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OPHTALMOLOGIE - Lazraq info

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Revue Marocaine du Cancer 2011, vol. 3, n°4 : 20-25<br />

TUMEURS CONJONCTIVALES<br />

S. BOUZZA, M. EL BELHADJI, L. BENHMIDOUNE, A. CHAKIB, R. RACHID, K. ZAGHLOUL, A. AMRAOUI<br />

Service d’Ophtalmologie Adulte, Hôpital 20 Août, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc<br />

RESUME<br />

Les tumeurs conjonctivales sont des masses anormales de tissu<br />

situées dans ou directement sous les muqueuses recouvrant la sclère<br />

antérieure, le tarse et les culs-de-sac. Elles peuvent être bénignes,<br />

prémalignes ou malignes.<br />

Les méthodes diagnostiques comportent la cytologie d’impression,<br />

la cytologie exfoliative et la biopsie incisionnelle ou excisionnelle.<br />

Le diagnostic histologique de la tumeur est en général fait en<br />

microscopie optique, parfois avec l’aide de l’immunohistochimie et<br />

plus rarement en microscopie électronique.<br />

Le traitement des tumeurs conjonctivales malignes fait appel à<br />

l’exérèse tumorale complète dans la majorité des cas. Les traitements<br />

adjuvants consistent en l'irradiation locale, la cryothérapie, ainsi<br />

que le traitement préventif.<br />

Dans ce travail, nous rapportons les différentes tumeurs conjonctivales<br />

qui peuvent être rencontrées en pratique courante.<br />

Mots clés : tumeurs conjonctivales, mélanome, carcinome<br />

épidermoïde, lymphome, naevus, dermolipome, papillome, tumeurs<br />

précancéreuses, tumeurs bénignes<br />

Correspondance : Dr. S. BOUZZA. 2, rue de Bruxelles, Résidence<br />

Parisienne, appartement 9, 3 ème étage, Casablanca, Maroc.<br />

E-mail : bouzzasalima@gmail.com<br />

INTRODUCTION<br />

Les tumeurs conjonctivales sont des proliférations anormales<br />

de la conjonctive. Elles posent un problème diagnostique, du<br />

fait de la difficulté de différenciation clinique entre une tumeur<br />

bénigne et une tumeur maligne. Seul l’examen anatomopathologique<br />

pose le diagnostic étiologique et oriente la<br />

conduite à tenir thérapeutique.<br />

RAPPEL ANATOMO-PATHOLOGIQUE<br />

La conjonctive est une membrane mince qui tapisse la face<br />

profonde des paupières, les culs de sac conjonctivaux et la<br />

sclère antérieure. Elle se poursuit au limbe cornéo-scléral<br />

avec l’épithélium cornéen. La conjonctive contient des éléments<br />

glandulaires et est doublée d’un chorion richement vascularisé<br />

et innervé qui contient du tissu lymphoïde appelé couche<br />

adénoïde [1, 2].<br />

20<br />

ABSTRACT<br />

CONJUNCTIVAL TUMORS<br />

Les tumeurs conjonctivales peuvent donc se développer à<br />

partir de ces différents éléments tissulaires. Leur siège de<br />

prédilection est l’aire de la fente palpébrale et le limbe. Ainsi,<br />

on peut rencontrer des tumeurs d’origine épithéliale,<br />

glandulaire, pigmentée, vasculaire, nerveuse, lymphoïde ou<br />

aux dépens des tissus de soutien [2].<br />

