Novembre - Nervure Journal de Psychiatrie
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www.nervure-psy.com<br />
■ EDITORIAL G. Dubret<br />
Les pédophiles :<br />
qu’en penser,<br />
qu’en dire,<br />
qu’en faire ?<br />
Comme pour chaque fait<br />
divers mettant en scène un<br />
agresseur sexuel et <strong>de</strong>s victimes<br />
auxquelles tout un chacun peut<br />
s’i<strong>de</strong>ntifier, l’embrasement médiatique<br />
<strong>de</strong> la fin <strong>de</strong> l’été a été immédiat. La récidive,<br />
quelques jours après sa sortie <strong>de</strong> prison, d’un<br />
homme plusieurs fois condamné dans le passé<br />
pour <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> pédophilie, constitue en<br />
effet, un douloureux problème <strong>de</strong> société<br />
pour lequel les réponses ne seront jamais univoques,<br />
mais <strong>de</strong>vront articuler, sous l’égi<strong>de</strong><br />
d’une volonté politique rigoureuse, <strong>de</strong>s<br />
mesures pénales et <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> soins pour<br />
lesquelles les psychiatres sont concernés.<br />
Malheureusement, l’embrasement médiatique<br />
n’est pas propice aux analyses approfondies ni<br />
aux opinions pertinentes. Chaque acteur est<br />
amené à jouer son rôle <strong>de</strong> façon caricaturale :<br />
les journalistes affolés traquent tout psychiatre<br />
susceptible <strong>de</strong> dire quoi que ce soit qui puisse<br />
faire <strong>de</strong> l’audience. Les quelques psychiatres<br />
concernés, ravis <strong>de</strong> disposer d’une « fenêtre <strong>de</strong><br />
tir », tentent <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>s analyses complexes<br />
qui résistent mal au formatage réducteur<br />
du 20 heures, tandis que le politique,<br />
délaissant son rôle d’arbitre et <strong>de</strong> maître<br />
d’œuvre <strong>de</strong> la santé publique, s’efforce <strong>de</strong><br />
surfer sur l’émotion générale.<br />
Dans cette cacophonie, personne ne comprend<br />
rien et, peu à peu, <strong>de</strong>ux idées s’imposent<br />
: celles <strong>de</strong> la dangerosité universelle <strong>de</strong><br />
tous les pédophiles et celles <strong>de</strong> l’impérieuse<br />
nécessité <strong>de</strong> mesures radicales.<br />
Ce qui peut se résumer dans cette brève <strong>de</strong><br />
comptoir maintes et maintes fois répétée<br />
« tous les pédophiles sont <strong>de</strong>s assassins d’enfants<br />
en puissance et la seule solution c’est <strong>de</strong><br />
leur couper les c... ».<br />
(suite page 3 )<br />
Les mé<strong>de</strong>cins ont toujours été confrontés au problème<br />
posé par l’acceptation du traitement prescrit<br />
et à sa prise régulière, Hippocrate déjà dénonçait<br />
la faiblesse <strong>de</strong>s patients qui, bien trop souvent<br />
mentent quand ils sont interrogés sur le respect <strong>de</strong>s<br />
recommandations <strong>de</strong> leur mé<strong>de</strong>cin.<br />
En psychiatrie, cette problématique s’est accentuée<br />
<strong>de</strong>puis les années 50 avec l’apparition <strong>de</strong> nouvelles<br />
thérapeutiques tel le Largactil ® en 1952 ou le Tofranil<br />
® en 1955 permettant une guérison, sinon une<br />
nette amélioration <strong>de</strong>s symptômes et une diminution<br />
significative <strong>de</strong>s rechutes. Ces nouvelles thérapeutiques<br />
ont révolutionné la prise en charge <strong>de</strong>s<br />
patients présentant <strong>de</strong>s troubles mentaux en particulier<br />
<strong>de</strong>s psychotiques chroniques. Aujourd’hui cette<br />
problématique est omniprésente tant dans l’esprit<br />
<strong>de</strong>s praticiens que dans les congrès scientifiques internationaux,<br />
en témoigne la <strong>de</strong>rnière version du Diagnostic<br />
and Statistical Manual of mental Disor<strong>de</strong>rs<br />
(DSM IV) qui dans une catégorie additionnelle énumérant<br />
les facteurs cliniques <strong>de</strong>vant retenir l’attention<br />
cite « la non-observance du traitement » Z91.1 (1).<br />
De l’expérience <strong>de</strong>s psychiatres confrontés aux refus<br />
<strong>de</strong> soins, aux échappements thérapeutiques, et aux<br />
mésusages <strong>de</strong>s traitements est née une réflexion sur<br />
les raisons <strong>de</strong> ces difficultés et les moyens d’infléchir<br />
l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s patients vis-à-vis <strong>de</strong>s soins.<br />
Les Unités d’Hospitalisation <strong>de</strong> Courte Durée<br />
(UHCD) sont définies administrativement en<br />
France comme faisant partie <strong>de</strong>s Services d’Urgence<br />
<strong>de</strong>puis 1991 (1).<br />
Elles permettent aux patients accueillis dans les<br />
Services d’Urgence <strong>de</strong> bénéficier d’une structure<br />
d’hospitalisation complète, afin <strong>de</strong> permettre un<br />
retour à domicile ou une orientation spécifique<br />
dans <strong>de</strong> meilleures conditions <strong>de</strong> sécurité et d’efficacité.<br />
Les UHCD sont donc <strong>de</strong>s unités d’hospitalisation à<br />
part entière disposant 24 heures sur 24, 7 jours<br />
sur 7, d’une présence médicale autorisant <strong>de</strong>s exa-<br />
Napoléon n’était pas fou<br />
En 2004 et 2005, Napoléon fut mis sur le <strong>de</strong>vant<br />
<strong>de</strong> la scène à maintes reprises. En 2004 notamment<br />
pour le bicentenaire du Sacre (2 décembre<br />
1804), et en 2005 pour la célèbre victoire d’Austerlitz,<br />
qui fit couler beaucoup <strong>de</strong> sang en 1805, et<br />
beaucoup d’encre <strong>de</strong>ux siècles plus tard. Que peuton<br />
encore écrire sur Napoléon Bonaparte ? Un <strong>de</strong>s<br />
grands spécialistes français <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> qui nous<br />
intéresse ici souligne qu’« avec <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> milliers<br />
d’ouvrages qui lui sont consacrés, Napoléon est,<br />
avec Jésus-Christ, le personnage historique qui a le plus<br />
suscité l’intérêt <strong>de</strong>s historiens et <strong>de</strong>s écrivains » (29).<br />
Déjà, en 1931, J. Bainville ouvrait son célèbre Napoléon<br />
<strong>de</strong> la façon suivante : « Sur Napoléon, sur ce qui<br />
le touche <strong>de</strong> près ou <strong>de</strong> loin, sur les événements auxquels<br />
son nom est mêlé, on a écrit tant <strong>de</strong> livres, tant d’essais,<br />
d’étu<strong>de</strong>s, sans compter les mémoires, que le zélé bibliographe<br />
Kircheisen avait réuni près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cent mille<br />
fiches. Et ce n’est pas fini » (1) (I). L’Homme Napoléon<br />
a fasciné <strong>de</strong> son vivant, sa légen<strong>de</strong> s’est construite –<br />
De l’observance<br />
lui-même n’y était pas pour rien, c’est peu <strong>de</strong> le dire<br />
– dès ses premiers éclats militaires en Italie, et il fascine<br />
toujours autant <strong>de</strong>ux siècles après son Sacre.<br />
Difficile, impossible peut-être, <strong>de</strong> rester indifférent<br />
au parcours vertigineux <strong>de</strong> Napoléon Bonaparte. En<br />
quelques pages, nous ne pouvons, bien entendu,<br />
retracer la vie <strong>de</strong> Napoléon, et cela n’aurait ici que peu<br />
d’intérêt. Il faut pour cela se référer aux nombreuses<br />
biographies, mais aux plus sérieuses (nous en donnons<br />
quelques unes en références à la fin <strong>de</strong> cet article).<br />
Nous tenterons d’apporter notre pierre à l’édifice,<br />
gigantesque, en proposant <strong>de</strong> dresser un tableau<br />
peut-être inédit <strong>de</strong> l’Empereur, un tableau qui ira<br />
chercher au plus intime, qui visera à mettre en lumière<br />
les aspects qui nous semblent essentiels pour dévoiler<br />
une part <strong>de</strong> vérité sur l’homme Napoléon. Les<br />
travaux <strong>de</strong>s meilleurs spécialistes nous ai<strong>de</strong>ront à<br />
mieux cerner le personnage. Les mots mêmes <strong>de</strong><br />
De cette réflexion est né un vocabulaire technique.<br />
C’est ainsi qu’on a pu observer dans la littérature les<br />
termes d’observance, <strong>de</strong> compliance ou d’adhésion.<br />
Ces termes, usités par tous, sont souvent employés<br />
avec peu <strong>de</strong> spécificité. C’est pourquoi nous nous<br />
intéresserons plus précisément aux définitions <strong>de</strong> ces<br />
termes, à l’évolution <strong>de</strong>s stratégies d’amélioration <strong>de</strong><br />
l’observance et aux rôles et aux dérives potentielles <strong>de</strong><br />
l’évolution actuelle.<br />
L’observance premier concept développé se définit<br />
selon le petit Robert comme l’action d’observer habituellement,<br />
<strong>de</strong> pratiquer une règle en matière religieuse.<br />
Médicalement, l’observance est le fait <strong>de</strong> se<br />
soumettre à une règle, en l’occurrence la règle dictée<br />
par le mé<strong>de</strong>cin par l’intermédiaire <strong>de</strong> sa prescription.<br />
Il semble que ce terme correspon<strong>de</strong> à une obéissance<br />
passive, le patient ne participant aucunement à la<br />
décision thérapeutique.<br />
Un autre terme employé dans un sens similaire est la<br />
compliance, ce mot emprunté à la physique définit les<br />
caractéristiques <strong>de</strong>s corps élastiques. La compliance a<br />
pour éthymologie le verbe complaire, ce qui introduit<br />
une nuance supplémentaire à la simple obéissance, le<br />
désir du patient <strong>de</strong> plaire à son mé<strong>de</strong>cin.<br />
Evaluation <strong>de</strong> la prescription <strong>de</strong>s<br />
psychotropes dans une unité<br />
d’hospitalisation <strong>de</strong> courte durée<br />
■ PSYCHO BIOGRAPHIE N. Brémaud<br />
(suite page 7 )<br />
■ URGENCE<br />
(suite page 3 )<br />
mens cliniques répétés, <strong>de</strong>s prises <strong>de</strong> décisions diagnostiques,<br />
thérapeutiques ou d’orientation.<br />
Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’activité psychiatrique, toutes<br />
ces unités reçoivent un nombre important et croissant<br />
<strong>de</strong> patients, que ce soit pour <strong>de</strong>s tentatives <strong>de</strong><br />
suici<strong>de</strong> ou pour <strong>de</strong>s symptomatologies spécifiquement<br />
psychiatriques.<br />
L’UHCD <strong>de</strong>s Hôpitaux du Léman<br />
L’Unité d’Hospitalisation <strong>de</strong> Courte Durée (UHCD)<br />
<strong>de</strong>s Hôpitaux du Léman a été créée en juin 2005.<br />
(suite page 6 )<br />
NOVEMBRE 2007 1<br />
ISSN 0988-4068<br />
n° 8 - Tome XX - 11/2007<br />
Tirage : 10 000 exemplaires<br />
Directeur <strong>de</strong> la Publication et <strong>de</strong> la<br />
Rédaction : G. Massé<br />
Rédacteur en chef : F. Caroli<br />
Rédaction : Hôpital Sainte-Anne,<br />
1 rue Cabanis - 75014 Paris<br />
Tél. 01 45 65 83 09 - Fax 01 45 65 87 40<br />
Abonnements :<br />
54 bd La Tour Maubourg - 75007 Paris<br />
Tél. 01 45 50 23 08 - Fax 01 45 55 60 80<br />
Prix au numéro : 9,15 €<br />
E-mail : info@nervure-psy.com<br />
AU SOMMAIRE<br />
ÉDITORIAL<br />
Les pédophiles :<br />
qu’en penser, qu’en dire,<br />
qu’en faire ? p.1<br />
FMC<br />
De l’observance p.3<br />
URGENCE<br />
Evaluation <strong>de</strong> la prescription<br />
<strong>de</strong>s psychotropes dans une<br />
unité d’hospitalisation <strong>de</strong><br />
courte durée p.6<br />
PSYCHO BIOGRAPHIE<br />
Napoléon n’était pas fou p.7<br />
RÉFLEXION<br />
La dé-pression p.13<br />
HUMEUR<br />
Assujettir ou asservir ? p.14<br />
THÉRAPEUTIQUE<br />
S’ABONNER<br />
à<br />
■ FMC A. Merlot<br />
L. Sache<br />
Insertion sociale et<br />
autonomie chez le patient<br />
psychotique : résultats<br />
<strong>de</strong>s enquêtes ACT et ISA p.15<br />
ANNONCES EN BREF p.20<br />
ANNONCES<br />
PROFESSIONNELLES p.23<br />
mais aussi<br />
à la Revue,<br />
c’est si simple
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
Communément ces termes, très usités,<br />
renvoient à l’évaluation, par un<br />
observateur, <strong>de</strong> la concordance entre le<br />
comportement d’un individu concernant<br />
la prise du traitement, l’hygiène<br />
<strong>de</strong> vie par exemple et les recommandations<br />
du mé<strong>de</strong>cin.<br />
Un patient observant ou compliant est<br />
un patient qui participe passivement à<br />
son traitement en se conformant à la<br />
parole médicale parfois au détriment <strong>de</strong><br />
ses propres convictions.<br />
La non-observance peut être <strong>de</strong> plusieurs<br />
types : absence <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> médicamenteuse,<br />
prises injustifiées, erreur<br />
<strong>de</strong> posologie, prise <strong>de</strong> traitement non<br />
prescrit, erreur dans les horaires <strong>de</strong><br />
prise. Cette non-observance peut être<br />
intentionnelle ou non. Sur un plan<br />
purement quantitatif, il paraît difficile <strong>de</strong><br />
définir un patient observant ou nonobservant<br />
; les étu<strong>de</strong>s sont en désaccord,<br />
certaines proposent <strong>de</strong> définir un<br />
pourcentage, dose prise/dose théorique<br />
à prendre, spécifique d’une molécule,<br />
permettant l’évaluation <strong>de</strong> l’observance<br />
(Barbeau G. et al.).<br />
Plus récemment, le terme d’adhésion a<br />
pris une importance croissante dans le<br />
discours médical et en particulier psychiatrique.<br />
Ce terme met l’accent sur le<br />
rôle actif que prend le patient dans le<br />
choix <strong>de</strong> son traitement. Ce nouveau<br />
visage du patient suppose une interaction<br />
très forte entre celui-ci et les soignants<br />
afin <strong>de</strong> pouvoir intégrer une<br />
connaissance scientifique suffisante pour<br />
pouvoir prendre part à la décision thérapeutique,<br />
faisant <strong>de</strong> l’ordonnance le<br />
témoin d’une négociation. Le rapport<br />
<strong>de</strong> force <strong>de</strong>vrait donc cé<strong>de</strong>r place à<br />
une collaboration puisque l’adhésion<br />
suppose que le patient se conforme à<br />
la prescription médicale après avoir<br />
donné son accord seulement.<br />
Actuellement ce problème est omniprésent<br />
en mé<strong>de</strong>cine, tant en mé<strong>de</strong>cine<br />
somatique qu’en psychiatrie, en aigu<br />
et en chronique.<br />
Par exemple selon une récente étu<strong>de</strong><br />
réalisée par le laboratoire Pfizer (COM-<br />
PLy, J-C Péchère et al.), sur 4500 personnes<br />
(11 pays différents) 22% <strong>de</strong>s<br />
personnes interrogées affirment ne pas<br />
avoir observé à la lettre leur <strong>de</strong>rnier<br />
traitement antibiotique, la moitié a<br />
conservé le reste <strong>de</strong> leur traitement<br />
afin <strong>de</strong> le réutiliser ultérieurement. Pour<br />
les hypertendus, on retrouve <strong>de</strong>s taux<br />
<strong>de</strong> non-observance tournant autour <strong>de</strong><br />
60%.<br />
En psychiatrie, on observe selon les<br />
étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> 16 à 80% <strong>de</strong> non-observance.<br />
Chez les patients schizophrènes<br />
on retrouve environ 50% <strong>de</strong> nonobservants<br />
à un an <strong>de</strong> la sortie d’hospitalisation<br />
et 75% à 2ans (2). Parmi ces<br />
Les pédophiles : qu’en penser,<br />
qu’en dire, qu’en faire ?<br />
Et puis le soufflet retombe et le sujet<br />
n’intéresse plus grand mon<strong>de</strong>. C’est<br />
pourtant loin du tumulte qu’il faut<br />
penser ces questions douloureuses.<br />
Que sait-on aujourd’hui <strong>de</strong> la pédophilie,<br />
en particulier sur le plan psychopathologique<br />
?<br />
De façon provocatrice, on pourrait<br />
dire qu’on ne sait pas grand-chose, si<br />
ce n’est ce que les pédophiles veulent<br />
bien nous en dire.<br />
Ainsi, les connaissances sur le sujet<br />
restent toujours fragmentaires et empiriques.<br />
Mais, en cela, elles ne diffèrent<br />
en rien <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>s connaissances<br />
médicales en général. C’est<br />
seulement lorsque les mé<strong>de</strong>cins rencontrent<br />
<strong>de</strong>s patients et les troubles<br />
dont ils sont porteurs, qu’ils peuvent<br />
commencer à formuler <strong>de</strong>s hypothèses<br />
éthiopathogéniques, proposer<br />
<strong>de</strong>s schémas thérapeutiques et constituer<br />
un corpus théorique. Sans cette<br />
rencontre, aucune observation clinique<br />
n’est possible et toute élaboration<br />
théorique reste hasar<strong>de</strong>use.<br />
Or, les pédophiles ne consultent pas<br />
spontanément. Leurs rencontres avec<br />
les psychiatres ou les psychologues<br />
s’inscrivent, nécessairement, dans un<br />
contexte judiciaire. C’est la justice<br />
pénale qui va susciter, organiser et<br />
parfois imposer cette rencontre. C’est<br />
ainsi qu’une gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong>s connaissances<br />
acquises sur ce sujet découle<br />
<strong>de</strong> l’application <strong>de</strong> la loi du 18 juin<br />
1998 qui permet d’articuler <strong>de</strong>s<br />
mesures <strong>de</strong> soins et <strong>de</strong>s mesures<br />
pénales.<br />
Le tout judiciaire<br />
Qu’a-t-on appris ? Les premiers enseignements<br />
ont permis <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s<br />
distances vis-à-vis <strong>de</strong>s conceptions historiques<br />
et, en particulier, vis-à-vis du<br />
concept <strong>de</strong> pervers sexuel hérité <strong>de</strong><br />
Dupré et <strong>de</strong> Kraft-Ebing. Même si les<br />
élaborations théoriques freudiennes<br />
sur les perversions sexuelles ont été<br />
éclairantes, le terme <strong>de</strong> pervers sexuel<br />
