La Gaule indépendante et la Gaule romaine - Hautefort, notre ...
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familles <strong>romaine</strong>s y envoyaient volontiers leurs fils. Elles y trouvaient le même<br />
enseignement qu’en pays grec, avec les avantages de <strong>la</strong> proximité <strong>et</strong> des mœurs<br />
réputées plus saines. Une des originalités de Marseille était sa tradition<br />
scientifique. On ne voit pas qu’elle ait fourni des astronomes <strong>et</strong> des géographes,<br />
comme du temps de Pythéas, mais ses médecins furent illustres <strong>et</strong> gagnèrent de<br />
grosses fortunes. Un d’entre eux, qui vivait sous Néron, se trouva assez riche<br />
pour faire relever à ses frais les murs abattus après le siège de 49 av. J.-C.<br />
[L’ÉCOLE D’AUTUN] Très différente de l’école de Marseille, plus intéressante peutêtre<br />
par l’œuvre qu’elle accomplit, nous apparaît l’école d’Autun, <strong>la</strong> véritable<br />
école gauloise, où se presse une jeunesse échappée d’hier à <strong>la</strong> discipline des<br />
druides. Elle était si nombreuse dès l’an 21 ap. J.-C., lors de <strong>la</strong> révolte de Florus<br />
<strong>et</strong> de Sacrovir, que ce dernier put espérer, en s’emparant de ces otages,<br />
s’assurer <strong>la</strong> complicité ou <strong>la</strong> neutralité de toute <strong>la</strong> noblesse des <strong>Gaule</strong>s. Ce n’est<br />
pas sans raison qu’on avait choisi, pour en faire le siège de ce grand<br />
établissement, <strong>la</strong> nouvelle capitale des Éduens. Il y avait là, outre <strong>la</strong> récompense<br />
due à un fidèle allié, une vue très juste des sentiments de <strong>la</strong> nation. Lyon était<br />
exclusivement romain. Les jeunes Gaulois s’y seraient sentis dépaysés. Ils<br />
étaient chez eux, au contraire, dans ce milieu foncièrement celtique <strong>et</strong> en même<br />
temps profondément dévoué à Rome. Nous n’entendons plus parler de l’école<br />
autunoise avant <strong>la</strong> deuxième partie du IIIe siècle. Elle était en pleine prospérité<br />
quand elle fut enveloppée dans le désastre qui frappa <strong>la</strong> ville à c<strong>et</strong>te époque1. Le<br />
bel édifice qui lui était affecté devint <strong>la</strong> proie des f<strong>la</strong>mmes dans l’incendie allumé<br />
par les soldats de T<strong>et</strong>ricus. Elle reprit quelque activité sous le gouvernement de<br />
<strong>la</strong> tétrarchie, <strong>et</strong> Constance Chlore lui donna de sa sollicitude un gage éc<strong>la</strong>tant en<br />
envoyant pour <strong>la</strong> diriger le rhéteur Eumène.<br />
[EUMÈNE] Eumène était un des grands personnages de <strong>la</strong> <strong>Gaule</strong> <strong>et</strong> le plus illustre<br />
parmi les enfants d’Autun. Ce n’était pas tout à fait un Gaulois de race. Il avait<br />
dans les veines du sang grec. Sa famille était originaire d’Athènes. Son grandpère<br />
avait quitté c<strong>et</strong>te ville pour aller enseigner <strong>la</strong> rhétorique à Rome. Puis il<br />
avait accepté une chaire dans les écoles Méniennes, attiré par <strong>la</strong> renommée de<br />
l’Université autunoise, <strong>et</strong> sans doute aussi par les avantages qu’elle assurait à<br />
ses maîtres. Il y enseignait encore à quatre-vingts ans. Le p<strong>et</strong>it-fils hérita des<br />
mêmes goûts <strong>et</strong> suivit d’abord <strong>la</strong> même carrière. Né à Autun, il y professa à son<br />
tour avec un vif succès. Ce fut ce succès même qui changea le cours de sa vie.<br />
Sur <strong>la</strong> réputation de ses talents, Constance Chlore l’attacha à sa personne <strong>et</strong> le<br />
nomma son maître de <strong>la</strong> mémoire (magister memoriae). On appe<strong>la</strong>it ainsi une<br />
sorte de secrétaire d’État chargé de rédiger les pièces émanant de <strong>la</strong> chancellerie<br />
impériale. Il n’y avait pas dans <strong>la</strong> hiérarchie administrative beaucoup de<br />
fonctions plus hautes. R<strong>et</strong>omber de là au métier de professeur, c’était déchoir.<br />
Mais l’Empereur ne voulut pas qu’on pût croire à une disgrâce. Non content de<br />
maintenir à Eumène ses appointements, il les doub<strong>la</strong>, bien qu’ils fussent déjà<br />
très élevés, <strong>et</strong> pour mieux marquer ses intentions, il lui écrivit <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre suivante,<br />
avec invitation d’en faire lecture publiquement en prenant possession de son<br />
poste :<br />
Nos Gaulois, dont les enfants sont instruits aux arts libéraux dans <strong>la</strong> ville<br />
d’Autun, <strong>et</strong> ces jeunes gens eux-mêmes qui si joyeusement nous ont servi<br />
d’escorte, méritent assurément qu’on s’occupe de cultiver leurs qualités<br />
naturelles. Or quoi de meilleur à leur offrir que ces biens de l’esprit, seule chose<br />
1 Liv. II, chap. 1, § 2, <strong>et</strong> liv. III, chap. I, § 4.