Vegetaux carnivores J-P Geslin.pdf - Free
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Jean-Pierre GESLIN,<br />
professeur de Biologie-Géologie<br />
à l'Ecole Normale - IUFM<br />
du Bourget.<br />
Les<br />
Végétaux<br />
<strong>carnivores</strong><br />
Fleur d'une utriculaire :<br />
Photographie :<br />
Serge Lavayssière (instituteur)<br />
Larve de moustique capturée<br />
par une utriculaire.<br />
Photographie : Claude Nuridsany et<br />
Marie Pérennou.<br />
Informations pour les enseignants<br />
Dessin du site Internet<br />
de Pierre Gélinaud
Plan :<br />
I- Qui sont les plantes<br />
<strong>carnivores</strong> et où les trouver ?<br />
II- Que<br />
Mangent les plantes<br />
<strong>carnivores</strong> ?<br />
III- Comment capturentelles<br />
leurs proies ?<br />
IV- Comment<br />
digèrent-elles ?<br />
V- Intérêt pour la plante de<br />
telles pratiques.<br />
VI- Les champignons<br />
<strong>carnivores</strong>.<br />
Introduction :<br />
Il existe environ 550 espèces de<br />
plantes <strong>carnivores</strong> auxquelles ils<br />
faut ajouter environ 150 espèces<br />
de champignons <strong>carnivores</strong>.<br />
Les plantes <strong>carnivores</strong> sont toutes des plantes VERTES, c'est-à-dire des plantes<br />
possédant des pigments verts : les chlorophylles. Celles-ci leur permettent<br />
d'effectuer leurs synthèses de "matières carbonées" (= "matières organiques") selon<br />
la réaction globale suivante :<br />
6 CO2 + 6 H2O C6H12O6 + 6 O2<br />
Gaz carbonique<br />
= Dioxyde de<br />
carbone<br />
eau<br />
Différentes variétés horticoles de dionées.<br />
Lumière<br />
Chlorophylles<br />
Photographies : Romuald Anfraix<br />
Glucose<br />
(matière organique)<br />
Oxygène<br />
(qui est ici un<br />
déchet)<br />
On dit que les végétaux verts (qu'ils soient <strong>carnivores</strong> ou non) sont "autotrophes"<br />
pour le carbone (de auto = soi-même et trophê = nourriture) car ils fabriquent leurs<br />
matières carbonées à partir de gaz carbonique prélevé au niveau des feuilles et<br />
d'eau absorbée au niveau de leurs racines.<br />
Les champignons <strong>carnivores</strong> sont, comme tous les champignons, des végétaux (on<br />
ne dit pas "plantes" car les champignons n'ayant pas de vraies racines ne sont pas,<br />
de ce fait, "plantés") dépourvus de chlorophylle et donc incapables d'effectuer la<br />
synthèse de leurs matières organiques. On les dit "hétérotrophes" (de hetero = autre<br />
et trophê = nourriture) pour le carbone.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 2
Fiche pédagogique : les<br />
plantes <strong>carnivores</strong><br />
I- Les objectifs :<br />
Objectifs conceptuels :<br />
Fonctions de nutrition et concept adaptation<br />
1. Analyser l'originalité de la nutrition des végétaux<br />
verts en général et des plantes <strong>carnivores</strong> en<br />
particulier.<br />
2. Mettre en évidence les relations alimentaires dans<br />
un milieu donné (chaînes et réseaux). Ici les plantes<br />
<strong>carnivores</strong> sont à la fois productrices et<br />
consommatrices de matières organiques.<br />
3. Distinguer les diverses manifestations de la prise<br />
alimentaire (prélèvement de nourriture, digestion,<br />
transport des aliments par la sève.<br />
4. Constater l'existence de liens entre fonction (ici<br />
alimentaire) et organes correspondants : notion<br />
d'adaptation à des milieux de vie particuliers.<br />
Objectifs méthodologiques :<br />
Un drosera (Drosera capensis), plante<br />
des tourbières, capturant un insecte.<br />
Photographie Pierre Gélinaud<br />
1. Apprendre à observer, à expérimenter.<br />
2. Vérifier systématiquement les résultats obtenus à l'aide de documents.<br />
II- Le matériel :<br />
* Des dionées attrape-mouches.<br />
* Des photographies d'autres plantes <strong>carnivores</strong> (on en trouve en quantité sur Internet : taper<br />
"plantes <strong>carnivores</strong>" dans un moteur de recherche).<br />
* Des textes décrivant la vie de ces plantes… lire notre petit livre : "Si tu veux (presque) tout<br />
savoir sur les plantes <strong>carnivores</strong>" et la revue "Dionée" avec en particulier de nombreux articles<br />
de Pierre Sibille.<br />
III- La démarche :<br />
1. Connaître les représentations préalables des enfants… "A votre avis, qu'est-ce<br />
qu'une plante carnivore? Quelle taille a t-elle ? Dessinez-la….<br />
Comparaison des productions des élèves et de leurs commentaires… Qui a raison ?<br />
2. Introduction de plantes <strong>carnivores</strong>, ici des dionées dans la classe. Faire noter aux<br />
enfants leurs observations et remarques, leurs questions et leurs hypothèses en<br />
construisant progressivement 3 colonnes au tableau.<br />
Relire, corriger et classer dans chaque colonne.<br />
3. Mise en situation de recherche des réponses par équipes :<br />
* en utilisant le matériel végétal dans un 1er temps (observations ou expérimentations).<br />
* que la réponse ait été trouvée ou non par observation(s) ou expérimentation(s),<br />
recherche dans des photographies ou des documents écrits.<br />
4. Bilan des recherches : chaque équipe présente le résultat de ses recherches.<br />
Les productions des enfants sont confrontées à leurs représentations préalables…<br />
Les concepts sont dégagés (cf. objectifs) et un résumé, prenant en compte la notion<br />
de chaîne alimentaire, est construit en commun.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 3
5. En quoi le comportement<br />
alimentaire des végétaux<br />
<strong>carnivores</strong> diffère t-il de<br />
celui des autres végétaux ?<br />
(recherche documentaire).<br />
A noter que ce "thème" (= ici<br />
à "ensemble de formes<br />
vivantes étudiées dans leur<br />
milieu") peut constituer une<br />
motivation à une étude portant<br />
sur la nutrition des plantes<br />
vertes ou bien faire suite à une<br />
telle étude.<br />
Ass. Fr. d'Amateurs de Plantes Carnivores :<br />
6. Avec des élèves plus âgés<br />
(collège), on pourrait arriver Dionée http://www.multimania.com/dionaea/<br />
aux notions de décomposeurs<br />
(champignons, bactéries, nécrophores, bousiers…) qui permettent la décomposition des<br />
cadavres animaux et végétaux) et de transformateurs (microbes qui prennent la suite des<br />
décomposeurs et font repasser les déchets organiques à l'état de substances minérales permettant<br />
ainsi une nouvelle utilisation par les végétaux verts).<br />
Une visite de la "Grande serre tropicale", section des plantes <strong>carnivores</strong>, est possible au<br />
jardin des plantes : 57 rue Cuvier. 75005 Paris. Renseignements : 01 40 79 30 00.<br />
Ouvert tous les jours sauf mardi et 1 er mai de 13 h à 17 heures d'octobre à fin mars et<br />
de 13 h à 18 h samedis et dimanches d'avril à fin septembre.<br />
7. L'évaluation peut être menée en réinvestissant les acquis dans le cadre de l'étude de<br />
l'alimentation d'un organisme animal.<br />
Plante carnivore du genre sarracénie<br />
(Sarracenia leucophylla)<br />
Photo : Jean-Daniel DEGREEF<br />
Plante carnivore du genre<br />
"népenthès" (Nepenthes alata).<br />
Photographie Pierre Gélinaud<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 4
I- Les principaux groupes de plantes <strong>carnivores</strong> :<br />
FAMILLE ET GENRE CARACTERISTIQUES DISTRIBUTION<br />
Sarracénies<br />
(9 espèces).<br />
Photo S. Lavayssière<br />
Cephalotus follicularis<br />
(1 espèce).<br />
Photo. J.M. Degreef<br />
Darlingtonia californica<br />
(1 espèce).<br />
Photo S. Lavayssière<br />
Héliamphoras<br />
(6 espèces)<br />
Photo Manu Echevrier<br />
Népenthès (75<br />
espèces + de<br />
nombreux hybrides).<br />
SARRACENIACEES<br />
Plantes vivaces (= plantes vivant sur plusieurs<br />
années), herbacées, de 10 cm à 1 mètre,<br />
