

jamais tombée sur un argument en boucle.<br />

Ainsi, Jules repaya à Martin l’effort qu’il lui<br />

avait concédé avec tant d’acharnement et, le<br />

moral aidant, la santé revint et sa physique a<br />

pu continuer.<br />

Mais, laissons <strong>de</strong> côté la maladie qui revint<br />

plusieurs fois frapper à la porte et <strong>de</strong> plusieurs<br />

façons au cours <strong>de</strong>s années qui suivirent. A<br />

chaque nouvel épiso<strong>de</strong>, j'appelais le<br />

Professeur Wilhelm Rutishauser, cardiologue,<br />

<strong>de</strong>puis l'endroit où nous nous trouvions<br />

et ses conseils, souvent radicaux, nous ont<br />

toujours tirés <strong>de</strong>s mauvais pas. Martin Peter<br />

eut la chance et la joie d’être entouré par <strong>de</strong>s<br />

collaborateurs et <strong>de</strong>s assistants qui<br />

l’encourageaient dans ses réflexions et ses<br />

plans <strong>de</strong> recherche. La confiance qui régnait<br />

au Département <strong>de</strong> Physique lui a permis <strong>de</strong>


continuer ses travaux encore pour plus <strong>de</strong> 25<br />

ans.<br />

Relations entre Théologie et Physique<br />

Dans les années quatre-vingt, le Professeur<br />

Peter et le Professeur Gabriel Ph. Widmer <strong>de</strong><br />

la Théologie, lors <strong>de</strong> leurs conversations,<br />

percevaient quelles difficultés il y avait dans<br />

les contacts entre Physiciens et Théologiens.<br />

<strong>Le</strong> bureau <strong>de</strong> la Faculté <strong>de</strong> Théologie se<br />

trouvant également juste à côté du rectorat, les<br />

rencontres entre eux étaient fréquentes. Ils<br />

espéraient pallier ce manque <strong>de</strong> contacts entre<br />

scientifiques et hommes <strong>de</strong>s sciences<br />

humaines en commençant par la physique et<br />

la théologie, domaines auxquels ils<br />

consacraient leur travail respectif.<br />

Il ne faut pas oublier que l'Académie <strong>de</strong><br />

<strong>Genève</strong> avait été fondée comme Institution sur<br />

<strong>de</strong>s bases théologiques et philosophiques par<br />

Calvin. En effet, au XVI e siècle la<br />

mathématique faisait encore partie <strong>de</strong> la<br />

philosophie. D'autre part, Calvin avait eu<br />

besoin <strong>de</strong> physiciens, notamment pour l'ai<strong>de</strong>r<br />

dans la délicate tâche <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r la doctrine<br />

contre l'intrusion d'éléments <strong>de</strong> superstition. Or<br />

<strong>de</strong>puis, le temps aidant, une faille <strong>de</strong> plus en<br />

plus large entre les sciences exactes et les<br />

sciences humaines est apparue. En science<br />

naturelle les connaissances se sont<br />

développées très rapi<strong>de</strong>ment, en particulier<br />

<strong>de</strong>puis le début du XX e siècle, et nécessitent<br />

<strong>de</strong>s spécialisations <strong>de</strong> plus en plus pointues.<br />

D'autre part, <strong>de</strong>puis la découverte <strong>de</strong> la théorie<br />

<strong>de</strong> la Relativité par Einstein, puis <strong>de</strong> la<br />

physique quantique par Bohr, Schrödinger et<br />

Heisenberg, les concepts du déterminisme ont<br />

été supplantés par ceux du probabilisme,<br />

difficiles à appréhen<strong>de</strong>r pour quiconque n'a<br />

pas été astreint jusqu'à un certain niveau <strong>de</strong><br />

son éducation, à la rigueur <strong>de</strong>s mathématiques<br />

et <strong>de</strong> la logique.<br />

Professeur Peter s'exprime dans l'annexe G :<br />

« <strong>Le</strong>s Rapports entre Théologie Protestante et<br />

Science Naturelle », Labor et Fi<strong>de</strong>s, juin 1987.<br />

Il y mentionne que:<br />

« Pour les physiciens, il est indispensable <strong>de</strong><br />

parler d'abord du contenu profond, <strong>de</strong><br />

l'essence propre <strong>de</strong> la physique, car c'est à ce<br />

niveau que se situent les motivations pour<br />

l'évolution future <strong>de</strong> cette science, et c'est à ce<br />

niveau que monteront les impulsions qui<br />

pourront à long terme motiver également <strong>de</strong>s<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

51<br />

mutations dans d'autres sciences<br />

fondamentales.<br />

Nos partenaires théologiens communiquent<br />

avec nous dans le même esprit: leur science a<br />

également, à côté d'un aspect appliqué, un<br />

aspect très fondamental, et c'est <strong>de</strong> ce<br />

<strong>de</strong>uxième aspect qu'ils souhaitent nous parler.<br />

L'idée prévaut que, une fois l'entente établie à<br />

ce niveau, les questions plus immédiates se<br />

discuteront plus facilement, et dans un esprit<br />

nouveau. »<br />

Gabriel Widmer et Martin Peter jugèrent qu'il<br />

serait important que les représentants <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>ux approches, théologique et scientifique,<br />

expliquent chacun à leurs partenaires<br />

respectifs les buts et les métho<strong>de</strong>s qu'ils<br />

utilisent. L'idée germa alors <strong>de</strong> créer un<br />

Groupe Interface avec organisation <strong>de</strong><br />

séminaires <strong>de</strong> théologie et <strong>de</strong> physique, dont<br />

les sujets seraient présentés <strong>de</strong> façon<br />

accessible aux participants <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

spécialités.<br />

Confiants dans leur jugement, et avec l'espoir<br />

d'enrichir les opportunités <strong>de</strong> synthèse<br />

culturelle, - une université représentant le<br />

berceau <strong>de</strong> l'ouverture <strong>de</strong>s esprits, en marge<br />

<strong>de</strong> l'approfondissement <strong>de</strong> connaissances - ,<br />

les <strong>de</strong>ux professeurs s'allièrent avec d'autres<br />

enseignants <strong>de</strong> théologie et <strong>de</strong> physique,<br />

convaincus, comme eux <strong>de</strong> l'importance <strong>de</strong><br />

tels contacts. <strong>Le</strong> Groupe Interface fut alors<br />

créé en 1983. Des séminaires <strong>de</strong> théologie et<br />

<strong>de</strong> physique furent prévus. <strong>Le</strong>s Professeurs<br />

Øystein Fischer et Pierre Extermann<br />

appuyèrent Martin Peter pour la Physique et<br />

le Professeur Bernard Morel s'associa à<br />

Gabriel Widmer pour la Théologie. L'Ecole<br />

<strong>de</strong> Physique délégua Bernard Favier, Dr. en<br />

physique. La Banque Pictet offrit un poste<br />

d'assistant auquel fut nommé Eric Schiffer. Et<br />

en 1988, grâce au Fonds National Suisse<br />

(FNS), le Dr. Christophe Wassermann,<br />

physicien et théologien, vint rejoindre le<br />

groupe.<br />

Un titre fut choisi: "Esprit Scientifique et<br />

Démarche Théologique" et la décision a été<br />

d'adopter au début une démarche pragmatique<br />

qui revenait à se limiter à <strong>de</strong>s questions<br />

comme: Que font concrètement le physicien et<br />

le théologien quand ils s'adonnent à leur<br />

discipline ? Quels buts visent-t-ils ? De quels<br />

instruments <strong>de</strong> travail disposent-ils ? Quels<br />

sont leurs présupposés ? Ceci allait <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

<strong>de</strong>s efforts mutuels continus et du temps. En<br />

effet, il était souvent clair que les termes


25 ème anniversaire <strong>de</strong> l’Institut Œcuménique <strong>de</strong><br />

Bossey : Prof. Courvoisier, doyen <strong>de</strong> la Facutlé <strong>de</strong><br />

Théologie, Martin Peter et Prof. Nissiotis (1970)<br />

utilisés par les uns prenaient un sens différent<br />

chez les autres.<br />

Pour clore la présentation <strong>de</strong> cette réalisation<br />

entre les physiciens et les théologiens,<br />

j'ajouterai ici l’extrait d'une conférence<br />

« Physique et Société » que le professeur M.<br />

Peter a présentée à l'université Babes-Bolyai,<br />

en Roumanie, lorsqu'il y a reçu un doctorat<br />

honoris causa en 1993. Il y a parlé entre autre<br />

du Groupe Interface:<br />

« La théologie met toujours en évi<strong>de</strong>nce les<br />

racines et les finalités très différentes <strong>de</strong> la<br />

science. Au centre <strong>de</strong> ses préoccupations se<br />

trouve, non pas un ensemble d'observations<br />

soigneusement vérifiées quant à leur<br />

reproductibilité, mais plutôt l'évènement unique<br />

non vérifiable, et assimilable à un acte <strong>de</strong> foi<br />

uniquement. <strong>Le</strong> choix <strong>de</strong>s théologiens est<br />

motivé par leur souci <strong>de</strong> mission libératrice, et<br />

ils retracent leur procédé aux temps les plus<br />

anciens. Karl Barth disait que « si vérité<br />

biblique et vérité physique sont un, cette unité<br />

ne sera manifeste que dans le royaume à<br />

venir… »<br />

<strong>Le</strong> « groupe Interface » une fois constitué,<br />

resta actif <strong>de</strong> 1983 à 2005.<br />

Alors que Martin Peter était Recteur <strong>de</strong><br />

l'<strong>Université</strong>, il participa au 25 ème anniversaire<br />

du Centre Œcuménique <strong>de</strong> Bossey. <strong>Le</strong> vicedirecteur<br />

d'alors en était le théologien grec<br />

Prof. Nissiotis qui a reçu d'ailleurs un doctorat<br />

honoris causa <strong>de</strong> notre université. Nous avons<br />

reçu un jour à ce centre l'Archimandrite<br />

Veniamin <strong>de</strong> Roumanie. Alors que nous le<br />

reconduisions à sa chambre à la villa Rigot, il<br />

nous pria d'accepter son hospitalité pour<br />

quelques instants et sortit <strong>de</strong> sa valise une<br />

boîte <strong>de</strong> fromage "La Vache qui rit" et du pain<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

52<br />

25 ème anniversaire <strong>de</strong> l’Institut Œcuménique <strong>de</strong><br />

Bossey : Prof. Widmer, Martin Peter, Mr. Picot,<br />

Conseiller d’Etat, Prof. Courvoisier puis, à droite, Prof.<br />

Nissiotis et Prof. Bovon (1970)<br />

séché qu'il voulut partager avec nous. Il ne<br />

voyageait jamais sans cette proven<strong>de</strong> nous ditil<br />

! Et il aimait à la partager avec <strong>de</strong>s amis. En<br />

effet, vers 1971, nous avions été reçus à<br />

Bucarest lors d'un congrès Ampère et avions<br />

été visiter son grand monastère <strong>de</strong> Calda<br />

Ruciani, lieu d'ailleurs aussi touristique que<br />

site <strong>de</strong> pèlerinage et école <strong>de</strong> peinture. Un <strong>de</strong>s<br />

plus grands peintres roumains y avait débuté.<br />

Son nom est Gregorescu, précurseur d’une<br />

volée <strong>de</strong> grands maîtres <strong>de</strong> la toile du début du<br />

XX e<br />

siècle. Ceux-ci mériteraient d'être<br />

reconnus en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> leurs frontières.<br />

<strong>Le</strong> Prési<strong>de</strong>nt Chavanne a eu <strong>de</strong> longues<br />

discussions avec mon mari pendant son<br />

rectorat. <strong>Le</strong> professeur Gabriel Widmer était le<br />

doyen <strong>de</strong> la Faculté <strong>de</strong> Théologie à cette<br />

époque. Un sujet portait sur l’harmonisation du<br />

statut <strong>de</strong>s professeurs <strong>de</strong> la Faculté <strong>de</strong><br />

Théologie avec celui <strong>de</strong>s professeurs <strong>de</strong>s<br />

autres Facultés <strong>de</strong> l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>. En<br />

effet, <strong>de</strong>puis la séparation <strong>de</strong> l'Eglise et <strong>de</strong><br />

l’Etat, les professeurs <strong>de</strong> théologie en<br />

subissaient les conséquences. Martin avait dû<br />

employer les grands moyens verbaux lorsqu’il<br />

a dit un jour au socialiste Chavanne:<br />

« Mais enfin, vous êtes mon chef et quand<br />

vous comman<strong>de</strong>z, j’obtempère si je le puis,<br />

mais vous, vous n’avez que Dieu comme<br />

chef » ce à quoi Chavanne avait répondu :<br />

« Oui, mais vous, vous savez que j’existe ! »<br />

Bientôt, le statut <strong>de</strong> cette Faculté, qui avait été<br />

à l'origine <strong>de</strong> la création <strong>de</strong> l''Académie" à<br />

<strong>Genève</strong> au XVI e siécle, (selon ROBERT) et<br />

qui est <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>venue avec les siècles<br />

"l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>", a été résolu. <strong>Le</strong><br />

Grand Conseil a pris la décision qui<br />

s'imposait. André Chavanne est parmi ceux<br />

qui y ont apporté leur soutien.