Quels que soient leurs tissus d’origine, ces tumeurs peuvent<br />

être bénignes, prémalignes (précancéreuses) ou malignes.<br />

Les tumeurs bénignes et les pseudotumeurs inflammatoires<br />

de l’œil et des annexes sont environ deux fois plus fréquentes<br />

que les tumeurs malignes et sont représentées par les tumeurs<br />

kystiques et les tumeurs solides.<br />

LES TUMEURS BENIGNES<br />

1. Les tumeurs kystiques<br />

<strong>OPHTALMOLOGIE</strong><br />

Mise au Point<br />

Conjunctival tumors are abnormal masses of tissue located in or<br />

directly under the mucous membranes covering the anterior sclera,<br />

tarsus and cul-de-sac. They may be benign, premalignant or<br />

malignant.<br />

Diagnostic methods include print cytology, exfoliative cytology and<br />

excisional or incisional biopsy. The histologic diagnosis is usually<br />

made on light microscopy, sometimes with the help of<br />

immunohistochemistry and rarely with electron microscopy.<br />

The treatment of conjunctival malignant tumors involves complete<br />

tumor resection in most cases. The adjuvant treatment consists of<br />

local irradiation, cryotherapy, as well as preventive treatment.<br />

In this work, we report the different conjunctival tumors that may<br />

be encountered in routine practice.<br />

Key words : conjunctival tumors, melanoma, squamous cell<br />

carcinoma, lymphoma, naevus, dermolipoma, papilloma, predisposing<br />

lesions, benign tumors<br />

Les kystes dermoïdes et épidermoïdes sont des résidus<br />

embryonnaires ectodermiques, qui restent au voisinage de


Tumeurs conjonctivales S. BOUZZA et coll.<br />

l’œil et de l’orbite au lieu de migrer pendant la période<br />

embryonnaire. Ils siègent au niveau de la région<br />

supérotemporale près du rebord orbitaire et peuvent s’étendre<br />

à la conjonctive et à l’orbite. Le kyste épidermoïde est revêtu<br />

seulement d’un épithélium kératinisé, alors que le kyste<br />

dermoïde peut comporter des éléments pileux, sudoripares,<br />

sébacés ou lacrymaux et du tissu connectif. Les kystes<br />

dermoïdes peuvent être observés dans le cadre des syndromes<br />

polymalformatifs tel que le syndrome de dysplasie oculoauriculo-vertébrale<br />

de Goldenhar [1, 3].<br />

Les kystes rétentionnels d’un canal excréteur d’une glande<br />

lacrymale généralement accessoire, sont profondément situés<br />

dans le chorion et parfois entourés d’une réaction fibreuse.<br />

Les kystes par inclusion des cellules épithéliales prolifèrant<br />

sous la surface de l’épithélium conjonctival à la suite d’une<br />

plaie, d’un traumatisme ou d’un corps étranger conjonctival.<br />

Le traitement des kystes conjonctivaux repose sur l’exérèse<br />

chirurgicale la plus complète possible suivie d’une étude<br />

anatomopathologique qui confirmera la nature kystique de<br />

ces tumeurs et permettra de les classer.<br />

2. Les dermolipomes<br />

Ce sont des masses graisseuses sous-conjonctivales, molles,<br />

mobiles, blanc-jaunâtres qui siègent souvent dans le quadrant<br />

