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2 <strong>Le</strong> <strong>père</strong> <strong>des</strong> <strong>pauvres</strong> Introduction 3<br />
Or, si l’on ouvre un autre dossier contemporain de<br />
l’événement rapporté ici, on trouve semblables remarques – ce<br />
qui apporte une confirmation de ce qu’avait écrit le vicaire de<br />
la paroisse concernant la réputation du docteur Dubé. Il s’agit<br />
du journal <strong>des</strong> ursulines de Montargis 5 . Pour elles, Paul Dubé,<br />
qui avait été leur médecin pendant près de soixante ans, était<br />
un homme « sçavant », d’une « spiritualité » remarquable,<br />
d’une « charité continuelle »; son livre sur la « médecine <strong>des</strong><br />
<strong>pauvres</strong> » les avait beaucoup impressionnées. Elles ajoutent,<br />
elles aussi, qu’il « était le <strong>père</strong> <strong>des</strong> <strong>pauvres</strong> ».<br />
La ressemblance qu’il y a entre ces deux notices<br />
est frappante : charité, concrétisée, entre autres choses,<br />
dans l’établissement de l’hôpital général, et zèle continu,<br />
spécialement pour tout ce qui pouvait apporter aide et<br />
réconfort aux nécessiteux, sont les qualités qui sont reconnues<br />
au docteur.<br />
Deux articles lui ont été consacrés au xix e siècle. <strong>Le</strong><br />
premier figure dans un petit livre 6 qui s’intitule Notices<br />
biographiques sur les personnes célèbres et notables de<br />
l’arrondissement de Montargis, paru en 1846. Paul Dubé y est<br />
d’emblée caractérisé comme « homme d’un haut mérite et<br />
auteur de plusieurs ouvrages, écrits en latin et en français et<br />
fort estimés ». On insiste ensuite sur ses œuvres charitables,<br />
et tout spécialement auprès <strong>des</strong> <strong>pauvres</strong>, de la campagne<br />
comme de la ville, sans oublier de faire référence à la « piété »<br />
et la « vertu consommée » qui avaient marqué sa vie. Suit<br />
une mention, qu’il faudra corriger plus tard : le roi lui aurait<br />
demandé de devenir son premier médecin. <strong>Le</strong> second article<br />
a été inséré dans la « Bibliographie du Loiret », de 1854,<br />
ouvrage resté inédit 7 , dans lequel on le présente comme<br />
« médecin philanthropique ». Une bonne partie de ses biens<br />
était allée au soulagement <strong>des</strong> indigents. Certains passages<br />
répètent la notice de 1846 : « piété », par exemple, ou « vertu<br />
consommée »; mais on insiste sur un fait qu’il faudra étudier :<br />
le succès que connut son livre sur la médecine populaire – ce<br />
qui indigna certains de ses confrères, « qui lui reprochèrent<br />
de multiplier les empiriques ». Six de ses ouvrages qui<br />
furent publiés sont mentionnés. On juge même nécessaire de<br />
rappeler que, dans les trois générations qui l’ont suivi, ses<br />
<strong>des</strong>cendants Pierre I, Pierre II et Pierre III 8 ont eu <strong>des</strong> postes<br />
importants dans la région, le deuxième, par exemple, ayant<br />
été maire de la ville de 1729 à 1733.<br />
On peut donc constater qu’au milieu du xix e siècle le<br />
souvenir de ce médecin, et même de sa famille, ne s’était pas<br />
oblitéré. La diversité de sa carrière impressionnait encore :<br />
dévouement intense auprès de toutes les classes sociales,<br />
mais avec un intérêt particulier pour les classes inférieures;<br />
publications multiples.<br />
Il ne s’agissait pas, dans les exemples que nous avons<br />
cités, de biographies d’une certaine envergure : très peu<br />
de détails précis sont donnés, et il y a quelques lacunes<br />
importantes, comme, par exemple, la collaboration à<br />
l’Académie <strong>des</strong> sciences 9 . Il n’en reste pas moins qu’on<br />
peut déjà déceler qu’il s’agit, dans son cas, d’une carrière<br />
tout à fait intéressante et susceptible d’apporter à l’histoire<br />
de la pratique médicale <strong>des</strong> éléments appréciables. Mais<br />
il y a plus encore : l’étude de l’évolution personnelle de<br />
Paul Dubé et de celle de sa famille peut enrichir notre<br />
connaissance de l’histoire sociale de cette époque, d’autant<br />
plus que la progression dont nous parlerons s’est réalisée en<br />
province, qu’il n’y a pas eu d’anoblissement, par exemple, et<br />
que quelques statuts professionnels sont ici représentés : la<br />
magistrature, la médecine, l’administration; il y a aussi <strong>des</strong><br />
vocations cléricales et religieuses.<br />
On ne peut par ailleurs passer sous silence l’importance<br />
que le phénomène religieux a eue dans la vie de ce médecin;<br />
Paul Dubé est même, croyons-nous, très représentatif du<br />
catholicisme fervent et exigeant qui a laissé de nombreuses<br />
marques dans la France du xvii e siècle; on doit également se<br />
poser <strong>des</strong> questions sur ses relations avec le jansénisme 10 ,<br />
parce qu’il fut en étroit rapport avec l’un ou l’autre <strong>des</strong><br />
adeptes de cette tendance.