Retour à la physique.<br />

Dès que mon mari a été remis <strong>de</strong> ses<br />

problèmes <strong>de</strong> santé, il s'est impliqué à fond<br />

dans son département. La nouvelle loi sur<br />

l'<strong>Université</strong> avait modifié l'organisation interne<br />

et les postes <strong>de</strong> prési<strong>de</strong>nt d'école et <strong>de</strong><br />

direction d'institut changeaient périodiquement.<br />

<strong>Le</strong>s jeunes physiciens, alors professeurs<br />

assistants, furent promus professeurs<br />

extraordinaires. <strong>Le</strong>s professeurs ordinaires<br />

allaient être nommés pour <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

sept ans renouvelables.<br />

Ainsi, déchargé <strong>de</strong> trop <strong>de</strong> responsabilités <strong>de</strong><br />

gestion et d'administration, Professeur Peter a<br />

pu se consacrer plus intensément à la<br />

recherche. C'est en 1973 que débutèrent les<br />

premiers travaux sur les positrons<br />

(antiélectrons <strong>de</strong> charge positive,<br />

contrairement aux électrons qui sont <strong>de</strong> charge<br />

négative). A ce moment-là vint se présenter<br />

Monsieur Alfred Manuel qui commença dès le<br />

début sa thèse sur ce sujet. J'en parlerai plus<br />

loin.<br />

Entre 1973 à la fin <strong>de</strong> son rectorat, et 1994,<br />

année où mon mari est <strong>de</strong>venu professeur<br />

honoraire, c’est à dire qu’il a pris sa retraite, il<br />

a uniquement donné <strong>de</strong>s cours avancés sur le<br />

magnétisme dans les soli<strong>de</strong>s, les propriétés<br />

électromagnétiques <strong>de</strong> la matière con<strong>de</strong>nsée,<br />

les calculs <strong>de</strong> structure <strong>de</strong> ban<strong>de</strong>, les<br />

phénomènes dynamiques et structure<br />

électronique <strong>de</strong>s soli<strong>de</strong>s, les propriétés<br />

électromagnétiques et électroniques <strong>de</strong> la<br />

matière con<strong>de</strong>nsée, la physique <strong>de</strong>s semiconducteurs.<br />

Ceux que cela intéressent<br />

peuvent prendre connaissance <strong>de</strong> cette liste<br />

partielle plus en détails dans l’annexe B.<br />

Une idée avait mûri, avec l’expérience acquise<br />

par les contacts réguliers entre l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>Genève</strong> et l’Industrie genevoise <strong>de</strong>puis les<br />

années soixante. En effet, il <strong>de</strong>venait clair que<br />

les spécialistes <strong>de</strong>s métaux du DPMC<br />

disposaient <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s d’analyse<br />

mathématiques et physiques nécessaires. <strong>Le</strong>s<br />

industries étaient plus intéressées à<br />

développer <strong>de</strong>s prototypes et <strong>de</strong>s appareils.<br />

<strong>Le</strong> GAP (Groupe <strong>de</strong> Physique Aappliquée) a<br />

alors été fondé en 1980. Son premier directeur<br />

a été le Prof. Olivier Guisan Ainsi, les<br />

industries proposaient <strong>de</strong> contribuer<br />

financièrement à certains projets <strong>de</strong> recherche<br />

et développement qui les intéressaient<br />

particulièrement. Il n’est pas <strong>de</strong> mon ressort <strong>de</strong><br />

détailler tous les travaux qui ont été entrepris<br />

et réalisés au sein du GAP. <strong>Le</strong> professeur<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

53<br />

Fritz Straumann, Dr. h.c. <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Genève</strong> (1990)<br />

Marcel Guenin, a par la suite rejoint le GAP,<br />

et en a pris la direction après son rectorat,<br />

lorsque O. Guisan s'est retiré. Je vais parler<br />

<strong>de</strong>s quelques projets dont je suis plus<br />

personnellement au courant :<br />

Tout d'abord, celui du prof. Pierre Descouts<br />

qui, ayant rejoint le GAP, alors qu'il venait<br />

d'être nommé Professeur Ordinaire, a créé un<br />

groupe <strong>de</strong> recherche qui s’est spécialisé sur<br />

les biomatériaux. L'Institut Straumann <strong>de</strong><br />

Wal<strong>de</strong>nburg en a financièrement supporté le<br />

développement. P. Descouts a mené ce travail<br />

jusqu’à sa retraite. Depuis quelques années, le<br />

Professeur Nicolas Gisin dirige un travail en<br />

optique photonique (cryptographie quantique<br />

par exemple). Au GAP se font actuellement<br />

<strong>de</strong>s travaux en supraconductivité industrielle.<br />

Dr. Fritz Straumann est, avec les années <strong>de</strong><br />

travaux en collaboration, <strong>de</strong>venu un vrai ami<br />

<strong>de</strong> mon mari. C'était un homme <strong>de</strong> formation<br />

technique, qui avait repris l'entreprise <strong>de</strong> son<br />

père spécialisée auparavant déjà dans <strong>de</strong>s<br />

composantes pour l'horlogerie. Il l'avait ensuite<br />

développée vers les implants osseux pour<br />

adapter ceux-ci aux nouvelles techniques<br />

opératoires <strong>de</strong> l'ostéosynthèse initiée par un<br />

groupe <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins suisses : le professeur<br />

Martin Allgöwer, Maurice Müller et le<br />

Docteur Hans Willenegger C'est dans cette<br />

spécialité que mon mari a contribué en<br />

travaillant sur <strong>de</strong>s composés métalliques avec<br />

<strong>de</strong>s caractéristiques mentionnées au<br />

paragraphe précédant. Il fallait comprendre les


aisons <strong>de</strong> certaines ruptures soudaines,<br />

oxydation, usures et autres phénomènes<br />

hautement indésirables. A l'heure actuelle<br />

cette firme dirigée par le fils Thomas<br />

Straumann s'est séparée du domaine <strong>de</strong>s<br />

implants osseux et se spécialise uniquement<br />

dans le domaine <strong>de</strong>s implants <strong>de</strong>ntaires. Elle<br />

s’est déplacée à Bâle.<br />

Un sujet particulier occupait l’esprit <strong>de</strong> Fritz<br />

Straumann pendant ses heures <strong>de</strong> loisirs.<br />

C'était le saut à skis. Pour ceci, mon mari lui a<br />

calculé, sur son petit ordinateur <strong>de</strong> poche H.P.<br />

41, comme ca<strong>de</strong>au pour son soixantième<br />

anniversaire, <strong>de</strong>s courbes pour tremplins<br />

pouvant assurer <strong>de</strong>s sauts spectaculaires. J’ai<br />

encore toutes les ban<strong>de</strong>s imprimées <strong>de</strong> ces<br />

calculs. Martin Peter a d'ailleurs développé ces<br />

calculs par la suite pour ai<strong>de</strong>r un jeune<br />

physicien canadien qui s'était intéressé aux<br />

aspects techniques <strong>de</strong> ce sport.<br />

En reconnaissance <strong>de</strong> l’intérêt qu’il a apporté<br />

pendant <strong>de</strong> longues années à la recherche<br />

dans la physique <strong>de</strong>s métaux et <strong>de</strong> son appui<br />

pour le groupe du GAP, Dr Fritz Straumann a<br />

reçu un doctorat honoris causa <strong>de</strong> notre<br />

université.<br />

Dans le domaine <strong>de</strong> l'horlogerie, Professeur M.<br />

Peter a aussi travaillé pendant plusieurs<br />

années à la conception théorique et à<br />

l'invention d'alliages avec <strong>de</strong>s qualités<br />

antimagnétiques, élastiques, et <strong>de</strong> résistance<br />

au cisaillement et à la corrosion, due à certains<br />

environnements. Ainsi, il a pu, d'abord avec<br />

Professeur Samuel Steinemann <strong>de</strong><br />

l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Neuchâtel, puis <strong>de</strong> Lausanne, et<br />

avec les chercheurs <strong>de</strong> la firme Straumann <strong>de</strong><br />

Wal<strong>de</strong>nburg, dont Frau Ortrud Pohler,<br />

gran<strong>de</strong> spécialiste en micro-analyse <strong>de</strong>s<br />

métaux, développer <strong>de</strong>s alliages montrant les<br />

caractéristiques les plus propices à la<br />

fabrication <strong>de</strong> pièces spécialisées, comme le<br />

spiral <strong>de</strong>s montres. La maison IWC avait créé<br />

une montre antimagnétique dans les années<br />

quatre-vingt, mais elle a eu par la suite, une<br />

difficulté à se procurer l'alliage indispensable,<br />

car il semble y avoir eu rupture <strong>de</strong> fabrication.<br />

Quelques années passèrent et je reparlerai<br />

plus loin <strong>de</strong> la suite <strong>de</strong>s travaux sur les métaux<br />

appliqués au domaine <strong>de</strong> l'horlogerie.<br />

Je me sens un peu obligée <strong>de</strong> reconnaître que<br />

mon mari a touché <strong>de</strong> son vivant à peu près<br />

tous les premiers ordinateurs Hewlett-Packard<br />

pour scientifiques. Une fois qu'il avait maîtrisé<br />

le fameux Jules I er , il se sentait d'attaque pour<br />

maîtriser les autres. Monsieur William Hewlett<br />

lui a fait un seul ca<strong>de</strong>au : c’était le premier petit<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

54<br />

Martin Peter et Prof. Samuel Steinemann (1994)<br />

ordinateur <strong>de</strong> poche inventé par H.P, le H.P.<br />

35. Lors d'un voyage où j'étais la conductrice,<br />

mon mari, enchanté <strong>de</strong> ce ca<strong>de</strong>au, calculait<br />

allègrement à mes côtés. Lorsque soudain il<br />

remarqua une faute dans un nième chiffre <strong>de</strong><br />

Pi après la virgule. Il en fit part à M. Hewlett<br />

qui, ébahi, accepta le fait, et une correction fut<br />

apportée à ce petit instrument innovateur à<br />

l'époque. William Hewlett était un inventeur<br />

passionné. Lui et mon mari s'entendirent à<br />

merveille dès leur rencontre.<br />

C'est ensemble qu'ils eurent l'idée <strong>de</strong> créer un<br />

prix pour une découverte importante en<br />

physique et en Europe et qui <strong>de</strong>vait être faite<br />

dans un passé très récent ; si possible dans<br />

l’année. <strong>Le</strong> Hewlett Packard Europhysics<br />

Prize. Prix qui est <strong>de</strong>venu le Agilent<br />

Technologies Europhysics Prize. Au cours<br />

<strong>de</strong>s années, un certain nombre <strong>de</strong>s lauréats <strong>de</strong><br />

ce prix a par la suite, reçu le Prix Nobel <strong>de</strong><br />

Physique.<br />

Fondation Ernst et Lucie Schmidheiny.<br />

Monsieur et Madame Ernest et Lucie<br />

Schmidheiny qui avaient choisi <strong>de</strong>puis<br />

longtemps <strong>de</strong> s’installer à Céligny, avaient créé<br />

une Fondation en leurs noms dont les statuts


précisaient que le revenu annuel du capital<br />

serait réservé pour <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> recherche<br />

ou pour ai<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s étudiants avancés, ou <strong>de</strong>s<br />

nouveaux professeurs qui avaient besoin <strong>de</strong><br />

fonds spéciaux pour l’installation <strong>de</strong> leur<br />

laboratoire. <strong>Le</strong>s fonds alloués étaient<br />

spécifiquement réservés à <strong>de</strong>s personnes<br />

actives au sein <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>. Je<br />

ne vais pas énumérer ici le détail <strong>de</strong>s statuts.<br />

<strong>Le</strong>s finances <strong>de</strong> la fondation étaient gérées par<br />

<strong>de</strong>s financiers <strong>de</strong> la firme Schmidheiny. Dans<br />

le comité qui prenait les décisions pour<br />

l’allocation <strong>de</strong>s fonds siégeaient à l’origine les<br />

fondateurs, et plus tard un autre membre <strong>de</strong> la<br />

famille Schmidheiny, le Recteur <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong>,<br />

un avocat, le responsable financier, et un<br />

professeur <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong>, dont mon mari dès<br />

l’origine.<br />

Lorsque Ernest Schmidheiny, alors prési<strong>de</strong>nt<br />

sentit l’âge venir, il <strong>de</strong>manda à mon mari <strong>de</strong><br />

prendre la prési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la fondation. Il était<br />

presque impossible pour Martin Peter <strong>de</strong><br />

travailler avec le secrétariat Schmidheiny à<br />

Céligny, trop distant du DPMC à <strong>Genève</strong>.<br />

Voyant que le travail <strong>de</strong> supervision et <strong>de</strong><br />

gestion <strong>de</strong>s dossiers <strong>de</strong> requêtes était une<br />

charge qui <strong>de</strong>mandait <strong>de</strong>s soins particuliers et<br />

du temps, je proposais <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong>r, vu que<br />

j’avais acquis ce genre d’expérience<br />

professionnelle déjà très jeune. <strong>Le</strong> comité<br />

accepta ma proposition. J'ai pu ainsi assumer<br />

cette fonction pendant une dizaine d’années,<br />

aux côtés <strong>de</strong> mon mari; ayant installé mon<br />

bureau chez nous. Il présida la fondation<br />

jusqu’en 1993. Ce fut alors le professeur<br />

Marcel Guenin qui reprit la prési<strong>de</strong>nce et je<br />

l’ai quitté dès qu’il a pu trouver une nouvelle<br />

secrétaire.<br />

Durant toutes nos années, la fondation E. et L.<br />

Schmidheiny a pu participer aux fouilles sur les<br />

monastères <strong>de</strong>s Kellia en Egypte; à la<br />

continuation <strong>de</strong> la publication, déjà bien<br />

avancée, du Dictionnaire Copte; à<br />

l’installation du Club universitaire avec son<br />

restaurant, rue Colladon, où purent se<br />

réunirent et prendre <strong>de</strong>s repas les membres <strong>de</strong><br />

l’<strong>Université</strong> et <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong> Justice; à la<br />

construction <strong>de</strong> la Halle <strong>de</strong>s Sports <strong>de</strong><br />

l'université, lieu essentiel pour l’enseignement<br />

<strong>de</strong>s futurs professeurs <strong>de</strong> sports, avec le<br />