induit la confusion entre les notions <strong>de</strong><br />
perversions et <strong>de</strong> perversité. Surtout,<br />
il sous-entend qu’il existe une intrication<br />
obligatoire entre l’orientation<br />
sexuelle d’un sujet et la structure <strong>de</strong> sa<br />
personnalité. Dès lors, toute personne<br />
dont l’orientation sexuelle s’écarterait<br />
d’une stricte hétéro-sexualité <strong>de</strong>vrait<br />
De l’observance<br />
présenter une personnalité structurée<br />
sur un mo<strong>de</strong> pervers.<br />
Il en découle une philosophie démissionnaire<br />
chez certains psychiatres<br />
persuadés que seule la justice pénale<br />
serait concernée par cette question<br />
et qui répètent ici ou là : « Tous les<br />
délinquants sexuels sont <strong>de</strong>s pervers. Il<br />
n’y a pas <strong>de</strong> traitement pour les pervers.<br />
C’est à la justice pénale <strong>de</strong> s’en<br />
débrouiller... ».<br />
Mais les élaborations théoriques ne<br />
peuvent précé<strong>de</strong>r l’observation clinique<br />
et l’observation clinique nous<br />
amène à distinguer clairement les<br />
troubles <strong>de</strong> l’orientation sexuelle et<br />
les troubles <strong>de</strong> la personnalité.<br />
Les troubles <strong>de</strong> l’orientation<br />
sexuelle<br />
L’orientation sexuelle <strong>de</strong> chaque sujet<br />
résulte <strong>de</strong> l’aboutissement, <strong>de</strong> l’achèvement<br />
<strong>de</strong>s conflits structurants et <strong>de</strong>s<br />
processus <strong>de</strong> maturation qui permettent<br />
à chacun d’accé<strong>de</strong>r à une sexualité<br />
adulte. Cette maturation ne va<br />
pas sans avatar, comme l’indique<br />
Freud <strong>de</strong> la façon la plus explicite :<br />
« L’intérêt sexuel exclusif <strong>de</strong> l’homme<br />
pour la femme n’est pas une chose qui<br />
va <strong>de</strong> soi (...) mais bien un problème<br />
qui mérite d’être éclairci ». Dans les<br />
« Trois Essais sur la théorie <strong>de</strong> la sexualité<br />
», il développe l’idée qu’au cours<br />
<strong>de</strong> ses premières années l’enfant tire<br />
<strong>de</strong>s différentes parties <strong>de</strong> son corps<br />
<strong>de</strong>s plaisirs qu’il organise dans une<br />
activité auto-érotique. Cette diversité<br />
<strong>de</strong>s zones érogènes qui se développe<br />
avant l’avènement <strong>de</strong>s fonctions<br />
génitales proprement dites, correspond<br />
à « la disposition perverse polymorphe<br />
».<br />
C’est le conflit œdipien et la menace<br />
<strong>de</strong> castration qui instituent le parent<br />
<strong>de</strong> l’autre sexe comme objet <strong>de</strong> désir,<br />
et le parent du même sexe comme<br />
objet d’i<strong>de</strong>ntification.<br />
L’accès à une sexualité adulte, après la<br />
phase <strong>de</strong> latence et les investissements<br />
intellectuels qui permettent la sublimation,<br />
nécessite une résolution harmonieuse<br />
<strong>de</strong> ces conflits fondamentaux,<br />
faute <strong>de</strong> quoi les perversions<br />
sexuelles <strong>de</strong> l’adulte viennent signer la<br />
persistance ou la réapparition d’une<br />
composante partielle <strong>de</strong> la sexualité. Il<br />
ne s’agit donc pas d’une déviation par<br />
patients, 71% n’observent que partiellement<br />
la prescription, , 33% ne respectent<br />
pas la durée du traitement et<br />
16% n’achètent pas les médicaments<br />
(Zagury 98) (3). Pour les traitements<br />
antidépresseurs, on retrouve 30 à 70%<br />
<strong>de</strong> non-observance, 20 à 40% dans le<br />
cas <strong>de</strong> la lithiothérapie (4). Il existe toutefois<br />
une très gran<strong>de</strong> disparité <strong>de</strong>s<br />
résultats selon les étu<strong>de</strong>s en partie expliquée<br />
par la gran<strong>de</strong> difficulté <strong>de</strong> l’évaluation<br />
<strong>de</strong> l’observance liée à <strong>de</strong><br />
gran<strong>de</strong>s disparités méthodologiques<br />
(questionnaires, dosages <strong>de</strong>s concentrations<br />
sanguines <strong>de</strong>s médicaments) (5),<br />
ce problème étant également présent<br />
dans la pratique clinique.<br />
La question <strong>de</strong> l’observance thérapeutique<br />
est incontournable pour les praticiens<br />
et en particulier pour ceux travaillant<br />
avec les pathologies chroniques.<br />
En effet, les étu<strong>de</strong>s s’accor<strong>de</strong>nt sur le<br />
fait que l’observance décroît avec la<br />
durée <strong>de</strong> l’affection (Reynaud et Malarewicz,<br />
1996) (2). Ce problème est majoré<br />
chez les patients souffrant <strong>de</strong> pathologies<br />
difficiles à percevoir par le mala<strong>de</strong><br />
lui-même. C’est le cas <strong>de</strong>s pathologies<br />
somatiques telles que l’hypertension<br />
artérielle ou le diabète qui, en <strong>de</strong>hors<br />
<strong>de</strong>s décompensations aiguës, ne pré-<br />
rapport à un instinct primitivement<br />
normal, mais <strong>de</strong> la persistance ou la<br />
réapparition d’une pratique du plaisir<br />
acquise dans les premiers sta<strong>de</strong>s<br />
du développement.<br />
Si l’orientation hétérosexuelle représente,<br />
à la fois, la norme dans le<br />
consensus social et l’orientation majoritaire<br />
sur le plan statistique, d’autres<br />
choix d’objet sexuel sont connus<br />
<strong>de</strong>puis toujours. Parmi eux, dans la<br />
secon<strong>de</strong> moitié du XX e siècle, l’orientation<br />
homosexuelle s’est clairement<br />
dégagée <strong>de</strong> toute notion <strong>de</strong> pathologie.L’orientation<br />
pédophilique, quant<br />
à elle, n’a pas <strong>de</strong> statut clair au regard<br />
<strong>de</strong> la pathologie. Pas plus que l’homosexualité,<br />
elle ne peut être assimilée<br />
à une maladie mentale. On mesure<br />
rapi<strong>de</strong>ment combien cette assimilation<br />
serait confusionnante.<br />
Comme l’orientation homosexuelle<br />
ou hétérosexuelle, l’orientation pédophilique<br />
peut ou non être exclusive.<br />
Chez les sujets non exclusifs, malgré<br />
une orientation prépondérante,<br />
d’autres émotions érotiques, voire<br />
d’autres expériences sont possibles,<br />
<strong>de</strong> façon plus ou moins durable.<br />
Sur le plan pénal, c’est la mise en acte<br />
<strong>de</strong> la pédophilie qui est condamnée,<br />
au regard du retentissement catastrophique<br />
subi par les enfants victimes.<br />
L’orientation pédophilique elle-même,<br />
si elle ne donne lieu à aucun passage<br />
à l’acte, n’entre pas dans le champ<br />
pénal. Elle reste une contrainte psychopathologique<br />
qui s’impose au sujet.<br />
Comme tout sujet, le sujet pédophile<br />
doit adapter ses comportements : passage<br />
à l’acte ou acceptation <strong>de</strong> la frustration.<br />
Cette frustration sera moins<br />
difficile lorsque la pédophilie n’est pas<br />
exclusive, mais la tolérance ou l’intolérance<br />
à la frustration introduit un<br />
<strong>de</strong>uxième éclairage, celui <strong>de</strong>s troubles<br />
<strong>de</strong> la personnalité.<br />
Les troubles <strong>de</strong> la<br />
personnalité<br />
Comme pour les sujets homosexuels<br />
ou hétérosexuels, la personnalité <strong>de</strong>s<br />
sujets pédophiles peut être structurée<br />
sur un mo<strong>de</strong> névrotique ou pervers<br />
(voire sur un mo<strong>de</strong> psychotique). Pour<br />
bon nombre <strong>de</strong> sujets, la structure <strong>de</strong><br />
personnalité, mal affirmée, laisse la<br />
place à une immaturité affective plus<br />
ou moins accompagnée d’aménagements<br />
pervers. Pour d’autres, encore,<br />
les mécanismes <strong>de</strong> défense observés<br />
font évoquer un état-limite.<br />
(suite page 5 )<br />
sentent <strong>de</strong>s manifestations cliniques<br />
visibles qu’à un sta<strong>de</strong> très évolué. C’est<br />
bien entendu également le cas <strong>de</strong> la<br />
psychose, aiguë mais également chronique<br />
dont, le déni, les troubles <strong>de</strong> la<br />
pensée, <strong>de</strong> la perception <strong>de</strong> la réalité et<br />
du jugement sont <strong>de</strong>s éléments constitutifs.<br />
La non-observance dans le cas <strong>de</strong>s<br />
pathologies somatiques telles l’hypertension<br />
artérielle (HTA) ou le diabète<br />
est à l’origine d’une importante surmortalité<br />
du patient non-compliant en<br />
particulier pour cet exemple précis par<br />
complications cardio-vasculaires (coronaropathies,<br />
AVC etc…). Il existe pour<br />
la société un surcoût important lié à<br />
l’augmentation du nombre <strong>de</strong> jours<br />
d’hospitalisation liés aux décompensations<br />
et complications intercurrentes.<br />
Dans le domaine <strong>de</strong> la santé mentale,<br />
la non-observance est à l’origine <strong>de</strong><br />
conséquences dommageables pour l’individu<br />
lui-même mais également pour<br />
son entourage et pour la société tout<br />
entière. Sur le plan individuel, l’arrêt<br />
<strong>de</strong>s traitements est à l’origine d’une<br />
augmentation <strong>de</strong>s rechutes que ce soit<br />
dans le cas <strong>de</strong>s troubles bipolaires ou<br />
<strong>de</strong>s psychoses chroniques. Pour la schizophrénie,<br />
40% <strong>de</strong>s rechutes survenant<br />
un an après une première hospitalisation<br />
sont liées à une mauvaise<br />
observance du traitement (2). La noncompliance<br />
entraîne une altération <strong>de</strong><br />
la qualité <strong>de</strong> vie du patient liée, à une<br />
recru<strong>de</strong>scence <strong>de</strong>s symptômes pouvant<br />
même menacer le pronostic vital<br />
<strong>de</strong>s patients (passage à l’acte auto-agressif),<br />
et aux répercussions sociales et<br />
familiales <strong>de</strong> ces rechutes (perte d’emploi,<br />
conflits familiaux…). Les rechutes<br />
sont également sources d’un accroissement<br />
<strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé, en effet<br />
selon la même étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Wei<strong>de</strong>n et<br />
Olfson, 40% du coût hospitalier direct<br />
est attribuable aux rechutes par défaut<br />
d’observance. Le surcoût induit par l’inobservance<br />
totale constitue 7% du coût<br />
total lié au nombre <strong>de</strong> jours d’hospitalisation<br />
pendant une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 12<br />
mois (6). Il existe un risque plus spécifique<br />
à la non-observance <strong>de</strong>s traitements<br />
psychiatriques : le risque <strong>de</strong> passage<br />
à l’acte dans un contexte<br />
d’acutisation symptomatique. En effet,<br />
les facteurs <strong>de</strong> risque <strong>de</strong> passage à l’acte<br />
i<strong>de</strong>ntifiés par les cliniciens sont : la<br />
rupture <strong>de</strong> traitement, la consommation<br />
<strong>de</strong> toxiques et la désocialisation<br />
(7, 8). Ce risque pour la société a<br />
contribué à modifier l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s pouvoirs<br />
publics (loi du 30 juin 1838 modifiée<br />
par la loi du 27 juin 1990 relatives<br />
aux hospitalisations sans<br />
consentement) et l’attention particulière<br />
<strong>de</strong>s praticiens vis-à-vis <strong>de</strong> l’observance<br />
<strong>de</strong>s patients souffrant <strong>de</strong> troubles<br />
mentaux.<br />
Ces ainsi que pour <strong>de</strong>s raisons à la fois,<br />
sanitaires, sociales et éthiques les psychiatres<br />
sont amenés à travailler sur<br />
l’évaluation <strong>de</strong> l’observance médicamenteuse<br />
et sur son amélioration. Initialement,<br />
l’évaluation <strong>de</strong> l’observance<br />
était essentiellement basée sur les signes<br />
d’imprégnation médicamenteuse. Pour<br />
les premiers neuroleptiques utilisés dans<br />
les années 50, un patient observant<br />
était un patient présentant les effets<br />
secondaires extrapyramidaux et anticholinergiques<br />
(rigidité extra-pyramidale,<br />
hypo ou hypersialie…). Les effets<br />
secondaires étaient indissociables <strong>de</strong>s<br />
effets bénéfiques. L’apparition <strong>de</strong>s neuroleptiques<br />
à action prolongée (Haldopéridol<br />
Décanoas, Zuclopenthixol<br />
AP, Flupenthixol AP, Pipotiazine L4,<br />
Fluphénazine <strong>de</strong>canoas) marque un<br />
tournant dans la prescription médicamenteuse.<br />
L’assurance <strong>de</strong> la prise du<br />
traitement lors <strong>de</strong> chaque injection réalisée<br />
par un soignant et les effets secondaires<br />
théoriquement minorés soutiennent<br />
l’hypothèse d’une meilleure<br />
observance <strong>de</strong> ces traitements. Mais<br />
cette hypothèse se révèle au moins<br />
partiellement inexacte. En effet, différentes<br />
étu<strong>de</strong>s montrent que le problème<br />
<strong>de</strong> l’observance reste entier avec<br />
les neuroleptiques à action prolongée.<br />
<br />
LIVRES<br />
FMC ■ 3<br />
Fragments psychologiques<br />
sur la folie<br />
La naissance <strong>de</strong> la psychose<br />
François Leuret<br />
Préface <strong>de</strong> Pierre Morel<br />
Avant-propos <strong>de</strong> David F. Allen<br />
Postface <strong>de</strong> Thierry Tremine<br />
Editions Frison-Roche, 44 €<br />
François Leuret (1797-1851) a suivi<br />
l’enseignement d’Esquirol à la Salpêtrière<br />
et est <strong>de</strong>venu externe chez<br />
Royer-Collard à Charenton. Il a soutenu<br />
sa thèse en 1826 ; dix ans plus<br />
tard il est déjà mé<strong>de</strong>cin chef à Bicêtre.<br />
F. Leuret a été préoccupé par le paupérisme,<br />
mais il est aussi le véritable<br />
théoricien <strong>de</strong> la dissociation psychotique.<br />
Les Fragments psychologiques<br />
sur la folie constituent la naissance<br />
même d’une véritable psychopathologie<br />
<strong>de</strong>s psychoses. Leuret abandonne<br />
les monomanies et réorganise<br />
la clinique <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> folie autour<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pôles.<br />
La folie qui paraît vraisemblable, bien<br />
organisée, sans trouble du langage,<br />
est représentée par les « Arrangeurs ».<br />
On pourrait presque y croire car les<br />
patients font montre <strong>de</strong> conviction<br />
et <strong>de</strong> logique. C’est l’ancêtre du « délire<br />
d’interprétation », la base <strong>de</strong> la paranoïa.<br />
En face du tableau clinique<br />
<strong>de</strong>s arrangeurs, on trouve la pauvreté<br />
sémantique <strong>de</strong>s « Incohérents » ; langage<br />
en ruine, jeu <strong>de</strong> sonorités,<br />
sala<strong>de</strong> <strong>de</strong> mots, jargonophasie et barrages.<br />
On y reconnaît le délire paranoï<strong>de</strong>,<br />
pauvre et mai systématisé...<br />
Bien avant Bleuler, Leuret théorise le<br />
« manque <strong>de</strong> force » dans les associations<br />
à l’œuvre dans l’incohérence<br />
paranoï<strong>de</strong>.<br />
L’intégration<br />
professionnelle <strong>de</strong>s<br />
personnes handicapées<br />
Le travail en milieu ordinaire<br />
Dossier Professionnel Documentaire<br />
2007 n°5<br />
Diffusion CTNERHI, 15,50 €<br />
L’intégration professionnelle <strong>de</strong>s personnes<br />
handicapées en milieu ordinaire<br />
est organisée par la loi pour<br />
l’égalité <strong>de</strong>s droits et <strong>de</strong>s chances, la<br />
participation et la citoyenneté <strong>de</strong>s<br />
personnes handicapées qui réaffirme<br />
le principe <strong>de</strong> non discrimination en<br />
raison du handicap dans le cadre professionnel<br />
et impose aux employeurs<br />
<strong>de</strong> prendre les mesures appropriées<br />
pour permettre aux travailleurs handicapés,<br />
bénéficiaires <strong>de</strong> l’obligation<br />
d’emploi, d’accé<strong>de</strong>r ou <strong>de</strong> conserver<br />
un emploi correspondant à leur qualification.<br />
L’obligation d’emploi reste<br />
fixée à 6% dans les entreprises <strong>de</strong><br />
20 salariés et plus, publiques et privées,<br />
et le champ <strong>de</strong>s bénéficiaires<br />
est étendu aux titulaires d’une carte<br />
d’invalidité et <strong>de</strong> l’allocation aux<br />
adultes handicapés. Ce dossier fait le<br />
point sur l’application <strong>de</strong> la loi à l’ai<strong>de</strong><br />
d’articles <strong>de</strong> fond, d’extraits <strong>de</strong> rapports<br />
pour approfondir les problématiques<br />
soulevées et présente la situation<br />
<strong>de</strong> l’emploi <strong>de</strong>s travailleurs<br />
handicapés en intégrant l’ensemble<br />
<strong>de</strong>s textes, décrets et arrêtés, publiés<br />
au cours <strong>de</strong> l’année 2006. Il se compose<br />
<strong>de</strong> trois parties. La première examine<br />
l’emploi dans le secteur privé<br />
(en y incluant les entreprises adaptées<br />
et les centres <strong>de</strong> distribution <strong>de</strong><br />
travail à domicile, et dans les trois<br />
fonctions publiques selon les données<br />
administratives disponibles. La<br />
secon<strong>de</strong> expose les pratiques, <strong>de</strong>s représentations<br />
<strong>de</strong>s employeurs et renseigne<br />
sur les points <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s travailleurs<br />
handicapés vis-à-vis <strong>de</strong><br />
l’emploi. Enfin, la troisième partie propose<br />
une bibliographie sur l’intégration<br />
professionnelle par type <strong>de</strong> handicap.<br />
La reproduction intégrale du<br />
Chapitre II sur l’emploi <strong>de</strong> la loi handicap<br />
et ses décrets d’application ainsi<br />
que <strong>de</strong>s références statistiques sont<br />
proposés en annexes.