munies d'une rosette de feuilles se repliant<br />
pour former des tubes en forme de trompettes.<br />
Au sommet de ces tubes ou ascidies, une partie<br />
élargie peut former un opercule immobile.<br />
On distingue 9 espèces mais il existe de<br />
nombreux hybrides.<br />
Le céphalotus se présente sous la forme d'une<br />
rosette de feuilles lancéolées dressées, entourées<br />
d'une couronne d'ascidies (sorte d'urnes<br />
profondes) dont chacune repose obliquement<br />
sur le sol. La tige est horizontale et enfouie :<br />
c'est un rhizome cassant, en zigzag, de 3 à 10<br />
cm de long et d'un diamètre de 3 à 7 mm. Les<br />
racines ne partent pas de la tige mais sont<br />
produites par les aisselles des feuilles.<br />
En l'honneur du docteur Darlington, un<br />
botaniste américain.<br />
Plante vivace, herbacée de 40 cm à plus d'1<br />
mètre de haut. Une tige souterraine ou<br />
rhizome. Les feuilles, qui peuvent dépasser<br />
un mètre de hauteur, miment un serpent<br />
dressé d'où son autre nom de "plante<br />
cobra".<br />
Elles se présentent en massifs pour les plus<br />
petites (5-10cm) et en "lianes" pour les plus<br />
grandes (1m 50 à 4m).Ce sont des plantes<br />
vivaces, herbacées et terrestres. Elles<br />
possèdent des tiges souterraines (=<br />
"rhizomes") d'où partent des feuilles en forme<br />
d'urne ayant encore tous les caractères d'une<br />
feuille enroulée et soudée. L'urne est<br />
légèrement étranglée aux 2/3 de sa hauteur<br />
avant de s'évaser dans le 1/3 supérieur.<br />
NEPENTHACEES<br />
Les Népenthacées sont des plantes vivaces,<br />
terrestres ou épiphytes se présentant sous la<br />
forme d'arbrisseaux ou de lianes de taille très<br />
variable : quelques dizaines de cm à 20 m de<br />
longueur. Les feuilles, vertes et coriaces, sont<br />
modifiées en ascidies. Un opercule obture<br />
l'urne jeune. Il se soulève par la suite ne<br />
jouant aucun rôle dans la capture des proies.<br />
Marécages du Nord-Est des Etats-Unis.<br />
Sarracenia purpurea s'est naturalisée dans<br />
quelques tourbières dans l'Ouest de la<br />
Suisse et en France.<br />
Le Cephalotus est une plante des marais<br />
qui exige un sol humide et même<br />
mouillé. On le rencontre uniquement<br />
dans des tourbières du S.O. de<br />
l'Australie.<br />
Partie ouest des États-Unis : Californie et<br />
Oregon, à partir du niveau de la mer<br />
jusqu'à 2000 mètres d'altitude.<br />
Les héliamphoras sont originaires des<br />
hauts plateaux gréseux à parois abruptes.<br />
localisés aux confins de la Guyane<br />
britannique (Guyana), du Venezuela et<br />
de la Colombie. Ces plateaux appelés<br />
tepuys à l'est et cerros à l'ouest ont une<br />
altitude variant pour les plus importants<br />
d'entre eux de 1200 m à 3045 m. Ils sont<br />
parcourues par des vents violents et sont<br />
situés en zone très pluvieuses avec une<br />
humidité du sol et de l’air considérables.<br />
Plantes épiphytes* et grimpantes (grâce<br />
au pétiole des feuilles volubiles) des<br />
forêts de l'Indonésie (Bornéo, Sumatra),<br />
de Ceylan et de Madagascar.<br />
* Une plante épiphyte est une plante<br />
enracinée dans l'humus qui s'accumule dans<br />
les creux ou déclivités des arbres.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 5
I- Les principaux groupes de plantes <strong>carnivores</strong> (suite) :<br />
FAMILLE ET GENRE CARACTERISTIQUES DISTRIBUTION<br />
Dionea muscipula (1 espèce).<br />
Photo Nuridsany-Pérennou<br />
Aldrovanda vesiculosa<br />
(1 espèce)… du nom du<br />
naturaliste italien du XVI ème<br />
siècle : Ulysse Aldrovendi.<br />
Photo J.M. Degreef<br />
Drosophyllum lusitanum<br />
(1 espèce).<br />
Photo J.J. Labat<br />
Droséras (mot masculin du grec<br />
droseros = humide de rosée)<br />
ou "rosée du soleil" ou"rossolis"<br />
(100 espèces).<br />
Photo S. Lavayssière<br />
DROSERACEES<br />
Pétiole triangulaire. Limbe orbiculaire divisé<br />
en 2 lobes chacun pourvu sur son bord de 12 à<br />
20 longues dents. Les 2 lobes sont mobiles par<br />
rapport à la nervure médiane. Fleurs blanches<br />
et graines noires.<br />
Plante aquatique de 10 à 50 cm de long,<br />
dépourvue de racines. Comme l'Aldrovandie<br />
croît d'un côté et meurt de l'autre les<br />
ramifications finissent par se détacher et<br />
deviennent des plantes indépendantes. Cette<br />
reproduction végétative est très importante<br />
alors que la floraison et à la germination sont<br />
capricieuses. Feuilles vertes verticillées par 6<br />
à 9. Pièges de 7 à 8 mm constitués de 2 lames<br />
foliaires articulées portant des poils sensibles<br />
sur la face supérieure. Fermeture très rapide :<br />
1/50 s. Fleurs minuscules (8 mm de diamètre)<br />
blanc verdâtre, assez rares dans la nature.<br />
Plante presque arbustive à fleurs jaunes et à<br />
feuilles linéaires couvertes de poils<br />
glanduleux à tête rouge. Racines bien<br />
développées (ce qui constitue une exception<br />
parmi les plantes <strong>carnivores</strong>).<br />
Le limbe est pourvu de poils glanduleux à<br />
extrémité rouge et qui réfléchissent la lumière<br />
comme des gouttes d'eau.<br />
"Drosera rotundifolia" est 1 petite plante grêle<br />
de 6 à 20 cm. Feuilles munies d'un long<br />
pétiole et d'un limbe arrondi appliqué contre<br />
le sol.<br />
"Drosera intermedia" porte des feuilles ovales.<br />
"Drosera longifolia" = "D. anglica" a des<br />
feuilles linéaires et dressées se continuant<br />
insensiblement en pétiole.<br />
Marais des 2 Carolines (Nord-<br />
Caroline et Sud-Caroline) à l'état<br />
sauvage. Abondamment cultivée,<br />
on la trouve chez de nombreux<br />
fleuristes.<br />
Espèce flottante ou encore<br />
immergée des fossés, mares et<br />
étangs.<br />
Europe (elle a existé en France en<br />
Gironde et dans les Bouches du<br />
Rhône), Inde, Japon, vallée du<br />
Nil, Afrique du Sud (qui semble<br />
être son aire originelle), Australie<br />
(Queensland).<br />
Se rencontre dans les endroits<br />
secs (plaines côtières<br />
sablonneuses) du Portugal,<br />
d'Espagne et du Maroc. Les<br />
brouillards marins lui fournissent<br />
une partie de l'eau dont elle a<br />
besoin.<br />
Milieux humides ou marécageux<br />
surtout en Amérique du Nord et<br />
dans l'hémisphère Sud (56<br />
espèces en Australie).<br />
3 espèces (à fleurs blanches et<br />
graines noires) vivent en Europe<br />
soit dans les marais tourbeux<br />
acides au milieu de mousses : les<br />
sphaignes (D. rotundifolia et D.<br />
intermedia) soit dans des<br />
tourbières basiques (D.<br />
longifolia).<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 6
I- Les principaux groupes<br />
de plantes <strong>carnivores</strong> (fin) :<br />
FAMILLE ET GENRE CARACTERISTIQUES DISTRIBUTION<br />
Byblis (5 espèces).<br />
Photographie Pierre Gélinaud<br />
Pinguiculas = grassettes (de<br />
pinguis = gras : allusion à la<br />
viscosité des feuilles)<br />
(80 espèces)<br />
Utriculaires (elles portent<br />
des "utricules" ou ascidies).<br />
280 espèces.<br />
Genliseas (16 espèces) du<br />
nom de madame de Genlis,<br />
une comtesse botaniste.<br />
Photo Labat<br />
BYBLIDACEES<br />
B. liniflora est une plante herbacée,<br />
terrestre, plus ou moins vivace, de 20 à<br />
30 cm de haut.<br />
B. gigantea est une plante semi-ligneuse<br />
de 50 à 70 cm de haut.<br />
Les deux espèces portent des feuilles vert<br />
jaunâtre fines, plus courtes chez B.<br />
liniflora.<br />
Les pièges sont constitués par les feuilles<br />
et les tiges florales couvertes de glandes<br />
pédiculées qui sécrètent un mucilage<br />
collant.<br />
LENTIBULARIACEES : fleurs munies d'un éperon.<br />
Feuilles disposées en rosette. La face<br />
supérieure est visqueuse et les bords sont<br />