supéro-externe. Leur excision doit respecter les voies<br />

excrétrices de la glande lacrymale principale. Ils doivent être<br />

différenciés des hernies graisseuses à travers une fente du<br />

septum, ces dernières ont une surface lisse et un aspect rosé.<br />

Ces tumeurs peuvent contenir des éléments cutanés, des<br />

follicules pileux, des glandes lacrymales et des éléments<br />

musculaires [1, 2, 3].<br />

3. Les tumeurs épithéliales ou papillomes (fig. 1) :<br />

Fig. 1. Papillome conjonctivale<br />

Les papillomes sont des tumeurs épithéliales pouvant être<br />

observées à tout âge, ils sont probablement d’origine virale;<br />

de nombreuses études ont montré le rôle du Human Papilloma<br />

Virus (HPV) 16 ou 18 ainsi que celui de l’Herpes Simplex<br />

Virus de type 1 dans l’apparition des papillomes.<br />

Cliniquement, ils ont un aspect gélatineux, rose pâle, avec<br />

parfois des petites tâches rouges représentant de fins vaisseaux<br />

21<br />

sanguins perpendiculaires à la surface. Ces tumeurs peuvent<br />

être pédiculées à base étroite d’allures framboisées, friables<br />

et peuvent saigner. Rarement, ils peuvent être sessiles s’étendant<br />

à toute la conjonctive et se confondre avec des carcinomes in<br />

situ.<br />

En dépit de leur caractère bénin, les papillomes sont souvent<br />

récidivants même après ablation chirurgicale complète.<br />

L’utilisation de la cryothérapie, de l’interféron et du traitement<br />

antiviral semble diminuer la fréquence des récidives [1, 3].<br />

4. Les naevi conjonctivaux (fig. 2) :<br />

Fig. 2. Nœvus conjonctival<br />

Ce sont les tumeurs conjonctivales bénignes les plus fréquentes.<br />

Ils apparaissent le plus souvent dans l’enfance et à la puberté<br />

et siègent plus spécialement dans la région limbique, la<br />

caroncule ou au repli semi-lunaire. La localisation dans le<br />

cul-de-sac ou à la conjonctive palpébrale est rare.<br />

Habituellement, ils prennent l’aspect de tumeurs pigmentées,<br />

plus ou moins étendue, parfois accompagnées d’une légère<br />

mélanose de voisinage. L’examen biomicroscopique montre<br />

les signes de bénignité : la vascularisation non anarchique<br />

avec des zones kystiques transparentes. La pigmentation des<br />

naevi est irrégulière, elle varie du noir foncé au rose ; c’est<br />

le cas du naevus achromique.<br />

A la puberté, le naevus peut subir des modifications avec<br />

augmentation de sa taille, sa pigmentation et sa vascularisation.<br />

Cette poussée évolutive ne doit pas être considérée comme<br />

un signe de transformation maligne : en fait avant l’âge de<br />

18 ans, très rares sont les mélanomes qui peuvent se développer<br />

sur des naevi. Par contre, la croissance d’un naevus après cet<br />

âge doit faire suspecter l’apparition d’un mélanome [1, 3, 4].<br />

Dans ce cas, l’ablation chirurgicale après barrage diathermique<br />

est indiquée, elle doit être complète et suivie d’autogreffe<br />

conjonctivale s’il y a une perte de substance importante.


