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4 <strong>Le</strong> <strong>père</strong> <strong>des</strong> <strong>pauvres</strong> Introduction 5<br />
La vie de Paul Dubé offre donc, à mes yeux, un double<br />
intérêt : premièrement parce qu’on y voit se dérouler une<br />
carrière hors du commun par sa longueur, son activisme,<br />
sa variété – pratique médicale diversifiée, écriture, elle<br />
aussi diversifiée, fondation et direction d’une institution<br />
« hospitalière », volonté de rester au service de la population<br />
de sa région, dévouement pour les <strong>pauvres</strong>; deuxièmement,<br />
parce que cela donnera une idée tout à fait intéressante de la<br />
vie d’un médecin de province du xvii e siècle, et d’autant plus<br />
qu’on a pu en reconstituer l’essentiel, de son adolescence à<br />
son décès.<br />
Voici comment se présente l’étude que nous avons<br />
réalisée. Il fallait d’abord situer socialement notre personnage.<br />
Il a été possible de reconstituer l’évolution de sa famille<br />
depuis la fin du xvi e siècle jusqu’à la fin du xviii e siècle et<br />
de montrer la contribution qu’il a lui-même apportée à sa<br />
transformation. On a même pu retrouver de nombreuses<br />
données sur les relations que ce lignage a eues avec d’autres<br />
familles de la région où il vécut, essentiellement le Gâtinais.<br />
Il s’agit là du premier chapitre.<br />
La partie la plus importante du volume est, bien sûr,<br />
consacrée à la carrière de Paul Dubé. Il a été possible de<br />
suivre le déroulement de celle-ci de 1621, date probable<br />
de son entrée au collège, jusqu’à sa mort en 1698. Dans le<br />
chapitre 2, nous examinons ses années de formation, qui se<br />
sont déroulées à Paris et à Montpellier, et nous tenterons de<br />
décrire, autant que les sources nous le permettent, la pratique<br />
de son « art », comme on disait à l’époque : à Bléneau d’abord,<br />
le lieu où il était né – mais ici les renseignements sont très<br />
déficitaires –, puis à Montargis et la région environnante, où<br />
il acquit la célébrité.<br />
Nous passerons ensuite à l’analyse en détail de son œuvre<br />
écrite. Il y a d’abord les deux premiers livres qu’il publia :<br />
celui de 1649 portait sur les eaux minérales <strong>des</strong> Escharlis, lieu<br />
situé non loin de Montargis; l’autre, paru en 1650, analysait<br />
un phénomène qu’il avait dû prendre en charge : deux sœurs<br />
siamoises (<strong>des</strong> « monstres » dans le vocabulaire de l’époque),<br />
nées dans la paroisse de Septfonds, près de Saint-Fargeau, et<br />
mortes à Paris. C’est le chapitre 3.<br />
Il voulut, une vingtaine d’années plus tard, en 1671,<br />
présenter sa conception de la science médicale. Il publia,<br />
à Paris, chez Edme Couterot, Medicinae Theoreticae Medulla<br />
seu Medicina Animi et Corporis, qu’on peut ainsi traduire :<br />
« L’essence de la médecine théorique ou la médecine de l’âme<br />
et du corps ». Son but n’était pas seulement de faire connaître<br />
sa conception de l’art médical, issue de l’enseignement<br />
reçu à Montpellier, mais également de répondre aux<br />
critiques qui lui avaient été exprimées par ses confrères<br />
de Paris au sujet du livre écrit en français qu’il avait fait<br />
paraître en 1669 et qui était consacré à la médecine dite,<br />
aujourd’hui, populaire. Cette étude du Medulla fait l’objet du<br />
quatrième chapitre.<br />
<strong>Le</strong>s trois livres étudiés aux chapitres 3 et 4 relèvent<br />
plutôt de la science médicale; ils s’adressent avant tout<br />
aux confrères du docteur Dubé. <strong>Le</strong> livre qui est analysé<br />
au chapitre 5 fait partie d’un genre littéraire rattaché,<br />
bien sûr à la médecine, mais conçu spécialement pour les<br />
personnes qui, à cause de leur statut social, ne peuvent<br />
facilement avoir recours aux médecins, ou aux personnes<br />
qui, désirant pratiquer la charité, veulent aider les <strong>pauvres</strong><br />
à guérir leurs maladies ou à adopter <strong>des</strong> habitu<strong>des</strong><br />
hygiéniques. Il a pour titre <strong>Le</strong> médecin <strong>des</strong> <strong>pauvres</strong> (suivi d’un<br />
long appendice : « <strong>Le</strong> chirurgien <strong>des</strong> <strong>pauvres</strong> »). Ce volume<br />
connut beaucoup de succès : rééditions et réimpressions,<br />
traduction en langues étrangères. Il en publia même en<br />
1692 (il avait alors quatre-vingts ans) une version réduite :<br />
La médecine abrégée en faveur <strong>des</strong> <strong>pauvres</strong>. Or, comme on<br />
l’expliquera, Paul Dubé entrait par là dans un courant<br />
qui commençait à être en vogue : la vulgarisation de la<br />
médecine savante.<br />
Comme l’avaient signalé les témoignages <strong>des</strong> xvii e et<br />
xix e siècles, une <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> œuvres de sa vie fut la fondation,