involutés (c'est-à-dire enroulés en<br />
dessus).<br />
Il n'existe pas de racines.<br />
Les feuilles des utriculaires immergées<br />
ont des limbes divisés en lanières<br />
filiformes. Certains segments de ces<br />
lanières se transforment en "vessies" ou<br />
"ascidies" de 2 à 5 mm qui constituent<br />
des pièges.<br />
Plantes vivaces ou annuelles, semiaquatique,<br />
herbacées. Rosettes de feuilles<br />
de 2 à 6 cm de diamètre.<br />
Les feuilles sont de 2 types :<br />
* linéaires ou oblongues et de couleur<br />
verte<br />
* souvent souterraines et formant des<br />
pièges diaphanes en forme de fourche de<br />
2 à 15 cm de long. Les branches et le<br />
manche sont creux et possèdent une<br />
petite cavité dans laquelle viendront<br />
mourir les proies (protozoaires et petits<br />
crustacés) ensuite digérées par des<br />
enzymes.<br />
Byblis liniflora provient de l'Australie<br />
et de Nouvelle-Guinée. Elle vit sur les<br />
berges des rivières sablonneuses, sur les<br />
bords des mares temporaires et des<br />
marais, à des températures variant entre<br />
16 et 40° (climat tropical).<br />
Byblis gigantea est limitée à l'Australie.<br />
Elle se développe sur sol sableux voire<br />
caillouteux, sous un climat de type<br />
méditerranéen, hiver pluvieux et été<br />
sec.<br />
Pinguicula vulgaris : la grassette<br />
vulgaire se rencontre dans les<br />
tourbières du Centre et de l'Ouest de la<br />
France (5 à 10 cm, fleurs violettes).<br />
4 autres espèces vivent en France.<br />
Asie, Europe et Amérique<br />
Plantes épiphytes, terrestres ou<br />
aquatiques. Dans presque toutes les<br />
parties du monde (régions tropicales et<br />
tempérées). On rencontre en France,<br />
dans les mares : U. vulgaris, U.<br />
intermedia et U. minor, toutes les 3 à<br />
fleurs jaunes.<br />
Marécages, rives détrempées des<br />
ruisseaux en Afrique, dans l'île de<br />
Madagascar, les îles des Caraïbes, en<br />
Amérique centrale et du Sud.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 7
II- Que mangent les plantes <strong>carnivores</strong> ?<br />
NOM DE LA PLANTE SES ALIMENTS<br />
Sarracénies<br />
Céphalotus<br />
Darlingtonia californica<br />
= plante cobra<br />
Héliamphora<br />
Népenthès<br />
Dionée " gobemouches"<br />
=<br />
Vénus fly-trap<br />
Aldrovanda<br />
Drosophyllum<br />
Droseras<br />
Byblis<br />
Grassettes<br />
Insectes, parfois des mille-pattes, très rarement de minuscules<br />
grenouilles.<br />
Insectes, en particulier des fourmis.<br />
Surtout insectes (coléoptères, diptères).<br />
Les Arachnides, diptères ou coléoptères.<br />
Insectes (fourmis surtout, petits coléoptères, diptères) mais aussi<br />
araignées, scorpions, myriapodes = mille-pattes, escargots<br />
… et même épisodiquement de petites grenouilles, oiseaux et rats<br />
venus chercher la fraîcheur ou se désaltérer.<br />
Insectes sauteurs ou rampants et parfois volants (comme des<br />
libellules), parfois de petites araignées…<br />
Petits animaux aquatiques : daphnies 2, cyclopes 2, larves de<br />
moustiques.<br />
Insectes.<br />
Insectes volants surtout (mouches, papillons, pucerons ailés) mais<br />
aussi fourmis.<br />
Les proies sont des insectes : diptères (mouches et moucherons) et<br />
lépidoptères (= papillons)...<br />
Insectes de petite taille (moucherons, moustiques, parfois<br />
papillons). Les fourmis, souvent prises, s'échappent assez<br />
fréquemment. Les pollens de plantes tombés sur les feuilles sont<br />
également digérés.<br />
De minuscules animaux aquatiques en particulier des larves de "ver<br />
de vase" = "chironome", des rotifères 1, des petits crustacés<br />
aquatiques 2 comme des "daphnies" 2 et des "cyclopes" 2, … mais<br />
aussi parfois de petits poissons et des têtards.<br />
Genliseas De petits crustacés ou des protozoaires (= animaux unicellulaires).<br />
Utriculaires<br />
1. Rotifères :<br />
Ce sont de minuscules animaux (moins<br />
de 2 mm) qui possèdent dans leur partie<br />
antérieure une double couronne de cils<br />
vibratiles évoquant une double roue qui<br />
tourne (d'où leur nom). Cet "appareil<br />
rotateur" sert à la fois à la récolte de la<br />
nourriture et aux déplacements.<br />
2. Crustacés (du latin crusta = croûte) :<br />
Il s'agit essentiellement de copépodes<br />
(cyclopes) et de cladocères (daphnies).<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 8
III- La capture :<br />
Les botanistes distinguent 2 types de plantes <strong>carnivores</strong> :<br />
les piégeurs passifs chez qui la capture des proies n'implique pas de mouvements de<br />
l'organe végétal et les piégeurs actifs.<br />
IIIA) Les piégeurs passifs (Népenthès, sarracénies, héliamphoras) :<br />
IIIA1) Les népenthès :<br />
Les feuilles s'insèrent sur la tige par<br />
le biais d'une partie verte aplatie qui se<br />
poursuit par un pédicelle filiforme capable<br />
de s'enrouler autour de supports voisins et<br />
ainsi de participer à l'amarrage de la<br />
plante.<br />
Le "pédicelle" se prolonge par une<br />
sorte d'urne : "l'ascidie", de couleur verte<br />
tachée de rouge, dont la taille varie de 2 à<br />
30 cm selon les espèces et qui est surmontée<br />
d'une petite lame disposée comme un<br />
couvercle : "l'opercule".<br />
Cet opercule obture l'urne<br />
lorsqu'elle est jeune puis se soulève<br />
définitivement au cours de la croissance,<br />
mettant ainsi la cavité de l'urne en contact<br />
avec l'extérieur. Cette urne va vivre 1 à 20<br />
mois selon l'espèce.<br />
L'opercule ne joue aucun rôle direct<br />
dans la capture des proies mais empêche<br />
qu'une trop grande quantité d'eau de pluie<br />
pénètre à l'intérieur de l'urne et ne dilue<br />
son contenu.<br />
Dessin de Nepenthes laevis.<br />
Extrait de l'Encyclopaedia Universalis<br />
(d'après Velenovsky).<br />
L'ascidie présente du nectar au niveau de son bord supérieur ou "péristome". Ce<br />
nectar appâte les insectes qui s'enfoncent ensuite à l'intérieur (sans doute attirés par<br />
l'odeur de l'eau croupie située dans le 1/3 inférieur). Les animaux aventureux ne pourront<br />
plus remonter car un revêtement cireux en écailles, très glissant, les précipitera au fond du<br />
piège où ils se noieront.<br />
Dans l'urne encore fermée, on peut<br />
trouver un liquide basique dont l'action<br />
digestive est faible mais non nulle. Peu à<br />
peu, le liquide va être colonisé par des<br />
organismes symbiotiques et son pH (=<br />
degré d'acidité), de basique va devenir<br />
progressivement acide. Les mouvements<br />
des victimes dans l’urne stimulent l’activité<br />
des glandes digestives (on peut provoquer<br />
le phénomène en activant la zone<br />
glandulaire à l'aide d'un pinceau).<br />
Les cellules sécrétrices de l'urne sont<br />
Ascidie de Nepenthes mirabilis<br />
totalement immergées dans le liquide<br />
d'après l'Encyclopaedia Universalis (modifié).<br />
constitué de sucs digestifs qu'elles ont<br />
produits et d'eau de pluie (1 litre et plus).<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 9
Au bout de quelques mois, l'ascidie peut<br />
être presque remplie de proies en décomposition.<br />
On peut trouver, dans les urnes de<br />
népenthès, un ver de l'embranchement des vers<br />
ronds (= némathelminthes) et de la classe des<br />
nématodes : Anguilulla nepenthicola. Il ne vit<br />
que dans ce milieu (jusqu'à 200 individus par<br />
ascidies) et ne souffre pas des sécrétions de la<br />
plante. D'autres animaux possèdent les mêmes<br />
particularités que ce nématode, en particulier<br />
certaines espèces d'insectes et d'araignées.<br />
IIIA2) Les sarracénies :<br />
Les feuilles se replient pour produire un<br />
tube dont la partie supérieure s'élargit en<br />
formant un opercule immobile.<br />