Fonds Walthart et le DTP <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>; et enfin,<br />

le Centre <strong>de</strong> Biologie Alpine, à l'Alpe Piora,<br />

au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Airolo avec l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong><br />

Zürich, et le Canton du Tessin. Toutes les<br />

entreprises qui précè<strong>de</strong>nt étaient <strong>de</strong> « grands<br />

projets ».<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

55<br />

C’est grâce aux locaux du Club Universitaire<br />

d'ailleurs, que les épouses <strong>de</strong>s professeurs <strong>de</strong><br />

toutes les facultés <strong>de</strong> l’université purent, après<br />

la création du Cercle Colladon en 1977, se<br />

réunir régulièrement et organiser <strong>de</strong>s activités<br />

culturelles et sociales multiples. Ce groupe a<br />

été à l'origine <strong>de</strong> nombreux liens qui se sont<br />

développés entre les épouses <strong>de</strong>s différentes<br />

facultés <strong>de</strong> notre université. Il a également<br />

initié, avec le soutien du rectorat, le fameux<br />

repas annuel <strong>de</strong>s professeurs honoraires.<br />

<strong>Le</strong>s dames avaient su profiter <strong>de</strong> l'espace<br />

mural du Club <strong>de</strong>s Professeurs, pour organiser<br />

<strong>de</strong>s expositions <strong>de</strong> peinture. Madame Liliane<br />

Muller, au sein du comité Colladon, en a été<br />

l’initiatrice et a beaucoup œuvré pour trouver<br />

<strong>de</strong>s artistes suisses <strong>de</strong> talent qui ont pu ainsi<br />

être appréciés par les utilisateurs du Club et<br />

ceci, libre <strong>de</strong> frais d'accrochage. <strong>Le</strong> Club<br />

universitaire fut plus tard fermé après la<br />

construction <strong>de</strong>s nouveaux bâtiments <strong>de</strong><br />

l’<strong>Université</strong> qui abritaient presque tous un<br />

restaurant.<br />

A côté <strong>de</strong> ces entreprises ambitieuses, la<br />

Fondation Schmidheiny a pu donner un ai<strong>de</strong><br />

temporaire et ponctuelle à <strong>de</strong> nombreux<br />

chercheurs avancés, dans tous les domaines;<br />

que ce soit la mé<strong>de</strong>cine, la science, les lettres,<br />

la théologie; enfin tous projets qui ont aidé à<br />

<strong>de</strong>s chercheurs <strong>de</strong> notre Alma Mater à finir un<br />

travail <strong>de</strong> doctorat ou à franchir certaines<br />

pério<strong>de</strong>s difficiles pendant leur activité<br />

universitaire, et par là-même, à élargir le<br />

rayonnement <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong>.<br />

Parlant du <strong>Métal</strong>.<br />

Lorsque Martin Peter a reçu le doctorat honoris<br />

causa <strong>de</strong> l’Ecole Polytechnique Fédérale <strong>de</strong><br />

Lausanne en 1990, il a prononcé en<br />

remerciements une allocution sur un sujet qui<br />

lui a toujours tenu à cœur, dont le texte « De<br />

Re Metallica » (titre du livre <strong>de</strong> Agricola) figure<br />

à l’annexe H, qui reflète bien son intérêt pour<br />

les métaux.<br />

<strong>Le</strong>s Collaborateurs.<br />

Je tiens à parler dans les paragraphes qui<br />

suivent, <strong>de</strong> ceux qui ont permis à mon mari <strong>de</strong><br />

partager leur savoir respectif et qui l'ont<br />

stimulé et encouragé par leur perspicacité et<br />

leur imagination. Je veux dire: ses<br />

collaborateurs physiciens, ses assistants <strong>de</strong><br />

cours et <strong>de</strong> recherche, les ingénieurs, les<br />

techniciens, les membres <strong>de</strong> l'atelier.


Prof. Bernard Giovannini (1993)<br />

Au début <strong>de</strong>s années quatre-vingt, Monsieur<br />

Anhoeck fut nommé comme premier<br />

administrateur <strong>de</strong> l'Ecole <strong>de</strong> Physique. Dès<br />

son entrée en fonction, il a beaucoup allégé la<br />

charge <strong>de</strong>s professeurs. Ce poste est <strong>de</strong>venu<br />

essentiel <strong>de</strong>puis à la Section <strong>de</strong> Physique.<br />

Actuellement, c'est Madame Marie-Anne<br />

Gervais qui est l'administratrice.<br />

J’étais dans le bureau <strong>de</strong> mon mari lorsque<br />

Bernard Giovanni vint se présenter, désirant<br />

faire une thèse avec lui. Il revenait d’Argentine,<br />

où il avait travaillé comme ingénieur pendant<br />

quelques temps après avoir obtenu son<br />

diplôme <strong>de</strong> physique. Il soutint sa thèse sur la<br />

Théorie <strong>de</strong> la résonance paramagnétique<br />

d’impuretés dans les métaux (annexe C). Sa<br />

réussite lui valut d’aller passer une année<br />

auprès du Professeur J. Robert Schrieffer à<br />

Phila<strong>de</strong>lphie. Comme je l’ai mentionné au<br />

début <strong>de</strong> ce chapitre, Schrieffer était venu<br />

ai<strong>de</strong>r M. Peter à lancer son nouveau<br />

département <strong>de</strong> physique. Martin Peter vint<br />

d’ailleurs rejoindre Bernard à Phila<strong>de</strong>lphie pour<br />

travailler avec eux pendant l’été 1967. Bernard<br />

Giovannini a été nommé professeur en 1969. Il<br />

a par la suite été vice-recteur durant les<br />

<strong>de</strong>rnières années quatre-vingt.<br />

Paul Donzé, venant tout droit <strong>de</strong> l’Ecole<br />

Polytechnique <strong>de</strong> Zürich, après son diplôme,<br />

fut également un <strong>de</strong>s premiers doctorants <strong>de</strong><br />

Martin. Il soutint sa thèse sur <strong>Le</strong>s Propriétés<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

56<br />

Paul et Aline Donzé avec Martin, son fils Clarence et un<br />

ami (1974)<br />

magnétiques d’alliages <strong>de</strong> susceptibilité élevée<br />

(annexe C). Il <strong>de</strong>vait par la suite aller passer<br />

<strong>de</strong>ux années à Munich, pour travailler auprès<br />

du Professeur Mössbauer. R. L. Mössbauer<br />

avait partagé en 1961 le Prix Nobel <strong>de</strong><br />

Physique avec R. Hofstadter et R. Ludwig pour<br />

<strong>de</strong>s travaux sur l’absorption <strong>de</strong> résonnance <strong>de</strong><br />

la radiation gamma, (Effet Mössbauer).<br />

Pendant sa préparation au doctorat, Paul a été<br />

un assistant <strong>de</strong> cours exceptionnel et qui<br />

parvenait toujours à trouver l’équipement<br />

nécessaire pour prouver expérimentalement<br />

aux étudiants du « grand cours » les sujets<br />

présentés par mon mari. Ce n’était pas facile.<br />

La collection d’appareils, soigneusement<br />

rangés dans divers magasins <strong>de</strong> l'Ecole <strong>de</strong><br />

Physique, était considérée en partie comme<br />

une collection <strong>de</strong> musée, et il fallait obtenir la<br />

confiance du responsable, Monsieur G. Vuille,<br />

qui était d’une gran<strong>de</strong> gentillesse, si on voulait<br />

Appareil <strong>de</strong> résonnance magnétique


Bal costumé lors d’une fête <strong>de</strong> l’Escala<strong>de</strong><br />

à l’Ecole <strong>de</strong> Physique<br />

en obtenir l'utilisation pour <strong>de</strong>s démonstrations<br />

<strong>de</strong> cours. La plupart <strong>de</strong> ces instruments a<br />

d'ailleurs <strong>de</strong>puis, migré vers le Musée <strong>de</strong>s<br />

Instruments <strong>de</strong>s Sciences sur la rive droite du<br />

lac, grâce au Prof. Alain Junod. Paul est<br />

revenu à <strong>Genève</strong> après les années à Munich,<br />

nommé professeur <strong>de</strong> Physique à l'Ecole<br />

d'Architecture <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> et Doyen au Collège<br />

<strong>de</strong> <strong>Genève</strong>.<br />

Très vite, il entra dans les habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> travail<br />

du Département, celle <strong>de</strong> réunir chaque<br />

semaine les chercheurs, afin <strong>de</strong> débattre<br />

ensemble <strong>de</strong> leurs travaux, <strong>de</strong> leurs difficultés<br />

et d’échanger leurs idées. Ceci se passait bien<br />

sûr dans les bureaux. Mais le long corridor <strong>de</strong><br />

l’Ecole <strong>de</strong> Physique fut, dès le début aussi le<br />

lieu où Martin aimait à rencontrer « par<br />

hasard » les collaborateurs et où se nouaient<br />

<strong>de</strong> longues discussions qui ne se limitaient pas<br />

à la science, mais s'élargissaient même vers<br />

les questions humaines, politiques et<br />

philosophiques. Ces discussions ont<br />

certainement contribué à créer l’atmosphère<br />

amicale qui a résisté ici pour plus d’une<br />

génération et qui était si importante pour que<br />

Martin Peter puisse continuer son travail dans<br />

la sérénité.<br />

Pour en revenir à sa chère Ecole <strong>de</strong> Physique,<br />

une coutume qui allait également contribuer au<br />

sentiment <strong>de</strong> collégialité en <strong>de</strong>hors du travail<br />

dur, a été celle <strong>de</strong> la soirée <strong>de</strong> l’Escala<strong>de</strong>. A<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

57<br />

Martin brise une marmite en chocolat <strong>de</strong> l’Escala<strong>de</strong><br />

ces occasions, chacun y mettait du sien avec<br />

humour et ar<strong>de</strong>ur. Il s’agissait toujours d’une<br />

préparation <strong>de</strong> longue haleine pour laquelle <strong>de</strong><br />

nombreux membres <strong>de</strong> toute la Section <strong>de</strong><br />

Physique déployaient leur imagination.<br />

En mai 1967 nous avons pu emménager dans<br />

notre maison <strong>de</strong> Vésenaz. Dans ce cadre<br />

Notre maison <strong>de</strong> Vésenaz


M. Renald Cartoni lors <strong>de</strong> la conférence d’adieu <strong>de</strong> M.<br />

Peter (1994)<br />

encore très campagnard à l'époque, nos fils<br />

ont eu la chance <strong>de</strong> grandir. Une nouvelle<br />

école primaire venait d'être inaugurée dans le<br />

quartier. Sur les bancs tout neufs, les garçons<br />

se firent <strong>de</strong>s camara<strong>de</strong>s. Plusieurs d'entre eux<br />

ont suivi avec nos garçons <strong>de</strong>s parcours<br />

parallèles jusqu'à l'université. Plusieurs font<br />

encore partie actuellement <strong>de</strong> leurs groupes<br />

d'amis.<br />

Tant que mon mari resta le directeur du<br />

département, nous avons organisé chez nous,<br />

chaque année en juin un dîner pique-nique.<br />

Avec nos fils, nous allions chercher les tables<br />

et les bancs prêtés par la commune. Nous<br />

installions le tout au jardin, jusqu’à ce que le<br />

ciel parfois se fasse menaçant, et alors, c'était<br />

le grand branle-bas! Nous nous rabattions<br />

fébrilement à l’intérieur du garage où nous<br />

parvenions à nous serrer à 30 ou 40<br />

personnes. Qu’aurions-nous fait sans l’ai<strong>de</strong><br />

précieuse d’hommes comme Renald Cartoni,<br />

Clau<strong>de</strong> Chevalier, Arthur Stettler et plusieurs<br />

autres volontaires; sans omettre quelques<br />

bons plats apportés par les épouses ou amies!<br />

Quelques experts surveillaient les broches<br />

installées <strong>de</strong>rrière la maison, sur lesquelles<br />

rôtissaient les gigots.<br />

Lorsque, avec la nouvelle loi, il y eut un<br />

tournus pour la prési<strong>de</strong>nce du département, la<br />

coutume du gigot était bien rodée, et continue<br />

à avoir lieu chaque année dans un site choisi.<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

