La Gaule indépendante et la Gaule romaine - Hautefort, notre ...
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domaines gallo-romains, elle était assurément fort variable. Un héritage composé<br />
de 50 arpents de pré, 100 arpents de vigne, 700 arpents de bois, 200 arpents de<br />
terres <strong>la</strong>bourables, au total 1.030 arpents, n’était, aux yeux d’Ausone, qu’une<br />
propriété fort modeste. On peut juger par là des autres. Les domaines de Sidoine<br />
Apollinaire présentaient un aspect varié. Il y en avait un qui se composait de<br />
terres en <strong>la</strong>bour, de prés, de vignobles. Un autre comprenait des vignobles<br />
encore, des oliviers, une p<strong>la</strong>ine, une colline ; un autre des bois <strong>et</strong> des pâturages<br />
pour de nombreux troupeaux. Tout ce<strong>la</strong> suppose d’assez vastes étendues. Nous<br />
sommes, il est vrai, dans l’Aquitaine, <strong>et</strong> il y a lieu de distinguer entre les pays<br />
colonisés, où le sol avait été dépecé en p<strong>et</strong>its lots, <strong>et</strong> ceux où s’était maintenu,<br />
en dehors de toute intervention étrangère, l’état de choses préexistant à <strong>la</strong><br />
domination <strong>romaine</strong>. <strong>La</strong> grande propriété était là toute formée. Elle n’eut qu’à<br />
s’étendre encore, d’un côté par le défrichement des terrains incultes ou saltus<br />
que <strong>la</strong> loi attribuait, par droit de conquête, à celui qui les avait mis en valeur, de<br />
l’autre par tous les moyens, légitimes ou non, dont disposaient le pouvoir <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />
richesse.<br />
[MALAISE ET DÉCADENCE DE LA PETITE PROPRIÉTÉ] <strong>La</strong> lutte entre le p<strong>et</strong>it<br />
propriétaire <strong>et</strong> le grand est toujours inégale. Elle l’était plus encore en ce tempslà.<br />
Un grand domaine n’était pas seulement un ensemble de terres de toute<br />
nature. C’était un p<strong>et</strong>it monde compl<strong>et</strong> fourni de tout, peuplé, non seulement de<br />
<strong>la</strong>boureurs, de vignerons, de bergers, mais aussi d’artisans, de charrons, de<br />
menuisiers, de maçons, de meuniers, de bou<strong>la</strong>ngers, de tisserands, <strong>et</strong>c. Les<br />
agglomérations <strong>indépendante</strong>s étant rares, il fal<strong>la</strong>it bien que le domaine se suffit<br />
à lui-même. Que pouvait le p<strong>et</strong>it propriétaire contre c<strong>et</strong>te accumu<strong>la</strong>tion de<br />
ressources ? Il avait plus de frais, moins de bénéfices <strong>et</strong>, le plus souvent, pour<br />
son outil<strong>la</strong>ge, il était à <strong>la</strong> merci de son redoutable voisin. Il courait aussi plus de<br />
risques avec moins de chances de réparer ses pertes. Dépourvu de capital il n’y<br />
suppléait point par le crédit. <strong>La</strong> circu<strong>la</strong>tion monétaire était faible <strong>et</strong> l’intérêt de<br />
l’argent très fort. Aucune institution de prévoyance ne facilitait le prêt. Qu’un<br />
accident survint, l’avenir était compromis. Que les catastrophes politiques<br />
vinssent à se succéder, empêchant <strong>la</strong> culture <strong>et</strong> engendrant <strong>la</strong> dis<strong>et</strong>te, <strong>la</strong> ruine<br />
était consommée. C’est ce qui arriva dans <strong>la</strong> deuxième moitié du m° siècle. Les<br />
vices du régime fiscal mirent le comble à ces maux. On a vu par quels abus<br />
l’impôt foncier r<strong>et</strong>ombait de tout son poids sur ceux qui étaient le moins capables<br />
de le supporter.<br />
[LES BAGAUDES] Le ma<strong>la</strong>ise se traduisit par des révoltes. En Afrique par <strong>la</strong> révolte<br />
des Donatistes qui eut un caractère social autant que religieux. En <strong>Gaule</strong> par<br />
celle des Bagaudes qui fut une vraie Jacquerie. Dès <strong>la</strong> fin du IIe siècle ce pays<br />
était en proie au brigandage. Il fallut pour le délivrer de ce fléau toute l’activité<br />
de Septime Sévère, alors légat de Commode, dans <strong>la</strong> Lyonnaise1. Les Bagaudes<br />
proprement dits ne se montrent que plus tard, environ cent ans après. Leur<br />
histoire malheureusement est peu connue. Le nom même qu’ils se donnèrent <strong>et</strong><br />
qu’ils empruntèrent au celtique, dont les c<strong>la</strong>sses rurales n’avaient pas encore<br />
désappris l’usage, est d’une interprétation douteuse2. Sous ce nom se groupait<br />
tout ce qu’il y avait en <strong>Gaule</strong> de gens sans aveu, tous ceux que le désespoir ou<br />
l’esprit d’aventure avait j<strong>et</strong>és en dehors des liens sociaux, débiteurs obérés,<br />
paysans dépossédés, esc<strong>la</strong>ves fugitifs. Une première fois, les Bagaudes nous sont<br />
1 Livre II, chap. I, § 1.<br />
2 Baga, lutte ? Holder, Alt-celtischer Sprachschatz. D’Arbois de Jubainville, Les premiers habitants de l’Europe,<br />
II, p. 349.