Dans la partie haute de l'ascidie, des<br />
glandes nectarifères sécrètent une piste de nectar<br />
qui attire les insectes sur une pente glissante. Les<br />
proies absorberaient aussi en butinant un<br />
narcotique : la coniine. Des appendices dirigés<br />
vers le bas empêchent l'arthropode de remonter.<br />
Dans la partie inférieure existent :<br />
* une zone de nasse constituée de poils qui<br />
retiennent les insectes<br />
* des glandes sécrétant des enzymes se<br />
mélangeant à l'eau de pluie.<br />
* des bactéries vivent dans ce liquide sans être<br />
incommodées.<br />
Conclusion : les mécanismes de capture sont<br />
identiques chez les népenthès et les sarracénies si<br />
on excepte 2 différences :<br />
* seule une partie de la feuille participe à la<br />
capture chez les népenthès alors que c'est toute<br />
la feuille qui forme l'ascidie chez les sarracénies.<br />
* chez les népenthès, les glandes nectarifères sont<br />
disposées au bord de l'urne ; chez les sarracénies,<br />
elles forment une piste "guide-fourmis"<br />
partant de la surface externe et s'enfonçant dans l'ascidie.<br />
Urne de Nepenthes rafflesiana<br />
Photo S. Lavayssière<br />
Sarracenia psittacina<br />
Photo prélevée sur le site (sans nom d'auteur)<br />
http://www.evc.net/pages/gbour/photos.htm<br />
Dessin modifié "Pour la Science" d'avril 1978 : Yolande Heslop-Harrison.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 10
Dessin d'une urne d'Héliamphora<br />
IIIA3) Les héliamphoras :<br />
IIIB) Les cas intermédiaires (droseras, drosophyllum, grassettes) :<br />
"Des glandes situées à la surface de la feuille de ces plantes sécrètent des gouttelettes d'une<br />
substance adhésive. La proie, en général un insecte volant attiré par l'odeur ou la couleur<br />
de ces gouttelettes ou peut-être par la lumière qu'elles réfléchissent, est engluée dès qu'elle<br />
se pose. L'insecte adhère d'autant plus à la feuille, qu'il touche de plus nombreuses glandes<br />
en essayant de s'échapper".<br />
Texte de Yolande Heslop-Harrison "Pour la Science" d'avril 1978.<br />
IIIB1) Droseras et drosophyllum :<br />
Une partie de la<br />
feuille de D.<br />
rotundifolia<br />
(celle représentée<br />
en détail<br />
et de face) a été<br />
excitée à l'aide<br />
d'un objet : on<br />
constate un repli<br />
des "tentacules"<br />
(d'après<br />
Darwin… 1877).<br />
Le mouvement<br />
résulte de la<br />
perte de<br />
turgescence 1<br />
dans des groupes<br />
de cellules situés<br />
sur le côté du<br />
pédoncule le<br />
plus proche du<br />
stimulus" (Y.<br />
Harrison 1978).<br />
(Manu Echevrier)<br />
Le cuilleron producteur de nectar est recourbé,<br />
jaune sur sa face supérieure et rouge à<br />
l'intérieur. Ce cuilleron permet de mettre à<br />
l'abri des pluies le liquide sucré qui assure<br />
l'attraction des proies (en sus de la couleur<br />
rouge).<br />
La partie intérieure, en haut de l'ascidie,<br />
comporte de minuscules poils blanchâtres<br />
dirigés vers le bas. Cette partie reflète les rayons<br />
U.V. auxquels sont sensibles les insectes.<br />
Sauf pour H. tateï, les Héliamphoras (comme<br />
Darlingtonia) ne possèdent pas d'enzymes<br />
digestives. Elles utilisent les enzymes, libérées<br />
par les bactéries présentes dans le liquide de<br />
l'urne, pour récupérer les produits de<br />
dégradation des proies noyées.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 11
Après digestion (2 jours), les poils<br />
glanduleux reprennent leur position<br />
initiale.<br />
Drosera rotundifolia<br />
Photo S. Lavayssière<br />
IIIB2) Grassettes :<br />
Ce sont les feuilles, disposées en rosette, qui<br />
constituent le piège : elles sont recouvertes de poils<br />
sécrétant un liquide visqueux qui englue l'insecte.<br />
Le bord de la feuille s'enroule et enveloppe<br />
l'arthropode formant ce que Darwin appelait un<br />
estomac temporaire. L'enroulement correspondrait<br />
encore ici à une perte de turgescence de cellules,<br />
contenant des enzymes protéolytiques.<br />
Après digestion par des enzymes (dont la<br />
pepsine) puis assimilation des substances utilisables,<br />
la feuille reprend sa position primitive (2 ou 3<br />
jours).<br />
Drosera capturant un insecte (Photo Nuridsany-Pérennou)<br />
1. Turgescence : on dit qu'une cellule est "turgescente" quand elle est gorgée d'eau. Lorsqu'il y a<br />
départ d'eau de la cellule, on utilise le terme de "plasmolyse".<br />
C'est la turgescence qui donne aux végétaux herbacés une certaine fermeté. Un élément végétal qui<br />
entre en plasmolyse se fane.<br />
Fleur bleue à violette de Pinguicula grandiflora.<br />
Chez la grassette des Alpes,<br />
Pinguicula alpine, elles sont blanches.<br />
Photo S. Laveyssière<br />
Planche extraite<br />
de la "Flore<br />
d'Europe I :<br />
plantes herbacées<br />
et sousarbrisseaux".<br />
Diffusion : société<br />
française du livre.<br />
Pinguicula vulgaris =<br />
Grassette vulgaire = langue d'oie<br />
Hampes florales de 5 à 15 cm de haut<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 12
III- La capture (suite) :<br />
IIIC) Les piégeurs actifs (utriculaires, dionée et aldrovanda) :<br />
"Chaque utricule de 3 à 5<br />
mm de longueur est une sorte de<br />
petite sac fermé par un clapet ou<br />
valve portant une touffe de poils<br />
sensibles et ne pouvant s'ouvrir<br />
que vers l'intérieur de<br />
l'utricule".<br />
" Cet intérieur est tapissé<br />
de poils cruciformes (= en forme<br />
de croix) qui absorbent l'eau et<br />
créent ainsi une dépression dans<br />
l'utricule" (l'eau suit en fait le<br />
rejet actif de sels minéraux au<br />
travers de la paroi vers<br />
l'extérieur).<br />
"Lorsqu'un petit animal<br />
heurte les poils sensibles de la<br />
valve, celle-ci s'ouvre brusquement<br />
et la proie est aspirée à<br />
l'intérieur de l'utricule".<br />
Texte et dessins ci-dessus et ci-dessous :<br />
H. Camefort "Morphologie des végétaux<br />
vasculaires". Editions Doin - 1972.<br />
Les outres sont donc des<br />
pièges à succion immergés<br />
s'ouvrant vers l'intérieur. Les<br />
poils sensibles excités déclenchent<br />
l'ouverture, l'outre en<br />
dépression se dilate instantanément<br />
et aspire simultanément<br />
de l'eau et la proie. Le clapet<br />
reprend sa position initiale<br />
tandis que les poils retiennent<br />
prisonnier l'animal aquatique.<br />
IIIC1) Les utriculaires :<br />
Dessins modifiés d'une utriculaire américaine "Pour la Science" n° 6 d'avril 1978 : Yolande Heslop.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 13
Le mouvement du clapet<br />
est une "séismonastie".<br />
Une NASTIE est un mouvement d'organe végétal<br />
déclenché par un stimulus extérieur et non orienté par<br />
lui (si le mouvement est orienté par le stimulus<br />
extérieur, on parle de tropisme).<br />
Ici, on parle de séismonastie car la nastie est<br />
déclenchée par un mouvement (du grec seïmos =<br />
ébranlement).<br />
IIIC2) La dionée attrape-mouches ou dionée gobe-mouches :<br />
Quand un insecte effleure les<br />
soies portées par la face ventrale des<br />
lobes, de part et d'autre de la nervure<br />
(3 soies de chaque côté), les 2<br />
côtés de la feuille se rapprochent<br />
brusquement avec engrenage des<br />
soies latérales molles. Ce mouvement<br />
est lié à une variation du<br />
volume des cellules par déplacement<br />
d'eau.<br />
La feuille ne se réouvrira que<br />
9 à 35 jours plus tard, la digestion<br />
terminée. Cette réouverture, très<br />
lente, ne correspond qu'à un simple<br />
phénomène de croissance.<br />
Si le mouvement a été<br />
provoqué par un stimulant inerte<br />
(baguette par exemple), la feuille<br />
reste fermée beaucoup moins<br />
longtemps (1 à 2 jours).<br />
IIIC3) L'aldovandra :<br />