4<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Ethnopsychiatrie<br />
psychanalytique<br />
François Laplantine<br />
Beauchesne, 26 €<br />
Née <strong>de</strong> la rencontre <strong>de</strong> l’ethnologie et<br />
<strong>de</strong> la psychanalyse, l’ethnopsychiatrie<br />
psychanalytique permet <strong>de</strong> comprendre<br />
non seulement <strong>de</strong>s processus d’acculturation<br />
qui échouent, mais encore <strong>de</strong>s<br />
formes <strong>de</strong> transculturation qui réussissent,<br />
<strong>de</strong> nouvelles formes <strong>de</strong> subjectivité<br />
pouvant être qualifiées d’hybri<strong>de</strong>s,<br />
<strong>de</strong> métisses ou <strong>de</strong> mutantes qui sont<br />
autant <strong>de</strong> <strong>de</strong>venirs possibles du sujet.<br />
Après avoir rappelé la genèse <strong>de</strong> cette<br />
approche pluridisciplinaire qui se constitue<br />
dans une interaction entre la clinique<br />
et le terrain, François Laplantine<br />
pose les jalons d’une théorie complexe<br />
du sujet et du social ou, plus précisément,<br />
du désir et du collectif. Puis, il fait<br />
part <strong>de</strong> recherches qu’il a successivement<br />
effectuées. A Djerba, en Tunisie,<br />
où il étudie les rites <strong>de</strong> préparation au<br />
mariage. En pays baoulé, en Côte d’Ivoire,<br />
où il se trouve confronté à plusieurs interprétations<br />
<strong>de</strong>s troubles mentaux. En<br />
Italie du Sud où, jusqu’au début <strong>de</strong>s années<br />
1990, une thérapie collective consistait<br />
à jouer et à danser la tarentelle pour<br />
soigner la morsure <strong>de</strong> la tarentule. En<br />
Amérique latine, enfin, où il interroge<br />
la signification <strong>de</strong> la croissance spectaculaire<br />
<strong>de</strong>s mouvements pentecôtistes<br />
contemporains.<br />
Stress et violence à l’école<br />
Revue francophone du Stress et du<br />
Trauma 2007, n°3<br />
Princeps Editions<br />
L’objectif <strong>de</strong> ce numéro thématique <strong>de</strong><br />
la Revue francophone du Stress et du<br />
Trauma est <strong>de</strong> sensibiliser chercheurs<br />
et professionnels à une question qui<br />
mérite qu’on lui accor<strong>de</strong> un plus grand<br />
intérêt et qui concerne plus <strong>de</strong> 14 millions<br />
d’élèves et d’étudiants. Ce numéro<br />
présente les résultats <strong>de</strong> travaux actuellement<br />
menés en France et à l’étranger.<br />
La complexité écologique <strong>de</strong> l’objet<br />
autorise plusieurs angles d’approche.<br />
Ainsi, se trouvent réunis <strong>de</strong>s textes qui,<br />
selon leur obédience, apportent <strong>de</strong>s réponses<br />
concrètes aux interrogations<br />
soulevées, à la fois, par les chercheurs<br />
(cliniciens ou psychosociologues) et les<br />
professionnels confrontés, chaque jour,<br />
à la question <strong>de</strong> la santé à l’école.<br />
Les <strong>de</strong>ux premiers articles sont consacrés<br />
à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la violence à l’école.<br />
Benjamin Patty et Dominique Lassare<br />
montrent, à travers une étu<strong>de</strong> longitudinale,<br />
à quel point la représentation<br />
sociale <strong>de</strong> la violence et la tendance<br />
agressive <strong>de</strong> l’élève sont liées. Ils suggèrent<br />
que la représentation <strong>de</strong> la violence,<br />
distincte pour les élèves et les enseignants,<br />
peut être à l’origine <strong>de</strong> conflits.<br />
Gilles Brandibas et al. abor<strong>de</strong>nt le problème<br />
du harcèlement (ou bullying) entre<br />
élèves. Cette problématique est mise<br />
en lien avec la santé physique <strong>de</strong>s collégiens<br />
et <strong>de</strong>s lycéens. Lony Schiltz<br />
abor<strong>de</strong> la question <strong>de</strong> la prise en charge<br />
psychologique en milieu scolaire. Le témoignage<br />
<strong>de</strong> 30 années d’expérience<br />
clinique est rapporté à travers plusieurs<br />
recherches qui mettent en avant l’intérêt<br />
du recours à l’art-thérapie auprès<br />
d’adolescents présentant <strong>de</strong>s troubles<br />
<strong>de</strong> la conduite agie. Rosine Diwo et al.<br />
interrogent la notion <strong>de</strong> risque suicidaire<br />
chez l’adolescent en brossant l’ensemble<br />
<strong>de</strong>s facteurs d’émergence, et en<br />
détaillant les actes <strong>de</strong> prévention primaire,<br />
secondaire et tertiaire. Ce <strong>de</strong>rnier<br />
point mentionne plus particulièrement<br />
les actions réalisables dans un<br />
contexte scolaire et fait <strong>de</strong> ce texte un<br />
véritable outil <strong>de</strong> travail pour tout professionnel<br />
confronté à la question <strong>de</strong><br />
l’élève suicidant.<br />
Les articles qui suivent portent, essentiellemet,<br />
sur le stress en tant que facteur<br />
susceptible d’amoindrir la santé<br />
psychique et/ou physique <strong>de</strong>s élèves.<br />
Michelle Dumont et Danielle Leclerc<br />
s’intéressent aux conséquences que celui-ci,<br />
selon son évolution (stabilité, augmentation<br />
ou diminution), peut avoir<br />
sur les capacités d’adaptation, les ressources<br />
personnelles et les performances<br />
scolaires <strong>de</strong>s élèves du secondaire. Les<br />
résultats suggèrent la mise en place<br />
d’outils capables d’endiguer le stress<br />
lors du développement <strong>de</strong> l’élève. Marina<br />
Delgran<strong>de</strong> Jordan et al., dans une<br />
étu<strong>de</strong> menée auprès <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 2 000<br />
élèves suisses, et réalisée dans le cadre<br />
<strong>de</strong> l’enquête internationale Health behaviour<br />
in school-aged children, font état<br />
<strong>de</strong> troubles <strong>de</strong> la santé directement liés<br />
au stress généré par le travail scolaire.<br />
Là aussi, une détection précoce et une<br />
prise en charge adéquate sont suggérées.<br />
Dans le même sens, Christian Réveillère<br />
et Robert Courtois montrent que<br />
les stress majeurs et mineurs qui ont<br />
trait à la vie écolière affectent plus par-<br />
ticulièrement la santé psychique <strong>de</strong>s<br />
élèves issus du primaire et du secondaire.<br />
Deux articles abor<strong>de</strong>nt ensuite,<br />
selon <strong>de</strong>s perspectives théoriques distinctes,<br />
la notion d’ajustement. Selon<br />
une approche interculturelle, Virginie<br />
Boutry-Avezou et al. placent la question<br />
<strong>de</strong> l’adaptation <strong>de</strong>s adolescents issus<br />
<strong>de</strong> l’immigration au coeur <strong>de</strong> leur<br />
travail. Loin <strong>de</strong> faire un constat d’échec<br />
du modèle d’intégration français, les<br />
auteurs montrent que les adolescents<br />
<strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> génération <strong>de</strong> l’immigration<br />
semblent être plus adaptés au<br />
cadre <strong>de</strong> vie scolaire que les Français<br />
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
dits <strong>de</strong> souche. Elisabeth Spitz et al. questionnent,<br />
plus particulièrement, la notion<br />
<strong>de</strong> coping auprès <strong>de</strong>s étudiants. Le<br />
manque d’adaptation à la vie universitaire<br />
semble être alimenté par une détresse<br />
psychologique, un isolement, et<br />
<strong>de</strong>s difficultés à gérer le temps <strong>de</strong> travail.<br />
Enfin, Fabienne Lemétayer pose la<br />
question <strong>de</strong> l’intégration <strong>de</strong> l’enfant cancéreux<br />
dans un cadre <strong>de</strong> vie scolaire.<br />
Une synthèse <strong>de</strong>s travaux permet <strong>de</strong><br />
pointer les différents problèmes que<br />
peut susciter sa réinsertion à la fois pour<br />
les enseignants qui en ont la charge,<br />
mais également pour l’enfant lui-même.
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
Vingt et un pour cent <strong>de</strong>s patients interrompent<br />
le traitement après un an seulement<br />
(9). L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Tattan et al.<br />
montre que 72% <strong>de</strong>s patients sous traitement<br />
retard interrompent ce traitement<br />
sur une pério<strong>de</strong> d’environ 1mois<br />
chaque année (10). Les résultats <strong>de</strong> différentes<br />
étu<strong>de</strong>s sont aujourd’hui contradictoires<br />
concernant la supposée supériorité<br />
<strong>de</strong>s NAP sur les formes<br />
orales (11). Malgré l’hétérogénéité <strong>de</strong>s<br />
résultats, en pratique clinique, ces traitements<br />
restent fréquemment utilisés<br />
chez <strong>de</strong>s patients ayant présenté <strong>de</strong><br />
nombreuses rechutes liées à une mauvaise<br />
observance.<br />
Depuis les années 90, les laboratoires<br />
pharmaceutiques ont mis sur le marché<br />
les neuroleptiques <strong>de</strong> nouvelle génération<br />
ou antipsychotiques atypiques<br />
tels la Risperidone, l’Olanzapine, l’Amisulpri<strong>de</strong><br />
ou l’Aripiprazole présentés<br />
comme ayant une plus gran<strong>de</strong> efficacité<br />
et <strong>de</strong> moindres effets secondaires permettant<br />
une meilleure observance.<br />
Parallèlement au développement <strong>de</strong><br />
ces nouvelles molécules, dans un mouvement<br />
venant d’outre-Atlantique, les<br />
psychiatres et pharmacologues relayés<br />
par les associations <strong>de</strong> patients insistent<br />
sur la nécessité pour le patient<br />
d’adhérer au projet <strong>de</strong> soins.<br />
Le concept d’adhésion s’est développé<br />
sur un constat : les résultats d’observance<br />
sont très mitigés chez les<br />
patients souffrant d’une pathologie<br />
chronique et ce malgré les avancées<br />
pharmacologiques permettant d’amé-<br />
liorer les galéniques et <strong>de</strong> diminuer les<br />
effets indésirables <strong>de</strong>s traitements. De<br />
cette constatation est née l’hypothèse<br />
selon laquelle la seule façon d’améliorer<br />
ces résultats serait <strong>de</strong> travailler sur<br />
l’acceptation du traitement avec le<br />
patient. Le préambule étant, pas d’observance<br />
sans consentement et pas <strong>de</strong><br />
consentement sans une information,<br />
loyale, claire et appropriée, délivrée<br />
aux patients. C’est aux Etats-Unis que,<br />
sous la pression <strong>de</strong>s associations d’usagers,<br />
l’information est <strong>de</strong>venue une<br />
obligation réglementaire incluant l’accès<br />
direct au dossier médical. Ce droit à<br />
l’information s’est très vite diffusé dans<br />
les sociétés occi<strong>de</strong>ntales, ainsi en 1997,<br />
Rigo Van Meer estime qu’aux Pays-<br />
Bas, 80% <strong>de</strong>s patients schizophrènes<br />
connaissent leur diagnostic, sur leur<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> dans 20% <strong>de</strong>s cas seulement<br />
(12). En France, la conférence <strong>de</strong><br />
consensus <strong>de</strong>s 13 et 14 janvier 1994<br />
sur les stratégies thérapeutiques à long<br />
terme dans les psychoses schizophréniques,<br />
conclut que les équipes soignantes<br />
doivent informer le patient et<br />
ses proches sur la maladie, ses symptômes,<br />
la valeur <strong>de</strong> leur réduction éventuellement<br />
incomplète ou les signes<br />
prémonitoires <strong>de</strong> rechute, le nom <strong>de</strong>s<br />
médicaments, l’effet thérapeutique<br />
attendu et les éventuels effets indésirables<br />
(Agence Nationale pour le Développement<br />
<strong>de</strong> l’Evaluation Médicale<br />
ANAES). Cette orientation a ensuite<br />
été confirmée par les recommandations<br />
<strong>de</strong> mars 2000 <strong>de</strong> l’Agence Natio-<br />
Les pédophiles : qu’en penser,<br />
qu’en dire, qu’en faire ?<br />
Chaque fois, les tableaux cliniques<br />
sont très différents.<br />
La pédophilie <strong>de</strong>s sujets névrosés s’accompagne<br />
d’un fort sentiment <strong>de</strong> culpabilité.<br />
Les mécanismes <strong>de</strong> refoulement<br />
parviennent parfois (souvent ?)<br />
à endiguer les passages à l’acte. Ils collectionnent<br />
les images pédophiles et<br />
c’est leur fréquentation <strong>de</strong> certains<br />
sites internet qui finit par les amener<br />
<strong>de</strong>vant la justice.<br />
Les sujets immatures sont souvent<br />
<strong>de</strong>s adolescents ou <strong>de</strong> jeunes adultes<br />
inhibés dans leur sexualité avec les<br />
partenaires <strong>de</strong> leur âge. Leurs passages<br />
à l’acte sont souvent qualifiés<br />
<strong>de</strong> pédophilie exploratrice. Les enfants<br />
leur apparaissent moins intimidants<br />
que ne le sont les femmes adultes.<br />
Les sujets pervers restent redoutables.<br />
Totalement étanches à tout sentiment<br />
<strong>de</strong> culpabilité, n’admettant d’autre loi<br />
que celle que dicte leur désir <strong>de</strong> jouissance,<br />
ils tissent un réseau relationnel<br />
marqué par la relation d’emprise<br />
ou le déni d’altérité. Pire, ils avancent<br />
souvent sous le masque d’une apparente<br />
normalité.<br />
Les sujets limites, quant à eux, voient<br />
leurs passages à l’acte facilités par les<br />
mécanismes <strong>de</strong> clivage qui les protègent<br />
<strong>de</strong> la culpabilité. Ils n’ont pas <strong>de</strong><br />
jouissance à la transgression, mais<br />
leurs instances surmoïques sont souvent<br />
défaillantes.<br />
Un tel catalogue souffre <strong>de</strong> son caractère<br />
schématique, voire caricatural.<br />
Il mérite amplement la critique, mais<br />
n’a d’autre but que <strong>de</strong> démontrer la<br />
diversité <strong>de</strong>s tableaux cliniques rencontrés<br />
et d’imposer l’idée que pour<br />
une telle diversité clinique, il n’existe<br />
pas <strong>de</strong> réponse univoque. D’autant<br />
que, on l’aura compris, le caractère<br />
dangereux et le potentiel <strong>de</strong><br />
récidive ne seront jamais les mêmes<br />
chez un sujet pédophile exclusif et<br />
pervers, et chez un névrosé surtout si<br />
son orientation pédophilique n’est<br />
pas exclusive.<br />
Quelques principes<br />
intangibles<br />
Quoi qu’il en soit <strong>de</strong>s indications pronostiques<br />
qui peuvent se dégager <strong>de</strong><br />
cette grille <strong>de</strong> lecture qui croise les<br />
troubles <strong>de</strong> l’orientation sexuelle et<br />
les troubles <strong>de</strong> la personnalité, dans<br />
tous les cas, l’orientation pédophilique,<br />
lorsqu’elle donne lieu à <strong>de</strong>s<br />
passages à l’acte délictueux ou criminels,<br />
doit faire l’objet d’une réponse<br />
pénale.<br />
Pas plus que toute autre orientation<br />
sexuelle, la pédophilie ne peut être<br />
assimilée à une maladie mentale. C’est<br />
dire qu’en aucune façon, elle ne peut<br />
donner lieu à <strong>de</strong>s soins sous contrainte<br />
ou à <strong>de</strong>s hospitalisations sans<br />
consentement dans le cadre <strong>de</strong> la loi<br />
du 27 juin 1990. Outre les problèmes<br />
éthiques qu’il importe <strong>de</strong> ne pas<br />
méconnaître, <strong>de</strong> tels soins sous<br />
contrainte courraient, avant tout, le<br />
risque d’être parfaitement inefficaces.<br />
Mais, on l’a vu, les passages à l’acte<br />
pédophilique sont sous-tendus par<br />
<strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> personnalité, qui pour<br />
certains, pourront bénéficier d’une<br />
prise en charge soignante. Les soins<br />
doivent alors s’articuler aux mesures<br />
pénales, durant la peine privative <strong>de</strong><br />
liberté et, au-<strong>de</strong>là, en ambulatoire.<br />
C’était toute la subtilité et les enjeux<br />
<strong>de</strong> la loi du 18 juin 1998.<br />
Cette articulation <strong>de</strong> la peine et du<br />
soin exige que les pratiques soignantes<br />
