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18 <strong>Le</strong> <strong>père</strong> <strong>des</strong> <strong>pauvres</strong> L’ascension d’une famille du Gâtinais sous l’Ancien Régime 19<br />
à Montargis 36 . Depuis quand était-il installé dans cette ville?<br />
On ne sait exactement. Il y mourut en 1698.<br />
Or, quand on dit Montargis, il faut inclure également<br />
la région avoisinante, qui dépassait le Gâtinais 37 dont cette<br />
agglomération se trouvait être la ville principale. Paul Dubé<br />
était, paraît-il, demandé par toute la noblesse de la région.<br />
Ce fut le cas, par exemple, <strong>des</strong> Courtenay, une importante<br />
famille, dont nous reparlerons. Il avait même reçu de<br />
M lle de Montpensier, dite la « Grande Mademoiselle », qui dut<br />
se retirer quelque temps à Saint-Fargeau après la Fronde, la<br />
demande de devenir son médecin attitré, ce qu’il refusa. Il eut<br />
comme patient M gr de Pardailhan de Gondrin, l’archevêque<br />
de Sens – Montargis faisait partie de ce diocèse.<br />
Mais de toute façon, la majeure partie de son temps<br />
semble bien avoir été consacrée aux <strong>pauvres</strong>, tant de sa ville<br />
que <strong>des</strong> campagnes environnantes.<br />
Ce travail de bénévolat, qui a très probablement duré<br />
jusqu’à la fin de sa vie, puisqu’on le qualifie alors de « <strong>père</strong><br />
<strong>des</strong> <strong>pauvres</strong> », n’aurait pas été possible s’il n’avait joui<br />
d’une certaine fortune. Nous ne retiendrons ici que quelques<br />
éléments qui émergent de l’inventaire qui fut réalisé en<br />
juin 1665 38 , après le décès de sa deuxième épouse, Jeanne<br />
Déry. En immobilier, il n’était pas dépourvu : une maison<br />
à Bléneau; deux à Montargis. Celle où il vivait est désignée<br />
« L’hostel du Sieur Dubé » – il s’agit sans doute d’une<br />
maison située au centre-ville et dont on vante le beau jardin<br />
rempli « d’herbe et de légumes »; l’autre se trouvait près<br />
de la « Porte aux Moines », et était évaluée à 9000 livres.<br />
Il avait aussi acheté <strong>des</strong> terrains à l’intérieur et dans les<br />
environs de Montargis et de Bléneau. Il jouissait également<br />
de plusieurs rentes. Quand il est question <strong>des</strong> biens de la<br />
communauté qu’il partageait avec Jeanne Déry, on fait état<br />
d’une augmentation (pendant leur mariage) <strong>des</strong> immeubles,<br />
de l’orde de 17 515 livres; pour les rentes, l’accroissement<br />
est de l’ordre de 9120 livres. La maison où il réside alors est<br />
assez bien meublée : le mobilier monte à 1600 livres et il a<br />
2300 livres d’argent comptant. On a sans doute inclus dans<br />
les « meubles » les instruments servant à la médecine et<br />
sa bibliothèque.<br />
Tout cela dénote déjà <strong>des</strong> moyens situés au-<strong>des</strong>sus de la<br />
moyenne et que l’on pourrait sans doute estimer à 50 000 ou<br />
60 000 livres 39 . Cela lui permettait de s’occuper de ses enfants<br />
et de faire <strong>des</strong> dons, soit aux congrégations religieuses de la<br />
région, soit aux organismes de charité de Montargis ou de<br />
Bléneau 40 .<br />
Reste à considérer brièvement ses deux alliances.<br />
Quelques sondages dans les archives notariales conservées à<br />
Orléans et à Auxerre ont apporté <strong>des</strong> éléments qui permettent<br />
<strong>des</strong> comparaisons significatives.<br />
Anne Billault, que Paul Dubé épousa vers 1635, est<br />
la fille d’un marchand bourgeois de Bléneau, Daniel, qui<br />
semble bien nanti puisqu’il possède une maison à Bléneau<br />
et une autre à Montargis et qu’il dispose de nombreuses<br />
rentes 41 . Il s’agit d’une famille qui est, elle aussi, en train<br />
de connaître une ascension sociale. La sœur d’Anne, Marie<br />
Billault, s’est mariée à Pierre Martin, un avocat qui a connu<br />
une carrière intéressante : il a d’abord pratiqué le droit à<br />
Montargis, puis il s’est installé à Bléneau comme bailly;<br />
on le retrouve ensuite conseiller du roi, élu en l’élection<br />
de Gien. L’élection est une circonscription financière<br />
dont l’administration était confiée à <strong>des</strong> « élus » lesquels<br />
devaient répartir les tailles et juger <strong>des</strong> affaires qui pouvaient<br />
survenir concernant ces impôts. Au moins deux <strong>des</strong> fils de<br />
Marie Billaut et de Pierre Martin firent aussi carrière dans<br />
la magistrature.<br />
D’autres Billault figurent dans les registres paroissiaux,<br />
mais les liens avec ceux qui précèdent ne sont pas évidents.<br />
Retenons tout de même François, qui fut chirurgien à Bléneau,<br />
et Esme, maître couvreur à Montargis.<br />
On peut donc noter, entre les lignages Billault et Dubé, un<br />
même type d’ascension sociale qui passe par la magistrature<br />
et l’administration provinciale.