"Chez aldovendra, les pièges<br />
sont formés par une lame foliaire<br />
articulée en 2 lobes portant des poils<br />
sensibles et des poils sécréteurs sur<br />
leur face supérieure. Lorsqu'une<br />
proie excite les poils sensibles, les 2<br />
lobes se replient emprisonnant la<br />
capture".<br />
H. Camefort "Morphologie des végétaux<br />
vasculaires". Editions Doin- 1972.<br />
Le limbe de l'aldovendra<br />
fonctionne comme celui de la dionée.<br />
* La rapidité de la conduction : transport de<br />
l'excitation d'un poil sensible à la charnière (20<br />
mm par seconde)…<br />
* et l'existence d'un potentiel d'action (variation<br />
de la différence de potentiel électrique entre les 2<br />
faces de la feuille elle même due à une variation<br />
temporaire de la perméabilité de la membrane<br />
plasmique aux ions)<br />
… suggèrent une propagation de nature<br />
électrique : "le courant d'action" comparable à<br />
l'influx nerveux.<br />
H. Camefort "Morphologie des végétaux vasculaires".<br />
Editions Doin- 1972.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 14
IV- La digestion :<br />
IV A) Le déclenchement de la sécrétion des sucs digestifs :<br />
Il varie selon les genres de plantes <strong>carnivores</strong> :<br />
IV A1) Moment du déclenchement de la sécrétion :<br />
Avant la capture Après la capture Avant et après la capture<br />
Népenthès :<br />
Les glandes digestives<br />
localisées au niveau du 1/3<br />
inférieur des ascidies<br />
adultes sont totalement<br />
immergées (avant même<br />
qu'une proie n'ait été<br />
capturée)… jusqu'à 1 litre<br />
de liquide parfois plus.<br />
Le liquide digestif non<br />
dilué est visqueux,<br />
comparable à de la<br />
glycérine.<br />
On a pu obtenir la<br />
digestion de fibrine<br />
(protéine filamenteuse qui<br />
emprisonne les globules<br />
du sang lors de la<br />
coagulation) dans le<br />
liquide stérile extrait<br />
aseptiquement de jeunes<br />
urnes non encore<br />
ouvertes.<br />
-----------------------<br />
Sarracénies :<br />
La quantité de sucs<br />
digestifs secrétés est plus<br />
faible, les glandes peuvent<br />
ne pas être immergées.<br />
Dionée gobemouches<br />
:<br />
Les feuilles restent sèches<br />
jusqu'à la capture.<br />
Si on active les lobes avec<br />
un objet, ceci n'entraîne<br />
pas une production de sucs<br />
digestifs… Une action<br />
mécanique ne suffit donc<br />
pas.<br />
Les glandes ne rentrent en<br />
activité que lorsque un<br />
animal est pris. L'action<br />
est ici chimique.<br />
-------------------<br />
Utriculaires :<br />
Bien que les glandes soient<br />
immergées, elles ne<br />
semblent fonctionner<br />
qu'après la capture d'une<br />
proie.<br />
--------------------<br />
Grassettes et<br />
drosophyllum :<br />
Les glandes pédonculées,<br />
portent des gouttelettes de<br />
sécrétion et ne servent qu'à<br />
capturer les proies.<br />
Les glandes sessiles<br />
produisent les enzymes<br />
digestives mais<br />
uniquement en cas de<br />
capture (stimulation<br />
chimique).<br />
Droseras :<br />
Drosera rotundifolia<br />
Photographie Serge Lavayssière<br />
Les glandes pédonculées ont une<br />
double fonction : elles secrètent à la<br />
fois la substance adhésive et les<br />
enzymes digestives.<br />
Les sécrétions débutent avant la<br />
capture mais celle-ci déclenche une<br />
nouvelle production par stimulation<br />
chimique.<br />
Insecte capturé par Drosera binata<br />
Cliché Photosynthèse<br />
--------------------------------------<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 15
Rappelons que les héliamphoras (à l'exception de H. tateï) et la darlingtonia ne<br />
produisent pas d'enzymes digestives et que ce sont des bactéries symbiotiques,<br />
vivant dans le liquide de l'urne, qui assurent cette fonction.<br />
Chez les autres espèces à urnes : népenthès, sarracénies, céphalotus et<br />
utriculaires, la digestion est facilitée par des micro-organismes (non sensibles aux<br />
sécrétions de la plante) présents dans l'ascidie.<br />
IV A2) Mécanismes du déclenchement de la sécrétion :<br />
Charles Darwin a mené des expériences sur les droseras (il expérimenta même sur elles les<br />
effets du vin de xérès) et les grassettes, expériences publiées en 1875 dans les "Plantes<br />
insectivores".<br />
Substances chimiques<br />
Activant les sécrétions enzymatiques : Sans effet sur les sécrétions :<br />
Composés azotés<br />
De nombreux composés azotés (= composés<br />
renfermant des atomes d'azote) comme l'acide urique<br />
(très efficace), l'ammoniaque (moins efficace) ou la<br />
glutamine (peu efficace) sont libérés par les insectes.<br />
IV B) Les glandes digestives :<br />
Sucres<br />
Carbonate de sodium<br />
Observation au microscope à balayage de la surface d'une feuille de Pinguicula grandiflora.<br />
Les glandes proéminentes, portées par un pédoncule, assurent la capture des insectes.<br />
D'autres glandes, beaucoup plus petites, sans pédoncule, et à demi enfouies dans la feuille,<br />
assurent la production d'enzymes digestives : il se forme ainsi une flaque dans la feuille<br />
partiellement enroulée, "dans laquelle baigne l'insecte". "Ces mêmes glandes vont résorber les<br />
produits de la digestion".<br />
"Pour la Science" d'avril 1978 : Yolande Heslop-Harrison.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 16
Bien que n'appartenant pas à la même<br />
famille que les grassettes, le drosophyllum<br />
possède les 2 mêmes types de glandes :<br />
* Les glandes pédonculées assurent la<br />
capture grâce à un mucilage adhésif.<br />
* Les glandes sessiles à demi enfouies<br />
interviennent dans la digestion et l'absorption<br />
des produits de cette digestion.<br />
Les 2 sortes de glandes sont directement<br />
reliées au système vasculaire de la feuille<br />
(voir ci contre).<br />
IV C) Les enzymes :<br />
Produites par la plante ou par les microorganismes<br />
symbiotiques il s'agit :<br />
* de protéases (enzymes s'attaquant aux<br />
protéines) toujours présentes quelle que<br />
soit l'espèce.<br />
* parfois d'amylases (enzyme scindant un<br />
sucre complexe : l'amidon) comme chez<br />
les grassettes.<br />
* éventuellement de lipases (enzyme<br />
dégradant les lipides ou graisses) comme<br />
les népenthès.<br />
* de ribonucléases (enzyme dégradant<br />
l'ARN) comme chez les népenthès et les<br />
grassettes.<br />
* de péroxydases (comme chez les<br />
droseras et le drosophyllum) et<br />
d'estérases + phosphatases (népenthès,<br />
droseras et le drosophyllum, dionée,<br />
aldrovanda, grassettes, genliseas et<br />
utriculaires)…<br />
Origine des sécrétions : <br />
* Le mucilage (polysaccharides acides)<br />
est produit par l'appareil de Golgi puis<br />
véhiculé par les vésicules de Golgi qui<br />
viennent fusionner avec la membrane<br />
cytoplasmique.<br />
* Toutes les enzymes digestives sont<br />
synthétisées au niveau du réticulum<br />
endoplasmique qui est en continuité avec<br />
la membrane cytoplasmique par le biais<br />
du "labyrinthe".<br />
* Chez les dionées et népenthès : il y a<br />
sortie active et massive d'ions H+ (grâce<br />
à une protéine de la membrane) qui<br />
donnent son acidité au suc digestif.<br />
Glandes de drosophyllum.<br />
D'après une étude originale d'A.C. Fenner.<br />
Cellule de glande digestive de plante<br />
carnivore.<br />
Dessin modifié d'après "La Recherche" n°171 de nov.<br />
1985 : "Les plantes <strong>carnivores</strong> par Ulrich Lüttge.<br />
La paroi végétale présente des pores<br />
autorisant la sortie des sécrétions.<br />
"Le labyrinthe"accroît considérablement la<br />
surface membranaire des cellules<br />
glandulaires et donc les possibilités de<br />