5. Les tumeurs inflammatoires ou granulomes<br />

inflammatoires (fig. 3)<br />

Fig. 3. Granulome inflammatoire<br />

Elles sont secondaires à des irritations locales (traumatismes,<br />

ulcération, des fils résiduels lors de la chirurgie ou à un corps<br />

étranger). Une anamnèse et un examen ophtalmologique<br />

minutieux permettent en général de préciser l’étiologie de ces<br />

granulomes. Parfois, aucune étiologie ne peut être retrouvée.<br />

L’aspect clinique est celui d’une tumeur bourgeonnante, de<br />

couleur rouge vif, souvent richement vascularisée, pouvant<br />

évoquer une tumeur maligne, imposant ainsi son exérèse avec<br />

examen anatomopathologique qui confirmera le diagnostic.<br />

6. Les tumeurs mésenchymateuses<br />

Les hémangiomes conjonctivaux (fig. 4) sont peu fréquents<br />

et découverts généralement dès l’enfance. Ils siègent<br />

préférentiellement au voisinage du repli semi-lunaire. Lorsqu’ils<br />

siègent au niveau de la conjonctive palpébrale, ils sont<br />

pédiculés. Ils sont souvent de petite taille, lisses, compressibles<br />

et de couleur rouge sombre [1, 3].<br />

Les lymphangiomes conjonctivaux sont exceptionnels. Ils<br />

sont pâles, faits de larges vaisseaux lymphatiques.<br />

Cliniquement, il est souvent difficile de les différencier des<br />

lymphangiectasies simples. Le traitement du lymphangiome<br />

est principalement chirurgical.<br />

Fig. 4. Hémangiome conjonctival<br />

22<br />

Revue Marocaine du Cancer 2011, vol. 3, n°4 : 20-25<br />

7. Les tumeurs nerveuses<br />

Les neurofibromes, les neurinomes ou les schwannomes sont<br />

rares dans la conjonctive et peuvent être associés à une<br />

neurofibromatose de Recklinghausen de type I ou II ou être<br />

isolés. Elles se présentent comme de petites tumeurs localisées,<br />

fermes, de 1 à 3 mm de diamètre. Le diagnostic est histologique.<br />

Leurs variantes malignes sont rares [1, 3].<br />

LES TUMEURS PRECANCEREUSES<br />

Une exposition prolongée au soleil, une irritation chronique<br />

de nature infectieuse (infection par le Human Papilloma Virus<br />

(HPV) 16 ou 18, trachome) ou mécanique (poussière) sont<br />

considérées comme des facteurs de risque prédisposant aux<br />

lésions précancéreuses [1, 5]. Ces lésions sont représentées<br />

par :<br />

1. Le carcinome in-situ (CIS)<br />

C’est une lésion précancéreuse en voie de transformation vers<br />

le carcinome invasif vrai. L’examen trouve habituellement un<br />

œil légèrement rouge avec une tuméfaction conjonctivale<br />

rosée, charnue, d’aspect gélatineux, sessile sans kératinisation<br />

macroscopiquement visible, parfois recouverte de tâches<br />

rouges caractéristiques représentant des capillaires<br />

perpendiculaires à sa surface [1, 3, 6]. L’extension d'un CIS<br />

peut se faire vers la cornée. Lorsque la basale est détruite par<br />

le processus tumoral, on parlera de carcinome épidermoïde<br />

invasif avec extension en profondeur vers la sclère et risque<br />

de métastases [6, 7, 8]. Histologiquement, c’est une hyperplasie<br />

uniquement intra-épithéliale qui croit par extension latérale<br />

plutôt que par envahissement sous-épithélial. Le traitement<br />

est principalement chirurgical, l’association de la cryothérapie<br />

et de la chimiothérapie locale avec le 5-fluorouracile à 1%<br />

permet de diminuer la fréquence de récidives de ces CIS [1,<br />

3].<br />

2. La kératose actinique<br />

C’est une lésion épithéliale précancéreuse située le plus souvent<br />

dans l’aire de la fente palpébrale. Elle se présente cliniquement<br />

comme une tumeur blanchâtre, nacrée, saillante et kératinisée.<br />

Son traitement est chirurgical. Les récidives après exérèse<br />

complète semblent exceptionnelles [9].<br />

3. Les dysplasies conjonctivales<br />

Ce sont des lésions à haut potentiel de transformation<br />

carcinomateuse. Le risque de survenue d’un carcinome in situ<br />

ou invasif est plus élevé dans les dysplasies épithéliales que<br />

dans la kératose actinique [10]. Les patients consultent<br />

habituellement pour rougeur et gêne oculaire. L’examen<br />

clinique trouve habituellement une irrégularité à la surface<br />

de la conjonctive bulbaire. L’examen histologique met en<br />

évidence une perturbation de l’orientation des couches<br />

cellulaires au niveau de l’épithélium avec un épaississement<br />

des couches médianes, une légère atypie et une kératinisation<br />

modérée [1].