58<br />

Parlant <strong>de</strong> Renald Cartoni, Martin, disait qu’il<br />

était un <strong>de</strong> ceux qui avait veillé pendant toutes<br />

les années où lui-même avait travaillé à l’Ecole<br />

<strong>de</strong> Physique, sur le bon esprit <strong>de</strong> la maison. Je<br />

sais moi-même que jamais il n’a refusé son<br />

ai<strong>de</strong> quand il pouvait la donner, et toujours<br />

avec le sourire. J'ai retrouvé la lettre que<br />

Renald Cartoni avait adressée à mon mari lors<br />

<strong>de</strong> son départ à la retraite et qui est parmi l’une<br />

<strong>de</strong>s plus belles, les plus touchantes que j'ai<br />

lues.<br />

Eric Walker vint rejoindre Martin Peter,<br />

désireux également <strong>de</strong> faire avec lui une<br />

thèse. Il l’a accomplie avec son travail sur<br />

« Corrélation entre propriétés élastiques et<br />

susceptibilité magnétique » (annexe C). Puis<br />

Peter lui <strong>de</strong>manda <strong>de</strong> continuer à travailler<br />

avec lui. Il fut un collaborateur extrêmement<br />

précieux. Martin dit <strong>de</strong> lui, lors <strong>de</strong> l’allocution<br />

qu’il avait préparée quand Eric est parti à la<br />

retraite:<br />

« Eric a été un fidèle compagnon <strong>de</strong> route, qui<br />

a su avec maîtrise, enthousiasme et le<br />

scepticisme qui caractérise le bon chercheur,<br />

rendre possible la création <strong>de</strong> monocristaux<br />

aux caractéristiques essentielles pour la<br />

recherche à l’Ecole <strong>de</strong> Physique ».<br />

Eric a beaucoup aidé Martin, en développant<br />

dans son four chauffé à très haute<br />

température, <strong>de</strong>s monocristaux avec les<br />

qualités essentielles, pour l'horlogerie, comme<br />

je l'ai mentionné auparavant en parlant du<br />

GAP. <strong>Le</strong>s monocristaux <strong>de</strong> Walker ont<br />

contribué à permettre <strong>de</strong> faire progresser les<br />

recherches en supraconductivité au DPMC.<br />

Grâce à un nouveau four acquis quelques<br />

années plus tard, Walker est même parvenu à<br />

obtenir <strong>de</strong>s monocristaux <strong>de</strong> substances<br />

supraconductrices à haute température<br />

critique.<br />

Après quelques années <strong>de</strong> flottement, qui ont<br />

suivi l'expérience interrompue par IWC pour<br />

les raisons que j'ai expliquées dans un<br />

paragraphe précé<strong>de</strong>nt, mon mari a pu<br />

collaborer avec le département <strong>de</strong> Recherche<br />

et Développement <strong>de</strong> la maison ROLEX. Dr.<br />

Eric Walker l'assistait et préparait les alliages<br />

métalliques qui <strong>de</strong>vaient être fondus dans son<br />

four, afin d'obtenir les monocristaux souhaités.<br />

Dr. Jean Ortelli, ancien étudiant au DPMC,<br />

puis engagé par la maison ROLEX, a travaillé<br />

avec Peter et Walker pour ces développements<br />

horlogers. Ils ont pu réaliser un spiral<br />

<strong>de</strong> montre qui résistait puissamment à l'effet<br />

<strong>de</strong> champs magnétiques. Ce fut une réussite,


Prof. Øystein Fischer (1999)<br />

et la montre qui présentait les caractéristiques<br />

désirées a été exposée à la Foire d'Horlogerie<br />

<strong>de</strong> Bâle par la Maison ROLEX l'année du<br />

décès <strong>de</strong> mon mari en 2002. Martin Peter a<br />

encore eu la joie d'admirer la montre en<br />

question. <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>rniers travaux en collaboration<br />

avec ROLEX avaient été réalisés par Eric<br />

Walker sous la direction du prof. René<br />

Flukiger.<br />

Professeur Øystein Fischer, avait choisi,<br />

après son diplôme <strong>de</strong> l’Ecole Polytechnique <strong>de</strong><br />

Zürich <strong>de</strong> venir préparer son doctorat en<br />

physique avec mon mari. Il a soutenu sa thèse<br />

en avril 1971. <strong>Le</strong> titre était: « Propriétés <strong>de</strong>s<br />

supraconducteurs à haut champ critique<br />

contenant <strong>de</strong>s moments magnétiques<br />

localisés ». La thèse a été publiée par HPA en<br />

1972 (annexe C). Øystein a été nommé<br />

professeur assistant dès 1971. Il a été d’un<br />

grand appui et encouragement pour Martin, lui<br />

laissant autant <strong>de</strong> liberté que possible pour<br />

approfondir ses travaux sur le plan théorique et<br />

appliquer les techniques du calcul numérique<br />

envers la compréhension et la prédiction <strong>de</strong>s<br />

phénomènes liés à l’état supraconducteur <strong>de</strong>s<br />

métaux. Une approche qu'il avait commencé à<br />

développer immédiatement après son rectorat.<br />

Øystein Fischer et son groupe ont pu prouver<br />

expérimentalement environ vingt ans après la<br />

prédiction faite en 1962 par Jaccarino et<br />

Peter, (annexe A) Ultra-High-Field<br />

Superconductivity, Phys. Rev. <strong>Le</strong>tters, (1962),<br />

qu’un ferroaimant pouvait <strong>de</strong>venir<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

59<br />

Prof. Jérôme Sierro (1994)<br />

supraconducteur lorsque soumis à un fort<br />

champ magnétique : (Observation of Magneticfield-induced<br />

Superconductivity, by H.W.<br />

Meuhl, Ch. Rossel, M Descouts, Ø. Fischer, G.<br />

Remeny and A. Briggs, Phys. Rev. <strong>Le</strong>tt. 53,<br />

497, 1984) (annexe J). Mon mari tint à fêter<br />

cette découverte et il a réuni Øystein et son<br />

groupe pour un souper mémorable à Collonge-<br />

Bellerive.<br />

<strong>Le</strong> Professeur Jérôme Sierro œuvrait déjà à<br />

l’université lorsque Martin Peter est arrivé. Il<br />

avait soutenu sa thèse <strong>de</strong> doctorat préparée<br />

avec le Professeur Roger Lacroix. Il fit ensuite<br />

un séjour aux Etats-Unis et lorsqu’il rentra,<br />

Martin lui <strong>de</strong>manda un jour, dans le fameux<br />

corridor :<br />

« Est-ce que tu accepterais <strong>de</strong> venir comme<br />

professeur dans mon département ? » Jérôme<br />

m’a raconté qu’il avait répondu qu’il allait y<br />

réfléchir. Ce à quoi Martin lui dit : « Je dois<br />

aller parler à quelqu’un et je reviendrai dans<br />

dix minutes, alors penses-y ». Jérôme n’eut<br />

guère <strong>de</strong> temps pour réfléchir et sa réponse fut<br />

positive. J’espère qu’il ne l’a jamais regretté!<br />

En tous les cas, Jérôme aura été un pilier dans<br />

le département. Durant les quelques années<br />

du rectorat <strong>de</strong> mon mari, Jérôme, l’a remplacé<br />

pour les cours avec gran<strong>de</strong> compétence, ainsi<br />

que j’en ai parlé plus haut en traitant <strong>de</strong> la<br />

pério<strong>de</strong> du rectorat <strong>de</strong> Martin Peter. J'en ai eu<br />

<strong>de</strong>s échos très élogieux <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> plusieurs<br />

<strong>de</strong> ses anciens étudiants, futurs mé<strong>de</strong>cins à


Martin avec les Dr. Thomas Jarlborg et Lars<br />

Smedskjear au Argone National Laboratory (1991)<br />

l’époque! En plus <strong>de</strong> ses qualités <strong>de</strong><br />

pédagogue, Jérôme a su toujours apporter au<br />

Département <strong>de</strong> la Matière Con<strong>de</strong>nsée <strong>de</strong>s<br />

idées originales, présentées dans les<br />

« gran<strong>de</strong>s occasions » avec l’humour d’un<br />

homme <strong>de</strong> souche valaisanne soli<strong>de</strong> et cultivé.<br />

Dr. Thomas Jarlborg avait fait sa thèse au<br />

Chalmers Institute à Göteborg en Suè<strong>de</strong>. Il a<br />

ensuite été comme post doc à Chicago,<br />

travailler avec Prof. Arthur Freeman. En 1980,<br />

à la suite d'une conversation avec Prof.<br />

Freeman, Prof. Peter a invité Jarlborg à venir<br />

travailler dans son département. Il y est resté<br />

<strong>de</strong>puis. Dr. Jarlborg a bien voulu me donner ci<strong>de</strong>ssous<br />

un survol <strong>de</strong> certains travaux qu'il a<br />

réalisés avec le Prof. Peter :<br />

« J'ai surtout collaboré avec le Prof. Peter sur<br />

la partie théorique <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> d'annihilation<br />

du positron. Mais je retiens <strong>de</strong>ux épiso<strong>de</strong>s où<br />

nous avons étudié d'autres phénomènes par<br />

<strong>de</strong>s calculs numériques.<br />

<strong>Le</strong> premier concerne un composé qui était<br />

beaucoup étudié à l'époque à cause <strong>de</strong> ses<br />

propriétés curieuses, le TiBe2. Nous avons<br />

proposé, en collaboration avec Ph. Monod <strong>de</strong><br />

l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Paris VII à Orsay, une théorie<br />

simple <strong>de</strong> champ moyen basée sur la <strong>de</strong>nsité<br />

d'état. <strong>Le</strong> résultat était étonnant. La variation<br />

<strong>de</strong> la susceptibilité magnétique en fonction <strong>de</strong><br />

la température, et le champ magnétique,<br />

étaient en bon accord avec l'expérience; la<br />

chaleur spécifique également, etc. Et la<br />

mesure du groupe positron d’A. Manuel<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

60<br />

permettait <strong>de</strong> confirmer l'essentiel <strong>de</strong> la<br />

surface <strong>de</strong> Fermi.<br />

Ces résultats ont suggéré que la structure <strong>de</strong><br />

ban<strong>de</strong> est déterminante pour les propriétés<br />

d'un métal paramagnétique comme le TiBe2, et<br />

Prof. Peter a beaucoup défendu cette thèse.<br />

Pourtant, il y avait du scepticisme et <strong>de</strong>s<br />

critiques à propos <strong>de</strong> notre travail, par exemple<br />

sur les détails <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsité d'état. C'est avec<br />

un mélange <strong>de</strong> déception et d'amusement que<br />

Prof. Peter a constaté plus tard, après que<br />

nous l'ayons publié, qu'il y a eu très peu<br />

d'étu<strong>de</strong>s sur TiBe2. Peut-être que l'absence<br />

d'autres théories a montré que la communauté<br />

scientifique nous avait donné raison.<br />

L'autre souvenir scientifique est consacré à<br />

une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> champ critique <strong>de</strong><br />

supraconducteurs organiques. Nos solutions<br />

<strong>de</strong> l'équation d'Eliashberg (qui ont inclus le<br />

champ magnétique) pour <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> la<br />

surface <strong>de</strong> Fermi, ont montré que si <strong>de</strong>ux<br />

ban<strong>de</strong>s différentes coexistent, elles peuvent<br />

ensemble mener à un champ critique<br />

"anormal", c'est-à-dire contraire au<br />

comportement habituel BCS (théorie <strong>de</strong><br />

Bar<strong>de</strong>en, Cooper et Schrieffer).<br />

Ce résultat était général pour d'autres<br />

systèmes. Cependant, concernant les<br />

substances organiques, il y avait aussi d'autres<br />

explications qui étaient préférées par les<br />

expérimentateurs. Malgré cela, nous avons<br />

envoyé notre travail au Journal <strong>de</strong> Physique, et<br />

le rapport du "referee" a été très favorable.<br />

Pourtant, Prof. Peter a été cette fois très<br />

pru<strong>de</strong>nt à cause <strong>de</strong> la critique <strong>de</strong>s<br />

expérimentateurs. Il a voulu être certain <strong>de</strong><br />

l'applicabilité pour les substances organiques.<br />

Ainsi, à cause du doute chez les auteurs euxmêmes,<br />

notre manuscrit est resté au repos<br />

pendant presque <strong>de</strong>ux ans avant que nous en<br />

acceptions la publication, et ceci seulement<br />

après que nous ayons souligné le fait que nos<br />

résultats étaient également valables pour<br />

d'autres systèmes montrant une surface <strong>de</strong><br />

Fermi anisotrope.<br />

Ces <strong>de</strong>ux souvenirs représentent <strong>de</strong>ux<br />

extrêmes chez Prof. Peter vis-à-vis <strong>de</strong><br />

l'approche scientifique. D'une part, la<br />

combativité pour laquelle il faut choisir un long<br />

chemin pour être reconnu, et <strong>de</strong> l'autre, la<br />

recherche <strong>de</strong> la qualité, sachant qu'on peut se<br />

tromper. D'autres projets ont été un mélange<br />

<strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux extrêmes; mais il y a toujours eu<br />

la recherche <strong>de</strong> la vérité. On ne publie pas<br />

pour publier ou pour un avancement rapi<strong>de</strong> et<br />

facile, mais c'est l'intérêt pour la physique qui


Dr. Alfred Manuel remettant l’œuvre <strong>de</strong> Champollion à<br />

Martin Peter (1994)<br />

restait déterminant. Cette qualité a fait qu'une<br />

collaboration avec Prof. Peter a été très<br />

stimulante et un excellent apprentissage ».<br />

Alfred Manuel a obtenu son diplôme à l’Ecole<br />

<strong>de</strong> Physique en 1974. Il a soutenu sa thèse <strong>de</strong><br />

doctorat cinq ans plus tard sur un sujet<br />

proposé par M. Peter : « Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s propriétés<br />

