La Gaule indépendante et la Gaule romaine - Hautefort, notre ...
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[LE MONUMENT DE TORIGNY] Les écrivains nous font connaître plusieurs procès<br />
intentés par les provinces à leurs gouverneurs. On n’en voit pas, dans le nombre,<br />
qui l’ait été par une province gauloise. Mais il existe, sur l’activité du conseil des<br />
trois <strong>Gaule</strong>s, un témoignage du plus haut prix. C’est un monument découvert en<br />
Normandie, dans le vil<strong>la</strong>ge de Vieux, sur l’emp<strong>la</strong>cement de l’ancien chef-lieu des<br />
Viducasses, <strong>et</strong> déposé actuellement au musée de Saint-Lô après un long séjour<br />
au château de Torigny, d’où le nom de marbre de Torigny sous lequel il est<br />
connu1. Ce bloc quadrangu<strong>la</strong>ire est le piédestal de <strong>la</strong> statue d’un certain T.<br />
Sennius Sollemnis, statue érigée en l’an 938 de <strong>notre</strong> ère, aux frais du conseil<br />
des trois Provinces, où Sollemnis avait représenté sa patrie <strong>et</strong> exercé les hautes<br />
fonctions de Sacerdos. L’inscription gravée sur <strong>la</strong> face <strong>la</strong>térale de gauche mérite<br />
d’être citée. Elle nous donne <strong>la</strong> copie d’une l<strong>et</strong>tre adressée par Aedinius Julianus,<br />
préf<strong>et</strong> du prétoire, ex-légat de <strong>la</strong> Lyonnaise, à Badius Comnianus, procurateur de<br />
c<strong>et</strong>te province <strong>et</strong>, pour le moment, gouverneur intérimaire.<br />
Lorsque j’avais les cinq faisceaux dans <strong>la</strong> province Lyonnaise, j’y ai distingué<br />
plusieurs hommes excellents, entre autres ce Sollemnis, originaire de <strong>la</strong> cité des<br />
Viducasses, qui fut revêtu de <strong>la</strong> prêtrise. Je l’aimais pour son caractère, pour sa<br />
gravité, pour son honnêt<strong>et</strong>é <strong>et</strong> pour une autre raison encore. Lorsque mon<br />
prédécesseur, C<strong>la</strong>udius Paulinus, fut attaqué dans le conseil des <strong>Gaule</strong>s par<br />
quelques membres qui croyaient avoir à se p<strong>la</strong>indre de lui, <strong>et</strong> qu’ils prétendirent<br />
lui faire intenter une accusation, comme en vertu du consentement de <strong>la</strong><br />
province, ce Sollemnis, dont je vous parle, combattit leur proposition. Il<br />
s’interposa, déc<strong>la</strong>rant que sa cité, en le nommant de <strong>la</strong> députation, ne lui avait<br />
conféré aucun mandat de c<strong>et</strong>te nature, qu’au contraire elle n’avait eu pour le<br />
gouverneur que des paroles f<strong>la</strong>tteuses. Il résulta de là que tous abandonnèrent<br />
l’accusation. Et c’est pourquoi mon estime <strong>et</strong> mon amitié pour Sollemnis<br />
redoublèrent. Aussi, ne doutant pas de l’accueil que je lui réservais, est-il venu à<br />
Rome pour me voir. En partant il m’a demandé de vous le recommander <strong>et</strong> vous<br />
ne sauriez mieux faire que de vous montrer favorable à ce qu’il désire.<br />
C’est encore une l<strong>et</strong>tre qui est reproduite sur <strong>la</strong> face <strong>la</strong>térale de droite, une l<strong>et</strong>tre<br />
de C<strong>la</strong>udius Paulinus, alors légat de <strong>la</strong> Br<strong>et</strong>agne inférieure, à son ancien<br />
défenseur, <strong>et</strong> qui nous montre qu’il n’avait pas oublié sa d<strong>et</strong>te de<br />
reconnaissance. Une troisième inscription, gravée sur <strong>la</strong> face principale, au nom<br />
du conseil des trois <strong>Gaule</strong>s, nous r<strong>et</strong>race <strong>la</strong> carrière du personnage. Elle nous<br />
apprend qu’après avoir parcouru <strong>la</strong> série des honneurs municipaux, il était entré<br />
dans les fonctions administratives où les puissants patronages qu’il s’était acquis<br />
n’avaient pas dû lui être d’un secours médiocre.<br />
[SI LES ASSEMBLÉES PROVINCIALES ÉTAIENT DES CORPS POLITIQUES] On a parlé, à<br />
propos des assemblées provinciales, de régime représentatif. C’est risquer de<br />
s’en faire une idée très inexacte. Ce régime, dans <strong>notre</strong> <strong>la</strong>ngue, suppose <strong>la</strong><br />
participation des gouvernés au gouvernement. Rien de semb<strong>la</strong>ble n’existait pour<br />
ces assemblées. Elles n’intervenaient dans les affaires publiques que par un<br />
pétitionnement dont le résultat était toujours aléatoire. Leur droit d’accusation<br />
était subordonné à l’autorisation de l’Empereur, c’est-à-dire à <strong>la</strong> bonne volonté<br />
des bureaux. Il n’y avait là aucune des garanties réc<strong>la</strong>mées par les sociétés<br />
modernes.<br />
Les assemblées provinciales n’étaient pas des corps politiques au vrai sens du<br />
mot, <strong>et</strong> il ne semble pas qu’on les ait considérées comme telles. Au point de vue<br />
1 Corpus inscript. <strong>la</strong>tin., XIII, 3162.