s’inscrivent dans un cadre rigoureux :<br />
- les indications <strong>de</strong> soins doivent être<br />
posées par les psychiatres, non par<br />
les magistrats ;<br />
- la confi<strong>de</strong>ntialité est le moteur essentiel<br />
<strong>de</strong>s soins. Sans respect du secret<br />
médical, aucune relation <strong>de</strong> soins ne<br />
pourra s’instaurer ;<br />
- ces soins doivent faire régulièrement<br />
l’objet d’évaluations externes (expertises,<br />
rapports <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins coordonnateurs)<br />
qui permettent <strong>de</strong> dissiper<br />
tout risque d’illusion <strong>de</strong> soins et <strong>de</strong><br />
renseigner le magistrat sur l’évolution<br />
du suivi ;<br />
- ces soins ne peuvent s’envisager sans<br />
la participation active du sujet. C’est<br />
dire combien <strong>de</strong>s soins sans consentement<br />
ou sous contrainte seraient<br />
illusoires ;<br />
- pour certains sujets, l’indication <strong>de</strong><br />
soins sera récusée par les experts, soit<br />
parce qu’ils nient les faits, soit parce<br />
que la dimension perverse <strong>de</strong> leur<br />
personnalité apparaît trop importante.<br />
Ceux-là relèvent alors <strong>de</strong>s seules<br />
nale d’Accréditation et d’Evaluation en<br />
Santé, relatives à l’information <strong>de</strong>s<br />
patients qui insiste sur la nécessité <strong>de</strong><br />
donner une information validée, hiérarchisée,<br />
intelligible, synthétique sur<br />
la pathologie les traitements et les effets<br />
secondaires y compris exceptionnels<br />
(syndromes malins, dyskinésies tardives).<br />
Plus récemment la loi du 4 mars<br />
2002 officialise l’accès du patient aux<br />
informations médicales le concernant<br />
(13). Cette évolution place les cliniciens<br />
face à la difficile problématique<br />
d’une information claire, loyale, appropriée<br />
et <strong>de</strong> la définition d’un consentement<br />
éclairé. En effet, la compréhension<br />
du patient varie en fonction<br />
<strong>de</strong> son niveau éducatif, <strong>de</strong> la gravité<br />
<strong>de</strong> sa pathologie mentale et peut donc<br />
évoluer au cours du temps. Ce problème<br />
est évoqué dans la conférence<br />
<strong>de</strong> consensus <strong>de</strong> janvier 1994 : « Bien<br />
que la fonction essentielle du mé<strong>de</strong>cin<br />
soit d’entendre et <strong>de</strong> comprendre son<br />
patient, il peut être amené à le<br />
contraindre, en particulier en lui imposant<br />
<strong>de</strong>s soins. Dans le cadre <strong>de</strong> la Loi du 27<br />
Juin 1990, l’hospitalisation sur <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
d’un tiers et l’hospitalisation d’office<br />
sont prévues pour <strong>de</strong>s patients qui ne<br />
sont pas en mesure <strong>de</strong> consentir à l’hospitalisation<br />
et pour lesquels la prescription<br />
<strong>de</strong>s soins <strong>de</strong>vra être imposée (ce à quoi le<br />
praticien est par ailleurs tenu par déontologie).<br />
En fait le recours à ce cadre<br />
légal, qui concerne souvent <strong>de</strong>s schizophrènes,<br />
reste heureusement rare et ne<br />
justifie pas que l’impasse soit faite sur<br />
mesures pénales. Il en va <strong>de</strong> même <strong>de</strong><br />
ceux qui ne consentiraient pas aux<br />
soins qui leur sont proposés. Pour certains<br />
sujets, les murs <strong>de</strong> la prison<br />
seront longtemps nécessaires pour<br />
protéger la société.<br />
Les nouvelles orientations<br />
politiques<br />
Alors qu’au sein <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> travail<br />
Santé-Justice réunis ces <strong>de</strong>rnières<br />
années, nous étions arrivés à un<br />
consensus entre les professionnels <strong>de</strong><br />
la justice et <strong>de</strong> la psychiatrie sur les<br />
principes énoncés plus haut, la récidive<br />
d’un sujet pédophile en fin <strong>de</strong><br />
peine est venue balayer les acquis.<br />
Le pouvoir politique annonce aujourd’hui<br />
la création d’hôpitaux fermés,<br />
baptisés Centres Sociaux Médico-Judiciaires<br />
<strong>de</strong> Sûreté. Ces centres seront<br />
susceptibles <strong>de</strong> recevoir sur le mo<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> l’internement (rétention <strong>de</strong> sûreté)<br />
<strong>de</strong>s sujets condamnés qui, après avoir<br />
purgé la totalité <strong>de</strong> leur peine, présentent<br />
toujours une particulière dangerosité<br />
attestée par une expertise<br />
médicale. Dans ces centres, selon le<br />
projet <strong>de</strong> loi, seront proposées, <strong>de</strong><br />
façon permanente, <strong>de</strong>s prises en charge<br />
médicale et sociale.<br />
On est ainsi passé rapi<strong>de</strong>ment, <strong>de</strong> l’articulation<br />
<strong>de</strong> la peine et du soin à<br />
l’instrumentalisation <strong>de</strong> la psychiatrie,<br />
convoquée ici comme seule discipline<br />
médicale susceptible d’instaurer <strong>de</strong>s<br />
soins sous contrainte et <strong>de</strong>s hospitalisations<br />
sans consentement.<br />
Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> soins, dans ce<br />
domaine où les connaissances sont<br />
balbutiantes, où le manque d’assise<br />
théorique limite les pratiques à un<br />
empirisme sans gran<strong>de</strong> fiabilité, il est<br />
à craindre que ce soient les possibilités<br />
d’enfermement sans délai qui<br />
soient visées par le pouvoir politique.<br />
Dans le pragmatisme ambiant, peu<br />
importent les mesures <strong>de</strong> soin, pourvu<br />
que l’agresseur soit enfermé à vie.<br />
Si c’était le cas, nous <strong>de</strong>vons affirmer<br />
clairement que nous n’accepterons<br />
pas que la psychiatrie soit instrumentalisée<br />
comme variable d’ajustement<br />
<strong>de</strong> la politique pénale, pour instaurer<br />
<strong>de</strong>s peines <strong>de</strong> perpétuité réelle. ■<br />
Gérard Dubret<br />
Psychiatre <strong>de</strong>s Hôpitaux, Expert près la Cour<br />
d’Appel <strong>de</strong> Versailles, C. H. René Dubos,<br />
Pontoise.<br />
une réflexion concernant les mécanismes<br />
psychiques en jeu dans l’information et le<br />
consentement ».<br />
Les laboratoires pharmaceutiques, en<br />
étroite collaboration avec les professionnels<br />
<strong>de</strong> la maladie mentale, ont<br />
très vite su <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s acteurs important<br />
dans le domaine <strong>de</strong> l’adhésion en<br />
développant <strong>de</strong>s ouvrages, programmes<br />
psycho-éducatifs <strong>de</strong>stinés aux patients<br />
psychotiques. Ces supports s’appuyant<br />
sur <strong>de</strong>s travaux tels que les modules<br />
<strong>de</strong> Liberman qui visent à ai<strong>de</strong>r les<br />
patients psychotiques chroniques et<br />
leur famille à retrouver une qualité <strong>de</strong><br />
vie optimale (14).<br />
Si cette évolution fondamentale dans la<br />
prise en charge <strong>de</strong> la pathologie mentale,<br />
soutenue par les associations <strong>de</strong><br />
patients, paraît évi<strong>de</strong>mment souhaitable<br />
puisque, valorisant une relation<br />
soignant-soigné égalitaire, plus soucieuse<br />
du respect <strong>de</strong> la liberté <strong>de</strong> l’individu,<br />
elle paraît plus inquiétante si on la resitue<br />
dans son contexte socio-politicoéconomique<br />
(3). Le patient tend aujourd’hui,<br />
dans le respect <strong>de</strong>s règles fixées<br />
par le libéralisme économique, à <strong>de</strong>venir<br />
un consommateur <strong>de</strong> soins. Le<br />
patient psychotique, nouveau consommateur<br />
<strong>de</strong> soins, éclairé par les programmes<br />
éducatifs négocie sa prise en<br />
charge avec les soignants, ce nouveau<br />
contrat introduit une responsabilisation<br />
du patient, « le patient doit s’autogouverner<br />
<strong>de</strong> par son adhésion » (3). Les<br />
laboratoires pharmaceutiques ont très<br />
vite adapté leur stratégie <strong>de</strong> communication<br />
institutionnelle et <strong>de</strong> leur marketing<br />
diffusant <strong>de</strong>s plans <strong>de</strong> traitement<br />
individuels, <strong>de</strong>s publications <strong>de</strong> vulgarisations<br />
scientifiques, <strong>de</strong> nombreux<br />
produits dérivés (piluliers, réveils et<br />
autres). J Palazzolo précise que la psychose<br />
n’est plus définie comme un obstacle<br />
à l’accès aux traitements mais<br />
comme une entité marketing. Ce système<br />
peut s’avérer pernicieux pour le<br />
patient pensant initialement être valorisé<br />
par cette nouvelle image endossée.<br />
S’il n’est pas observant, il <strong>de</strong>vient le<br />
seul fautif, consommateur incapable<br />
<strong>de</strong> se servir habilement <strong>de</strong> son pouvoir,<br />
mettant hors <strong>de</strong> cause le système<br />
<strong>de</strong> santé et les traitements eux-mêmes.<br />
Sans l’attention <strong>de</strong>s cliniciens la stratégie<br />
d’amélioration <strong>de</strong> l’adhésion risque<br />
d’être petit à petit déléguée par le système<br />
public au secteur privé, les clefs<br />
<strong>de</strong> la réussite thérapeutique étant présentées<br />
par les firmes pharmaceutiques<br />
sous la forme <strong>de</strong> nombreux modules<br />
éducationnels. Cette délégation s’annonce<br />
néfaste à long terme puisqu’elle<br />
risque d’une part <strong>de</strong> freiner une<br />
réflexion plus générale sur l’amélioration<br />
<strong>de</strong> l’observance au profit d’un seul<br />
axe <strong>de</strong> celle-ci : l’éducatif, se faisant<br />
notamment au détriment du travail<br />
relationnel entre le patient et ses soignants<br />
moteur d’une adhésion <strong>de</strong> qualité.<br />
D’autre part on est en droit <strong>de</strong> se<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si cette incursion du privé<br />
dans un domaine jusqu’ici sous la responsabilité<br />
du système public ne posera<br />
pas à l’avenir un problème d’accès<br />
aux soins pour les plus démunis. Plusieurs<br />
étu<strong>de</strong>s ont pourtant montré que<br />
plus que les croyances ou le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
vie du mala<strong>de</strong> mental, ce sont les possibilités<br />
d’accès aux soins réguliers qui<br />
influencent l’adhésion (3). ■<br />
A. Merlot<br />
Service du Dr Vacheron – Centre Hospitalier<br />
Sainte-Anne – 1 rue Cabanis – 75014 Paris<br />
Bibliographie<br />
(1) DSM-IV,AMERICAN PSYCHIATRIC<br />
ASSOCIATION, in Diagnostic and statistical<br />
manual of mental disor<strong>de</strong>rs (4th ed).<br />
1995<br />
(2) WEIDEN P. et al., Cost of relapse in<br />
schizophrenia, Schizophrenia bulletin 1995,<br />
21, 419-29.<br />
(3) J. PALAZZOLO et al., L’observance<br />
médicamenteuse et psychiatrie, 2004, 23-<br />
28 et 37-48.<br />
(4) 0LIVIER-MARTIN, Exhaustion <strong>de</strong>pression,<br />
Encephale 1996, Spec n°7, 46-51.<br />
FMC ■ 5<br />
Le CMP unique<br />
ordonnateur <strong>de</strong>s soins<br />
Le CMP pivot du secteur<br />
Pluriels 2007 n°68<br />
La lettre <strong>de</strong> la MNASM<br />
Pierre Caillault tente <strong>de</strong> <strong>de</strong>gager, au<br />
travers <strong>de</strong>s multiples expériences <strong>de</strong><br />
CMP recensées par la Mission d’appui<br />
en santé mentale sur l’ensemble<br />
du territoire national, quelques principes<br />
généraux sur lesquels la créativité<br />
<strong>de</strong>s équipes pourrait s’appuyer<br />
pour développer <strong>de</strong>s outils adaptés<br />
aux territoires <strong>de</strong>sservis, intégrés dans<br />
le dispositif global <strong>de</strong> soins, respectant<br />
les particularités locales et répondant<br />
au mieux aux besoins <strong>de</strong>s<br />
populations. Alain Gouiffès décrit la<br />
mise en place d’un Centre d’accueil<br />
et <strong>de</strong> soins psychiatriques intersectoriel<br />
à Rouen. Laurent El Ghozi précise<br />
ce qu’atten<strong>de</strong>nt les élus d’un dispositif<br />
<strong>de</strong> santé mentale.<br />
Les allocataires <strong>de</strong>s minima<br />
sociaux : CMU, état <strong>de</strong> santé<br />
et recours aux soins<br />
Bénédicte Boisguérin<br />
Etu<strong>de</strong>s et résultats 2007 n°6<br />
Drees<br />
Une enquête a été effectuée par la<br />
DREES au <strong>de</strong>uxième trimestre 2006<br />
auprès <strong>de</strong> personnes allocataires <strong>de</strong><br />
minima sociaux (RMI, API et ASS) au<br />
31 décembre 2004. A la date <strong>de</strong> l’enquête,<br />
les allocataires toujours présents<br />
dans le dispositif bénéficient<br />
plus fréquemment <strong>de</strong> la couverture<br />
maladie universelle complémentaire<br />
(CMUC) que ceux qui en sont sortis.<br />
La majorité <strong>de</strong>s personnes n’ayant<br />
pas recours à la CMUC sont déjà couvertes<br />
par un organisme complémentaire<br />
ou bien ont <strong>de</strong>s revenus<br />
trop élevés. Par ailleurs, l’état <strong>de</strong> santé<br />
<strong>de</strong> ces allocataires est moins bon que<br />
celui <strong>de</strong> la population générale. De<br />
plus, les bénéficiaires <strong>de</strong>s minima sociaux<br />
ont plus dé problèmes <strong>de</strong> santé<br />
affectant leur travail que les personnes<br />
sorties <strong>de</strong> ces dispositifs. Près d’un<br />
tiers <strong>de</strong>s allocataires <strong>de</strong> l’API et du<br />
RMI et 45% <strong>de</strong>s allocataires <strong>de</strong> l’ASS<br />
disent avoir renoncé à au moins un<br />
soin pour <strong>de</strong>s raisons financières dans<br />
les douze <strong>de</strong>rniers mois, principalement<br />
<strong>de</strong>ntaire et d’optique.<br />
www. sante.gouv.fr/drees/in<strong>de</strong>x.htm<br />
Pour toute information : drees-infos@sante.gouv.fr<br />
(5) BLONDIAUX I., ALAGILLE M.,<br />
GINESTET D., L’adhésion au traitement neuroleptique<br />
chez les patients schizophrènes,<br />
Encéphale 1998, XIV, 431- 8.<br />
(6) TAZAROURTE M., CATTEAU J., FALL<br />
A., Le coût <strong>de</strong> l’inobservance aux psychotropes,<br />
Synapse 1999, 154, 27-30.<br />
(7) HODGINS S., Mental disor<strong>de</strong>r, intellectual<br />
<strong>de</strong>ficiency, and crime: evi<strong>de</strong>nce from a<br />
birth cohort, Arch. Gen. Psychiatry 1993,<br />
49, 476-483.<br />
(8) SWANSON J. W., HOLZER C. E.,<br />
GANJU V. K., JONO R. T., Violence and<br />
psychiatric disor<strong>de</strong>r in the community: evi<strong>de</strong>nce<br />
from the epi<strong>de</strong>miologic catchment areas<br />
surveys, Hosp. Community Psychiatry<br />
1990, 42, 7761-770.<br />
(9) TUNNICLIFFE S., HARRISON G.,<br />
STANDEN P.J., Factors affecting compliance<br />
with <strong>de</strong>pot injection treatment in the community,<br />
Soc Psychiatry Psychiatr Epi<strong>de</strong>miol<br />
1992, 27, 230-3.<br />
(10) TATTAN T.M., CREED F.H., Negative<br />
symptoms of schizophrénia and compliance<br />
with médication, Schizophr Bull 2001, 27,<br />
149-55.<br />
(11) MISDRAHI D., BAYLÉ F., Impact <strong>de</strong>s<br />
NAP sur l’observance, <strong>Nervure</strong> Tome XV-<br />
N°4, Mai 2002.<br />
(12) Document <strong>de</strong> consensus hollandais relatif<br />
aux conditions minimales du traitement<br />
<strong>de</strong> la schizophrénie (Schizofrenie Stichting<br />
Ne<strong>de</strong>rland), La Lettre <strong>de</strong> la Schizophrénie<br />
1997, 6, 17-20.<br />
(13) Loi du 4 mars 2002 relative aux droits<br />
du mala<strong>de</strong> et à la qualité du système <strong>de</strong> santé,<br />
loi n°2002-303, <strong>Journal</strong> Officiel.<br />
(14) LIBERMAN R.P., Réhabilitation psychiatrique<br />
<strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s mentaux chroniques,<br />
Masson 1991.