électroniques <strong>de</strong>s métaux par annihilation <strong>de</strong><br />

positrons »(1978) (voir annexe C). Prof. Peter<br />

a <strong>de</strong>mandé alors à Dr. Pierre Descouts s'il<br />

pourrait assister Manuel pour développer un<br />

nouveau "groupe Positrons". Afin <strong>de</strong> mettre<br />

en place l’appareillage nécessaire pour<br />

effectuer <strong>de</strong>s mesures à très basse<br />

température, il a fallu adapter les locaux<br />

existants en abattant <strong>de</strong>s murs, en perçant <strong>de</strong>s<br />

plafonds et en effectuant tout un travail <strong>de</strong><br />

maçonnerie et <strong>de</strong> tuyauterie dont m’a parlé<br />

Pierre Descouts.<br />

Je remercie Dr Manuel d'avoir bien voulu me<br />

donner ci-<strong>de</strong>ssous les explications d’un<br />

spécialiste sur le déroulement <strong>de</strong> l'aventure<br />

"Positrons et annihilation <strong>de</strong> positrons" qui<br />

a été un <strong>de</strong>s centres d'intérêts principaux au<br />

DPMC dès 1973 et pendant <strong>de</strong> nombreuses<br />

années consécutives.<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

61<br />

La tomographie à positrons !<br />

« En 1974, Alan JEAVONS travaillait dans le<br />

groupe <strong>de</strong> Georges CHARPAK au CERN à<br />

l'élaboration <strong>de</strong> chambres multi-fils à haute<br />

<strong>de</strong>nsité, <strong>de</strong>stinées à la détection <strong>de</strong>s particules<br />

gamma dans le cadre <strong>de</strong>s recherches menées<br />

par ce grand laboratoire européen <strong>de</strong> physique<br />

<strong>de</strong>s particules. Martin a tout <strong>de</strong> suite été séduit<br />

par la possibilité d'utiliser ces détecteurs en<br />

physique <strong>de</strong> la matière con<strong>de</strong>nsée: ils<br />

ouvraient un chemin nouveau permettant, par<br />

la métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> « l’annihilation <strong>de</strong> positrons »,<br />

d'étudier les propriétés électroniques <strong>de</strong>s<br />

supraconducteurs, le sujet au centre <strong>de</strong>s<br />

intérêts <strong>de</strong> Martin. Une collaboration s'est mise<br />

en place avec le CERN et moi-même, alors<br />

jeune doctorant, sous la guidance <strong>de</strong> Øystein<br />

FISCHER. J’ai travaillé avec A. Jeavons à la<br />

construction <strong>de</strong> détecteurs prototypes qui se<br />

sont révélés si performants qu'une ouverture<br />

vers <strong>de</strong>s applications médicales est apparue<br />

<strong>de</strong> manière tout à fait fortuite: la tomographie à<br />

positrons.<br />

Tout naturellement, Jeavons et Martin se sont<br />

tournés vers Alfred DONATH qui était à<br />

l'époque le chef <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine nucléaire à<br />

l'hôpital cantonal <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>. A. Donath a<br />

immédiatement été convaincu <strong>de</strong>s potentiels<br />

que ces détecteurs – révolutionnaires à<br />

l'époque – offraient pour la tomographie à<br />

positrons. Ainsi physiciens et mé<strong>de</strong>cins<br />

genevois ont travaillé ensemble durant<br />

plusieurs années au perfectionnement <strong>de</strong>s


Dr. Michel Dacorogna dans le bureau <strong>de</strong> Martin Peter<br />

(1979)<br />

chambres multi-fils à haute <strong>de</strong>nsité. Pour ces<br />

travaux, l'équipe <strong>de</strong> Martin s'est renforcée par<br />

la venue <strong>de</strong> Rémy SACHOT et l'équipe d’A.<br />

Donath par celle <strong>de</strong> Dave TOWNSEND, tous<br />

<strong>de</strong>ux physiciens <strong>de</strong>s particules, spécialistes <strong>de</strong><br />

la détection <strong>de</strong>s rayonnements gamma.<br />

<strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux équipes se sont attachées à<br />

résoudre main dans la main les nombreux<br />

problèmes rencontrés sur leur chemin vers <strong>de</strong>s<br />

détecteurs plus grands et plus performants.<br />

Une fois leurs détecteurs construits, les <strong>de</strong>ux<br />

groupes se sont spécialisés dans leurs propres<br />

recherches; leurs travaux se sont poursuivis<br />

indépendamment à partir <strong>de</strong> là. <strong>Le</strong> groupe d’A.<br />

Donath a réalisé les premières tomographies à<br />

positrons mettant en œuvre les nouveaux<br />

détecteurs. De son côté, le groupe <strong>de</strong> Martin a<br />

poursuivi grâce à l'annihilation <strong>de</strong> positrons,<br />

<strong>de</strong>s recherches longues et fructueuses sur les<br />

supraconducteurs et d'autres matériaux. Très<br />

tôt, le groupe a été rejoint par Pierre<br />

DESCOUTS puis par Eric WALKER. <strong>Le</strong><br />

spectromètre installé au sous-sol du bâtiment<br />

Sciences-1 a contribué à la formation <strong>de</strong><br />

nombreux jeunes chercheurs. Certains<br />

poursuivent aujourd'hui <strong>de</strong> brillantes carrières,<br />

à l'image <strong>de</strong> Abay SHUKLA, professeur à<br />

l'<strong>Université</strong> Pierre et Marie Curie <strong>de</strong> Paris, qui<br />

a également fait sa thèse <strong>de</strong> doctorat sous la<br />

houlette du Professeur Martin Peter ».<br />

En 1977 Michel Dacorogna commença sa<br />

thèse avec Martin Peter. Pendant toute la<br />

durée <strong>de</strong> son travail à <strong>Genève</strong>, il a été un<br />

assistant <strong>de</strong> cours très précis et ce ne sont pas<br />

moins <strong>de</strong> cinq <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> mon mari que<br />

Michel a rédigés. Sa thèse présentée avec<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

62<br />

Prof. Georges Béné avec Claudine (1988)<br />

succès en 1980, est intitulée "Calcul <strong>de</strong>s<br />

constantes élastiques dans les métaux <strong>de</strong><br />

transition: une nouvelle approche théorique"<br />

(voir annexe C). Il a par la suite joint la firme<br />

Olsen Associates à Zürich.<br />

<strong>Le</strong> professeur Georges Béné dont j'ai parlé au<br />

début <strong>de</strong> ce chapitre, a été un <strong>de</strong>s premiers à<br />

accueillir Martin Peter au nouveau<br />

département <strong>de</strong> physique. A côté <strong>de</strong> ses<br />

charges <strong>de</strong> professeur, il a pendant <strong>de</strong><br />

nombreuses années présidé le Colloque<br />

Ampère. M. Peter a souvent, et avec<br />

beaucoup d'intérêt, participé à <strong>de</strong>s rencontres<br />

européennes organisées par ce colloque. J'en<br />

cite <strong>de</strong>ux. L'une à Bor<strong>de</strong>aux vers 1969. L'autre<br />

à Bucarest dans les années septante, pério<strong>de</strong><br />

durant laquelle la Roumanie, s'ouvrait aux<br />

contacts avec la Science Européenne.<br />

Georges avait obtenu du gouvernement <strong>de</strong><br />

<strong>Genève</strong> d'installer son centre<br />

d'expérimentation dans les Bois <strong>de</strong> Jussy.<br />

Prof. Béné et ses assistants pouvaient étudier<br />

à cet endroit la résonance magnétique dans le<br />

champ magnétique terrestre. Ce local, ainsi<br />

que ses annexes <strong>de</strong>vaient être éloignés <strong>de</strong><br />

toutes perturbations électromagnétiques<br />

engendrées par l'activité humaine. Martin et<br />

Georges se rendaient parfois ensemble dans<br />

ce lieu calme afin <strong>de</strong> suivre les mesures qui s'y<br />

effectuaient. Georges Béné après une longue<br />

maladie nous a quittés au moment où j'écris<br />

ces lignes. Il a été l'un <strong>de</strong> ceux, avec J. M.<br />

Jauch son confrère, qui sont parvenus à faire<br />

réhabiliter Galilée par le Vatican. Jauch avait<br />

peut-être contribué à la reconnaissance <strong>de</strong> la<br />

découverte <strong>de</strong> Galilée en écrivant son livre<br />

« Are Quanta Real ? A Galilean dialogue »,<br />

(1973).


Dr. Gilles Santi, Martin, Dr. Bernardo Barbiellini et Prof.<br />

Meir Weger (2001)<br />

Pierre Descouts a fait sa thèse avec Prof. G.<br />

Béné sur l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s alliages <strong>de</strong> transition par<br />

résonance magnétique nucléaire (RMN). Il a<br />

laissé entrevoir qu’il y aurait un intérêt à<br />

comparer ces résultats avec <strong>de</strong>s calculs <strong>de</strong><br />

structure <strong>de</strong> ban<strong>de</strong>s. Ces idées ont<br />

probablement été à la source <strong>de</strong> l’intérêt qui<br />

s’est porté sur l’utilisation du calcul numérique<br />

dans l’analyse <strong>de</strong>s caractéristiques dans les<br />

métaux.<br />

P. Descouts a beaucoup œuvré pour<br />

sélectionner et par la suite, comman<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s<br />

grands ordinateurs pour le DPMC. Cela a tout<br />

d’abord été la NORD-10, achat sélectionné<br />

puis décidé avec la collaboration du Dr. Michel<br />

Dacorogna. Par la suite Descouts a réussi à<br />

obtenir l’acquisition d’un ordinateur VAX ; ce<br />

qui avait donné pas mal <strong>de</strong> problèmes qu’il a<br />

su enrayer avec doigté. Dr André Treyvaud a<br />

été chargé <strong>de</strong> veiller au bon fonctionnement <strong>de</strong><br />

ce nouvel ordinateur central au DPMC.<br />

Lorsque P. Descouts a joint le Groupe <strong>de</strong><br />

Physique Appliquée (GAP) il a été nommé<br />

Professeur Ordinaire et a créé son propre<br />

groupe sur la recherche biomédicale. La ligne<br />

directive que professeur Peter avait proposée<br />

était Investigation d’implantations médicales<br />

avec microscope à effet tunnel. <strong>Le</strong> professeur<br />

W. Rutishauser et le Doyen Armand Buchs<br />

<strong>de</strong> la Faculté <strong>de</strong>s Sciences ont beaucoup<br />

contribué à l’établissement <strong>de</strong> ce groupe <strong>de</strong><br />

travail. L’Institut Straumann <strong>de</strong> Wal<strong>de</strong>nburg y a<br />

apporté les fonds nécessaires, comme j'en ai<br />

fait état précé<strong>de</strong>mment.<br />

Bernardo Barbiellini a accompli sa thèse en<br />

1991 avec le titre « Effects of Correlation on<br />

electronic and positronic States in Solids »<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

63<br />

Prof. Abhay Shukla et son fils Gauntam (2000)<br />

(annexe C). Il a été un excellent assistant <strong>de</strong><br />

cours, travaillant avec son professeur et Prof.<br />

Meier Weger <strong>de</strong> Jérusalem et d'autres<br />

collaborateurs du DPMC sur <strong>de</strong>s solutions<br />

d'Equations d'Eliashberg pour <strong>de</strong>s Couplages<br />

Electrons-Phonons, et sur <strong>de</strong>s Etu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la<br />

Surface <strong>de</strong> Fermi dans les Supraconducteurs à<br />

Haute Température. Il a passé <strong>de</strong>ux années<br />

ensuite à l’« Helsinki University of<br />

Technology » avant <strong>de</strong> partir en Californie,<br />

travaillant sur la théorie <strong>de</strong> l’annihilation du<br />

positron dans la matière. Après un bref séjour<br />

aux Laboratoires BELL et une année à la<br />

« University of California Los Angeles »<br />

(UCLA), il a joint la North Eastern University à<br />

Boston, USA dans le Département <strong>de</strong><br />

Physique où il est actuellement "Senior<br />

Associate Scientist".<br />

Abhay Shukla a été dès le début un physicien<br />

interagissant avec beaucoup <strong>de</strong> créativité avec<br />

son professeur. Sa thèse a porté sur<br />

« Annihilation <strong>de</strong> positrons dans le<br />

Y1-xPrxBa2Cu3O7 » (annexe C). Il a passé six<br />

années par la suite à la « European<br />

Synchrotron Research Facility » à Grenoble,<br />

d'abord comme Boursier jeune chercheur, puis<br />

comme "Post Doctoral Fellow" et enfin comme<br />

"Scientist". Il est maintenant Professeur 1 ère<br />

Classe, à l'Institut <strong>de</strong> Minéralogie et <strong>de</strong><br />

Physique <strong>de</strong> la Matière Con<strong>de</strong>nsée à<br />

l’<strong>Université</strong> Pierre et Marie Curie (Paris VI). Il<br />

poursuit actuellement ses travaux sur les<br />

phénomènes <strong>de</strong> la supraconductivité.<br />

Shukla et Barbiellini, les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers<br />

assistants <strong>de</strong> Prof. Martin Peter continuent une<br />

collaboration dans le domaine <strong>de</strong> "Inelastic Xray<br />

Scattering" appliqué aux matériaux avec<br />

liaisons hydrogène et aux matériaux fortement<br />

corrélés.


