La Gaule indépendante et la Gaule romaine - Hautefort, notre ...
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Il est à peine nécessaire de s’arrêter sur le passage souvent cité de Sidoine<br />
Apollinaire où c<strong>et</strong> écrivain, dans une l<strong>et</strong>tre datée de 471 environ, félicite son ami<br />
Ecdicius d’avoir enseigné à <strong>la</strong> noblesse arverne le style oratoire <strong>et</strong> poétique, ce<br />
qui l’a conduite à dépouiller <strong>la</strong> rudesse du <strong>la</strong>ngage celtique1. Il est c<strong>la</strong>ir qu’il<br />
s’agit ici non d’une <strong>la</strong>ngue autre que le <strong>la</strong>tin, mais d’un <strong>la</strong>tin provincial, différent<br />
de celui qu’on par<strong>la</strong>it dans les cercles élégants de <strong>la</strong> capitale. Cinquante ans plus<br />
tôt, vers le commencement du Ve siècle, Sulpice Sévère introduit dans ses<br />
Dialogues un Gaulois de <strong>la</strong> <strong>Gaule</strong> centrale racontant les miracles de saint Martin à<br />
des Aquitains. L’Aquitaine était alors renommée pour sa haute culture littéraire.<br />
Comme il se confond en précautions oratoires, s’excusant de choquer, par son<br />
<strong>la</strong>tin grossier, ces oreilles délicates, un de ses interlocuteurs impatienté<br />
l’interrompt pour lui dire : Parle-nous celtique, ou si tu aimes mieux gaulois,<br />
mais parle-nous de Martin2. <strong>La</strong> différence qu’il fait entre le gaulois <strong>et</strong> le celtique,<br />
nous ne <strong>la</strong> voyons guère, <strong>et</strong> sans doute il n’y a là qu’une tautologie, peut-être un<br />
jeu de mots à l’adresse du personnage qui a nom Gallus (Gallus, gallice). Mais<br />
nous ne voyons pas mieux si le celtique ou le gaulois est autre chose ici qu’un<br />
<strong>la</strong>tin moins pur, comme plus haut pour Sidoine Apollinaire. Et enfin, à supposer<br />
qu’il s’agisse vraiment du celtique, c<strong>et</strong>te boutade ne prouve pas que l’un fût<br />
capable de l’entendre <strong>et</strong> l’autre de le parler.<br />
Il est certain que, jusqu’à <strong>la</strong> veille des invasions <strong>et</strong> même au lendemain, on<br />
employait encore des mots gaulois. Ausone, Fortunat, Grégoire de Tours3 en<br />
citent dont ils donnent le sens <strong>et</strong> qui étaient usités de leur temps. Marcellus de<br />
Bordeaux, dans sa Pharmacopée, traduit dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue indigène le nom de<br />
certaines p<strong>la</strong>ntes. Mais quelques mots survivant à une <strong>la</strong>ngue ne prouvent pas<br />
que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue elle-même ait survécu. Il faut signaler pourtant le nom de<br />
Bagaudes que s’attribuèrent les paysans révoltés à <strong>la</strong> fin du IIIe siècle4. Il est à<br />
présumer qu’ils ne l’auraient pas pris si le <strong>la</strong>tin avait été leur <strong>la</strong>ngue ordinaire.<br />
[PERSISTANCE DU CELTIQUE AU IIIe SIÈCLE] Nous arrivons à des faits plus<br />
significatifs. Irénée, évêque de Lyon depuis 178, nous apprend que, vivant au<br />
milieu des Celtes, il est plus occupé à étudier un dialecte barbare qu’à polir son<br />
grec5. Il serait étrange qu’il parlât en ces termes dédaigneux du <strong>la</strong>tin. <strong>La</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
qu’il qualifie de c<strong>et</strong>te façon doit être le celtique, dont <strong>la</strong> connaissance lui est<br />
nécessaire pour sa prédication.<br />
Le biographe d’Alexandre Sévère raconte qu’en 235 c<strong>et</strong> empereur, se trouvant<br />
en <strong>Gaule</strong> <strong>et</strong> préparant l’expédition où il devait être assassiné, rencontra une<br />
druidesse qui l’avertit, en celtique, de se méfier de ses soldats6. L’anecdote n’est<br />
pas authentique, mais ceux qui <strong>la</strong> m<strong>et</strong>taient en circu<strong>la</strong>tion ne pensaient pas<br />
qu’au milieu du IIIe siècle on eût cessé de parler le celtique.<br />
Nous avons, pour <strong>la</strong> même époque, un autre témoignage tout à fait probant.<br />
C’est un passage du jurisconsulte Ulpien établissant qu’un fidéicommis pouvait<br />
être rédigé, non pas seulement en <strong>la</strong>tin <strong>et</strong> en grec, mais dans n’importe quelle<br />
autre <strong>la</strong>ngue, <strong>et</strong> notamment en punique <strong>et</strong> en celtique7.<br />
1 Epist., III, 3.<br />
2 Celtice, vel si mavis, gallice loquere, dummodo Martinum loquaris. Dialogues, II, 1.<br />
3 Ordo nobilium urbium, XIV, 32. Carmina, I, 9. Historia Francorum, I, 30 ; IV, 31. Vitae patrum, XII, 9.<br />
4 Chap. III, § 2.<br />
5 Contra haereses, I, préface. Migne, Patrologie graecae, t. VII, p. 444.<br />
6 60.<br />
7 Digeste, XXXII, II.