6<br />
■ URGENCE<br />
LIVRES ET REVUES<br />
100 petites expériences <strong>de</strong><br />
psychologie <strong>de</strong> la séduction<br />
N. Guégen<br />
Dunod<br />
Sexy, puisque c’est le thème, amusant,<br />
et surprenant souvent. C’est ainsi<br />
que se présente cet ouvrage qui collige<br />
<strong>de</strong>s résultats d’expériences sur la<br />
séduction. Savez-vous, par exemple,<br />
que la femme élisabéthaine mettait<br />
une pomme sous son aisselle et qu’une<br />
fois cette <strong>de</strong>rnière imprégnée <strong>de</strong> son<br />
musc, elle la donnait à son amant<br />
afin qu’il puisse la humer où qu’il<br />
soit ? L’époque contemporaine appelait<br />
une vérification expérimentale<br />
d’un tel fait. Or les phérormones ont<br />
<strong>de</strong>s effets indéniables : <strong>de</strong>s femmes<br />
qui vivent ensemble synchronisent<br />
leur cycles hormonaux et celles qui<br />
sont proches d’hommes voient leur<br />
cycles diminuer en longueur. Et pour<br />
le sex-appeal ? Il semble que cela<br />
fonctionne aussi, dans les <strong>de</strong>ux sens<br />
(masculin-féminin et réciproquement),<br />
voire que le génotype HLA l’influence,<br />
via les dites phérormones. Bon, par<br />
ailleurs, apprendre que les hommes<br />
sont attirés par les poitrines fortes ne<br />
surprendra personne mais, par contre,<br />
qu’en est-il <strong>de</strong> la longueur <strong>de</strong>s pieds<br />
<strong>de</strong> la partenaire ? Ou du <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> rasage<br />
du mâle potentiellement choisi ?<br />
A propos, saviez-vous que les femmes<br />
semblent aimer les hommes qui ont<br />
<strong>de</strong> l’humour, mais pas vraiment le<br />
contraire ? Des appariements en<br />
couple par caractéristiques physiques,<br />
en passant par l’attirance par tel ou<br />
tel type <strong>de</strong> voix ou <strong>de</strong> ratio hanchestaille,<br />
sans oublier quelques surprises<br />
<strong>de</strong> ce qui peut marcher, ou pas, dans<br />
la drague, ce livre se lit <strong>de</strong> façon très<br />
flui<strong>de</strong>. Son optique est résolument<br />
celle d’une psychologie évolutionniste<br />
: comment la femelle va-t-elle<br />
choisir le mâle qui garantira le mieux<br />
sa protection alors qu’elle s’occupera<br />
<strong>de</strong>s enfants à venir ? Et comment le<br />
mâle choisira-t-il une (ou <strong>de</strong>s) femelles<br />
aptes au mieux à pérenniser et à faire<br />
fructifier son semen. Les enseignements<br />
<strong>de</strong>s différentes expériences<br />
rapportées font l’objet d’hypothèses<br />
allant en ce sens. Une optique que<br />
l’on peut discuter ; mais en tout cas<br />
<strong>de</strong>s résultats constatés souvent troublants<br />
...<br />
Geneviève Rodis-Lewis,<br />
interprète <strong>de</strong> Descartes<br />
Revue philosophique <strong>de</strong> la France et<br />
<strong>de</strong> l’étranger 2007 n°3<br />
Presses Universitaires <strong>de</strong> France, 21 €<br />
Le 11 juin 2005 d’est tenu en Sorbonne<br />
un colloque intitulé Une autre<br />
histoire <strong>de</strong> la philosophie du XVII e siècle,<br />
en hommage à la mémoire du P. G.<br />
Rodis-Lewis. Les articles réunis dans<br />
ce numéro sont issus <strong>de</strong>s communications<br />
qui y furent présentées.<br />
C’est par ses travaux sur Descartes<br />
que la notoriété <strong>de</strong> G. Rodis-Lewis est<br />
aujourd’hui la plus gran<strong>de</strong> : elle est<br />
celle qui introduit à sa lecture l’étudiant<br />
comme l’honnête homme, qui<br />
découvrent la vie <strong>de</strong> ce philosophe<br />
à travers la bibliographie qu’elle lui<br />
consacra en 1996, ou les gran<strong>de</strong>s<br />
lignes du développement <strong>de</strong> sa pensée<br />
dans l’étu<strong>de</strong> générale qu’elle publia<br />
en 1971. Elle reste, en effet, l’une<br />
<strong>de</strong>s meilleures sources <strong>de</strong> renseignements<br />
concernant <strong>de</strong>s auteurs<br />
postcartésiens, tels Desgabets, ou Malebranche.<br />
C’est aussi elle qui replaça<br />
parmi les « grands » philosophes Arnauld,<br />
alors échoué au milieu <strong>de</strong>s<br />
« petits cartésiens ». Elle est, enfin, la<br />
seule à avoir proposé un travail d’envergure<br />
sur l’inconscient ou l’individualité<br />
selon Descartes. Enfin, l’œuvre<br />
<strong>de</strong> Geneviève Rodis-Lewis ne concerne<br />
pas les seuls érudits ou philosophes<br />
mo<strong>de</strong>rnistes : la rigueur intellectuelle<br />
qu’elle incarna <strong>de</strong>meure un exemple.<br />
<br />
Evaluation <strong>de</strong> la prescription<br />
<strong>de</strong>s psychotropes dans une<br />
unité d’hospitalisation <strong>de</strong><br />
courte durée<br />
C’est une Unité Fonctionnelle d’Hospitalisation<br />
<strong>de</strong> dix lits. Sauf cas exceptionnel,<br />
la durée d’hospitalisation dans<br />
l’UHCD doit être inférieure à 36<br />
heures ou <strong>de</strong>ux nuits consécutives.<br />
Lors du projet initial, une procédure a<br />
donc été effectuée avec l’ensemble<br />
<strong>de</strong>s psychiatres <strong>de</strong> l’institution, afin <strong>de</strong><br />
définir les caractéristiques <strong>de</strong>s patients<br />
adultes admis dans l’unité et relevant<br />
d’une pathologie psychiatrique.<br />
Nous avons donc retenu comme<br />
pathologies éligibles pour cette unité,<br />
les états anxieux, les états dépressifs<br />
non graves (non mélancoliques), les<br />
intoxications médicamenteuses volontaires<br />
non graves et les autres pathologies<br />
psychiatriques qui ne présentent<br />
pas <strong>de</strong> risque apparent d’hétéro<br />
ou d’auto-agressivité.<br />
Nous avons, également, convenu, en<br />
rapport avec les conférences <strong>de</strong><br />
consensus actuelles, que tous les<br />
patients ayant effectué une tentative<br />
<strong>de</strong> suici<strong>de</strong> doivent être examinés dans<br />
les vingt quatre heures par un psychiatre.<br />
On rappelle à ce propos que l’UHCD<br />
n’a pas comme fonction d’accueillir<br />
les patients agités ou violents, du fait <strong>de</strong><br />
l’absence <strong>de</strong> salle <strong>de</strong> contention. C’est<br />
donc le Praticien responsable <strong>de</strong><br />
l’UHCD qui assure avec l’équipe <strong>de</strong><br />
<strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> Liaison la prise en charge<br />
<strong>de</strong>s patients relevant d’un problème<br />
psychiatrique.<br />
Ces patients bénéficient tous au moins<br />
d’une consultation psychiatrique lors<br />
<strong>de</strong> leur séjour dans l’UHCD.<br />
Les Hôpitaux du Léman disposent <strong>de</strong><br />
43 lits d’hospitalisation <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />
Adulte pour un bassin <strong>de</strong> population<br />
<strong>de</strong> 115 000 habitants environ. La suite<br />
<strong>de</strong>s soins psychiatriques est assurée<br />
soit par l’équipe <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> Liaison,<br />
soit par les Psychiatres ou Psychologues<br />
du Centre Médico-Psychologique<br />
(CMP) ou, encore, par les<br />
Psychiatres libéraux.<br />
Un ren<strong>de</strong>z-vous avec un professionnel<br />
<strong>de</strong>s soins psychologiques ou les<br />
coordonnées <strong>de</strong> ces services sont données<br />
systématiquement au patient à<br />
sa sortie. Profitant du lien qui a été<br />
crée dans l’UHCD avec l’équipe soignante,<br />
il est également rappelé au<br />
patient, qu’en cas <strong>de</strong> récidive d’un raptus<br />
anxieux, il peut à nouveau consulter<br />
notre service. Cette information a<br />
permis à certains patients <strong>de</strong> reconsulter<br />
notre unité, permettant ainsi<br />
d’éviter un nouveau passage à l’acte.<br />
Un courrier est adressé systématiquement<br />
au Mé<strong>de</strong>cin et au Psychiatre qui<br />
s’occupent habituellement du patient.<br />
Objectifs <strong>de</strong> ce travail et<br />
méthodologie utilisée<br />
Le but <strong>de</strong> ce travail est <strong>de</strong> décrire<br />
l’activité psychiatrique <strong>de</strong> cette unité<br />
et, en particulier, l’activité pharmacopsychiatrique<br />
durant le mois <strong>de</strong><br />
février 2007. Une étu<strong>de</strong> rétrospective<br />
a été effectuée par la consultation<br />
dossier par dossier <strong>de</strong>s quarante sept<br />
patients présentant un état <strong>de</strong> crise<br />
psychologique et hospitalisés durant le<br />
mois <strong>de</strong> février 2007.<br />
Au total, 3375 patients ont été hospitalisés<br />
dans l’UHCD <strong>de</strong>puis son<br />
ouverture en juin 2005 jusqu’au mois<br />
<strong>de</strong> février 2007.<br />
61% <strong>de</strong> ces patients sont retournés<br />
à leur domicile après leur séjour dans<br />
l’unité.<br />
La Durée Moyenne <strong>de</strong> Séjour <strong>de</strong> l’ensemble<br />
<strong>de</strong>s patients est <strong>de</strong> 1,32 jours.<br />
Evaluation spécifique<br />
<strong>de</strong> l’activité<br />
psychiatrique <strong>de</strong><br />
l’UHCD au cours du<br />
mois <strong>de</strong> février 2007<br />
Le nombre total <strong>de</strong> patients hospitalisés<br />
dans l’UHCD et relevant d’une<br />
prise en charge psychiatrique durant<br />
le mois <strong>de</strong> février 2007 est <strong>de</strong> 47, ce<br />
qui correspond à 40% <strong>de</strong>s patients<br />
hospitalisés durant cette même pério<strong>de</strong>.<br />
59% sont <strong>de</strong>s femmes et 41% <strong>de</strong>s<br />
hommes. L’âge moyen est <strong>de</strong> 45.3<br />
ans, avec <strong>de</strong>s extrêmes allant <strong>de</strong> 18 à<br />
93 ans.<br />
Dans 23% <strong>de</strong>s cas, le motif d’admission<br />
est une tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>, essentiellement<br />
médicamenteuse. 11% <strong>de</strong>s<br />
patients présentent une agitation initiale.<br />
21% sont alcoolisés à leur admission.<br />
2% disent avoir consommé <strong>de</strong>s<br />
drogues. La durée moyenne <strong>de</strong> séjour<br />
<strong>de</strong> ces patients est <strong>de</strong> 1,48 jours, avec<br />
<strong>de</strong>s extrêmes qui vont <strong>de</strong> une journée<br />
à quatre jours. Le pourcentage <strong>de</strong><br />
patients ayant regagné leur domicile<br />
à l’issue du séjour est <strong>de</strong> 73%.<br />
Le pourcentage <strong>de</strong> patients hospitalisés<br />
en Unités Psychiatriques ou dans les<br />
Services <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine conventionnels,<br />
après passage par l’UHCD, est donc<br />
<strong>de</strong> 27%. Tous les patients ont bénéficié,<br />
au cours <strong>de</strong> leur séjour et dans les<br />
premières 24 heures, d’au moins un<br />
entretien psychiatrique. 34% <strong>de</strong>s<br />
patients ont bénéficié d’un <strong>de</strong>uxième<br />
entretien psychiatrique dans le service.<br />
Deux inci<strong>de</strong>nts, à type <strong>de</strong> fugues sans<br />
conséquence, sont survenus durant le<br />
séjour <strong>de</strong> ces patients.<br />
Les diagnostics<br />
psychiatriques retenus<br />
selon la CIM 10<br />
Les syndromes dépressifs représentent<br />
30% <strong>de</strong>s cas, dont 36% sont<br />
<strong>de</strong>s syndromes dépressifs majeurs.<br />
Les troubles anxieux représentent<br />
19% <strong>de</strong>s patients, les troubles <strong>de</strong> la<br />
personnalité représentent 13% <strong>de</strong>s<br />
cas les troubles affectifs bipolaires<br />
représentent 11% <strong>de</strong>s cas, les décompensations<br />
psychotiques avérées<br />
représentent 8,5% <strong>de</strong>s patients, les<br />
alcoolisations aiguës ou chroniques<br />
représentent 17% <strong>de</strong>s patients.<br />
Pour ce qui concerne la<br />
prescription <strong>de</strong>s<br />
psychotropes<br />
Les Benzodiazépines sont prescrites<br />
dans 70% <strong>de</strong>s cas.<br />
L’Alprazolam est prescrit dans 60%<br />
<strong>de</strong>s cas et le Clorazépam dans 26%<br />
<strong>de</strong>s cas.<br />
Le Méprobamate a été prescrit dans<br />
8,5% <strong>de</strong>s cas, essentiellement chez le<br />
sujet âgé.<br />
Les neuroleptiques sont prescrits dans<br />
53% <strong>de</strong>s cas.<br />
La Cyamémazine est prescrite dans<br />
60% <strong>de</strong>s cas et la Loxapine dans 25%<br />
<strong>de</strong>s cas.<br />
Les neuroleptiques atypiques sont<br />
prescrits dans 7% <strong>de</strong>s cas.<br />
Les anti dépresseurs ont été essentiellement<br />
reconduits voire prescrits<br />
dans 30% <strong>de</strong>s cas. Dans 80% <strong>de</strong>s<br />
cas ils sont <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Inhibiteurs<br />
Spécifiques <strong>de</strong> la Recapture <strong>de</strong><br />
la Sérotonine ou <strong>de</strong>s Inhibiteurs <strong>de</strong><br />
la Recapture <strong>de</strong> la Sérotonine et <strong>de</strong> la<br />
Noradrénaline.<br />
Un Imipraminique, l’Amitriptyline, a<br />
été prescrit une fois pour un épiso<strong>de</strong><br />
dépressif majeur.<br />
La Miansérine a été prescrite à <strong>de</strong>ux<br />
reprises.<br />
Les normothymiques ont été prescrits<br />
dans 13% <strong>de</strong>s cas, dont 66%<br />
pour le Lithium.<br />
Le Divalproate <strong>de</strong> sodium a été prescrit<br />
à <strong>de</strong>ux reprises.<br />
Les hypnoptiques ont été prescrits<br />
dans 55% <strong>de</strong>s cas. Il s’agit, dans 46%<br />
<strong>de</strong>s cas, <strong>de</strong> zolpi<strong>de</strong>m et dans 38 %<br />
<strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> zopiclone.<br />
La Mépronizine a été prescrite dans<br />
11% <strong>de</strong>s cas.<br />
Ces psychotropes ont été prescrits en<br />
association dans 91% <strong>de</strong>s cas.<br />
Dans 15% <strong>de</strong>s cas, aucune prescription<br />
médicamenteuse n’a été proposée.<br />
Il s’agit essentiellement <strong>de</strong> patients<br />
alcoolisés placés en surveillance dans<br />
le service.<br />
Conclusion<br />
Les Unités d’Hospitalisation <strong>de</strong> Courte<br />
Durée font désormais partie intégrante<br />
du paysage hospitalier actuel ;<br />
elles représentent <strong>de</strong>s unités incontournables<br />
dans la prise en charge <strong>de</strong>s<br />
patients <strong>de</strong> plus en plus nombreux<br />
présentant un état <strong>de</strong> crise psychologique<br />
et reçus par les Services d’Accueil<br />
<strong>de</strong>s Urgences. Ces unités permettent,<br />
dans un premier temps, aux<br />
patients <strong>de</strong> temporiser ces états <strong>de</strong><br />
crise, en leur apportant notamment<br />
un lieu d’écoute adaptée, ce qui<br />
constitue un préliminaire indispensable<br />
à la sédation <strong>de</strong> l’angoisse.<br />
Les psychotropes utilisés, et notamment<br />
les nouvelles molécules forment<br />
un indispensable arsenal thérapeutique.<br />
Dans notre unité, dans la majorité <strong>de</strong>s<br />
cas, sont prescrits <strong>de</strong>s benzodiazépines,<br />
Manuel <strong>de</strong> psychiatrie<br />
Masson<br />
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
<strong>de</strong>s hypnotiques ainsi que la Cyamémazine.<br />
Cependant, toutes les classes<br />
pharmacologiques sont représentées,<br />
notamment les anti dépresseurs et les<br />
anti psychotiques <strong>de</strong> nouvelle génération.<br />
Les entretiens psychothérapeutiques<br />
bien conduits associés à une utilisation<br />
raisonnée <strong>de</strong> ces psychotropes<br />
permettent donc dans la gran<strong>de</strong> majorité<br />
<strong>de</strong>s situations un retour au calme<br />
rapi<strong>de</strong>, associé à une bonne sédation<br />
<strong>de</strong> l’angoisse, ce qui favorise un retour<br />
à domicile précoce et dans <strong>de</strong> bonnes<br />
conditions.<br />
Ce premier contact avec un professionnel<br />
<strong>de</strong>s soins psychologiques<br />
<strong>de</strong>meure très important car il conditionne<br />
la suite <strong>de</strong> la prise en charge. ■<br />
Ludovic Sache<br />
Praticien Hospitalier, Responsable <strong>de</strong> l’Unité<br />
d’Hospitalisation <strong>de</strong> courte durée <strong>de</strong>s Hôpitaux<br />
du Léman<br />
Bibliographie<br />
(1) Recommandations <strong>de</strong> la Société Francophone<br />
<strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine d’Urgence concernant la<br />
mise en place, la gestion, l’utilisation et l’évaluation<br />
<strong>de</strong>s unités d’hospitalisation <strong>de</strong> courte<br />
durée <strong>de</strong>s services d’urgence, JEUR, 2001,<br />
14, 144-152.<br />
La Psychanalyse face à ses<br />
détracteurs<br />
Vannina Micheli-Rechtman<br />
Aubier, 21 €<br />
Les détracteurs contemporains puisent<br />
dans les dogmes mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong><br />
la science les arguments <strong>de</strong> leur<br />
contestation. Pour V. Micheli-Rechtman,<br />
Freud en avait anticipé les principales<br />
tendances. En développant<br />
une généalogie <strong>de</strong> l’interprétation,<br />
elle resitue les différentes critiques<br />
dans leur contexte historique. La<br />
psychanalyse est alors en débat avec<br />
l’herméneutique (en montrant comment<br />
le freudisme en modifie son<br />
histoire), avec la science (en partant<br />
<strong>de</strong> la querelle entre les sciences <strong>de</strong><br />
la nature et les sciences <strong>de</strong> l’esprit),<br />
enfin avec la philosophie du langage<br />
(puisque Wittgenstein se présentait<br />
comme un « disciple » <strong>de</strong><br />
Freud).
