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16 <strong>Le</strong> <strong>père</strong> <strong>des</strong> <strong>pauvres</strong> L’ascension d’une famille du Gâtinais sous l’Ancien Régime 17<br />
la région 27 . Sur un livre de Boethius 28 , intitulé De Consolatione<br />
philosophiae (Genève, ca1480), figure la mention suivante :<br />
« Ex-lib. Pauli Dubaei [Dubé] Blenellensis [de Bléneau],<br />
advocati ». Concernant le Moralia, sive expositio in Job, du<br />
pape Grégoire I er , on déclare qu’il appartient à présent à<br />
M e Paul Dubé, advocat à Bléneau, « qui a achepté ce livre<br />
de M e Guillaume Ramier, prestre demeurant à Bleneau, en<br />
1593 ». <strong>Le</strong> même possédait aussi le Compendium Eloquentiae<br />
de 1481, attribué à Guillaume Tardif 29 . Sur les « Opera »<br />
de Publius Vergilius Maro 30 de 1499, se trouve l’« Ex-libr.<br />
Jonnis [probablement Joannis] Dubaei ». Même si nous<br />
ne pouvons déterminer avec précision les liens de ces<br />
personnes avec le tanneur Paul Dubé, il est possible qu’ils<br />
aient appartenu au même lignage. On doit donc parler d’un<br />
certain niveau de culture pour les Dubé de Bléneau à la fin du<br />
xvi e siècle.<br />
Sur les deux sœurs de Paul Dubé, nous sommes un<br />
peu mieux renseignés. Anne épousa un marchand, Benoist<br />
Charreton, qui travailla de concert avec son beau-frère.<br />
Jacqueline se maria, elle, à Edme Rigollet, qui est qualifié de<br />
« marchand barbier chirurgien à Bléneau »; ceux-ci eurent<br />
quatre enfants 31 , dont deux fils; l’un, Daniel, fut marchand<br />
drapier, l’autre, Verain, apothicaire. À remarquer, donc, si l’on<br />
peut ainsi parler, qu’avec la chirurgie et la pharmacie on se<br />
rapprochait, dans la famille, de la profession médicale.<br />
Sur les ascendants du tanneur Paul Dubé, aucune<br />
indication; mais, s’il y a, à sa génération, la diversité qu’on<br />
vient de reconnaître – prêtrise, droit, artisanat et commerce –,<br />
il faut bien supposer un certain statut social, et un minimum<br />
d’aisance; le <strong>père</strong> de Paul I devait plutôt être artisan ou<br />
marchand que paysan.<br />
Génération charnière entre le xvi e et le xvii e siècle,<br />
devons-nous dire. En fait la diversité <strong>des</strong> professions<br />
(revoyons dans le tableau généalogique les cinq personnages<br />
qui y figurent : barbier chirurgien, avocat, prieur, marchand<br />
tanneur, marchand) est fort intéressante et bien typique d’une<br />
famille provinciale de cette époque en train de se hisser à<br />
un niveau plus élevé. Il faut noter que le contact avec Paris<br />
n’amena pas la famille à quitter le Gâtinais, auquel elle resta<br />
fidèle jusqu’à la fin du xviii e siècle.<br />
La carrière de Paul II, qui va se distinguer de celles qu’on<br />
vient de signaler – travail intellectuel très développé, action<br />
charitable de grande ampleur, service médical étendu à toute<br />
la région –, devait sans doute beaucoup au dynamisme que<br />
nous n’avons pu décrire, mais que nous pouvons deviner, de<br />
la génération qui l’avait précédé.<br />
2. LA GÉNÉRATION DU MÉDECIN PAUL DUBÉ<br />
Celui qui domine cette deuxième génération que nous<br />
allons étudier ici est certes Paul II, et par sa longévité et<br />
par le retentissement de certaines de ses activités. Nous<br />
ne tracerons ici qu’une très brève esquisse de sa carrière,<br />
c’est-à-dire les lieux qui ont eu quelque importance dans<br />
sa vie, et nous essaierons de donner quelques détails sur<br />
sa fortune.<br />
Il y aura lieu ensuite d’apporter certaines précisions<br />
sur les deux familles avec lesquelles il s’alliera, les Billault<br />
et les Déry. Parallèlement, nous étudierons brièvement<br />
celles dans lesquelles ses deux sœurs, Estiennette et Jeanne,<br />
trouveront leurs maris; elles ressemblent davantage à celles<br />
de la génération précédente par les fonctions exercées par<br />
leurs membres et par le lieu de résidence choisi, Bléneau.<br />
Un mot d’abord sur les lieux où Paul Dubé séjourna. Il<br />
naquit à Bléneau en 1612 32 , et y vécut vraisemblablement<br />
jusqu’en 1621 ou 1622; à ce moment-là, il se dirigea vers<br />
Paris où il vécut neuf ou dix ans, le temps de faire ses étu<strong>des</strong><br />
au collège de Boncourt, où il obtint vers 1631 le titre de<br />
« maistre es arts ». Il partit ensuite pour Montpellier, où en<br />
1633, il devint docteur en médecine 33 . Il est possible qu’il ait<br />
pratiqué son « art » (mot qu’il préfère à « profession » 34 ) à<br />
Bléneau de 1634 à 1637 35 ; à la fin de 1638, il loue une maison