Tumeurs conjonctivales S. BOUZZA et coll.<br />

4. La Leucokératose du limbe (fig. 5)<br />

Fig. 5. Leucokératose du limbe<br />

Il s’agit d’une plaque blanchâtre, dense, bien délimitée, parfois<br />

à surface verruqueuse et saillante, le plus souvent située dans<br />

les zones de la conjonctive exposées au soleil, en particulier<br />

la zone cornéo-conjonctivale. Cette lésion précancéreuse peut<br />

parfois dégénérer et évoluer vers un carcinome conjonctival.<br />

5. L’hyperplasie lymphocytaire bénigne<br />

Prolifération monoclonale des lymphocytes B, elle est classée<br />

dans le stade prémalin des lymphomes non hodgkiniens. C’est<br />

une tuméfaction sous-conjonctivale rose saumon, lisse, souvent<br />

bilatérale, siégeant au fornix près de la caroncule ou du limbe<br />

[1].<br />

6. La mélanose acquise primaire (MAP)<br />

C’est une pathologie acquise observée plus fréquemment chez<br />

la population caucasienne âgée de 60 ans, plus rarement chez<br />

les patients mélanodermes. Il s’agit d’une prolifération de<br />

mélanocytes intra-épithéliaux qui se traduit cliniquement par<br />

une pigmentation conjonctivale en plaque, s’étendant<br />

progressivement à la conjonctive tarsale, les culs de sac<br />

conjonctivaux, le bord libre et la caroncule. Ces lésions peuvent<br />

se stabiliser, s’étendre sur le versant cutané des paupières ou<br />

envahir la cornée [11]. Une surveillance clinique annuelle est<br />

recommandée. La biopsie est parfois indiquée en cas<br />

d’évolution importante de ces lésions, elle peut révéler la<br />

présence d’atypies cellulaires [1, 11]. 46% à 50% des lésions<br />

classées comme des MAP avec atypies évoluent vers un<br />

mélanome malin [12]. Dans ce cas, l’exérèse chirurgicale plus<br />

ou moins associée à la cryothérapie ou au traitement local par<br />

collyres antimitotiques à la mitomycine est indiquée [11]. Le<br />

taux de récidives de la MAP avec atypie est de 60%, il est dû<br />

à une exérèse chirurgicale incomplète ou à une extension à<br />

la cornée.<br />

Au total, devant toute lésion précancéreuse, surtout s’il existe<br />

un appel vasculaire en regard, l’attitude la plus rationnelle est<br />

l’exérèse chirurgicale. Ce geste permet d'une part, de faire<br />

une analyse anatomopathologique de la lésion et d’autre part,<br />

d'assurer son traitement [9].<br />

23<br />

LES TUMEURS MALIGNES<br />

1. Le carcinome épidermoïde conjonctival (CEC)<br />

C’est une tumeur fréquemment observée au niveau du bassin<br />

méditerranéen. Elle touche généralement les patients âgés,<br />

une atteinte du sujet jeune doit faire rechercher une infection<br />

par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Les<br />

facteurs prédisposants sont : les irritations chroniques, la<br />

chaleur, les rayons UV, la sécheresse oculaire et les lésions<br />

oculaires préexistantes [5].<br />

Cliniquement, les signes fonctionnels sont limités à un prurit<br />

oculaire, un larmoiement et une photophobie. L’examen trouve<br />

une tumeur située, par ordre de fréquence, au niveau de la<br />

région interpalpébrale près du limbe, puis la caroncule<br />

(fig. 6) et enfin la conjonctive palpébrale (fig. 7). Cette tumeur<br />

peut être pédiculée ou sessile. Dans sa forme sessile, la plus<br />

fréquente, c’est une tumeur végétante ou bourgeonnante en<br />

“chou-fleur” blanc ou rosée parfois ulcérée dont la surface<br />

est parfois crevassée. La forme pédiculée doit être différenciée<br />

cliniquement d’un papillome. Seule l’histologie permet le<br />

diagnostic avec certitude [1, 2, 3, 5, 12]. L’extension du CEC<br />

se fait avant tout localement plus en surface qu’en profondeur.<br />

L’extension en profondeur est rare et tardive, le risque<br />

d’apparition des métastases ganglionnaires régionales est<br />

estimé à 10%. Les métastases à distance sont rarement<br />

observées [4]. Le traitement dépend de la localisation de la<br />

tumeur et de son étendue aux tissus de voisinage. En cas de<br />

