SOUVENIRS

Compagnie furent chargés immédiatement pour Londres, de café, de' sucre, de poivre et
d'autres marchandises depuis plusieurs années en magasins. Il fut pris des arrangements pour
quelques bâtiments en rade, et notamment avec les parlementaires qui, contrairement aux lois,
avaient à bord des marchandises. Tout fut rendu moyennant une vente amiable et une
préalable estimation. La somme livrée à la circulation, dans le premier mois de la prise, fut
incalculable, surtout si l'on y ajoute le chiffre des valeurs, traites et argent provenant des trois
cargaisons achetées pour le compte de la Compagnie. Le trésor était devenu tout-à-coup une
grande banque où étrangers et nationaux trouvaient toutes les ressources nécessaires à leurs
opérations, dans quelque pays que ce fut. Un crédit était ouvert partout: en Europe, dans l'Inde
et dans la Chine. On juge, d'après cela, quelles durent être les idées de Maurice sur son
commerce et ses produits futurs, à la vue d'un changement si subit et si favorable. Jusque-là
ses opérations avaient été fort circonscrites, ses ressources extrêmement modiques, et tout-à-
coup elle voyait s'ouvrir devant elle vingt routes qui toutes la conduisaient à la prospérité! ....
Oui, l'Ile-Maurice devint anglaise elle fut tranquille surtout, et ne chercha point, en
fomentant des troubles, à susciter des embarras au nouveau gouvernement non qu'elle perdît
le souvenir de la patrie, non qu'on exigeât d'elle ce sacrifice, mais parce que le sentiment de la
reconnaissance pour de récents bienfaits n'excluait point celui qu'inspiraient et perpétuaient en
quelque sorte les anciens liens qui l'unissaient à la France. Les Mauriciens prouvaient du
moins par là que l'ingratitude n'avait point, d'accès dans leurs cœurs.
Rien ne fut changé dans l'administration de la justice. Les mêmes lois furent en
vigueur, les mêmes juges restèrent sur leurs sièges, le même barreau (il n'était pas alors ce
qu'il est devenu depuis), fit entendre sa voix dans l'enceinte des tribunaux. Si quelques chefs
des départements furent changés, ce fut plutôt par nécessité ou parce qu'ils refusèrent de rester
en place que pour tout autre motif. Car alors, il faut le dire, on refusait le service et quelquesuns
ont parfois payé cher le talent qu'ils avaient pour occuper certains emplois publics. Il en
est un surtout, créole de mérite, qui, pour en avoir accepté un, fut longtemps en butte aux
sarcasmes et aux insultes d'un parti qui, dans son inassouvissable ambition, voudrait
pouvoir envahir aujourd'hui toutes les places. La langue française, la seule que l'on connût
alors à Maurice, n'était pas un obstacle à l'avancement; car, dans beaucoup de
départements, elle était en usage, à l'exclusion de toute autre: Ce ne fut que longtemps
après qu'il fut enjoint d'écrire en anglais tous les documents officiels. En cela l'on doit
reconnaître l'attention et la sollicitude bienveillante du vainqueur, qui ne voulut pas, par un
changement subit, arrêter la marche des communications officielles avec le gouvernement
de la métropole, ni priver le public des relations journalières avec le gouvernement local.
Ainsi l'on s'imposa la loi de ne porter aucune atteinte à ce qui existait; les formes· adoptées