Programmes <strong>de</strong> Recherche Nationaux :<br />

PNR 13 :<br />

Recherche dans le domaine <strong>de</strong> la microélectronique<br />

et l’optoélectronique.<br />

Ce programme, prolongé en cours d'application,<br />

a occupé le Professeur Peter pendant<br />

huit années durant lesquelles il a présidé le<br />

groupe d'experts (1983-1991). La<br />

responsabilité exécutive reposa sur les<br />

épaules du Prof. Marc Illegems <strong>de</strong> l'Ecole<br />

Polytechnique <strong>de</strong> Lausanne, assisté par le Dr.<br />

Rémy Sachot qui a assuré le contact<br />

permanent avec les chefs responsables <strong>de</strong>s<br />

différents projets retenus. <strong>Le</strong>s membres du<br />

Groupe d'Experts provenaient <strong>de</strong> l'industrie,<br />

<strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> recherche et <strong>de</strong><br />

développement, <strong>de</strong>s régies et offices fédéraux,<br />

et <strong>de</strong>s Hautes Ecoles. L'un <strong>de</strong>s membres était<br />

un professeur d'une université étrangère. Dans<br />

ce cas, c'est le professeur Peter Grosse <strong>de</strong><br />

l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Aachen (Aix-la-Chapelle) qui a<br />

prêté son concours au sein du groupe<br />

d'experts.<br />

J'extrais du rapport final présenté par Prof.<br />

Peter, les buts et certains détails sur le<br />

déroulement <strong>de</strong> ce programme consacré à<br />

l'encouragement <strong>de</strong>s recherches "précompétitives"<br />

en Suisse.<br />

La proposition, dès l'origine <strong>de</strong> sa conception<br />

avait été: Contribution <strong>de</strong> la recherche<br />

fondamentale au développement <strong>de</strong><br />

nouvelles technologies.<br />

Ce programme bénéficiait d'un budget, <strong>de</strong> 15<br />

millions <strong>de</strong> francs pour 5 ans. <strong>Le</strong> programme a<br />

facilité <strong>de</strong>s découvertes. Il a donné lieu à <strong>de</strong><br />

nombreuses publications, à <strong>de</strong>s brevets et,<br />

dans quelques cas, les résultats ont mené à<br />

<strong>de</strong>s produits industriels. Cinquante<br />

propositions <strong>de</strong> projets <strong>de</strong> recherche (avantprojets)<br />

avaient été reçues dans le cadre du<br />

PNR 13. Il s'agissait d’étudier le domaine <strong>de</strong>s<br />

communications, et <strong>de</strong>s « computer assisted<br />

<strong>de</strong>sign ». Certains <strong>de</strong>s projets retenus étaient<br />

proches <strong>de</strong>s applications et d'autres <strong>de</strong> nature<br />

plus fondamentale. Ci-<strong>de</strong>ssous, une liste <strong>de</strong>s<br />

projets retenus par thème :<br />

- technologie microélectronique silicium,<br />

- capteurs,<br />

- conception <strong>de</strong> circuits et techniques <strong>de</strong><br />

conception,<br />

- matériaux, technologies et composants<br />

pour l'optoélectronique,<br />

- interconnexions optiques,<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

64<br />

Prof. Marc Illegems, directeur du Projet National <strong>de</strong><br />

Recherche 13, PNR13 (1984)<br />

- supraconducteurs à haute température<br />

critique.<br />

L'introduction <strong>de</strong> cellules mémoires EEPROM<br />

développées dans le cadre du PNR 13 dans la<br />

célèbre SWATCH a largement contribué à<br />

accroître sa précision, et ainsi sa bonne<br />

réputation. <strong>Le</strong>s capteurs sensibles aux gaz et<br />

aux substances chimiques ont également été<br />

repris par l'industrie. Quant aux projets<br />

orientés vers la recherche fondamentale,<br />

certains <strong>de</strong> leurs résultats, comme ceux<br />

obtenus dans le domaine <strong>de</strong>s matériaux<br />

optiques non-linéaires, ont donné lieu à <strong>de</strong>s<br />

collaborations avec plusieurs industries.<br />

En 1986, le Conseil <strong>de</strong> Fondation du Fonds<br />

National Suisse a approuvé la proposition du<br />

Groupe d'Experts <strong>de</strong> lancer une action<br />

complémentaire, comme continuation <strong>de</strong>s<br />

projets en voie d'exécution dans le programme<br />

PNR 13 donnant ainsi naissance à ce qui est<br />

<strong>de</strong>venu ensuite le PNR 13+.<br />

Lors <strong>de</strong> l'évaluation <strong>de</strong>s avant-projets soumis<br />

pour le programme complémentaire PNR 13+,<br />

et en réponse au vœu <strong>de</strong> la Division IV du<br />

Fonds National <strong>de</strong> la Recherche Scientifique<br />

(FNRS), <strong>de</strong> tenir compte rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s


etombées possibles <strong>de</strong>s découvertes récentes<br />

dans le domaine <strong>de</strong>s supraconducteurs à<br />

haute température critique, le Groupe<br />

d'Experts a pris la décision d'élargir le cadre<br />

original fixé dans le plan d'exécution, pour y<br />

inclure <strong>de</strong>s projets visant <strong>de</strong>s applications <strong>de</strong>s<br />

supraconducteurs en couches minces. Grâce à<br />

cette action, le PNR 13+ a pu permettre une<br />

première entrée en matière du FNRS en vue<br />

d'une exploitation technique <strong>de</strong> la remarquable<br />

découverte faite à IBM Zürich, et concernant<br />

les oxy<strong>de</strong>s supraconducteurs. Quatorze projets<br />

ont pu être approuvés. Pour cette prolongation,<br />

le FNRS a accordé un crédit supplémentaire<br />

<strong>de</strong> 8 millions <strong>de</strong> francs sur 3 ans.<br />

L'impact <strong>de</strong> PNR 13 et PNR 13+ sur le plan<br />

<strong>de</strong> la formation peut s'évaluer plus directement<br />

au travers du nombre <strong>de</strong> scientifiques et<br />

ingénieurs qui ont pu être accueillis dans les<br />

projets <strong>de</strong> recherche durant les quelques<br />

années nécessaires pour mener à bien un<br />

doctorat. Grâce également à l'impulsion<br />

donnée par ce programme, les Hautes Ecoles<br />

et <strong>Université</strong>s participantes ont pu se recycler,<br />

se familiariser avec <strong>de</strong>s technologies<br />

nouvelles, d'où une répercussion sur leur<br />

enseignement.<br />

PNR 30 :<br />

Recherche sur la Supraconductivité à<br />

Haute Température.<br />

Pour ce Programme, j'ai également extrait<br />

les données qui suivent, du rapport final<br />

présenté par le professeur M. Peter et par le<br />

directeur exécutif du programme, le Dr.<br />

Claus Schüler.<br />

Ce programme avait été suggéré par les<br />

professeurs Ø. Fischer du Département <strong>de</strong> la<br />

Matière Con<strong>de</strong>nsée <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong><br />

et Piero Martinoli du Département <strong>de</strong><br />

Physique <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Neuchâtel –<br />

nommé <strong>de</strong>puis Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> la<br />

Suisse Italienne, – ainsi que Dr. R. Zeller <strong>de</strong><br />

ABB, et avait été accepté par le Fonds<br />

National Suisse en juin 1990. Cette fois-ci, le<br />

directeur exécutif a été le Dr. Claus Schüler<br />

qui y a engagé toute son énergie pendant<br />

toute la durée du programme. Il allait comme le<br />

faisaient d'ailleurs les membres du groupe<br />

d'experts, rendre <strong>de</strong>s visites régulières aux<br />

laboratoires qui participaient au programme,<br />

faisant leurs suggestions et donnant leur avis<br />

sur les travaux en cours. <strong>Le</strong> professeur <strong>de</strong><br />

l’étranger au sein du groupe d'experts a été le<br />

Prof. Armin Reller <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong><br />

Hambourg. Ce programme dont la prési<strong>de</strong>nce<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

65<br />

<strong>Le</strong> groupe d’experts du PNR 30 :<br />

Prof. Maurice Rice, Dr. Claus Schüler (directeur du<br />

programme), Prof. Armin Reller, Prof. Karl Alex. Muller,<br />

Prof. Georg J. Bednorz et Prof. Martin Peter<br />

a également été confiée au prof. Martin Peter<br />

dura <strong>de</strong> 1992 à 1995. La participation globale<br />

du Fonds National a été <strong>de</strong> 5 millions par<br />

année dépensés pour les projets retenus et<br />

développés.<br />

<strong>Le</strong>s trois années qu'a duré ce programme ont<br />

été très <strong>de</strong>nses et très riches. Elles ont<br />

déclenché par la suite une quantité <strong>de</strong> travaux<br />

<strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s équipes qui en avaient bénéficié.<br />

Ici, une quarantaine d'avant-projets avaient été<br />

soumis au groupe d’experts qui en a<br />

sélectionné trente-et-un, favorisant les travaux<br />

susceptibles <strong>de</strong> faire avancer le<br />

développement <strong>de</strong> techniques expérimentales<br />

dans <strong>de</strong>s matériaux supraconducteurs<br />

nouveaux, ou qui laissaient présager <strong>de</strong>s<br />

caractéristiques supraconductrices à haute<br />

température critique. Des gran<strong>de</strong>s entreprises<br />

qui possédaient leur propre laboratoire <strong>de</strong><br />

recherche ont pu entrer en partenariat avec<br />

<strong>de</strong>s bureaux <strong>de</strong> recherche du gouvernement à<br />

leur mutuel bénéfice. Quelques SME qui<br />

possédaient <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong> recherche<br />

dynamiques ont pu bénéficier <strong>de</strong>s avantages<br />

<strong>de</strong> PNR 30 <strong>Le</strong>s étu<strong>de</strong>s portaient sur <strong>de</strong>s<br />

soli<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s liqui<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s céramiques. <strong>Le</strong>s<br />

travaux encouragés par ce programme ont<br />

donné lieu à environ 420 publications.<br />

Plusieurs brevets ont résulté <strong>de</strong> recherches<br />

réalisées grâce à ce programme.<br />

Un rapport rédigé par les participants au<br />

programme a été bien accepté et a permis<br />

d'entrevoir une continuité <strong>de</strong> l'ai<strong>de</strong> du FNRS<br />

pour <strong>de</strong>s recherches ultérieures.


La commission <strong>de</strong> recherche du PSI (2001)<br />

Paul Scherrer Institut (PSI).<br />

<strong>Le</strong> professeur M. Peter fit partie <strong>de</strong> la<br />

Commission <strong>de</strong> Recherche jusqu’à<br />

l’inauguration <strong>de</strong> la « Synchrotron<br />

Lichtquelle Schweiz » (SLS), le 19 octobre<br />

2001. La source <strong>de</strong> photons est <strong>de</strong> 2.4 GeV.<br />

Elle permet <strong>de</strong>s observations très précises <strong>de</strong><br />

substances, jusqu’au niveau atomique. <strong>Le</strong> PSI<br />

dispose d'un centre réputé pour le traitement<br />

<strong>de</strong>s tumeurs profon<strong>de</strong>s par irradiation aux<br />

protons. Ce centre a développé une technique<br />

originale unique qui permet <strong>de</strong> focaliser le<br />

faisceau <strong>de</strong> protons sur la tumeur, tout en<br />

préservant les tissus environnants. Elle est<br />

appliquée notamment aux mélanomes <strong>de</strong> l'œil,<br />

aux tumeurs du cerveau, aux cancers <strong>de</strong> la<br />

prostate, aux mélanomes ORL et au<br />

chondrosarcome, une tumeur cartilagineuse<br />

maligne.<br />

On peut trouver la liste <strong>de</strong>s technologies à<br />

vocation industrielle développées au PSI à<br />

l'adresse :http://techtransfer.web.psi.ch/e/technolo<br />

gien.html.<br />

The European Register of Physicists.<br />

Cette réalisation a été initiée afin <strong>de</strong> permettre<br />

à <strong>de</strong>s physiciens <strong>de</strong>s pays européens <strong>de</strong> venir<br />

travailler dans n’importe lequel d’entre eux. Un<br />

comité analyse les candidatures, en étudiant<br />

les dossiers soumis. <strong>Le</strong> titre <strong>de</strong> « European<br />

Physicist » est accordé sur la base <strong>de</strong>s<br />

compétences scientifiques et <strong>de</strong> l’expérience<br />

professionnelle <strong>de</strong>s candidats, selon une règle<br />

d’équivalence déterminée par le comité du<br />

"European Register". <strong>Le</strong>s physiciens qui<br />

remplissent les critères reçoivent le titre <strong>de</strong><br />

« European Physicist ». <strong>Le</strong> professeur Martin<br />

Peter a fait partie <strong>de</strong> la Commission qui a<br />

établi ce Registre à ses débuts.<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

66<br />

Prof. Frank Steglich en visite à l’Ecole <strong>de</strong> Physique<br />

(1986)<br />

Séjours sabbatiques :<br />

Professeur M. Peter a passé <strong>de</strong>s séjours dans<br />

plusieurs universités dont je mentionne ici<br />

quelques-unes : L’University of Phila<strong>de</strong>lphia<br />

auprès <strong>de</strong> Prof. J. Robert Schrieffer;<br />

University of California Los Angeles (UCLA),<br />

dans le département du Prof. Ray Orbach; au<br />

Theoretische Institut Universität zu Köln chez<br />

prof. B. Mühlchlegel; à la Technische<br />

Universität à Darmstadt chez Prof. Frank<br />

Steglich où il vint <strong>de</strong>ux fois; à l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong><br />

Paris VII à Orsay, dans le département du<br />

Prof. Jacques Frie<strong>de</strong>l; à la State University of<br />

New York à Stony Brook (SUNY) chez Prof.<br />

Philip Allen; un séjour au Japon en automne<br />

1990 avec visite <strong>de</strong> plusieurs centres <strong>de</strong><br />

recherche (annexe L); enfin au Max-Planck-<br />

Institut für Chemische Physik <strong>de</strong>s festen Stoffe<br />

Dres<strong>de</strong>n, où venait d’être nommé directeur<br />

Prof. Frank Steglich. C’est à ce <strong>de</strong>rnier Institut<br />

que Professeur Peter a donné le discours<br />

d’inauguration en 2001. Dans ces centres<br />

divers, Prof. M. Peter a toujours retrouvé <strong>de</strong>s<br />

physiciens qui connaissaient ses travaux et<br />

réciproquement. Cela a par conséquent<br />

chaque fois représenté <strong>de</strong>s enrichissements<br />

mutuels et un espace <strong>de</strong> liberté intellectuelle<br />

rafraîchissant.


Prof. Jacques Frie<strong>de</strong>l, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong>s<br />

Sciences <strong>de</strong> France entre 1992 et 1996, Dr h.c. EPFL<br />

et <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong><br />

Prof. Toru Moriya <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Tokyo (1991)<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

67<br />

Claudine et Martin Peter en visite au Japon (1990)<br />

<strong>Le</strong> Départ en Retraite.<br />

En octobre 1994, le Professeur M. Peter<br />

décida <strong>de</strong> prendre sa retraite. Il avait 66 ans.<br />

Retraite qui lui accordait le titre <strong>de</strong> Professeur<br />

honoraire <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong>. Il prononça alors<br />

son discours d’Adieu « Supraconductivité,<br />

Espoirs et Souvenirs » (annexe J).<br />

En 1995, la ville <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> accorda au<br />

Professeur Martin Peter le Prix <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Genève</strong> sur proposition <strong>de</strong> la Faculté <strong>de</strong>s<br />

Sciences (annexe K). Cette reconnaissance,<br />

<strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s Autorités <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> a été<br />

profondément ressentie par mon mari. Depuis<br />

mars 1974 nous étions <strong>de</strong>venus citoyens <strong>de</strong><br />

la commune <strong>de</strong> Collonge-Bellerive. <strong>Le</strong><br />

présent livre relatant la vie <strong>de</strong> mon mari montre<br />

que l’origine <strong>de</strong> nos ancêtres se trouve située<br />

bien à l’EST <strong>de</strong> la Suisse. Mais la partie la plus<br />

longue <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> Martin Peter restera<br />

marquée par notre bonne cité <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>.<br />

Dès l’automne 1994 et jusqu’à son rappel<br />

auprès <strong>de</strong> ses ancêtres, mon mari a pu se<br />

plonger entièrement dans la recherche, la<br />

plupart du temps chez lui. Son centre <strong>de</strong> travail<br />

circulant d’une pièce à l’autre selon les jours.<br />

Mais il était seul et <strong>de</strong>vait lire la littérature, faire<br />

ses calculs, éditer ses textes en forme pour<br />

être présentés pour publication. L’effort<br />

intellectuel était énorme. Il en était content.