tumeur de petite taille, l’ablation chirurgicale complète avec<br />

cryothérapie sur les marges tumorales est le traitement de<br />

première intention. En cas d’extension tumorale en surface,<br />

l'exérèse chirurgicale complète est difficile à réaliser et peut<br />

nécessiter dans ce cas une conjonctivo-sclérectomie<br />

superficielle ou une kératectomie lamellaire au limbe. Elle<br />

est souvent complétée par une cryothérapie ou par une<br />

chimiothérapie locale par mitomycine à 0,02 ou à 0,04%, le<br />

5-fluorouracile 1% ou l’interféron α. Ce traitement peut être<br />

administré sous forme de collyres ou d’injections intraconjonctivales.<br />

La curiethérapie et la protonthérapie sont<br />

également préconisées pour compléter le traitement chirurgical.<br />

En cas d’extension tumorale en profondeur, l’énucléation ou<br />

l’exentération avec ou sans conservation annexielle sont les<br />

seuls moyens d’éradiquer la tumeur. Le risque de récidives<br />

est élevé, d’où la nécessité d’assurer un suivi à long terme<br />

pour ces patients [3, 4, 14].<br />

Fig. 6. Carcinome épidermoïde caronculaire


Fig. 7. Carcinome épidermoïde<br />

envahissant la conjonctive<br />

bulbaire et palpébrale<br />

2. Le mélanome conjonctival malin (fig. 8)<br />

Fig. 8. Cas historique<br />

d’un mélanome conjonctival<br />

C’est une tumeur peu fréquente de mauvais pronostic. Elle<br />

représente 2% des tumeurs malignes oculaires et 1,6% des<br />

mélanomes d’origine non cutanée [11]. Elle survient<br />

généralement chez l’adulte, de race blanche, le plus souvent<br />

entre 40 et 60 ans [1, 15]. Elle peut se développer sans lésion<br />

préalable (mélanome de novo), mais aussi par dégénérescence<br />

d’un naevus préexistant, ou sur une lésion de mélanose acquise<br />

primaire avec atypies cellulaires (MAP+).<br />

L’examen clinique recherchera une tuméfaction noire, rouge<br />

sombre, rosée ou parfois achromique, sessile ou pédiculée,<br />

siégeant le plus souvent à la région inter-palpébrale près du<br />

limbe, plus rarement au niveau des tarses, des culs-de-sac<br />

conjonctivaux ou à la caroncule. Ces deux dernières<br />

localisations sont des facteurs de mauvais pronostic. Dans les<br />

cas associés à une mélanose acquise primaire (MAP),<br />

l’ensemble de la conjonctive doit être méticuleusement examiné<br />

à la recherche d’autres mélanomes multifocaux. Il ne faut pas<br />

omettre également d’examiner les aires ganglionnaires,<br />

notamment les ganglions prétragiens, sous-maxillaires et<br />

cervicaux qui sont souvent envahis par les métastases des<br />

mélanomes malins [1, 2, 4, 11, 12]. L’évolution des mélanomes<br />

conjonctivaux est grave. En l’absence de traitement, la tumeur<br />

s’étend d’abord en surface puis profondément. L’envahissement<br />

ganglionnaire peut précéder l’extension en profondeur. Le<br />

taux d'envahissement ganglionnaire est de 15 à 30%, celui<br />

des métastases à distance est de 10 à 26% [4, 11]. Le traitement<br />

des mélanomes conjonctivaux repose sur l’exérèse chirurgicale<br />

la plus complète et la plus large possible de la tumeur,<br />

complétée par la cryothérapie sur les marges de l’excision.<br />

Un traitement adjuvant par chimiothérapie locale (mitomycine<br />

à 0,04%) et radiothérapie (curiethérapie et protonthérapie) est<br />

envisagé en cas de mélanome étendu difficile à exciser en<br />

24<br />

Revue Marocaine du Cancer 2011, vol. 3, n°4 : 20-25<br />

totalité. En cas de récidives fréquentes, d’envahissement en<br />

profondeur ou à la conjonctive palpébrale, l’exentération reste<br />

le seul moyen thérapeutique efficace. Le suivi à long terme<br />

est indispensable en raison du risque élevé de récidives et de<br />

métastases malgré le traitement chirurgical [4].<br />

3. Les lymphomes conjonctivaux primitifs (fig. 9)<br />

Les lymphomes conjonctivaux sont rares représentant 4,5%<br />

des lymphomes extra-ganglionnaires. Ce sont généralement<br />