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
Napoléon, bien sûr, jalonneront notre<br />
texte, et donneront l’accent <strong>de</strong> vérité<br />
nécessaire pour appréhen<strong>de</strong>r ce qui<br />
fait le particulier, le singulier même, <strong>de</strong><br />
Napoléon Bonaparte. L’on évoque souvent<br />
le dictateur, le <strong>de</strong>spote, le tyran,<br />
l’homme assoiffé <strong>de</strong> puissance, <strong>de</strong> victoires,<br />
l’extension toujours plus gran<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> son pouvoir et <strong>de</strong>s frontières <strong>de</strong><br />
son Empire, son mépris pour la vie<br />
humaine, en un mot le versant « froid »<br />
et « mégalomaniaque » <strong>de</strong> Napoléon.<br />
On ne peut, certes, passer outre ces<br />
traits qui le caractérisent, mais qui le<br />
caractérisent, comme <strong>de</strong> bien entendu,<br />
en partie. De là à en faire un mégalomaniaque,<br />
au sens psychiatrique du<br />
terme, il n’y aurait qu’un pas, mais un<br />
faux-pas. A cet égard, nous ne pouvons<br />
qu’abon<strong>de</strong>r dans le sens <strong>de</strong><br />
T. Lentz qui écrit que « les guerres qu’il<br />
conduisit et, parfois, déclencha, n’avaient<br />
pas pour but <strong>de</strong> satisfaire on ne sait quel<br />
dérèglement psychologique ou hormonal<br />
» (30)... Nous le verrons, il n’y a<br />
aucun « pathos » du côté <strong>de</strong> Napoléon,<br />
il n’y a pas <strong>de</strong> délire <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur, au<br />
sens où l’entend la psychiatrie. Napoléon<br />
n’était ni mégalomaniaque, ni psychopathe,<br />
ni fou. Non, Bonaparte a pu<br />
<strong>de</strong>venir Napoléon, l’Empereur <strong>de</strong>s Français,<br />
qu’en se saisissant avec une intelligence<br />
rare <strong>de</strong>s événements politiques<br />
<strong>de</strong> l’époque. Il avait, à cet égard, un<br />
point <strong>de</strong> vue tranché : « ceux qui ne<br />
savent pas se servir <strong>de</strong>s circonstances,<br />
disait-il, sont <strong>de</strong>s niais ». Ce qui l’a<br />
amené à atteindre cette place <strong>de</strong><br />
« <strong>de</strong>mi-Dieu » <strong>de</strong> son vivant, ce n’est<br />
donc certainement pas une quelconque<br />
La part obscure <strong>de</strong> nousmêmes<br />
Une histoire <strong>de</strong>s pervers<br />
Elisabeth Roudinesco<br />
Bibliothèque Idées<br />
Albin Michel, 18 €<br />
Inutile <strong>de</strong> débuter la lecture <strong>de</strong> cet<br />
ouvrage crayon en mains pour en<br />
souligner les passages importants, il<br />
finira entièrement noirci. Le titre est<br />
magnifique et doit tous nous interroger.<br />
Il traite <strong>de</strong> la perversion en prenant<br />
appui sur l’apport crucial <strong>de</strong><br />
Freud quand il estima « la perversion<br />
nécessaire à la civilisation en tant que<br />
part maudite <strong>de</strong>s sociétés et part obscure<br />
<strong>de</strong> nous-mêmes » ; mettant ainsi<br />
en avant que c’est l’accès à la culture<br />
qui « permet d’arracher l’humanité à<br />
sa propre pulsion d’anéantissement ».<br />
Réactualiser les étu<strong>de</strong>s sur la perversion<br />
est une nécessité car il s’agit<br />
d’une matière mouvante en permanence.<br />
On se souvient du livre <strong>de</strong> Marie-Laure<br />
Susini : « L’auteur du crime<br />
pervers » (1). E. Roudinesco revisite<br />
Sa<strong>de</strong>, Sacher Masoch aussi bien sur,<br />
avec <strong>de</strong>s plongeons vers la Grèce Antique<br />
et <strong>de</strong>s explorations vers Foucault.<br />
Elle nous explique que rien ne<br />
peut être compris à notre mon<strong>de</strong> actuel<br />
sans une perspective historique.<br />
Ainsi, on saisit comment, au fil du<br />
temps, on passe <strong>de</strong> l’enfant masturbateur<br />
à la sexualité dangereuse, à<br />
la femme hystérique, jusqu’à l’homosexuel<br />
- bref tout ce qui n’avait<br />
pas la procréation comme objet. Mais<br />
la politique n’est jamais loin. C’est<br />
ainsi qu’est évoqué Dorian Gray dont<br />
le portrait secret comporte tous les<br />
stigmates <strong>de</strong> la perversion vécue par<br />
le héros qui conserve face au mon<strong>de</strong><br />
ses traits <strong>de</strong> beauté éclatante et d’éternelle<br />
jeunesse. On pourrait ainsi traverser<br />
la littérature wildienne jusqu’à<br />
une réalité la plus effrayante d’un<br />
Adolph Eichmann responsable <strong>de</strong> l’élimination<br />
<strong>de</strong> plusieurs millions <strong>de</strong> juifs,<br />
un être si « affreusement normal » (ni<br />
psychopathe, ni pervers sexuel, ni sadique<br />
... ) qui avait inversé la Loi faisant<br />
du crime une norme, <strong>de</strong>venant<br />
un véritable génocidaire sans éprouver<br />
la moindre culpabilité. Pire encore<br />
si cela est possible, Höss, commandant<br />
d’Auschwitz entre 1940 et<br />
1943, inventeur <strong>de</strong> l’efficace gaz d’ex-<br />
Napoléon n’était pas fou<br />
et irrésistible dimension pulsionnelle<br />
ou encore une « folie <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs »<br />
animée par une idéologie que d’aucuns<br />
pourraient lui prêter. Pour en<br />
rendre compte, à travers les événements<br />
<strong>de</strong> l’époque, nous allons donc<br />
ainsi tenter <strong>de</strong> nous approcher au plus<br />
près <strong>de</strong>s dits et <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> l’homme<br />
Napoléon, lesquels <strong>de</strong>vraient pouvoir<br />
mettre en lumière la « normalité » <strong>de</strong><br />
celui qui fut et qui reste sans conteste<br />
une <strong>de</strong>s figures les plus fascinantes <strong>de</strong><br />
l’histoire <strong>de</strong> France à bien <strong>de</strong>s égards.<br />
Ecrire encore et toujours sur Napoléon,<br />
donc. Mais après tout pourquoi<br />
pas ? Comme le soulignait H. Monin<br />
au début du XX ème siècle dans La<br />
Gran<strong>de</strong> Encyclopédie : « il est (...) impossible<br />
à personne <strong>de</strong> porter sur Napoléon<br />
un jugement définitif » (33), et Bainville<br />
dans le même sens : Napoléon « échappe<br />
toujours par quelques lignes <strong>de</strong>s pages<br />
où on essaie <strong>de</strong> l’enfermer. Il est insaisissable,<br />
non parce qu’il est infini, mais<br />
parce qu’il a varié comme les situations<br />
où le sort le mettait (...). Ainsi chacun<br />
<strong>de</strong> ses portraits est faux par quelque<br />
endroit » (1).<br />
Contrairement au fou, Napoléon ne<br />
se prenait pas pour Napoléon. En<br />
1946, J. Lacan écrivait à cet égard que :<br />
« Napoléon ne se croyait pas du tout<br />
Napoléon, pour fort bien savoir par quels<br />
moyens Bonaparte avait produit Napoléon,<br />
et comment Napoléon (...) en sou-<br />
termination, le Zyklon B. Dans ses<br />
aveux, à Nuremberg, il inverse la<br />
charge <strong>de</strong> la preuve : lui est bon père<br />
<strong>de</strong> famille, aimant sa femme et ses<br />
enfants, bon travailleur qui ne boit<br />
pas ni ne fume pas, habillé mo<strong>de</strong>stement<br />
; et s’il a assassiné autant <strong>de</strong><br />
juifs, c’est parce que ces <strong>de</strong>rniers aiment<br />
les châtiments et la prison, sont<br />
responsables <strong>de</strong> la haine qu’ils suscitent<br />
et <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> leur propre<br />
mise à mort. Il va visiter les chambres<br />
à gaz, contemplant les visages <strong>de</strong>s<br />
victimes « sans crispation » et se sent<br />
rassuré, estimant qu’ils ne souffrent<br />
pas.<br />
On pourrait multiplier les exemples<br />
<strong>de</strong> cette perversion poussée à l’extrême<br />
par Mengele, qui utilise la science<br />
comme outil <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction massive<br />
au profit d’une parole d’Etat. C’est<br />
comme cela que chacun a pu répondre,<br />
sans état d’âme, simplement<br />
obéir aux ordres.<br />
Avec le procès <strong>de</strong> Nuremberg, on<br />
croyait le racisme scientifique disparu.<br />
Avec les étu<strong>de</strong>s génétiques mo<strong>de</strong>rnes,<br />
on croyait même la notion <strong>de</strong> race<br />
mise à mal. On se prend à rêver à<br />
cauchemar<strong>de</strong>r peut-être, quand on<br />
apprend qu’en octobre <strong>de</strong>rnier, James<br />
Watson, prix Nobel, co-découvreur<br />
<strong>de</strong> la structure ADN, différencie l’intelligence<br />
<strong>de</strong>s noirs et <strong>de</strong>s blancs prenant<br />
à témoin « tous ceux qui ont eu<br />
affaires à <strong>de</strong>s employés noirs ». La mise<br />
entre parenthèse <strong>de</strong> ces idées, liée à<br />
la pério<strong>de</strong> réfractaire d’après guerre<br />
« tend à se dissiper » (Axel Kahn) (2).<br />
E. Roudinesco conclut sur ce que serait<br />
une société perverse qui se dirige<br />
déjà vers la désignation <strong>de</strong> l’« autre<br />
absolue », rejetée au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s frontières<br />
<strong>de</strong> l’humain (SDF, individu sale,<br />
alcoolique ... ) (3). Un livre passionnant<br />
écrit avec rigueur dont on méditera<br />
la <strong>de</strong>rnière phrase « à supposer... que<br />
nous ne soyons plus capable <strong>de</strong> nommer<br />
la perversion, cela ne nous évitera<br />
pas d’être confronté avec ses métamorphoses<br />
souterraines : la part obscure<br />
<strong>de</strong> nous-mêmes ».<br />
F. Caroli<br />
(1) M.L. SUSINI, L’auteur du crime pervers, Fayard<br />
2004.<br />
(2) A. KAHN, Cité par « Le Mon<strong>de</strong> », 31 Octobre<br />
2007<br />
(3) Le Maire d’Argenteuil eut un temps l’idée<br />
d’acquérir un produit répulsif pour chasser les<br />
SDF.<br />
tenait à chaque instant l’existence. S’il<br />
se crut Napoléon, ce fut au moment où<br />
Jupiter eut décidé <strong>de</strong> le perdre, et sa chute<br />
accomplie, il occupa ses loisirs à mentir à<br />
Las Cases à pages-que-veux-tu, pour<br />
que la postérité crût qu’il s’était cru Napoléon,<br />
condition requise pour la convaincre<br />
elle-même qu’il avait été vraiment Napoléon<br />
» (19). Tout au long <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> du<br />
Consulat (fin 1799 - mai 1804) et <strong>de</strong><br />
l’Empire (18 mai 1804- 4 avril 1814,<br />
puis 20 mars au 22 juin 1815), Napoléon<br />
a, en effet, travaillé ru<strong>de</strong>ment à<br />
la création <strong>de</strong> son propre personnage,<br />
<strong>de</strong> son propre mythe, <strong>de</strong> sa légen<strong>de</strong>, et<br />
fit tout ce qui était en son pouvoir (et<br />
il était immense) afin que son nom soit<br />
élevé au rang <strong>de</strong>s Alexandre le Grand,<br />
César, Auguste ou autre Charlemagne.<br />
Un objectif simple, donc : rester dans<br />
l’Histoire, ne pas être oublié, que son<br />
nom figure <strong>de</strong> manière indélébile aux<br />
côtés <strong>de</strong>s plus grands conquérants. Ne<br />
disait-il pas, d’ailleurs : « je ne vis que<br />
dans la postérité » ? Sur l’île <strong>de</strong> Sainte-<br />
Hélène (son exil dure un peu plus <strong>de</strong><br />
cinq ans et <strong>de</strong>mi, du 17 octobre 1815,<br />
à sa mort le 5 mai 1821), Napoléon<br />
n’eut <strong>de</strong> cesse <strong>de</strong> vouloir être plus qu’il<br />
ne fut, et ainsi <strong>de</strong> réécrire (<strong>de</strong> dicter), <strong>de</strong><br />
retraduire, <strong>de</strong> transformer, d’embellir<br />
son nom et son Histoire. Las Cases<br />
durant les <strong>de</strong>ux premières années, puis<br />
Bertrand, Gourgaud, Antonmarchi<br />
avaient pour tâche <strong>de</strong> prendre en note<br />
les dictées <strong>de</strong> Napoléon, auteur <strong>de</strong> sa<br />
propre histoire, acteur, bien sûr, mais<br />
aussi créateur <strong>de</strong> sa propre légen<strong>de</strong>.<br />
Le Mémorial <strong>de</strong> Sainte-Hélène <strong>de</strong> Las<br />
Cases est, sans doute, un <strong>de</strong>s documents<br />
les plus intéressants pour mieux<br />
cerner l’homme Napoléon, malgré les<br />
réserves qui sont faites parfois à son<br />
égard. Il va sans dire que l’Histoire,<br />
l’épopée napoléonienne, les exploits<br />
rapportés, et l’image <strong>de</strong> l’Empereur qui<br />
s’en dégage, y sont grandis plus que<br />
<strong>de</strong> raison, et c’est un point sur lequel<br />
l’ensemble <strong>de</strong>s historiens sont d’accord.<br />
Le document (1600 pages serrées)<br />
reste toutefois incontournable, et, dans<br />
ses « mensonges » mêmes, ou plutôt<br />
dans ses « rectifications » historiques,<br />
dans ses reconstructions, se révèle une<br />
part <strong>de</strong> vérité qu’il nous faut savoir<br />
déchiffrer.<br />
La puissance et la gloire<br />
« J’aimais plus la puissance<br />
que la gloire » (Napoléon)<br />
A la lecture <strong>de</strong>s multiples Mémoires<br />
contemporains <strong>de</strong> Napoléon, à la lecture<br />
<strong>de</strong>s innombrables biographies qui<br />
lui furent consacrées, évi<strong>de</strong>mment, la<br />
dimension « hors normes » du personnage,<br />
l’aspect « <strong>de</strong>stin d’exception » et<br />
« ambition démesurée » sautent immédiatement<br />
aux yeux. Et c’est à partir<br />
<strong>de</strong> certains traits <strong>de</strong> caractères, à partir<br />
<strong>de</strong> certains actes, en fonction <strong>de</strong> certaines<br />
décisions (politiques, militaires,<br />
administratives, etc.) que ses « détracteurs<br />
» ont voulu voir en Napoléon<br />
folie, délire, mégalomanie... H. Monin<br />
soulignait déjà au tout début du XX ème<br />
siècle que « <strong>de</strong> nos jours, certains physiologistes<br />
n’ont pas craint <strong>de</strong> le placer<br />
au nombre <strong>de</strong>s ‘’déséquilibrés supérieurs’’<br />
» (33). Et sans doute, il est indéniable<br />
que l’homme Napoléon apparaît<br />
à bien <strong>de</strong>s égards comme une figure<br />
hors normes, hors du commun. En première<br />
approche –et n’est-ce pas là l’idée<br />
que l’on se fait la plupart du temps du<br />
personnage ?- Napoléon est décrit (et il<br />
le fut) comme un homme d’ambitions,<br />
recherchant toujours plus la gloire, les<br />
conquêtes, menant ses hommes, son<br />
Armée Impériale et le peuple avec<br />
autorité, régnant en <strong>de</strong>spote, contrôlant<br />
et censurant la presse, la littérature,<br />
le théâtre, ne supportant pas qu’on<br />
le contredise, que l’on discute ses<br />
ordres, ou alors c’était s’exposer à <strong>de</strong><br />
terribles colères… Le goût du comman<strong>de</strong>ment,<br />
<strong>de</strong> la puissance et <strong>de</strong> la<br />
gloire, Napoléon l’a toujours eu, sans<br />
doute très tôt dans l’enfance semble til.<br />
Mais la célèbre bataille <strong>de</strong> Lodi (10<br />
mai 1796) marquera un tournant dans<br />
son histoire. Il aura d’ailleurs plus tard<br />
ces mots au sujet <strong>de</strong> l’impression que<br />
lui fit cette victoire : « je voyais le mon<strong>de</strong><br />
fuir sous moi comme si j’étais emporté<br />
dans les airs », et, après cette fameuse<br />
campagne d’Italie : « j’ai goûté du comman<strong>de</strong>ment<br />
et je ne puis plus y renoncer<br />
». Après l’Italie, puis l’Egypte (où là<br />
encore la propagan<strong>de</strong> par le discours et<br />
par l’image (II) fit admirablement son<br />
travail) Napoléon veut le pouvoir suprême,<br />
absolu. A trente ans, il se sent d’attaque<br />
pour gouverner la France, et l’occasion<br />
–qu’il ne laisse jamais passer- va<br />
lui en offrir la possibilité. Nommé<br />
Consul à vie le 10 mai 1802, puis proclamé<br />
Empereur en 1804 (et roi d’Italie<br />
l’année suivante), son pouvoir, sa<br />
puissance, sa renommée ne cessèrent<br />
<strong>de</strong> croître dans toute l’Europe. A partir<br />
<strong>de</strong> Tilsit (rencontre entre le tsar<br />
Alexandre Ier et Napoléon le 25 juin<br />
1807, puis traité signé le 7 juillet, assurant<br />
« paix et amitiés parfaites entre les<br />
<strong>de</strong>ux empereurs ») tout semble possible<br />
à Napoléon. « On a l’impression, écrit J.<br />
Bainville, d’une sorte <strong>de</strong> vertige, d’un<br />
délire <strong>de</strong> la puissance, d’un démiurge<br />
insensé qui brasserait sans arrêt le vieux<br />
mon<strong>de</strong>, ôtant ici <strong>de</strong>s rois pour les mettre<br />
ailleurs, donnant aux uns ce qu’il reprend<br />
aux autres, remaniant, agglomérant, divisant,<br />
annexant, et il est impossible <strong>de</strong> le<br />
suivre dans le détail sans donner au récit<br />
un caractère d’éparpillement et <strong>de</strong><br />
papillottement insoutenables pour l’esprit<br />
» (1). Démence, aliénation, folie, délire<br />
<strong>de</strong> domination et d’orgueil, esprit<br />
obscurci, dérangé, etc. Les qualificatifs<br />
allaient bon train du temps <strong>de</strong> l’Empire.<br />
Laissons pour l’heure cette question<br />
<strong>de</strong> côté. T. Lentz résume en fin<br />
<strong>de</strong> compte en quelques lignes qui en<br />
disent long l’ambition <strong>de</strong> Bonaparte :<br />
« A vingt-six ans Napoléon Bonaparte<br />
veut le pouvoir, sans hésitation, sans<br />
scrupule. A trente ans, il s’en saisit (…).<br />
Puis il se bat pour le conserver et l’accroître.<br />
A trente-quatre ans, il succè<strong>de</strong> à<br />
Charlemagne » (29). Relevons simplement<br />
qu’en 1802, à la date du 15 août,<br />
on célèbre la naissance <strong>de</strong> Napoléon (à<br />
partir <strong>de</strong> 1806 ce jour sera décrété<br />
Fête Nationale). En 1803 – l’année qui<br />
précè<strong>de</strong> le Sacre- le profil <strong>de</strong> Bonaparte<br />
vient orner les pièces <strong>de</strong> monnaie ;<br />
en avril 1806 est mis en circulation le<br />
« catéchisme impérial », lequel impose<br />
d’« honorer et servir son empereur », ce<br />
qui signifie « honorer et servir Dieu luimême<br />
». Selon L. Chardigny, « à partir<br />
<strong>de</strong> 1810, l’imagination <strong>de</strong> Napoléon<br />
atteint la démesure. Son penchant naturel<br />
au gigantisme frôle la folie <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs<br />
» (4). En 1811-1812, l’Empire<br />
compte 130 départements, s’étendant<br />
<strong>de</strong> Hambourg à Barcelone, d’Amsterdam<br />
à Rome (800 000 km2 environ).<br />
L’on peut noter déjà ce qui guidait, ce<br />
qui poussait Napoléon à étendre toujours<br />
plus les frontières <strong>de</strong> son Empire :<br />
« Je n’avais qu’un but, disait-il : tout<br />
réunir, tout concilier, faire oublier toutes<br />
les haines, rapprocher, rassembler tant<br />
d’éléments divergents et en recomposer<br />
un tout : une France, une patrie ». Dictateur,<br />
Bonaparte le fut, sans conteste.<br />
Les spécialistes s’accor<strong>de</strong>nt cependant<br />
pour préciser que cette dictature n’est<br />
peut-être pas tout à fait comparable à<br />
celles plus anciennes, ou à celles qui<br />
suivront. L’un <strong>de</strong> ses meilleurs biographes,<br />
F. Masson, soulignait par<br />
exemple que la dictature <strong>de</strong> Napoléon<br />
est « d’une espèce nouvelle (…) ; c’est <strong>de</strong><br />
la souveraineté nationale qu’elle procè<strong>de</strong><br />
en droit, et, en fait, c’est l’armée, c’est-àdire<br />
la force, qui l’a établie ; c’est par le<br />
consentement du peuple et par la force<br />
qu’elle se maintient » (31).<br />
<br />
PSYCHO BIOGRAPHIE ■ 7<br />
LIVRES<br />
Le Mérite et la République<br />
Essai sur la société <strong>de</strong>s émules<br />
Olivier Ihl<br />
nrf essais, Gallimard, 25 €<br />
Olivier Ihl, professeur à l’Institut d’étu<strong>de</strong>s<br />
politiques <strong>de</strong> Grenoble, spécialiste <strong>de</strong><br />
sociologie historique, s’est consacré<br />
ces <strong>de</strong>rnières années à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />
République, <strong>de</strong> la citoyenneté et <strong>de</strong><br />
la construction <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong> représentation<br />
politique. Ses recherches<br />
actuelles portent sur la formation <strong>de</strong>s<br />
sciences <strong>de</strong> gouvernement en Europe<br />
<strong>de</strong>puis la Révolution française. Il a<br />
publié aux Editions Gallimard La fête<br />
républicaine (Collection Bibliothèque<br />
<strong>de</strong>s Histoire, 1996). L’histoire <strong>de</strong> l’émulation<br />
raconte l’institutionnalisation<br />
d’une technique <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s<br />
conduites. Aujourd’hui banalisée et<br />
professionnalisée, elle s’est transformée<br />
en une entreprise <strong>de</strong> cotation<br />
sociale. A la fois hiérarchisée et fonctionnelle,<br />
cette technique dont l’Etat<br />
se porte garant s’est instituée en<br />
moyen <strong>de</strong> réglementer les formes <strong>de</strong><br />
la gran<strong>de</strong>ur sociale. Que ce soit au<br />
moyen <strong>de</strong> signes honorifiques ou <strong>de</strong><br />
primes en numéraire, elle a donné<br />
naissance à une véritable discipline.<br />
Ce livre retrace les formes variables<br />
que cette <strong>de</strong>rnière a prises selon les<br />
époques ou encore les périls qui lui<br />
ont permis <strong>de</strong> se constituer comme<br />
un domaine <strong>de</strong> pratiques et <strong>de</strong> savoirs.<br />
En faisant du mérite une ingénierie<br />
<strong>de</strong> gouvernement, les institutions<br />
<strong>de</strong> la démocratie libérale ont<br />
redéfini l’échelle <strong>de</strong>s valeurs. Elles<br />
n’ont pas abaissé les gran<strong>de</strong>urs, encore<br />
moins avili les dignités comme<br />
le craignaient leurs détracteurs, effrayés<br />
par la montée <strong>de</strong> la roture ou<br />
<strong>de</strong> l’Etat. Elles en ont fait un nouveau<br />
moyen <strong>de</strong> salut : celui d’une émulation<br />
proclamée gardienne <strong>de</strong>s formes<br />
du paraître.<br />
Contingence et nécessité<br />
<strong>de</strong>s lois <strong>de</strong> la nature au<br />
XVIII e siècle<br />
La philosophie secon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
lumières<br />
André Charrak<br />
Vrin, 26 €<br />
Au milieu du XVIII e siècle, les philosophes<br />
se réclamant <strong>de</strong> Locke et <strong>de</strong><br />
Newton interrogent le statut <strong>de</strong>s lois<br />
<strong>de</strong> la nature et se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt si elles<br />
pourraient s’avérer aussi nécessaires<br />
que les vérités mathématiques. Ils critiquent<br />
Leibniz sur la nécessité ex hypothesi<br />
<strong>de</strong>s lois et se prononcent sur<br />
leur révision wolffienne : d’une manière<br />
très cohérente, c’est finalement<br />
le concept central <strong>de</strong> mon<strong>de</strong> possible<br />
qui se trouve écarté. Cette histoire,<br />
essentielle pour approfondir notre<br />
compréhension du problème <strong>de</strong> la<br />
connaissance à cette époque, se joue<br />
autour <strong>de</strong> Maupertuis, qui a la Théodicée<br />
sous les yeux lorsqu’il écrit son<br />
Essai <strong>de</strong> cosmologie ; <strong>de</strong> l’Académie<br />
<strong>de</strong> Berlin, dont cet ouvrage étudie<br />
certaines archives inédites ; <strong>de</strong> d’Alembert<br />
et <strong>de</strong> Kant enfin, qui en thématisent<br />
les enjeux fondamentaux. Ces<br />
débats éclairent ce qu’il convient <strong>de</strong><br />
désigner comme la philosophie secon<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>s Lumières. Car l’idée <strong>de</strong> nature,<br />
jusqu’à la fin du XVIII e siècle, et<br />
du fait même <strong>de</strong> la recherche d’une<br />
nécessité supérieure dans les phénomènes,<br />
impose <strong>de</strong> situer la philosophie<br />
naturelle par rapport à la métaphysique<br />
et, parfois, <strong>de</strong> poursuivre<br />
l’une par l’autre. En témoignent les<br />
longues discussions qui portent sur<br />
la théologie physique, c’est-à-dire sur<br />
le rapport <strong>de</strong> l’intelligence souveraine<br />
à l’ordre du mon<strong>de</strong>, aux lois qui le<br />
régissent et à ses manifestations empiriques.
