SOUVENIRS

éunis dans ce lieu. Certes on a eu recours, en 1832, aux plus affreux systèmes pour cor-
rompre le peuple de Maurice; mais le plus profondément immoral, celui qui donne la plus
juste idée de la perversité des hommes placés à la tête du mouvement, est, sans contredit,
celui dont on a fait usage dans ce corps de garde, vis-à-vis d'une population qui, jusqu'alors,
s'était montrée la plus calme, la plus douce et la plus laborieuse de la ville.
Enfin, M. Jérémie se décida à partir; il mit à la voile au grand contentement des
ambitieux, des débiteurs insolvables et des· fauteurs de troubles qui n'avaient pas manqué de
tirer avantage de l'espèce d'interrègne, occasionné par son séjour à Maurice. Les saturnales
révolutionnaires prennent fin; mais il en est d'autres qui vont commencer. Une terreur d'un
autre genre s'organise, et les factieux s'autorisent de la victoire qu'ils ont remportée, pour
mettre à exécutions les plus hardies entreprises. Ce n'est plus la tranquillité, la vie des
citoyens que l'on menace, c'est leur fortune; c'est au fruit d'une carrière longue, laborieuse et
honorable qu'on aspire. Tout est préparé d'avance pour cela : les engagements sont faits; on
se met à l'œuvre, et la spoliation la plus criante est consommée. Le scandale des fortunes
acquises par le vol une fois produit, la chicane et la rapine se présentent aux Mauriciens sous
les traits du malheur. Les circonstances ont été fâcheuses, dit- on hypocritement; il faut que
chacun perde; on donnera vingt - cinq pour cent. (Remarquez que ce sont les plus honnêtes
gens qui font ces propositions; car les trois quarts ne veulent rien accorder.) Si l'on ne
consent pas, madame est séparée de biens; elle fera valoir ses droits " ou bien l'oncle et la
tante subrogés aux droits des vendeurs vont agir en conséquence de leurs titres; rien n'est plus
clair.
La spoliation s'accomplit de cette sorte, et les spoliateurs deviennent, huit jours après,
les plus riches et les plus insolents propriétaires de l'île ... Honneur à ceux qui, à cette époque,
ne voulurent pas salir un nom honorable en s'associant à cette œuvre d'iniquité! Un jour, leurs
enfants, moins riches peut - être que ceux des spoliateurs, leur sauront gré de leur avoir
transmis un héritage qui ne les condamnera jamais à rougir, et qui sera, pour la postérité, le
signe d'une conduite sans tache. Honneur encore à M. D .... é, à MM. D ..... n frères et à
quelques autres que nous pourrions citer! Quelle que fût leur position, jamais ils ne voulurent
employer, pour terme et délai, d'autres moyens que ceux qu'indique la plus stricte probité.
On crut pourtant d'abord que le départ de M. Jérémie amènerait un terme à cette
guerre sourde entre les spoliateurs et les légitimes créanciers; que la justice allait ouvrir les
yeux et les porter sur les frauduleuses transactions opérées pendant les troubles au détriment
de la veuve et de l'orphelin. Il n'en fut rien. Le même système continua avec plus de