des lymphomes malins non hodgkiniens de type B [2, 16].<br />

Ils sont observés souvent chez les adultes d’âge moyen et<br />

siègent habituellement dans la caroncule ou la conjonctive<br />

bulbaire. Cliniquement, ils prennent l’aspect de tuméfactions<br />

sous-conjonctivales planes, bilatérales, symétriques, de couleur<br />

saumon ou grisâtre. Ils peuvent se manifester par une sclérite<br />

associée à une uvéite antérieure, ou des tâches blanc-jaunâtres<br />

au fond d’œil [1, 3, 17]. L’évolution de ces tumeurs est en<br />

règle lente, elles peuvent rester limitées à la région sous<br />

conjonctivale, ou avoir une extension orbitaire et ganglionnaire<br />

chez 30 à 40% des patients. L’extension systémique est<br />

observée 5 à 10 ans après le diagnostic des lymphomes<br />

conjonctivaux [1, 3, 4]. La localisation conjonctivale peut<br />

être secondaire à une manifestation systémique d’un lymphome,<br />

d’où l’intérêt d’effectuer un examen clinique général minutieux<br />

avec un bilan biologique et radiologique d’extension à la<br />

recherche d’autres localisations. L’étude histologique avec<br />

analyse immunohistochimique de la lésion conjonctivale<br />

permet de confirmer le diagnostic et d’étudier le potentiel<br />

malin des lymphomes conjonctivaux pour établir une<br />

classification précise et une thérapeutique adéquate. Après un<br />

bilan d’extension, le traitement repose sur l’exérèse chirurgicale<br />

de la tumeur associée à la radiothérapie locale si la tumeur<br />

est de petite taille avec un faible potentiel de malignité et un<br />

bilan d’extension négatif. Certains auteurs proposent de traiter<br />

ce type de tumeur par l’instillation locale de ciclosporine [2].<br />

En cas de tumeur étendue ou à haut grade de malignité, une<br />

chimiothérapie systémique ou une combinaison de radiochimiothérapie<br />

s'avèrent nécessaires [4].<br />

Fig. 9. Lymphome conjonctival<br />

LES METASTASES CONJONCTIVALES<br />

DE TUMEURS PRIMITIVES A DISTANCE<br />

La conjonctive est rarement un site métastatique à distance<br />

des tumeurs malignes. C’est l’uvée qui constitue le site de<br />

prédilection des métastases oculaires, ceci peut être expliqué<br />

par sa richesse vasculaire. Les cancers les plus fréquemment


Tumeurs conjonctivales S. BOUZZA et coll.<br />

en cause sont les cancers du sein avec une fréquence de 30%,<br />

suivis des cancers bronchiques et des adénocarcinomes<br />

métastatiques des tumeurs primitives inconnues [18]. Les<br />

métastases conjonctivales se présentent sous forme de masse<br />

vascularisée de la conjonctive bulbaire, achromique et ulcérée<br />

[19]. Le traitement est celui de la tumeur primitive, il repose<br />

généralement sur la radiothérapie et la chimiothérapie. Le<br />

pronostic est péjoratif.<br />

CONCLUSION<br />

Devant une lésion conjonctivale, la biopsie ou la biopsieexérèse<br />

avec étude histologique est le seul moyen d’avoir un<br />

diagnostic de certitude. En effet, les aspects cliniques de ces<br />

lésions sont souvent trompeurs. L’examen anatomopathologique<br />

extemporané permet parfois d'assurer en<br />

peropératoire le diagnostic et surtout de préciser les limites<br />

d’exérèse qui doivent être saines pour éviter une éventuelle<br />

récidive difficile à traiter.<br />

Dans notre contexte et devant le retard de consultation, ces<br />

tumeurs sont vues à des stades évolués ; de ce fait, elles posent<br />

des problèmes thérapeutiques et peuvent mettre en jeu le<br />

pronostic vital.<br />

REFERENCES<br />

1. Didi de Wolff-Rouendaal. Tumeurs conjonctivales. Traités EMC<br />

d’Ophtalmologie 2000 (21-150-A-10).<br />

2. Offert G, Dhermy P, Brini A, Bec P. Tumeurs de la conjonctive.<br />

La conjonctive, anatomie pathologie de l’œil et de ses annexes.<br />

Rapport de la Société Française d’Ophtalmologie 1974 : 92-<br />

111.<br />

3. Offert G, Haye C. Tumeurs de la conjonctive. Tumeurs de l'œil<br />

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