SOUVENIRS

principalement sur ce qui concerne ses finances, qu'un aperçu rapide de cette dernière partie
de l'administration nous paraît utile, afin qu'on puisse juger jusqu'à quel point un homme,
animé du désir d'opérer le bien et pourvu d'expérience et d'habileté, sait tirer parti des
circonstances même les plus fâcheuses. C'est la plus belle époque de sir Robert et du
gouvernement Britannique qui l'a approuvé dans ses mesures; elle suffirait seule à la
réputation administrative de l'un et à la gloire du prince qui gouvernait alors les Trois-
Royales.
Les finances sont l'âme d'un pays; c'est le puissant levier à l'effort duquel tout obéit, qui
donne à toute la vie et le mouvement; c'est le thermomètre de la prospérité des peuples. Les
révolutions partielles passent, pour ainsi dire, inaperçues dans le vaste creuset des
évènements, tant on y est habitué; tandis que la baisse des fonds publics retentit d'un bout de
l'Europe à l'autre, laisse après elle des traces profondes et semble être le précurseur des
évènements les plus sinistres. Telles sont les conditions sans lesquelles pivote le monde
européen; il faut les accepter, parce qu'il est impossible d'imprimer au corps social une
direction contraire. Le positif, voilà le besoin des peuples qui mettent en première ligne
aujourd'hui les effets publics, les fabriques et la partie de l'agriculture dont les produits
s'unissent étroitement aux grandes opérations commerciales. On dirait, au mouvement qui se
fait sentir, à l'agitation fébrile qui s'est emparée de tous les esprits, qu'une catastrophe
générale est imminente, tant on est pressé de jouir. Que de réputations ont péri dans un
déplorable naufrage pour a voir voulu conquérir les moyens d'alimenter les folies d'un
moment! Que de gens ont tout sacrifié au vain désir de paraître un instant sur la scène, et,
après une vie de troubles et d'angoisses, sont descendus .dans la tombe poursuivis par les
malédictions des infortunés dont ils ont consommé la ruine! Ce n'est pas, toutefois, sous ce
point de vue que nous examinerons la question des finances coloniales; mais seulement sous
celui de leur utilité; car les excès calamiteux qu'elles engendrent, ne doivent pas faire fermer
les yeux aux avantages donc elles sont aussi la source.
Comme la colonie produisait peu pour les échanges, force était de faire représenter pour
le présent ses produits futurs, et, dans ce cas, le crédit des banques devenait indispensable. Il
fallait donc s'en occuper, en maintenant un juste équilibre entre les émissions et les besoins, afin
de ne pas compromettre les capitaux existants. Sir Robert et ses conseils l'avaient compris, et ce
fut là l'objet de leurs soins. Nous allons présenter le tableau financier des six premières années,
et l'on verra que l'incendie du Port - Louis, qui devait porter le dernier coup aux banques et à la
circulation du représentatif, eut peu d'influence, grâce aux mesures que sir Robert sut prendre,
en prêtant lui-même des sommes assez fortes aux établissements de ce genre. Il fallait qu'il