La <strong>de</strong>rnière classe <strong>de</strong> physique <strong>de</strong> Martin Peter (1994)<br />

En 1998 il publia l’article « Estimation of the<br />

influence of ionic dielectricity on the dynamic<br />

superconducting or<strong>de</strong>r parameter » (Ann.<br />

Physik 7 (1998) 174-200) qui montre que ses<br />

préoccupations avec la diélectricité, la<br />

supraconductivité, l’élasticité, le magnétisme et<br />

l’analyse numérique n’étaient pas encore en<br />

reste!<br />

En 1999 il fit part <strong>de</strong> ses travaux dans une<br />

conférence donnée à l’Ecole <strong>de</strong> Physique,<br />

intitulée « Virtual Superconductors from<br />

Eliashberg equations ».<br />

Pendant toutes ces années d'activité <strong>de</strong><br />

« physicien » à <strong>Genève</strong>, le sujet fondamental<br />

que M. Peter a toujours conservé en priorité a<br />

été celui <strong>de</strong> la Supraconductivité pour lequel<br />

il avait créé le département dès son origine en<br />

1962.<br />

M. Peter était en train d'élaborer certaines<br />

caractéristiques <strong>de</strong> métaux supraconducteurs<br />

qui permettraient d'en prédire <strong>de</strong> nouveaux,<br />

lorsqu’en 1986 la Supraconductivité à haute<br />

température (HTSC) a été découverte par le<br />

Professeur Alex Muller et le Dr G. J.<br />

Bednorz. <strong>Le</strong>s céramiques entraient<br />

maintenant dans la gran<strong>de</strong> famille <strong>de</strong>s<br />

supraconducteurs! Cette "bombe" a valu le<br />

Prix Nobel à ces <strong>de</strong>ux chercheurs. M. Peter<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

68<br />

Martin et Prof. Karl Alex Müller (1995)<br />

s'est alors attaché à comprendre ce nouveau<br />

phénomène à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> ses travaux sur les<br />

équations d'Eliashberg. Mais, comme il l'avait<br />

prédit:<br />

« La physique, c'est comme un avion,<br />

quand elle s'arrête, elle tombe ».<br />

<strong>Le</strong> Professeur Martin Peter est tombé<br />

soudainement. <strong>Le</strong> <strong>de</strong>rnier problème auquel il<br />

travaillait avec l'assistance du Prof. Meier<br />

Weger qui lui rendait visite <strong>de</strong> temps en temps<br />

<strong>de</strong>puis l'université <strong>de</strong> Jérusalem était là, en<br />

pleine élaboration (annexe N). Son <strong>de</strong>rnier<br />

cahier <strong>de</strong> travail « Lab. book » était ouvert sur<br />

son bureau et son ordinateur DELL en attente<br />

<strong>de</strong> la suite. <strong>Le</strong> professeur venait <strong>de</strong> rentrer <strong>de</strong><br />

la Freie Universität <strong>de</strong> Berlin à laquelle il avait<br />

donné un colloque sur l'invitation du Prof.<br />

Baberschke, et faisait un bref et triste voyage<br />

à Paris pour les obsèques d'une parente. Mais<br />

la Physique ne s'arrête pas,….. tout comme le<br />

questionnement <strong>de</strong> l'Homme qui tente <strong>de</strong><br />

percer les secrets <strong>de</strong> la nature, <strong>de</strong> son<br />

environnement, <strong>de</strong> sa responsabilité vis-à-vis<br />

<strong>de</strong>s autres.


En mémoire <strong>de</strong> ……….<br />

<strong>Le</strong> Département <strong>de</strong> la Matière Con<strong>de</strong>nsée<br />

décida <strong>de</strong> créer un COLLOQUE MARTIN<br />

PETER, prévu tous les <strong>de</strong>ux ans. <strong>Le</strong> premier<br />

colloque eu lieu en automne 2003, soit une<br />

année après le décès <strong>de</strong> mon époux.<br />

Professeur Walter Kohn, University of<br />

California Santa Barbara, Prix Nobel <strong>de</strong><br />

Physique, en fut l’invité d’honneur. <strong>Le</strong> regretté<br />

Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’EPFL, Bernard Vittoz retraça<br />

« une vie dévouée à la Science, à son pays, et<br />

à <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s causes sur le plan humanitaire »,<br />

L’annonce du Colloque Martin Peter 2003<br />

Prof. Øystein Fischer ouvre le Colloque Martin Peter<br />

2003<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

69<br />

dont il eut l’amabilité <strong>de</strong> m’envoyer le texte que<br />

je joins en annexe M.<br />

<strong>Le</strong> <strong>de</strong>uxième colloque fut organisé par le<br />

DPMC en automne 2006 et l’invité d’honneur a<br />

été le Professeur Philip W. An<strong>de</strong>rson,<br />

University of Princeton, Prix Nobel <strong>de</strong><br />

Physique en 1977. Il avait bien connu Martin<br />

Peter avec qui il avait travaillé pendant cinq<br />

ans aux Laboratoires BELL aux USA.<br />

Prof. Bernard Vittoz, lors du Colloque Martin Peter<br />

2003<br />

Prof. Walter Kohn, invité du Colloque Martin Peter 2003


M. Peter et son fils Henry au Wildstrubel, 3466m<br />

(1968)<br />

Claudine et Martin avec Robin, Henry et Clarence (1972)<br />

Prof. M.W.P. Strandberg, ancien directeur <strong>de</strong> thèse <strong>de</strong> M.<br />

Peter en visite à <strong>Genève</strong>, avec son élève (1973)<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

Quelques photos souvenirs…<br />

70<br />

Une semaine <strong>de</strong> vacances sur la côte du Maine, USA,<br />

(1977)<br />

Robin, le fils ainé fête son retour <strong>de</strong> la course à la voile par<br />

le cap Horn sur le bateau « Disque d’Or » ; le gâteau fait<br />

<strong>de</strong>s vagues (1977)<br />

Au glacier d’Aletsch (1982)


1 ère page du fascicule publié à l’occasion du 60 ème<br />

anniversaire <strong>de</strong> Martin Peter (1988)<br />

Dr. Anna-Celia Motta et Claudine (1988)<br />

<strong>Le</strong>s petits-enfants <strong>de</strong> Martin et Claudine Peter (1988)<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

71<br />

Profs N. M. Plakida et Martin Peter, Dubna (1989)<br />

Prof Michael Tinkham, Harvard Univ., ancien étudiant du<br />

MIT avec Martin Peter, lors d’une visite à <strong>Genève</strong> (1989)<br />

Sébastien, le 1 er petit-fils <strong>de</strong> Martin Peter sur le dos <strong>de</strong> son<br />

grand-père (1988)


<strong>Le</strong>s fils d’Henry Peter, Sébastien et Olivier (1990)<br />

Ski <strong>de</strong> fond dans la vallée <strong>de</strong> Conches (1992)<br />

Martin Peter, 1992<br />

Une longue carrière à <strong>Genève</strong><br />

72<br />

Profs. Øystein Fischer, A. Abrikosov et Martin Peter (1993)<br />

Prof. Georges Béné et Claudine Peter à Cartigny lors du<br />

diner <strong>de</strong> la retraite <strong>de</strong> Martin Peter (1994)<br />

Prof. Jean-Marc Triscone et M. Renald Cartoni à Cartigny<br />

lors du dîner <strong>de</strong> la retraite <strong>de</strong> Martin Peter (1994)


Remerciements<br />

Ma vive reconnaissance va aux Docteurs Paul DONZÉ et Alfred MANUEL sans qui ce travail n’aurait<br />

pas pu être réalisé avec les meilleurs soins. Je remercie également tous ceux qui ont connu mon<br />

époux et ont bien voulu me faire part <strong>de</strong> quelques souvenirs <strong>de</strong> leurs contacts avec lui au cours <strong>de</strong> sa<br />

vie <strong>de</strong> physicien.<br />

La diffusion <strong>de</strong> cet ouvrage a bénéficié du soutien du Pôle <strong>de</strong> Recherche National MaNEP dirigé par<br />

le Professeur Øystein FISCHER auquel nous adressons toute notre reconnaissance.<br />

Je tiens à remercier également la Société <strong>de</strong> Physique et d’Histoire Naturelle <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> pour la<br />

permission <strong>de</strong> reproduire le texte: "Supraconductibilité, espoirs et souvenirs" paru dans Archs. Sci.<br />

<strong>Genève</strong>, Vol 48, Fasc. 2, pp. 105-134, Septembre1995. <strong>Le</strong>s droits restent propriété <strong>de</strong> l’éditeur.<br />

Je suis aussi reconnaissante au Max-Plank-Institut für Chemische Physik <strong>de</strong>r fester Stoffe pour la<br />

permission <strong>de</strong> reproduire « Chemische Physik <strong>de</strong>r festen Stoffe – Ent<strong>de</strong>ckung, Erklärung, Synthese »<br />

paru dans la Dresdner Abhandlungen zur Chemischen Physik fester Stoffe, Heft 2, pp. 5-20, 2001.<br />

<strong>Le</strong>s droits restent propriété <strong>de</strong> l’éditeur.<br />

73


Most significant works realized by Martin PETER<br />

During his career as a physicist<br />

Title Authors site & year<br />

Critical Domain Size in Ferroelectrics. with W. Känzig Phys.Rev. (1952)<br />

Microwave Spectrum of OCS. with M.W.P. Strandberg Phys.Rev. (1954)<br />

<strong>Le</strong>cture Demonstration of Relativistic M. Peter Am.J. of Physics (1955)<br />

Behaviour of Electrons.<br />

Phase Stabilization Microwave with M.W.P. Strandberg Proc. Of I.R.E. (1955)<br />

Oscillators.<br />

Penetration of Electromagnetic Field M. Peter Phys. Rev. (1958)<br />

through Superconducting Films.<br />

Local Magnetic Moment associated with A.M. Clogston, B.T. Matthias,<br />

An Iron Atom dissolved in various E. Corenzwit, R.C. Sherwood Phys.Rev.(1962)<br />

Transition Metal Alloys.<br />

Atomic Clocks. M.Peter Encycl.of Electronics(1962)<br />

Encycl.of Physics (1966)<br />

Ultra-High- Field Superconductivity. with V.Jaccarino Phys.Rev.<strong>Le</strong>tters (1962)<br />

Matériaux non Magnétiques pour with S. Steinemann J.Suisse <strong>de</strong> Chronométrie<br />

la Compensation thermique <strong>de</strong> l'Elasticité. (1968)<br />

Elasticité <strong>de</strong>s Matériaux Paramagnétiques. with S. Steinemann …. H.P.A. (1969)<br />

And Ø. Fischer<br />

Magnetische Supraleitung with P.Donzé, Ø. Fischer, A. Junod, H.P.A. (1971)<br />

J. Ortelli, A. Treyvaud, E. Walker,<br />

M. Wilhelm, B. Hillenbrand<br />

75


Most Significant Works<br />

A High Resolution Proportional with A.P. Jeavons, D.W. Townsend, IEEE Nucl. Sc.<br />

Chamber Positron Camera and N.L Ford, K.Kull, A.A. Manuel Sympos. (1977)<br />

Its Applications. And Ø. Fischer.<br />

Positron Annihilation and High M. Peter IBM J. of Res.& Dev.(1989)<br />

Temperature Superconductivity.<br />

Positron Annihilation Studies with A.A. Manuel Physica Scripta (1989)<br />

Of High-Tc Superconductors.<br />

Theory of Positron Annihilation with S. Barnes Phys. Rev. B, (1989)<br />

In Superconductors.<br />

Solutions of Eliashberg Equations with W. Weger & Zeitschrift f.Phys B (1994)<br />

for an Electron-Phonon Coupling and B. Barbiellini<br />

with a Cutoff.<br />

Supraconductivité, Espoirs & Souvenirs M. Peter conférence <strong>de</strong> départ à la<br />

Retraite. Arch.<strong>de</strong>s Sc.GE.<br />

(1994)<br />

Mechanisms of Superconductivity with. M. Weger Publ. In "Synthetic Metals"<br />

In Organic Metals. & L.P. Pittaevskii (1997)<br />

Description of Superconducting with M. Weger Advances in Con<strong>de</strong>nsed<br />

Properties by generalized Eliashberg Matter & Material Research<br />

Equations. N.Y. (2003)<br />

This list is established upon my personal estimation. The complete list of<br />

Publications can be found on Internet.<br />

76<br />

Claudine Peter


Quelques Cours donnés par le Professeur Martin PETER<br />

En Physique <strong>de</strong> la Matière Con<strong>de</strong>nsée<br />

Au Département <strong>de</strong> Physique <strong>de</strong> l'<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong><br />

De 1963 à 1994<br />

Cours <strong>de</strong> Physique Générale. Notes rédigées par Fr. Baud-Bovy, C.Barbier,<br />