sécrétions et de réabsorption.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 17
IV D) L'absorption des aliments digérés :<br />
Les cellules productrices d'enzymes ont une autre fonction : elles absorbent les petites<br />
molécules - en particulier les acides aminés, les phosphates et les sulfates résultats<br />
de la digestion - qui serviront de nutriments (= aliments digérés) à la plante.<br />
On sait que cette absorption est couplée à une ré-entrée dans la cellules d'ions H+<br />
(ou protons) : on parle de co-transport.<br />
V- Intérêt de telles pratiques :<br />
V A) Le nombre de proies capturées :<br />
"Le nombre de proies capturées est parfois assez<br />
important. Chez les népenthès, les ascidies vivent<br />
en général plusieurs mois et peuvent être presque<br />
remplies des restes en décomposition de leurs<br />
prises.<br />
Chez les plantes à pièges plus éphémères, comme<br />
les grassettes où une feuille ne vit que cinq jours, le<br />
butin total d'une saison est plus difficile à estimer.<br />
Chez la grassette Pinguicula grandiflora, il pousse<br />
une feuille nouvelle environ tous les cinq jours, de<br />
sorte qu'en une seule saison la surface piégeante<br />
peut atteindre au total 400 centimètres carrés,<br />
alors que le diamètre d'une rosette de feuilles ne<br />
dépasse jamais huit centimètres.<br />
Il arrive aussi que des plantes <strong>carnivores</strong><br />
constituent des peuplements denses. Il y a une<br />
trentaine d'années, Francis W. Oliver, de<br />
l'Université de Londres, a décrit un tapis de<br />
droséras qui s'étendait sur près d'un hectare vers<br />
Barton Broad (non loin de la côte du Norfolk à<br />
l'est de l'Angleterre) et qui avait capturé un grand<br />
nombre de papillons, pour la plupart des piérides<br />
du chou, qui s'y étaient posés au cours de leur<br />
migration à partir du continent. Oliver observa<br />
qu'à chaque plante étaient fixés de quatre à sept<br />
papillons et évalua le nombre total d'insectes<br />
capturés à environ six millions".<br />
"Pour la Science" d'avril 1978 : Yolande Heslop-Harrison.<br />
V B) La plante sera t-elle plus vigoureuse ?<br />
Sarracenia purpurea<br />
cliché Photosynthèse.<br />
"Quelle est, alors, l'utilité des mœurs <strong>carnivores</strong> chez les plantes?<br />
Charles Darwin, l'un des pionniers de l'étude de la physiologie des plantes <strong>carnivores</strong>, s'est<br />
posé la question il y a un peu plus d'un siècle. Avec son fils Francis, il démontra de manière<br />
irréfutable que des droséras cultivés que l'on avait nourris artificiellement en posant des<br />
insectes sur leurs feuilles étaient plus vigoureux, donnaient plus de fleurs et de graines que<br />
ceux qui n'étaient pas alimentés de cette façon.<br />
Plus récemment, Richard Harder, de l'Université de Göttingen, et d'autres ont démontré<br />
que grassettes, droséras et utriculaires cultivés dans des environnements surveillés, où leur<br />
alimentation est soigneusement réglée, se portent mieux quand on leur donne des proies à<br />
manger, confirmant ainsi les résultats de Darwin"…<br />
"Pour la Science" d'avril 1978 : Yolande Heslop-Harrison.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 18
V C) Un supplément d'azote pour les plantes <strong>carnivores</strong> :<br />
"Les éléments nutritifs provenant des proies capturées pénètrent dans les feuilles avec une<br />
surprenante rapidité. Il y a quelques années, Bruce Knox et moi-même avons utilisé une<br />
protéine d'algue marquée avec l'isotope radioactif carbone 14 afin de suivre les<br />
progressions des produits de la digestion dans la plante. Des feuilles de grassette reçurent<br />
de minuscules quantités de la protéine ainsi marquée et nous avons suivi les produits de la<br />
décomposition par autoradiographie. Nous avons découvert que les acides aminés et les<br />
peptides, résultant de la digestion de la protéine, circulaient deux ou trois heures dans la<br />
feuille puis passaient dans la tige et de là aux racines et points de croissance en moins de<br />
douze heures. La voie principale pour traverser la feuille était le xylème, un tissu<br />
conducteur de l'eau.<br />
Récemment, John S. Pate et Kingsley Dixon, de l'Université d'Australie occidentale, ont<br />
marqué des mouches drosophiles en les nourrissant de levure contenant l'isotope azote 15<br />
puis ils ont alimenté des Droseras avec ces mouches marquées. Chez les droséras, la<br />
croissance a lieu à partir de rhizomes; ces rhizomes sont des tiges souterraines charnues<br />
qui se développent au cours de la saison précédente et dont une grande partie de la réserve<br />
d'azote est sous forme d'un acide aminé, l'arginine. John S. Pate et Kingsley Dixon<br />
constatèrent, à la fin de leur expérience, que 40 % de l'arginine des rhizomes des plantes<br />
traitées contenaient de l'azote 15, ce qui démontre l'importance du surplus d'éléments<br />
nutritifs tiré des proies pour la survie de l'espèce à l'état sauvage".<br />
V D) La proie fournit-elle<br />
à la plante d'autres<br />
éléments que l'azote ?<br />
"Il semble évident que le<br />
supplément nutritif dont disposent<br />
les plantes <strong>carnivores</strong> offre des<br />
avantages particuliers, surtout<br />
dans les milieux manquant de<br />
certaines substances.<br />
On suppose généralement que le<br />
principal bénéfice de la capture et<br />
de la digestion de proies animales<br />
par une plante, est un supplément<br />
d'azote.<br />
Mais d'autres recherches ont<br />
montré qu'un surplus de<br />
phosphore est aussi important,<br />
davantage même, dans certains<br />
cas.<br />
La présence dans les sécrétions des<br />
glandes digestives, d'enzymes<br />
comme la nucléase et la phos-<br />
"Pour la Science" d'avril 1978 : Yolande Heslop-Harrison.<br />
Dionée digérant une mouche<br />
Photo P.H. Ward ("Les prédateurs et leurs proies, éditions<br />
Delachaux et Niestlé - 1983).<br />
phatage pourrait correspondre à ce besoin. Dans les habitats où la croissance de la plante<br />
est limitée par le manque de substances nutritives majeures, comme le phosphore - ou d'un<br />
ou plusieurs autres éléments nécessaires seulement sous forme de traces - les bénéfices<br />
retirés des proies animales s'avèrent considérables".<br />
"Pour la Science" d'avril 1978 : Yolande Heslop-Harrison.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 19
V E) BILAN :<br />
"Tels sont donc les avantages des mœurs <strong>carnivores</strong>.<br />
Sont-ils contrebalancés par des inconvénients?<br />
La plupart des plantes vivent en état de<br />
compétition.<br />
L'énergie que la plante carnivore déploie<br />
dans la synthèse des enzymes digestives et<br />
d'autres produits de sécrétion, pour ne pas<br />
parler de celle nécessaire à ses adaptations<br />
structurales raffinées, est-elle rentable?<br />
L'embarrassante conclusion de ce genre de<br />
réflexion est qu'aucun bilan d'énergie n'est<br />
vraiment concluant.<br />
Presque toujours, les plantes <strong>carnivores</strong><br />
poussent dans des endroits où une lumière<br />
solaire abondante, des sources appropriées<br />
de carbone et un approvisionnement en eau<br />
illimité au cours de la période de<br />
croissance, excluent toute entrave à la<br />
photosynthèse, ressource énergétique<br />
primordiale de la plante.<br />
Ainsi la dépense d'énergie nécessaire pour<br />
capturer un atome d'azote ou de<br />
phosphore, ou de tout autre élément<br />
nécessaire à la croissance n'est-elle pas<br />
significative.<br />
Si la capture de telles substances nutritives<br />
vitales permet à la plante de survivre dans<br />
des endroits où ne peut intervenir aucun<br />
concurrent non-carnivore, alors il est<br />
évidemment prouvé que, quelle que soit la<br />
