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SOUVENIRS

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incapables de soustraire à leur profit l'objet le plus minime, de contracter le moindre em-<br />

prunt, de se livrer au recelage ou de commettre quelque autre action de cette nature, qu'ils<br />

regardaient comme entachée de bassesse, ces malheureux étaient convaincus que leur<br />

conduite ne blessait en rien les lois de l'honneur dont le mot était sans cesse dans leur<br />

bouche, et, suivant eux, l'espèce d'impôt forcé dont ils frappaient leurs victimes, n'était<br />

autre chose qu'une juste récompense des services qu'ils leur rendaient à titre de protecteur<br />

n’y avait compensation; on était quitte de part et d'autre, et malheur aux imprudents qui,<br />

peu satisfaits de ce mode de paiement, eussent exigé davantage; dès le lendemain, leurs<br />

maisons se fussent trouvées vides de leurs pratiques ordinaires. Aussi, pour éviter cet<br />

inconvénient et pour continuer au sein de la paix un état qui, à cette époque, était fort<br />

lucratif, aimait-on mieux s'imposer quelques sacrifices que de compromettre son avenir par<br />

des exigences.<br />

Toujours heureux quand ils allaient sur le terrain, les Rafraîchisseurs payaient<br />

rarement la dépense. Cependant les duels dans lesquels ils se trouvaient engagés,<br />

entraînaient peu de résultats fâcheux. Nos braves se contentaient d'un peu de sang, car ils<br />

savaient que les morts ne paient pas à dîner. Le grand art du Rafraîchisseurs consistait donc à<br />

chercher querelle à propos, c'est-à-dire, avant dîner, à se battre de manière à ne jamais<br />

blesser trop fortement leur homme et encore moins, comme nous l'avons dit, à le tuer. Il<br />

était à craindre, toutefois, que la fortune ne leur fût pas toujours aussi favorable et qu'une<br />

circonstance décisive ne mit tôt ou tard leur tactique et leur adresse en défaut. C'est ce qui<br />

arriva.<br />

La frégate la Nymphe, partie de France sous le commandement de M. Dufournoy,<br />

venait d'aborder dans la colonie. Elle avait pour aspirant M. Petit-Bien, dont la famille est<br />

encore à Maurice. Jeune et fort, grand tireur, il avait entendu parler des Rafraîchisseurs de<br />

l'Ile-de-France et il brûlait du désir de se mesurer avec eux. Il descend à terre et se trouve<br />

aussitôt accosté pal' quelques uns de ces messieurs, qui le prennent sous le bras et le<br />

conduisent au Café Marin comme une victime qui doit au moins pendant huit jours payer<br />

l'écot de tons. On se met à table et l'on déjeune; puis le traiteur présente son compte; il<br />

passe de main en main et arrive jusqu'à M. Petit-Bien qui jette un louis sur la table et paie.<br />

Un couvert de douze personnes est commandé chez le traiteur Violet, rue des Dames; on<br />

dînera à deux heures. - Que ferons-nous jusque-là, dit M. Petit-Bien? Eh parbleu! Une<br />

partie de fleurets. - Va pour une partie de fleurets, s'écrient les Rafraîchisseurs! Aussitôt fait<br />

que dit. Mais après quelques passes, une discussion s'élève, comme de coutume, sur un

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