P. Donzé. (1963 – 1966)<br />

Chapitres choisis <strong>de</strong> Physique du Soli<strong>de</strong>. Notes rédigées par<br />

P. L. Gerster. (1969-1971)<br />

Physique <strong>de</strong> la Matière Con<strong>de</strong>nsée (Magnétisme dans <strong>de</strong>s Soli<strong>de</strong>s). éd. par<br />

Dr. G. Adam. (1975)<br />

Concepts dans les Soli<strong>de</strong>s. - Propriétés Electromagnétiques <strong>de</strong> la Matière<br />

Con<strong>de</strong>nsée. - Notes rédigées par Michel Dacorogna. (1978)<br />

Matériaux Réels. - Calcul <strong>de</strong> Structures <strong>de</strong> Ban<strong>de</strong>s. - Notes rédigées par<br />

Michel Dacorogna. (1978)<br />

Physique Numérique du Soli<strong>de</strong>. Notes rédigées par Michel Dacorogna. (1981)<br />

Structure <strong>de</strong> Ban<strong>de</strong> Electronique . -Matériaux Réels. - Notes rédigées par<br />

Michel Dacorogna. (1983)<br />

Phénomènes dynamiques. Notes rédigées par Michel Dacorogna. (1985)<br />

Phénomènes Dynamiques (2n<strong>de</strong> édition). Notes rédigées par<br />

M. Dacorogna et Olivier Pictet. (1985)<br />

Physique <strong>de</strong>s Semiconducteurs. Notes rédigées par Luc Oberli. (1985)<br />

Phénomènes Dynamiques et Structure Electronique <strong>de</strong>s Soli<strong>de</strong>s.<br />

Notes rédigées par B. Barbiellini-Ami<strong>de</strong>i.(1989)<br />

Propriétés Electromagnétiques et Electroniques <strong>de</strong> la Matière Con<strong>de</strong>nsée.<br />

Notes rédigées par B. Barbiellini-Ami<strong>de</strong>i. (1991)<br />

77


Thèses <strong>de</strong> doctorat dirigées par le professeur Martin PETER<br />

Département <strong>de</strong> Physique <strong>de</strong> la Matière Con<strong>de</strong>nsée<br />

A l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong><br />

R. Fivaz Phénomènes <strong>de</strong> transport dans les structures en couches.<br />

(1966).<br />

O. Belmahi Corrélations entre vitesse ultrasonore et susceptibilité magnétique<br />

<strong>de</strong> quelques alliages <strong>de</strong> palladium (1967).<br />

B. Giovannini Théorie <strong>de</strong> la résonance paramagnétique d’impuretés dans les<br />

métaux (1968)<br />

Fr.Barbalat-Rey Résonance magnétique nucléaire <strong>de</strong> Cl 35 en solution avec <strong>de</strong>s<br />

ions paramagnétiques (1969).<br />

J. Dupraz Etu<strong>de</strong> par résonance magnétique d’alliages à haute susceptibilité<br />

(1970).<br />

P. Donzé Propriétés magnétiques d’alliages <strong>de</strong> susceptibilité élevée<br />

(1970).<br />

D. Gainon Propriétés électriques et thermoélectriques d’alliages dilués<br />

(1969).<br />

H. Cottet Résonance paramagnétique dans <strong>de</strong>s alliages dilués d’ions <strong>de</strong><br />

Manganèse ou <strong>de</strong> Gadolinium (1971).<br />

M. Bernasson Résonance magnétique nucléaire dans <strong>de</strong>s alliages <strong>de</strong> métaux<br />

<strong>de</strong> transition. (1972). Supervisée conjointement avec les<br />

professeurs G. Béné et J. Muller.<br />

Ø. Fischer Propriétés <strong>de</strong>s supraconducteurs à haut champ critique contenant<br />

<strong>de</strong>s moments magnétiques localisés (1972).<br />

E. Walker Corrélation entre propriétés élastiques et susceptibilité magnétique<br />

(1972).<br />

79


Liste <strong>de</strong>s thèses<br />

W. Zingg Résonance <strong>de</strong> spin électronique sur <strong>de</strong>s terres rares dans <strong>de</strong>s<br />

alliage monocristallins dilués à base <strong>de</strong> Palladium. (1974).<br />

Supervisée conjointement avec le professeur G. Béné.<br />

U. Rudolf Etu<strong>de</strong> statistique <strong>de</strong> l’amorçage <strong>de</strong> décharges électriques dans<br />

<strong>de</strong>s liqui<strong>de</strong>s contaminés. (1977).<br />

R. O<strong>de</strong>rmatt Résonance <strong>de</strong> spin électronique <strong>de</strong> Gd et d’Eu dans <strong>de</strong>s<br />

supraconducteurs SnMo6S8 et PbMo6S8 en poudre. (1981).<br />

A. A. Manuel L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s propriétés électroniques <strong>de</strong>s métaux par annihilation<br />

<strong>de</strong> positrons. (1978).<br />

M. Dacarogna Calcul <strong>de</strong>s constantes élastiques dans les métaux <strong>de</strong> transition :<br />

une nouvelle approche théorique. (1980).<br />

P. Bujard Comportement élastique singulier d’alliages <strong>de</strong> métaux <strong>de</strong> transition<br />

paramagnétiques V B – VI B. (1982).<br />

L. Oberli Structure électronique <strong>de</strong>s métaux alcalins par annihilation <strong>de</strong><br />

positrons (1985).<br />

O. Pictet Calcul <strong>de</strong> structures électroniques et <strong>de</strong> propriétés physiques<br />

dans les métaux <strong>de</strong> transition. (1989).<br />

L. Hoffmann Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> surfaces <strong>de</strong> Fermi <strong>de</strong> composés <strong>de</strong> structure A 15 et du<br />

composé Yba2Cu3O7-x par annihilation <strong>de</strong> positrons (1989)<br />

P.Genoud Approche phénoménologique <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> corrélation électron-<br />

positron dans les métaux ( 1990).<br />

B. Barbiellini-Ami<strong>de</strong>i Effects of correlation on electronic and positronic states in<br />

solids (1991).<br />

A. Shukla Annihilation <strong>de</strong> positrons dans le Y1-xPrxBa2Cu3O7 (1995).<br />

Ming SHI High Efficiency Positron Beam Generation, its Depen<strong>de</strong>nce on<br />

Field geometry and Materials’ Quality. (1996).<br />

G. R. Santi Ab-initio calculations of electronic structure and properties of<br />

some perovskite : high-Tc superconductors and magnetic<br />

materials. (1998).<br />

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Martin Peter, Homme <strong>de</strong> réflexion et d’action<br />

Allocution prononcée par le Professeur Bernard Vittoz, ancien prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Ecole Polytechnique<br />

Fédérale <strong>de</strong> Lausanne (EPFL), à l’occasion du 1 er Colloque Martin Peter, le 14 novembre 2003<br />

Lors <strong>de</strong> sa Journée Magistrale, le 9 mai 1990, l’Ecole Polytechnique <strong>de</strong> Fédérale <strong>de</strong><br />

Lausanne attribua le gra<strong>de</strong> <strong>de</strong> docteur honoris causa au professeur Martin Peter,<br />

avec la laudatio suivante : En hommage à l’homme <strong>de</strong> réflexion et d’action pour ses<br />

contributions essentielles à la collaboration interuniversitaire roman<strong>de</strong> sur les plans<br />

scientifique et pédagogique, et au physicien éminent pour ses apports originaux à la<br />

science <strong>de</strong>s matériaux, à la compréhension <strong>de</strong> leurs propriétés électriques,<br />

magnétiques et élastiques.<br />

Je ne reviendrai pas sur les qualités <strong>de</strong> l’éminent physicien et patron du Département<br />

<strong>de</strong> Physique <strong>de</strong> la Matière Con<strong>de</strong>nsée <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>. D’autres l’ont déjà<br />

fait, et son impressionnante liste <strong>de</strong> publications et l’existence même <strong>de</strong> ce colloque<br />

en sa mémoire constituent <strong>de</strong>s arguments <strong>de</strong> poids démontrant la qualité<br />

exceptionnelle du physicien Martin Peter.<br />

Par contre, ayant eu suffisamment d’occasions <strong>de</strong> le fréquenter dans <strong>de</strong>s réunions<br />

<strong>de</strong> politique scientifique et souvent à titre personnel, je puis témoigner ici <strong>de</strong>s qualités<br />

<strong>de</strong> l’homme préoccupé <strong>de</strong> l’avenir scientifique <strong>de</strong> la Suisse, <strong>de</strong> la Suisse roman<strong>de</strong> en<br />

particulier, dans les domaines essentiels <strong>de</strong> la formation universitaire et <strong>de</strong> la<br />

recherche. Par exemple, lors <strong>de</strong>s séances parfois embrouillées <strong>de</strong> la Conférence <strong>de</strong>s<br />

Recteurs <strong>de</strong>s <strong>Université</strong>s suisses, <strong>de</strong>s Recteurs romands ou <strong>de</strong> Commissions<br />

spécialisées, il savait parfaitement ramener la discussion aux points essentiels, et<br />

toujours en français, même si cette langue lui était quelque peu étrangère au début<br />

<strong>de</strong> sa vie en Suisse.<br />

Sous son impulsion, dès son arrivée à l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong>, en 1962, il a 34 ans,<br />

l’Institut <strong>de</strong> Physique Expérimentale <strong>de</strong>viendra le Département <strong>de</strong> Physique <strong>de</strong> la<br />

Matière Con<strong>de</strong>nsée qui connaîtra un développement très rapi<strong>de</strong>. De plus, ses<br />

préoccupations vont au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> son <strong>Université</strong>, auprès <strong>de</strong> l’industrie et au<br />

renforcement <strong>de</strong> la recherche, en Suisse roman<strong>de</strong> particulièrement. Un élément clé<br />

dans le développement <strong>de</strong> la coordination <strong>de</strong> la physique en Suisse roman<strong>de</strong> a été la<br />

mise sur pied d’une Convention Intercantonale pour l’Enseignement du<br />

Troisième Cycle en Suisse Roman<strong>de</strong>. Elle a été signée en 1964, et concernait<br />

d’abord la physique. <strong>Le</strong> professeur Martin Peter en est le premier prési<strong>de</strong>nt. Cette<br />

Convention est à la naissance <strong>de</strong> la Conférence Universitaire <strong>de</strong> Suisse Occi<strong>de</strong>ntale.<br />

Et à la physique sont venues d’ajouter successivement la plupart <strong>de</strong>s disciplines<br />

universitaires.<br />

A cet effort dans l’enseignement <strong>de</strong>vait se greffer la recherche. C’est ainsi que lors<br />

<strong>de</strong> notre entretien à l’EPFL le 14 novembre 1986, le professeur Peter propose la<br />

création <strong>de</strong> l’Institut Romand <strong>de</strong> Recherche numérique en physique <strong>de</strong>s<br />

Matériaux (IRRMA), avec pour objectifs principaux :<br />

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1. Atteindre un niveau d’excellence dans le domaine <strong>de</strong> la physique numérique<br />

<strong>de</strong>s matériaux.<br />

2. Permettre à <strong>de</strong>s chercheurs <strong>de</strong> haut niveau <strong>de</strong> trouver le cadre propice à la<br />

créativité scientifique, et stimuler les contacts entre les chercheurs suisses et<br />

la communauté internationale.<br />

3. Établir et coordonner <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong> recherche dépassant les possibilités<br />

d’une seule Haute Ecole, et étendre cette recherche vers <strong>de</strong> nouvelles<br />

directions.<br />

4. Assurer la continuité <strong>de</strong> la recherche qui est un élément indispensable à<br />

l’évolution <strong>de</strong>s connaissances, et garantir le transfert <strong>de</strong> savoir-faire.<br />

5. Offrir aux groupes existants dans les Hautes Ecoles et dans l’industrie une<br />

inspiration nouvelle et un soutien dans leurs propres travaux.<br />

6. Promouvoir l’enseignement post-gradué, en collaboration avec les organismes<br />

déjà existants, tout particulièrement le 3 ème Cycle <strong>de</strong> la Physique en Suisse<br />

Roman<strong>de</strong>.<br />

(…)<br />

<strong>Le</strong> 3 mars 1988, une Convention instituant IRRMA est signée par les représentants<br />

respectifs <strong>de</strong> l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Genève</strong> et <strong>de</strong> l’Ecole Polytechnique Fédérale <strong>de</strong><br />

Lausanne. Ils constituent le Comité <strong>de</strong> Direction d’IRRMA. <strong>Le</strong> professeur Alfonso<br />

Bal<strong>de</strong>reschi est nommé Directeur d’IRRMA. <strong>Le</strong> Bureau comprend les professeurs<br />

Martin Peter, Antonio Quattropani (EPFL), Alfonso Bal<strong>de</strong>reschi, et à titre<br />

d’observateurs, les professeurs Hans Beck (<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Neuchâtel) et Samuel<br />

Steinemann (<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Lausanne). De plus, huit Unités <strong>de</strong> Recherche sont<br />

reconnues et un Conseil scientifique est institué. C’est la naissance officielle<br />

d’IRRMA, étant entendu qu’il pourra être rejoint par les <strong>Université</strong>s <strong>de</strong> Neuchâtel,<br />

Lausanne et Fribourg. Ce qui se réalise le 12 juin 1989. <strong>Le</strong> but et les objectifs<br />

principaux d’IRRMA sont les mêmes que ceux énoncés par Martin Peter, dans la<br />

proposition <strong>de</strong> novembre 1986. Ils le sont encore aujourd’hui.<br />

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<strong>Le</strong> <strong>de</strong>rnier Journal <strong>de</strong> Laboratoire <strong>de</strong> Martin PETER (2002)<br />

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