dépense d'énergie associée, l'investissement<br />
est justifié".<br />
Araignée-crabe solitaire vivant sur le<br />
rebord d'une urne de Népenthès.<br />
L'araignée ne tolère aucun congénère et se<br />
nourrit des insectes attirés par les<br />
nectaires de la sarracéniacée.<br />
A noter son mimétisme de couleur<br />
avec la plante.<br />
Elle est insensible aux sucs digestifs du<br />
fond de l'urne.<br />
Photo Pat Morris ("Les prédateurs et leurs proies,<br />
éditions Delachaux et Niestlé - 1983).<br />
"Pour la Science" d'avril 1978 : Yolande Heslop-Harrison.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 20
Conclusion :<br />
Les plantes <strong>carnivores</strong> constituent un groupe hétérogène du point de vue<br />
systématique mais étonnant par la particularité qu'ils possèdent :<br />
* de capturer de petits animaux<br />
* puis de les digérer par des enzymes ou diastases déversées à l'extérieur<br />
* et enfin d'absorber les petites molécules organiques issues de cette digestion.<br />
Cette capacité s'observe chez des plantes épiphytes, des plantes de tourbières et de<br />
marécages, des plantes aquatiques d'eaux peu minéralisées … en d'autres termes dans des<br />
milieux pauvres en azote minéral (ammoniaque, nitrites et nitrates) directement assimilable<br />
par les plantes "normales".<br />
Des droséras cultivés sur sol dépourvu d'azote minéral présentent des symptômes de<br />
carence azotée si elles ne peuvent capturer de proies animales. Si par contre on les<br />
alimente régulièrement avec des animalcules (qui renferment de l'azote organique),<br />
les symptômes de carence disparaissent et la plante se développe normalement.<br />
Toutes les plantes <strong>carnivores</strong> peuvent très bien, comme les autres plantes, se passer<br />
d'azote organique si on les cultive sur un sol riche en azote minéral<br />
(par exemple un sol enrichi en nitrates).<br />
Pour les étudiants en biologie :<br />
Les plantes <strong>carnivores</strong> se rencontrent donc dans des lieux ou la<br />
décomposition des végétaux morts en humus (humification) et des<br />
animaux morts en acides aminés et dérivés (putréfaction), normalement<br />
effectuées par des microbes, se déroule mal.<br />
Humus et acides aminés ne sont pas directement assimilables par les<br />
plantes "normales" mais sont "transformés"(… quand ils existent) en<br />
substances minérales assimilables (par les racines des plantes) grâce aux<br />
2 opérations successives d'ammonification et de nitrification.<br />
La transformation de l'humus et des acides aminés en ammoniaque NH4 +<br />
(ou ammonification) est normalement assurée par des bactéries ou des<br />
champignons.<br />
La nitrification (passage de l'ammoniaque aux nitrates) s'effectue en 2<br />
étapes : d'abord la transformation de l'ammoniaque en nitrites NO2 -<br />
(nitrosation normalement assurée par des bactéries) puis la transformation<br />
des nitrites en nitrates NO3 - (nitratation également normalement assurée<br />
par des bactéries).<br />
Ainsi, les plantes <strong>carnivores</strong> sont, comme tous les autres végétaux verts, autotrophes<br />
pour le carbone puisqu'elles possèdent des chlorophylles…<br />
MAIS … elles peuvent être :<br />
* autotrophes pour l'azote (= elles prélèvent de l'azote minéral) sur un sol riche en<br />
azote minéral. Elles se comportent alors comme les autres plantes vertes.<br />
* hétérotrophes pour l'azote (= elles prennent de l'azote organique) sur un sol<br />
pauvre en azote minéral. Elles se comportent alors en "plantes <strong>carnivores</strong>".<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 21
VI- Les champignons <strong>carnivores</strong> :<br />
On distingue environ 150 espèces de champignons <strong>carnivores</strong>.<br />
Tous les champignons (<strong>carnivores</strong> ou non) sont des végétaux dépourvus de<br />
chlorophylles. Ils ne peuvent de ce fait pas fixer puis assimiler le gaz carbonique (=<br />
le dioxyde de carbone) et sont donc hétérotrophes pour le carbone (c'est-à-dire<br />
qu'ils doivent absorber des matières carbonées organiques).<br />
En ce qui concerne l'azote, certains champignons sont autotrophes (ils peuvent<br />
assimiler les nitrates NO3 - ), d'autres sont semi-autotrophes (ils peuvent assimiler<br />
l'azote ammoniacal NH4 + mais pas NO3 - ) et d'autres hétérotrophes (il leur faut<br />
absolument des composés azotés organiques tels des acides aminés ou des<br />
protéines… les champignons <strong>carnivores</strong> appartiennent à cette dernière catégorie).<br />
VIA) Qui sont-ils et où les trouver ?<br />
Les champignons <strong>carnivores</strong> ne sont bien souvent<br />
pas classés avec précision car on ignore<br />
fréquemment les mécanismes précis de leur<br />
reproduction… élément clé quand il s'agit de les<br />
situer dans tel ou tel groupe.<br />
On peut les rencontrer dans l'eau douce<br />
(Arnaudovia et Blastocladiella) ou dans le sol où<br />
ils se présentent sous la forme de filaments.<br />
VI B) Que mangent-ils ?<br />
Les filaments mycéliens ramifiés des champignons<br />
<strong>carnivores</strong> peuvent très bien, comme ceux des<br />
autres champignons, absorber toutes sortes de<br />
matières organiques… mais ils se sont de plus<br />
spécialisés dans la capture de d' animalcules.<br />
* De minuscules vers (0,1 à 1 mm) appartenant à<br />
l'embranchement des nématodes (vers ronds non<br />
annelés et pourvus d'une cuticule épaisse) et à la<br />
classe des nématodes (némathelminthes possédant<br />
un tube digestif complet). On rencontre jusqu'à 7<br />
milliards de nématodes à l'hectare dans les 8<br />
premiers centimètres des sols meubles. Ils peuvent<br />
aussi vivre dans l'eau.<br />
* Des rotifères (organismes animaux généralement<br />
d'eaux douces, de moins d'un 1/2 mm et pourvus à<br />
la partie antérieure d'un organe cilié appelé<br />
appareil rotateur).<br />
* Des animaux unicellulaires (= protozoaires)<br />
comme les amibes.<br />
* Des algues unicellulaires d'eaux douces comme les euglènes (jusqu'à 50 capturées<br />
simultanément pour Polyphagus euglanae).<br />
* Des grains de pollen.<br />
VI C) Comment capturent-ils leurs proies ?<br />
Filaments mycéliens du<br />
champignon du sol Dactylella<br />
capturant une anguillule<br />
Michael Chinery "Les prédateurs et leurs<br />
proies, éditions Delachaux et Niestlé - 1983.<br />
Les champignons <strong>carnivores</strong> utilisent 2 types de pièges :<br />
des pièges adhésifs et des pièges strangulants.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 22
VI C1) Les pièges adhésifs ou pièges à glu (sécrétion d'un mucus collant).<br />
Il peut s'agir :<br />
* De toute ou partie de la surface du mycélium, rendue collante<br />
(c'est la cas de Stylopaga hadra et de Zoopaga phanera qui<br />
piègent ainsi des animaux unicellulaires du groupe des<br />
rhizopodes). Certaines espèces forment des anneaux gluants<br />
(ex : Arthrobothris oligospora).<br />
* De boules adhésives sessiles ou pédonculées (c'est le cas de<br />
divers Dactylellas).<br />
Dactylella ellipspora développe à la fois des anneaux adhésifs et des boutons adhésifs lui<br />
permettant de capturer des nématodes.<br />
VI C2) Les pièges strangulants :<br />
Ces pièges ne se développent que s'il existe des nématodes dans le milieu. Si les filaments sont<br />
lavés avec de l'eau ayant contenu<br />
des nématodes, cela suffit à<br />
déclencher la formation des nœuds<br />
coulants : le stimulus est donc<br />
probablement chimique. Des acides<br />
aminés ou même l'éthanol peuvent<br />
avoir le même effet.<br />
De tels pièges sont connus chez une<br />
trentaine d'espèces, les mieux<br />
étudiés étant Arthrobothrys dactyloïdes.<br />
Un piège strangulant est constitué<br />