8<br />
LIVRES<br />
■ PSYCHO BIOGRAPHIE<br />
Eléments pour une histoire<br />
<strong>de</strong> la psychiatrie occi<strong>de</strong>ntale<br />
Jacques Postel<br />
L’Harmattan, 29 €<br />
Cet ouvrage rassemble une quinzaine<br />
<strong>de</strong> contributions à l’histoire <strong>de</strong> la psychiatrie.<br />
Dans une large perspective,<br />
le lecteur y découvre <strong>de</strong> la Renaissance<br />
à l’époque contemporaine, une<br />
série d’étu<strong>de</strong>s allant <strong>de</strong> la mélancolie<br />
décrite par Du Laurens, à la<br />
découverte du Largactil, premier neuroleptique<br />
<strong>de</strong> la révolution psychopharmacologique.<br />
Mais c’est à l’œuvre<br />
<strong>de</strong> Pinel, le fondateur <strong>de</strong> la psychiatrie<br />
mo<strong>de</strong>rne, et à ses mythifications<br />
successives, que l’auteur a consacré<br />
le plus <strong>de</strong> pages ; Esquirol ensuite, le<br />
grand patron <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine aliéniste<br />
; Georget et Bayle, ses élèves<br />
directs ; sont évoqués également le<br />
traitement moral et sa déca<strong>de</strong>nce, le<br />
magnétisme animal, l’importance<br />
<strong>de</strong> la découverte freudienne, sans<br />
omettre Kraepelin et son monument<br />
nosographique qui résiste à l’usure<br />
du temps ; la naissance <strong>de</strong> la première<br />
revue <strong>de</strong> psychologie médicale,<br />
les rôles respectifs <strong>de</strong> la pratique<br />
<strong>de</strong> secteur et <strong>de</strong>s neuroleptiques dans<br />
l’amélioration du sort <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s<br />
mentaux sont d’autres étapes auxquelles<br />
ce parcours invite.<br />
Races, racisme et<br />
antiracisme dans les années<br />
1930<br />
Carole Reynaud Paligot<br />
Presses Universitaires <strong>de</strong> France,<br />
20 €<br />
L’élaboration scientifique <strong>de</strong> la notion<br />
<strong>de</strong> race fut l’œuvre <strong>de</strong> la communauté<br />
anthropologique. Les années<br />
1930 furent, pour l’anthropologie<br />
raciale, le temps <strong>de</strong>s doutes parce<br />
que l’anthropométrie n’avait pas tenu<br />
toutes ses promesses et parce que sa<br />
pratique, sans pour autant avoir été<br />
abandonnée, n’avait guère permis<br />
d’avancer dans la classification raciale<br />
du genre humain. De nouvelles<br />
perspectives apparurent qui s’appuyèrent<br />
sur les avancées scientifiques<br />
du moment, la sérologie et la<br />
génétique. Abor<strong>de</strong>r l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’anthropologie<br />
raciale soulève la question<br />
<strong>de</strong>s représentations <strong>de</strong> l’altérité.<br />
Comment penser la différence fut<br />
une question centrale pour l’anthropologie.<br />
Si les savants français se mobilisèrent<br />
contre les théories « racistes »<br />
<strong>de</strong> l’anthropologie raciale nazie, ils<br />
continuèrent à concevoir les races <strong>de</strong><br />
couleur sous le prisme <strong>de</strong> l’inégalité.<br />
La question eugéniste ne leur resta<br />
pas étrangère, tandis que, à la fin <strong>de</strong>s<br />
années 1930, certains d’entre eux<br />
dérivaient vers l’antisémitisme.<br />
L’approche psychologique a prolongé<br />
alors la thématique raciale. La psychologie<br />
raciale connut, en effet, un<br />
essor notable tant chez les scientifiques<br />
que chez les littéraires. Les<br />
scientifiques étudièrent la question<br />
<strong>de</strong> la transmission <strong>de</strong>s caractères psychologiques<br />
<strong>de</strong>s différentes races au<br />
regard <strong>de</strong>s nouvelles perspectives<br />
scientifiques tandis que philosophes,<br />
sociologues, littéraires s’appropriaient<br />
le concept qui <strong>de</strong>vint une véritable<br />
problématique pour abor<strong>de</strong>r l’étu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> l’époque, allant même<br />
parfois jusqu’à faire <strong>de</strong> l’antagonisme<br />
entre les races un moteur <strong>de</strong>s relations<br />
internationales. La psychologie<br />
raciale trouva, également, un terrain<br />
propice au sein du mon<strong>de</strong> colonial<br />
et elle fut censée éclairer les politiques<br />
coloniales tout comme les politiques<br />
<strong>de</strong> l’immigration. La psychologie ethnique<br />
fut appliquée aux indigènes<br />
<strong>de</strong>s colonies et permit d’i<strong>de</strong>ntifier les<br />
immigrés désirés et indésirables sur<br />
le territoire métropolitain.<br />
<br />
Séminaire d’histoire <strong>de</strong> la psychiatrie<br />
Coordoné par le Pr J.D. Guelfi et le Dr F. Bing<br />
Sous l’égi<strong>de</strong> du Dr J. Postel<br />
Ce séminaire aura lieu le <strong>de</strong>uxième mardi <strong>de</strong> chaque mois à 20h<br />
Plus récemment, J. Tulard, dans son<br />
incontournable Napoléon, donne définitivement<br />
la « couleur » <strong>de</strong> la dictature<br />
napoléonienne : « l’Empire était avant<br />
tout une dictature <strong>de</strong> salut public, <strong>de</strong>stinée<br />
à préserver les conquêtes révolutionnaires<br />
(…). Le gouvernement impérial<br />
prit dès 1804 l’allure d’une dictature<br />
personnelle (…). Les ministres furent<br />
réduits au rôle <strong>de</strong> simples exécutants<br />
(…). La dictature napoléonienne, c’est<br />
au fond le césarisme <strong>de</strong> la Rome antique,<br />
un compromis entre les nécessités d’un<br />
gouvernement <strong>de</strong> salut public, en lutte<br />
contre l’Europe, et les susceptibilités héritées<br />
<strong>de</strong> la Révolution à l’égard du pouvoir<br />
monarchique. Césarisme ? ou plus exactement<br />
Bonapartisme, car le mérite du<br />
vainqueur <strong>de</strong> Marengo est d’avoir substitué<br />
son nom à celui du vainqueur<br />
d’Alésia (…). Tout repose sur le charisme<br />
personnel <strong>de</strong> Napoléon : le régime<br />
s’i<strong>de</strong>ntifie à un individu » (39).<br />
Mais passons sur l’homme politique,<br />
sur l’homme <strong>de</strong> conquêtes et <strong>de</strong><br />
guerres, encore qu’il se défendît bien<br />
d’être qualifié d’« homme <strong>de</strong> guerre »<br />
car, conquérant et guerrier, il ne le fut<br />
–et il l’a répété maintes fois– que pour<br />
obtenir la paix dans toute l’Europe,<br />
pour obtenir l’unité <strong>de</strong>s peuples, l’alignement<br />
<strong>de</strong>s classes sociales, un co<strong>de</strong><br />
européen, une même monnaie, les<br />
mêmes lois, etc., et, ne cessait-il <strong>de</strong><br />
répéter encore, s’il fut contraint à certaines<br />
guerres, la faute en revenait à<br />
l’Angleterre : « c’est le système <strong>de</strong> guerre<br />
perpétuelle adopté par l’Angleterre qui<br />
m’y a forcé » ; ou encore : « c’est l’Angleterre<br />
qui m’a poussé, forcé à tout ce<br />
que j’ai fait ». Un idéal <strong>de</strong> paix (encore<br />
une fois qui n’avait rien <strong>de</strong> délirant au<br />
sens <strong>de</strong> la psychose) qui pousse inévitablement<br />
Napoléon à incarner le Père<br />
<strong>de</strong> l’Europe unie, fédérée et pacifiée,<br />
mais un idéal qui aura fait en quelques<br />
années près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux millions <strong>de</strong><br />
morts (III) : « J’ai voulu l’empire du mon<strong>de</strong>,<br />
et, pour me l’assurer, un pouvoir sans<br />
bornes m’était nécessaire ». Comme le<br />
propose A. Jourdan : « la volonté <strong>de</strong><br />
puissance n’exclut pas tout idéalisme, et<br />
peut-être celle-là est-elle justement le fruit<br />
<strong>de</strong> celui-ci. L’Empereur nourrit <strong>de</strong>s rêves.<br />
Sa vision d’une Europe unie, civilisée,<br />
francisée, pacifiée, qu’est-elle sinon une<br />
utopie ? » (17).<br />
J. Go<strong>de</strong>chot a souligné, avec raison,<br />
que « dans la carrière prodigieuse <strong>de</strong><br />
Napoléon, sous ses activités multiples, il<br />
est difficile <strong>de</strong> retrouver l’homme » (14).<br />
Dans la même veine, G. Gengembre<br />
s’interroge : « peut-on retrouver l’homme<br />
véritable sous les travestissements <strong>de</strong> la<br />
légen<strong>de</strong> et les habits du mythe ? » (13).<br />
L’image du Napoléon stratège <strong>de</strong> génie,<br />
conquérant et <strong>de</strong>spote, c’est probablement<br />
celle que la plupart d’entre nous<br />
avons héritée <strong>de</strong> nos années d’école<br />
ou <strong>de</strong> nos lectures d’enfance. On peut<br />
Programme 2007-2008<br />
13 novembre 2007 : R. Major, Faut-il brûler Freud ?<br />
11 décembre 2007 : M. Valleur, Histoire <strong>de</strong>s addictions « Le jeu »<br />
8 janvier 2008 : J.F. Braunstein, G. Canguilhem et les normes<br />
12 février 2008 : S. Wasersztrum, Histoire <strong>de</strong>s « psychotropes »<br />
11 mars 2008 : C. Imbert, Histoire <strong>de</strong> la « folie » avant 1652<br />
8 avril 2008 : J. Carroy, Intrduction à l’histoire <strong>de</strong> la psychologie<br />
13 mai 2008 : D. Zagury, Introduction à l’histoire <strong>de</strong> la criminologie<br />
10 juin 2008 : F. Hocini, Naissance <strong>de</strong> l’adolescence<br />
8 juillet 2008 : M. Plon, L’avenir <strong>de</strong> la paychanalyse<br />
Renseignements : Dr F. Bing. Tél. : 01 40 13 06 15. Centre Hospitalier Sainte-Anne,<br />
Institut H. Ellenberger, Bibliothèque H. Ey, 1 rue Cabanis, 75674 Paris Ce<strong>de</strong>x 14<br />
éventuellement avoir par ailleurs l’idée<br />
d’un personnage dont le regard fascinait<br />
ceux qui le côtoyaient, d’un homme<br />
à l’esprit toujours vif et prompt, toujours<br />
tout entier à son objet, jamais distrait,<br />
un homme qui avait à l’extrême le<br />
goût <strong>de</strong> l’ordre, <strong>de</strong> la hiérarchie, <strong>de</strong> la<br />
cohésion et <strong>de</strong> l’organisation, qui prenait<br />
le plus souvent et <strong>de</strong>puis tout jeune<br />
un ton doctoral, manifestant « une espèce<br />
d’exaltation froi<strong>de</strong> (…). Il est sans<br />
fièvre (…), tantôt majestueux (…), tantôt<br />
brutal (…), tantôt affable et cajolant<br />
(…), tantôt cynique » (1), très luci<strong>de</strong> sur<br />
la précarité <strong>de</strong> son pouvoir, ne se laissant<br />
surprendre par rien, contrôlant<br />
constamment ses émotions, indifférent<br />
au danger, croyant en sa bonne étoile,<br />
surveillant tout, voulant tout savoir sur<br />
tout, et tout comprendre, véritable<br />
génie <strong>de</strong> la stratégie et <strong>de</strong> la tactique<br />
militaire, offensif et souvent offensant,<br />
misogyne, donnant « le mot d’ordre à<br />
l’univers », pour reprendre l’expression<br />
<strong>de</strong> Chateaubriand (5). Autant <strong>de</strong> traits<br />
qui laissent une image <strong>de</strong> Napoléon<br />
quelque peu froi<strong>de</strong> et sans fissures, sans<br />
failles… Peut-être est-il ainsi utile d’aller<br />
maintenant en marge <strong>de</strong> l’image<br />
qu’a bien voulu nous laisser l’auteur<br />
<strong>de</strong> son propre mythe, d’aller à la rencontre<br />
du sujet Napoléon, celui qui se<br />
montre divisé, celui qui donne à voir et<br />
à entendre la position subjective d’un<br />
être aux prises avec ses angoisses, ses<br />
doutes, sa culpabilité, et les divers<br />
« remè<strong>de</strong>s » qu’il aura tenté <strong>de</strong> trouver<br />
et <strong>de</strong> s’appliquer pour pouvoir faire<br />
face sur tous les fronts…<br />
De l’inflation phallique<br />
S’il y a bien, chez Napoléon, un trait<br />
structural qui pourrait le désigner en<br />
propre, ce serait celui <strong>de</strong> l’omniprésence<br />
<strong>de</strong> la promotion et <strong>de</strong> l’inflation<br />
du signifiant phallique, ainsi que la figure<br />
<strong>de</strong> Maître -et, bien plus, <strong>de</strong> Pèrequ’il<br />
incarna pendant toute la durée<br />
<strong>de</strong> son règne. « Tout le problème <strong>de</strong> l’obsessionnel<br />
[car Napoléon, nous allons le<br />
voir, était sans conteste névrosé, avec<br />
une dimension obsessionnelle évi<strong>de</strong>nte],<br />
disait J. Lacan, est <strong>de</strong> trouver à son désir<br />
la seule chose qui puisse lui donner un<br />
semblant d’appui » (22), et ce qui vient<br />
prendre place ici, et qui fonctionne<br />
comme appui du désir, poursuit-il,<br />
« c’est un objet qui est toujours (…)<br />
réductible au signifiant Phallus » (22). Et<br />
bien, il faut prendre au mot Napoléon<br />
et entendre ici cette vérité : « on dit<br />
que je suis ambitieux, on se trompe : je<br />
ne le suis pas, ou, du moins, mon ambition<br />
est si intimement unie à mon être<br />
qu’elle n’en peut être distinguée ». Effectivement,<br />
nous allons en rendre compte,<br />
le plus intime <strong>de</strong> son être, d’une<br />
certaine manière, se confond avec son<br />
ambition. Par ailleurs, avec lucidité mais<br />
butant inévitablement sur ce qui cause<br />
cette ambition démesurée, il pouvait<br />
dire à Las Cases : « le vrai est que je<br />
n’ai jamais été maître <strong>de</strong> mes mouvements,<br />
et que je n’ai jamais été réellement<br />
tout à fait moi (…). Je n’ai jamais<br />
été véritablement mon maître, mais j’ai<br />
toujours été gouverné par les circonstances<br />
(…). Je n’étais point le maître <strong>de</strong><br />
mes actes parce que je n’avais pas la<br />
folie <strong>de</strong> vouloir tordre les événements à<br />
mon système, mais au contraire, je pliais<br />
mon système sur la contexture imprévue<br />
<strong>de</strong>s événements (…) », et, du temps<br />
<strong>de</strong> sa gloire : « une puissance supérieure<br />
me pousse à un but que j’ignore ; tant<br />
qu’il ne sera pas atteint, je serai invulnérable,<br />
inébranlable ; dès que je ne lui<br />
serai plus nécessaire, une mouche suffira<br />
pour me renverser ». Très tôt, du<br />
reste, Napoléon pressentait que ce qui<br />
le guidait ainsi lui serait un jour fatal :<br />
« j’avais en moi l’instinct d’une issue malheureuse<br />
(…), j’en portais le sentiment<br />
au-<strong>de</strong>dans <strong>de</strong> moi ». Pas <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong><br />
inébranlable, donc, quant à son <strong>de</strong>stin,<br />
mais <strong>de</strong>s croyances (en sa bonne étoile),<br />
et puis <strong>de</strong>s doutes, une fragilité -<br />
qui l’avaient d’ailleurs dans son adolescence<br />
menés sur les versant <strong>de</strong> la<br />
dépression et d’idées <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> (IV)- qui<br />
auront finalement raison d’un Empereur<br />
et d’un Empire aux pieds d’argile.<br />
Tout ceci, donc, pour dire quoi ? Pour<br />
dire que l’ascension fulgurante, le pouvoir,<br />
puis la chute <strong>de</strong> Napoléon illustrent,<br />
parfaitement, la logique subjective<br />
parcourue par un certain nombre<br />
<strong>de</strong> sujets névrosés obsessionnels. Au<br />
fond <strong>de</strong> l’expérience du sujet obsessionnel<br />
- dont une <strong>de</strong>s caractéristiques<br />
est, sans nul doute, ce que l’on peut<br />
appeler avec Lacan le « mirage <strong>de</strong> narcissisme<br />
frénétique »- il y a toujours une<br />
« certaine crainte <strong>de</strong> se dégonfler, en rapport<br />
avec l’inflation phallique » (23). Monter<br />
très haut, <strong>de</strong>scendre très bas, ce trajet<br />
n’est pas rare chez l’obsessionnel.<br />
D. Jamet résume ainsi la vie <strong>de</strong> Napoléon<br />
: « Si bas, si haut, si bas (…). Surgi<br />
du néant, monté au zénith, précipité, tel<br />
un ange déchu, du trône le plus élevé<br />
