SOUVENIRS

malheureusement le barreau dirigeait tout, des choses si extraordinaires, que si on se créait la
tâche d'en faire le récit, on serait accusé de mensonge, sont les faits paraîtraient incroyables!
La bonne justice n'est pas toujours celle dont les actes sont le plus longuement médités.
Il est des cas où le juge a besoin de prononcer sans retard, dans l'intérêt des justiciables qui
savent fort bien que l'une des deux parties doit nécessairement essuyer un échec, et dont les
craintes et les débours trouvent un terme par une prompte décision. D'ailleurs, ces
temporisations présentent un très grave inconvénient que nous signalerons quand nous en
serons arrivé à l'énumération des faits et gestes de la chicane. Un créancier qui attend sans
cesse finit par se lasser, c'est assez naturel; tout son affaire s'offre à son esprit comme perdue;
tantôt il croit au triomphe; tantôt enfin, on lui laisse pressentir qu'il pourrait bien perdre d'un
côté et gagner de l'autre. Pendant qu'il est dominé par l'incertitude, en proie à des tribulations
de toute espèce, flottant au milieu d'une alternative de crainte et d'espoir, des propositions lui
sont faites, les frais sont énormes, et même en gagnant son procès, la justice absorberait la
plus grande partie de ses avantages. Il termine de guerre lasse; il touche vingt, trente ou
cinquante pour cent, et son débiteur s'enrichissant de ses sacrifices, croit être le plus probe
des hommes, parce qu'il en est le plus fin. La chicane, de son côté, se gonfle d'orgueil dans la
pensée d'avoir tiré de son arsenal les armes dont elle s'est servie pour alimenter, pendant de
longues années, un procès qui l'engraisse, et elle reçoit en se rengorgeant les félicitations qui
lui sont adressées, lorsqu'elle devrait rougir de sa conduite.
Nous allons entrer en matière et nous tâcherons d'être modéré dans nos expressions.
Si, après cela, les lecteurs trouvent que notre style est encore trop énergique, ce n'est pas à
nous qu'ils devront s'en prendre, mais à la nature des faits monstrueux que nous avons à
relater.
Cependant nous devons, au préalable , les prévenir que, parmi les hommes de loi,
comme parmi les débiteurs, il en est un grand nombre qui méritent des éloges, pour avoir, dans
un temps les principes ont été si audacieusement méconnus, conservé intacts leur honneur et
celui du corps auquel ils appartiennent. Nans leur rendons cette justice de reconnaître, qu'au
milieu du dévergondage des sentiments et des actes, au milieu, pour ainsi dire, du pillage de
nos propriétés, ils sont restés purs, et que leur vertu est d'autant plus grande et plus admirable
que tout semblait naturellement les exciter à suivre l'exemple de ceux qui les entouraient.
Grâces leur soient rendues! Un jour leurs noms brilleront dans nos fastes, alors que Maurice,
revenue de ses égarements, placera chacun au rang qu'il doit occuper, non en raison de l'argent
qu'il aura amassé, ou des propriétés qu'il aura indignement acquises, mais en raison des