par un filament de champignon<br />
comportant 3 cellules et formant un<br />
anneau de 25/1000 de mm.<br />
Lorsque le ver rampe dans la cavité<br />
centrale de l'anneau, après un temps<br />
de latence de quelques secondes, la<br />
turgescence cellulaire augmente<br />
brusquement (en moins d'une 1/2<br />
seconde) et le volume des 3 cellules<br />
triple.<br />
Le ver se retrouve alors enserré<br />
comme dans un garrot, sa fixation<br />
étant renforcée par l'émission d'un<br />
liquide adhésif par le champignon.<br />
Les rhizopodes sont des<br />
animaux unicellulaires se<br />
déplaçant à l'aide de<br />
pseudopodes (comme les<br />
amibes, les foraminifères<br />
ou les radiolaires).<br />
Extrait de "Les plantes <strong>carnivores</strong>" par Pierre Jolivet. Editions "Le Rocher".<br />
Le champignon Dactylaria bronchophaga<br />
1 : garrot ouvert (25/1000 de mm).<br />
2 : garrot ayant capturé un nématode.<br />
3. 48 heures après la capture : des filaments<br />
mycéliens émis par les cellules du garrot,<br />
envahissent le ver et le digèrent.<br />
D'après Comanod et de Fonbrune.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 23
A noter que la turgescence n'apparaît que lorsque c'est la face interne des cellules de<br />
l'anneau qui se trouve excitée.<br />
Le nématode meurt en quelques minutes.<br />
VI D) Digestion du ver :<br />
Le champignon émet des filaments qui perforent en une 1/2 heure la cuticule du ver,<br />
pénètrent à l'intérieur du corps et sucent le contenu.<br />
La digestion dure de 24 à 48 heures.<br />
VI E) Intérêt économique :<br />
Les nématodes sont souvent des parasites de végétaux qui peuvent causer de gros dégâts.<br />
Des chercheurs de l'Institut National de Recherches Agronomiques (I.N.R.A.) ont<br />
sélectionné 2 espèces de champignons <strong>carnivores</strong> :<br />
- L'une s'en prend à un nématode nommé Ditylenchus myceliophagus qui lui-même<br />
s'attaque au champi-gnon de couche.<br />
- L'autre capture un nématode nommé Méloïdogyne qui affecte les cultures florales et<br />
maraîchères.<br />
La production industrielle de ces 2 champignons a été mise au point sur un support à base<br />
de graines de seigle cuites. Les applications du procédé donnent pleine satisfaction aux<br />
utilisateurs.<br />
Conclusion :<br />
Il semble, ici encore, que la particularité "carnivore" rende possible la colonisation<br />
de milieux inhospitaliers en compensant le manque d'éléments nutritifs.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 24
Complément : qu'est ce qu'une tourbière ?<br />
Une tourbière est un marécage où se forme une sorte de charbon très friable : la<br />
tourbe qui résulte de la décomposition lente et très partielle de végétaux. On ne peut<br />
parler de tourbière que s'il existe au moins 40 cm de tourbe. Quand on sait que la<br />
vitesse de formation de la tourbe se situe entre 0,5 mm et 1 mm par an, on voit que<br />
les tourbières les plus récentes ont commencé à se former il y a plus de 500 ans.<br />
Certaines comportent plus de 10 mètres de tourbe et remontent à 11 000 ans.<br />
Une tourbière ne peut se former que si l'alimentation en eau est suffisante pour qu'il<br />
n'y ait pas de dessèchement en été. Le point de départ est dans tous les cas un étang<br />
qui, envahi par la végétation, va peu à peu se combler : c'est l'atterrissement.<br />
Le mode d'atterrissement permet de distinguer 2 types de tourbières :<br />
Les tourbières bombées ou acides : on y rencontre 2 espèces de plantes <strong>carnivores</strong> :<br />
le droséra à feuilles rondes et le droséra à feuilles intermédiaires.<br />
Les tourbières plates ou basiques : elles comportent également 2 espèces de plantes<br />
<strong>carnivores</strong> : la grassette et le droséra à feuilles longues qui possède la particularité<br />
d'avoir ses feuilles immergées.<br />
Comment se forme une "tourbière bombée"<br />
= "tourbière acide" ?<br />
Le point de départ est un étang sans écoulement, uniquement alimenté par de l'eau<br />
de pluie. Peu à peu, se développent à la surface de l'eau des mousses appelées<br />
sphaignes qui forment un tapis flottant que l'on nomme tremblant.<br />
Les sphaignes croissent sans cesse par leur partie supérieure verte et meurent par<br />
leur base. Dans ce milieu privé d'air, les bases mortes ne pourrissent pas mais se<br />
"carbonisent" formant une masse brunâtre appelée "tourbe" d'où le nom de<br />
tourbière.<br />
Peu à peu, le tapis s'épaissit et croît vers la périphérie, l'aboutissement final étant le<br />
comblement de l'étang.<br />
Entre les touffes de sphaignes, on peut trouver des plantes <strong>carnivores</strong> : les droseras<br />
à feuilles rondes. Les droseras capturent de petits animaux, compensant ainsi la<br />
pauvreté de ce milieu en azote minéral.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 25
Comment se forme une "tourbière plate"<br />
= "tourbière basique" ?<br />
Le point de départ est un étang alimenté par des ruisseaux ou par des sources qui<br />
apportent de grandes quantités de sels minéraux, en particulier du calcium.<br />
Sur les bords de l'étang s'installent des carex, des joncs, des roseaux… dont les<br />
rhizomes et les racines enchevêtrés forment des sortes de radeaux ou tremblants qui<br />
progressent vers le centre du plan d'eau. L'épaississement de ces radeaux entraîne<br />
leur enfoncement, tandis que de nouvelles plantes s'installent sur la partie<br />
supérieure. Les espaces restés libres et le fond de l'étang sont colonisés par des<br />
mousses du genre hypnum.<br />
Document extrait de : "Sciences naturelles" 1 ère D. Collection Pierre Vincent. Editions Vuibert.<br />
On aboutit finalement à une végétation croissant sur un sol imbibé d'eau, lui même<br />
supporté par un socle de matières végétales. Ces matières végétales ne sont pas<br />
décomposées mais "carbonisées" car elles sont isolées de l'air par l'eau. Elles se<br />
transforment en une tourbe noirâtre.<br />
La tourbière formée est dite plate parce que le sol reste au niveau initial de l'eau.<br />
Elle est dite basique car elle contient du calcium.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 26
Comparaison simplifiée d'une tourbière basique et<br />
d'une tourbière acide :<br />
Tourbière bombée = acide<br />
= ombrogène.<br />
L'étang est uniquement alimenté par de<br />
l'eau de pluie.<br />
L'eau de l'étang issue des précipitations est<br />
une eau sans calcium (eau décalcifiée) et très<br />
pauvre en azote minéral.<br />
Le comblement de l'étang s'effectue à la fois<br />
de la périphérie vers le centre et du centre<br />
vers la périphérie.<br />
Les mousses caractéristiques sont des<br />
sphaignes.<br />
Le comblement terminé, le sol apparaît<br />
bombé du fait de la croissance verticale des<br />
sphaignes.<br />
Tourbe de couleur blonde provenant des<br />
sphaignes.<br />
Tourbière plate = basique<br />
= topogène.<br />
L'étang est à la fois alimentée par de l'eau de<br />
pluie et par des ruisseaux.<br />
L'eau de l'étang - du fait de l'apport des<br />
cours d'eau - est très riche en sels de calcium<br />
et relativement chargée en azote (l'azote est<br />
en particulier présent sous forme de<br />
nitrates).<br />
Le comblement de l'étang débute par la<br />
périphérie et d'étend vers le centre.<br />
Les mousses caractéristiques sont des<br />
hypnes.<br />
Le comblement terminé, le sol apparaît plat<br />
et correspond au niveau initial de l'eau.<br />
Tourbe de couleur noire provenant des<br />
"végétaux supérieurs" = "plantes à fleurs".<br />
Attention, la tourbière alcaline peut se transformer en tourbière acide si l'apport en eau<br />
tellurique (eau issue des ruisseaux et des sources) diminue puis cesse.<br />
Jean-Pierre <strong>Geslin</strong>, professeur. 27