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SOUVENIRS

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L'autre était un professeur d'hydrographie, tenant une école de marine et appointé par le<br />

gouvernement pour examiner les candidats aspirant au grade de capitaine. Un peu moins grand<br />

que l'orfèvre orateur, ses deux jambes arquées, se rapprochant par la partie inférieure,<br />

formaient une espèce d'ellipse et servaient de base au corps le plus difforme, à la figure la plus<br />

repoussante qu'il fût possible de voir. Cette machine ainsi faite se mouvait par saccades, et<br />

cependant elle ne manquait à aucune assemblée, à aucune réunion. Affublé d'une large ceinture<br />

aux trois couleurs, la tête couverte d'un tricorne orné d'un plumet rouge et d'une large cocarde,<br />

il ajoutait à son costume, les jour de revue ou d'émeute, un fusil., deux pistolets, deux<br />

poignards et un sabre. Notre orfève et notre professeur d'hydrographie ressuscitaient dans<br />

leur personne les souvenirs de l’antiquité: c'étaient les deux Thersites de l'armée dont les<br />

Guion, les Litray, les Reval, les Dauvin et les Rivière étaient les chefs reconnus. Quant aux<br />

ambitieux, à la tourbe des gens du même parti qui convoitaient les places, mais dont<br />

l'humeur n'était rien moins que martiale, ceux-là se gardaient bien de se montrer au milieu<br />

des Sans-Culottes, lorsqu'une émeute ou une insurrection éclatait; en pareil cas, ils se<br />

tenaient à l'écart et, satisfaits du rôle de Bertrand, ils laissaient volontiers aux Ratons<br />

imbéciles ou fanatiques le soin de tirer les marrons du feu, au risque de se brûler la patte.<br />

Nos hommes ne paraissaient avec eux que dans les conseils secrets et se donnaient là tout<br />

le mouvement qu'ils se dispensaient de se donner ailleurs.<br />

Dans les rangs opposés, c'est-à-dire, parmi les membres de l'assemblée coloniale, ou<br />

ceux dont les sympathies étaient acquises aux doctrines de cette assemblée, on remarquait<br />

beaucoup moins d'ensemble. Un grand nombre d'ambitions s'y livraient assaut, et les<br />

intérêts, se trouvant ainsi divisés, perdaient en partie la force qu'ils auraient acquise, s'ils<br />

eussent été réunis; mais l'assemblée coloniale réfléchissait plus de talent réel, plus<br />

d'honneur et de probité politique. Des hommes, sortis pour la plupart de la classe<br />

bourgeoise qui, avant la révolution, occupait dans la société le premier rang après la<br />

noblesse, des propriétaires aisés, des avocats, des négociants composaient cette assemblée<br />

que l'on a trouvée exempte de reproche et qui eût pu faire cependant beaucoup plus de bien,<br />

si, au lieu de dépouiller le pouvoir de tout ce qui constituait sa force, elle se fût imposé la<br />

tâche honorable de le soutenir. A nos yeux c'était un devoir pour elle. Nous ne voudrions<br />

pas nous montrer plus sévère envers l'assemblée que les écrivains qui nous ont précédé;<br />

mais, en lui accordant la part d'éloges qu'elle mérite, il ne faut pas non plus couvrit' aux<br />

dépens de la vérité les fautes des individus, ni celles de l'assemblée, pour transformer les<br />

uns en héros de vertu, et l'autre en un aréopage des plus beaux jours de la Grèce.

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