La Gaule indépendante et la Gaule romaine - Hautefort, notre ...
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siècle quelques familles se vantant, à tort ou à raison, de remonter au sacerdoce<br />
druidique. Ausone cite deux de ses maîtres qui comptaient des druides parmi<br />
leurs aïeux. L’un d’eux avait été prêtre de Bélénus, ce qui ne l’empêcha pas de<br />
professer les l<strong>et</strong>tres c<strong>la</strong>ssiques à l’université de Bordeaux.<br />
[ASSIMILATION DES DIEUX GAULOIS AUX DIEUX ROMAINS] Les dieux survécurent à<br />
leurs ministres. Ils survécurent en se transformant, comme tout se transformait<br />
autour d’eux, c’est-à-dire en devenant romains. Nous n’avons pas à revenir ici<br />
sur ce qui a été exposé à ce propos dans <strong>la</strong> première partie de c<strong>et</strong>te histoire1.<br />
Quelques observations suffiront.<br />
L’assimi<strong>la</strong>tion des dieux gaulois <strong>et</strong> des dieux romains, préparée <strong>et</strong> comme<br />
décrétée d’avance par les identifications de César, était conforme à <strong>la</strong> doctrine<br />
des anciens. Sous le chaos des mythologies, ils distinguaient très bien le fonds<br />
commun d’où elles étaient issues. Elle était de plus autorisée par un illustre<br />
exemple. Les dieux de Rome ne s’étaient-ils pas fondus déjà avec ceux de <strong>la</strong><br />
Grèce ? Le rapprochement n’était pas plus difficile avec ceux de <strong>la</strong> <strong>Gaule</strong>. Les<br />
dieux gaulois, de leur côté, ne crurent pas abdiquer ni déchoir, mais au contraire<br />
s’élever à une perfection plus haute, en se transformant à l’image des dieux,<br />
leurs vainqueurs. <strong>La</strong> <strong>Gaule</strong> s’associait ainsi au syncrétisme universel. Le même<br />
phénomène se répétait en eff<strong>et</strong> dans les autres provinces. Les croyances<br />
aspiraient à se confondre comme les patries, <strong>et</strong> l’unité religieuse devenait par<br />
tout l’Empire le complément de l’unité politique.<br />
[ASSIMILATION PAR LA PLASTIQUE] <strong>La</strong> transformation des dieux gaulois se fit par <strong>la</strong><br />
nomenc<strong>la</strong>ture <strong>et</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>stique. <strong>La</strong> p<strong>la</strong>stique en fut le principal agent. Quand les<br />
Gaulois voulurent donner un corps à leurs divinités nationales, ils s’adressèrent<br />
naturellement aux artistes de <strong>la</strong> Grèce <strong>et</strong> de Rome. Ils ne leur demandèrent pas<br />
d’inventer. Ils se contentèrent le plus souvent des motifs consacrés par l’art<br />
gréco-<strong>la</strong>tin. Le Mercure romain prêta ses traits à son équivalent celtique, <strong>et</strong> le<br />
Dispater indigène se <strong>la</strong>issa adorer sous les espèces du Sérapis égyptien.<br />
Quelquefois, mais rarement, ce fut un symbole gaulois qui modifia <strong>la</strong><br />
physionomie du dieu étranger. <strong>La</strong> roue devint un insigne de Jupiter<br />
métamorphosé en dieu du soleil. Ou bien ce fut un autre emblème qui, par une<br />
adaptation ingénieuse, changea de nature <strong>et</strong> de sens. Le marteau de Taranis<br />
s’allongea pour représenter le sceptre du maître de l’Olympe. Plus rarement<br />
encore, comme pour Cernunnos <strong>et</strong> quelques autres, on créa des formes<br />
originales. Il est curieux alors de voir ces figures énigmatiques, étranges,<br />
juxtaposées aux types de l’iconographie c<strong>la</strong>ssique. Sur un autel de Reims le dieu<br />
cornu est assis entre Mercure <strong>et</strong> Apollon. Un des autels exhumés à Paris, dans<br />
l’église Notre-Dame, nous montre sur deux de ses faces un bûcheron en train<br />
d’abattre un arbre <strong>et</strong> un taureau portant trois grues sur son dos. Le bûcheron<br />
s’appelle Esus, le taureau, Tarvos Trigaranus. Les noms, les attributs sont<br />
gaulois, <strong>et</strong> d’ailleurs mystérieux. Les deux autres faces du même monument<br />
représentent Jupiter <strong>et</strong> Vulcain.<br />
[ASSIMILATION PAR LA NOMENCLATURE] En ce qui concerne <strong>la</strong> nomenc<strong>la</strong>ture, les<br />
procédés ont également varié. Les noms gaulois <strong>la</strong>tinisés se rencontrent isolés<br />
dans un grand nombre d’inscriptions. Plus souvent, ils s’ajoutent au nom du dieu<br />
romain <strong>et</strong> font office d’épithète. Exemples : Mars Camulus, Apollo Borvo. Très<br />
souvent encore, c’est une épithète purement topographique qui évoque les<br />
souvenirs de <strong>la</strong> dévotion locale <strong>et</strong> <strong>la</strong>isse transparaître, derrière le dieu nouveau,<br />
1 Liv. II, chap. I, § 2.