dans l’abîme. Raccourci fulgurant d’une<br />
trajectoire unique dans le ciel <strong>de</strong> l’Histoire<br />
» (16). Dans le fond, partout en<br />
Europe, Napoléon a planté ses drapeaux.<br />
Il ne s’est pas cru maître du<br />
mon<strong>de</strong>, il l’était (mais, pour lui, nous le<br />
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
verrons, toujours en-<strong>de</strong>çà d’un<br />
Alexandre le Grand, d’un César, d’un<br />
Charlemagne). Partout le sceau phallique<br />
<strong>de</strong> sa puissance, <strong>de</strong> sa gloire, <strong>de</strong> sa<br />
supériorité…Comme le fait valoir<br />
Dominique Miller, le sujet obsessionnel<br />
(c’est vrai pour certains chefs d’entreprise,<br />
certains hommes politiques ou<br />
militaires, etc.) « surinvestit le champ<br />
imaginaire, où il plante le phallus, seul<br />
soutien possible du désir ». Et le phallus,<br />
l’obsessionnel « le veut visible dans son<br />
symptôme, érigé, tout droit sur l’horizon<br />
» (32). S’étendre toujours davantage,<br />
accumuler les conquêtes et les territoires,<br />
ériger <strong>de</strong>s monuments pour fixer<br />
définitivement la gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> l’Empereur<br />
(les arcs <strong>de</strong> triomphe et la colonne<br />
Vendôme par exemple (V)), et, surtout,<br />
laisser son nom, on l’a vu, aux<br />
côtés <strong>de</strong>s plus grands <strong>de</strong> l’Histoire. Pour<br />
ce faire, pas d’autre choix, pour Napoléon,<br />
que <strong>de</strong> mettre sous sa coupe les<br />
puissants <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>. Très tôt capté,<br />
captivé par les César, Auguste, Charlemagne,<br />
lesquels revêtaient bien évi<strong>de</strong>mment<br />
tous les insignes phalliques<br />
<strong>de</strong> puissance, <strong>de</strong> pouvoir, <strong>de</strong> gloire et<br />
<strong>de</strong> prestance, Napoléon lui-même s’est<br />
forgé cette « cuirasse phallique » véritable<br />
rempart à la menace <strong>de</strong> castration<br />
propre au sujet névrosé (VI). A <strong>de</strong><br />
nombreuses reprises Napoléon s’est<br />
i<strong>de</strong>ntifié, principalement à César ou à<br />
Charlemagn (VII). Il allait même jusqu’à<br />
dire (sans y croire, au sens d’un délire<br />
(VIII)) que : « Charlemagne, c’est moi ».<br />
Et avant même ces gran<strong>de</strong>s figures historiques,<br />
c’est au héros corse Pascal<br />
Paoli que le tout jeune Bonaparte s’était<br />
i<strong>de</strong>ntifié. Il faut y voir ici avec Lacan<br />
un <strong>de</strong>s traits marquants et toujours<br />
repérable chez l’obsessionnel à un<br />
moment ou à un autre : « chez tout<br />
obsessionnel (…) vous voyez toujours<br />
apparaître à un moment <strong>de</strong> leur histoire<br />
le rôle essentiel <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification à l’autre<br />
(…) qui, dans tous les cas, a pour lui le<br />
prestige d’être plus viril, d’avoir la puissance.<br />
Le Phallus apparaît ici sous sa<br />
forme non pas symbolique, mais imaginaire.<br />
Disons que le sujet se complémente<br />
d’une image plus forte que luimême,<br />
une image <strong>de</strong> puissance » (22).<br />
Vaincre les grands <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, c’était<br />
dans le fond pour Napoléon aller au<strong>de</strong>là<br />
<strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification imaginaire, c’était<br />
dégra<strong>de</strong>r, <strong>de</strong>stituer l’Autre, c’était faire<br />
Inscriptions & renseignements : Secrétariat du Dr POLI, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r Aïcha<br />
Adresse mail : apoli@ch-st-cyr 69.fr Téléphone : 04-72-42-13-71<br />
Fax : 04-72-42-13-72
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
« déchoir le grand Autre <strong>de</strong> sa position,<br />
pour le rabattre à une place <strong>de</strong> semblable,<br />
<strong>de</strong> petit autre. Il tente ainsi <strong>de</strong><br />
défaire l’Autre <strong>de</strong> ses qualités <strong>de</strong> puissance<br />
et <strong>de</strong> maîtrise, et s’assure, par làmême,<br />
les siennes propres » (32). Chateaubriand,<br />
dans sa Vie <strong>de</strong> Napoléon,<br />
l’avait fort bien perçu en son temps :<br />
Napoléon, écrivait-il, « croyait paraître<br />
d’autant plus grand qu’il abaissait les<br />
autres ». Louis Chardigny enfin, plus<br />
récemment, faisait ce même constat<br />
que Napoléon « ne prit jamais la peine<br />
<strong>de</strong> rehausser un peu les mérites <strong>de</strong> ses<br />
ennemis pour se donner un peu plus <strong>de</strong><br />
mérite à lui <strong>de</strong> les avoir vaincus » (4). Ce<br />
que l’on désigne, aujourd’hui, sous le<br />
terme <strong>de</strong> phallicisme <strong>de</strong> l’obsessionnel<br />
renvoie à cette position subjective qui<br />
fait valoir, en permanence, le « souci »<br />
du sujet à veiller à ce que le phallus<br />
–avec la dimension <strong>de</strong> virilité et <strong>de</strong><br />
puissance qui l’accompagne- soit partout<br />
présent (la dimension du viril était<br />
à cet égard omniprésente chez Napoléon,<br />
et il disait que son nom même<br />
était doué d’une vertu virile (IX)). Une<br />
<strong>de</strong>s questions que se pose l’obsessionnel<br />
est <strong>de</strong> savoir comment être homme<br />
sans risquer <strong>de</strong> perdre le phallus. La<br />
misogynie connue <strong>de</strong> Napoléon est<br />
une façon <strong>de</strong> répondre à cette crainte.<br />
On peut, tout à fait, envisager que pour<br />
un sujet tel que Napoléon, rien ne<br />
venait jamais inscrire <strong>de</strong> façon adéquate<br />
et pleinement satisfaisante sa<br />
propre masculinité, sa propre virilité.<br />
L’obsessionnel trouve nombre <strong>de</strong><br />
moyens pour mettre sur pieds l’entreprise<br />
phallique à laquelle il se voue<br />
inconsciemment, et le sujet lui-même<br />
en est souvent le représentant. On le<br />
note <strong>de</strong> diverses manières dans la<br />
« fabrique » <strong>de</strong> son corps ou <strong>de</strong> son<br />
image et dans l’importance accordée<br />
à sa propre image (on a souvent fait<br />
état <strong>de</strong> la propreté méticuleuse et du<br />
soin minutieux <strong>de</strong> Napoléon pour sa<br />
toilette, et, sur cette question <strong>de</strong> l’image,<br />
il pouvait dire notamment : « on<br />
<strong>de</strong>vient l’homme <strong>de</strong> son uniforme » (X)) ;<br />
dans sa pensée sans cesse en mouvement,<br />
dans ses projets continuels, bref,<br />
dans ses capacités infinies <strong>de</strong> travail,<br />
que nous allons voir dans la suite <strong>de</strong><br />
notre texte. Autant dire que Napoléon,<br />
comme tout névrosé obsessionnel, s’est<br />
construit sa propre forteresse –ou sa<br />
propre « muraille réconfortante », son<br />
propre « quadrage sécurisant », selon<br />
les termes <strong>de</strong> L. Israël (15)- et a jeté ici et<br />
là <strong>de</strong>s ancres (XI) pour consoli<strong>de</strong>r, toujours<br />
davantage, son système défensif.<br />
Dans un chapitre consacré à la névrose<br />
obsessionnelle, Henri Ey écrivait fort<br />
bien en ce sens que « dans toute son<br />
attitu<strong>de</strong>, le sujet paraît vouloir interposer<br />
une armure entre le mon<strong>de</strong> extérieur<br />
et sa personne » (7). La structure <strong>de</strong> la<br />
névrose obsessionnelle prête ainsi merveilleusement<br />
à la métaphore militaire.<br />
Lacan l’évoquait notamment en termes<br />
<strong>de</strong> « fortifications à la Vauban » (20), ce<br />
qui convient plutôt bien au personnage<br />
<strong>de</strong> Napoléon. D’autres termes viennent<br />
également aisément : l’armure ou<br />
la carapace défensives, les « stratégies »,<br />
les « manœuvres » (pour notamment<br />
ravaler l’Autre au rang d’objet déprécié),<br />
les exploits, ou les « ruses » <strong>de</strong> l’obsessionnel<br />
(XII), etc. Tout ce que l’obsessionnel<br />
met en place, finalement, a<br />
pour visée une certaine reconnaissance<br />
<strong>de</strong> l’Autre, et l’Autre qui est important<br />
pour l’obsessionnel, selon Lacan, « c’est<br />
l’Autre <strong>de</strong>vant qui tout cela se passe.<br />
C’est (…) le lieu où s’enregistre l’exploit,<br />
où s’inscrit son histoire. Ce que l’obsessionnel<br />
veut avant tout maintenir (…)<br />
c’est cet Autre où les choses s’articulent<br />
en termes <strong>de</strong> signifiant » (22), et l’on sait<br />
à quel point, <strong>de</strong>s premières campagnes<br />
d’Italie jusqu’à son exil final, Napoléon<br />
a maintenu fermement cet Autre où<br />
il a effectivement enregistré son Histoire<br />
et ses exploits en termes <strong>de</strong> signifiants,<br />
dans les Bulletins <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong><br />
Armée, dans les tableaux et gravures<br />
qui le représentent en héros, dans ses<br />
ultimes Mémoires à Ste Hélène, dans<br />
son soucis constant <strong>de</strong> la reconnaissance<br />
populaire... Ce désir insatiable<br />
<strong>de</strong> reconnaissance <strong>de</strong> l’Autre pousse<br />
le sujet à en faire toujours plus, à aller<br />
toujours plus loin, toujours plus haut<br />
(on peut dire, dans ce sens, que Napoléon<br />
n’a considéré son règne comme<br />
assuré et sa dynastie comme définitivement<br />
fondée que lorsque le pape<br />
Pie VII – quelle figure <strong>de</strong> l’Autre !accepte<br />
<strong>de</strong> venir le sacrer Empereur<br />
<strong>de</strong>s français). Lacan a insisté, à plusieurs<br />
reprises, sur ce « côté performance » (22),<br />
sur les « travaux forcés » ou autres<br />
conduites coercitives inhérents à la position<br />
obsessionnelle : ces sujets « s’infli-<br />
gent toutes sortes <strong>de</strong> tâches particulièrement<br />
dures, éprouvantes (…) ; chez l’obsessionnel<br />
le travail est puissant » (22).<br />
Nous allons le voir, Napoléon en effet<br />
se vouait corps et âme au travail, et<br />
c’est avec raison que L. Chardigny le<br />
définit comme « bagnard <strong>de</strong> le réflexion,<br />
<strong>de</strong> l’imagination, <strong>de</strong> la décision, <strong>de</strong> l’autorité<br />
» (4) (XIII). A cet égard d’ailleurs,<br />
l’auteur rappelle que Napoléon se définissait<br />
lui-même comme « le plus esclave<br />
<strong>de</strong> tous les hommes, obligé d’obéir à<br />
un maître qui n’a point <strong>de</strong> cœur : le calcul<br />
<strong>de</strong>s événements et la nature <strong>de</strong>s<br />
choses ». Manquant toujours <strong>de</strong> temps,<br />
et ne connaissant pas <strong>de</strong> limites dans le<br />
travail, dans les exploits ou dans les<br />
conquêtes, Napoléon, au bout du<br />
compte, ne pouvait que se confronter<br />
à <strong>de</strong> l’insatisfaction, toujours, et à un<br />
sentiment d’infériorité, ce qui n’est pas<br />
à première vue l’idée que l’on se fait <strong>de</strong><br />
l’Empereur.<br />
Du travail et du temps<br />
Le travail, donc. Napoléon était un<br />
bourreau <strong>de</strong> travail. Il disait lui-même :<br />
« le travail est mon élément (…). J’ai<br />
connu les limites <strong>de</strong> mes jambes ; j’ai<br />
connu les limites <strong>de</strong> mes yeux ; je n’ai<br />
jamais pu connaître celles <strong>de</strong> mon travail<br />
». Et encore : « si je reste longtemps<br />
sans rien faire, je suis perdu » (XIV). L’historien<br />
H. Calvet nous donne une idée<br />
juste <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong> Napoléon au travail<br />
: « la possibilité exceptionnelle <strong>de</strong><br />
fournir un travail constant, sans repos,<br />
prolongé par une méditation <strong>de</strong> tous les<br />
instants. Napoléon pourra rester à son<br />
bureau jusqu’à dix-huit heures par jour,<br />
se relever la nuit, et, seul, étudier et critiquer<br />
les rapports les plus rebutants ; il<br />
pourra varier à son gré l’heure <strong>de</strong> son<br />
sommeil, l’abréger au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s limites du<br />
vraisemblable (…). Il contrôlera jusqu’aux<br />
plus petits détails <strong>de</strong> son administration<br />
(…). Tout est classé méthodiquement<br />
dans ses papiers » (3). Et tout est<br />
« classé » pareillement dans son esprit.<br />
Napoléon le disait ainsi : « les divers<br />
objets et les diverses affaires sont casés<br />
dans ma tête comme dans une armoire.<br />
Quand je veux interrompre une affaire,<br />
je ferme son tiroir, et j’ouvre celui d’une<br />
autre. Elles ne se mêlent point l’une avec<br />
l’autre et jamais ne me gênent ni me<br />
fatiguent ». Lorsque Napoléon, Premier<br />
Consul, présidait les séances du Conseil<br />
d’Etat, celles-ci pouvaient durer (ce<br />
n’était pas rare) plus <strong>de</strong> sept heures,<br />
avec une courte pause ; parfois les<br />
séances se déroulaient la nuit et<br />
duraient <strong>de</strong> vingt-<strong>de</strong>ux heures à cinq<br />
heures du matin… Napoléon était<br />
doué d’une mémoire prodigieuse qui a<br />
souvent fait l’admiration <strong>de</strong> ceux qui<br />
le croisaient (XV), il est constamment<br />
décrit comme étant, sans cesse, en<br />
mouvement, comme étant un<br />
« monstre d’activité », comme un esprit<br />
en perpétuelle agitation d’idées, toujours<br />
pressé d’en savoir plus, d’en faire<br />
plus (« je suis né et construit pour le travail<br />
»), rien ne doit lui échapper, et rien<br />
ne doit venir entraver la bonne marche<br />
<strong>de</strong> son travail et <strong>de</strong> ses projets. C’est<br />
ainsi que Napoléon souhaitait que quel<br />
que soit l’endroit où il se trouvait pour<br />
travailler (il avait le changement en horreur),<br />
les pièces et les affaires <strong>de</strong>vaient<br />
être exactement disposées dans le<br />
même ordre qu’aux Tuileries. « Cet<br />
homme <strong>de</strong> guerre, écrivait G. Lefebvre,<br />
ne sera jamais plus heureux que dans<br />
le silence <strong>de</strong> son cabinet, au milieu <strong>de</strong><br />
ses fiches et <strong>de</strong> ses dossiers » (28). Tout est<br />
organisé et ritualisé dans la vie <strong>de</strong><br />
Napoléon, et le travail, bien sûr,<br />
n’échappe pas à la règle. H. Ey écrit<br />
parfaitement ce qui pourrait s’appliquer,<br />
sans retenue, à Napoléon, à savoir<br />
que « le travail, les distractions, <strong>de</strong>viennent<br />
<strong>de</strong>s conduites rigi<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> tyranniques<br />
règlements auxquels l’obsédé se soumet<br />
avec une sorte <strong>de</strong> joie <strong>de</strong> n’être pas libre,<br />
d’être l’esclave <strong>de</strong> son implacable machinerie<br />
intérieure » (7). Ordré, organisé à<br />
l’extrême pour lui-même, il le fut également<br />
pour la Nation, et pour l’Europe.<br />
Dans un chapitre portant, fort justement,<br />
le titre <strong>de</strong> L’empereur <strong>de</strong> l’ordre,<br />
T. Lentz écrit ainsi que « Napoléon<br />
voyait dans le pouvoir personnel la condition<br />
sine qua non d’un retour à l’ordre<br />
(…). Toute l’organisation <strong>de</strong> l’Etat napoléonien<br />
fut conçue selon un schéma pyramidal<br />
avec, à son sommet, le Premier<br />
Consul puis l’Empereur. Ce schéma<br />
s’animait autour <strong>de</strong>s principes d’autorité<br />
et <strong>de</strong> hiérarchie. Il s’agissait ici <strong>de</strong> l’application<br />
au civil (…) d’un modèle militaire,<br />
recherchant la rigueur et l’efficacité<br />
(…). Ce souci d’organisation dans<br />
l’ordre et sous l’autorité du gouvernement<br />
fut sensible dans tous les<br />
domaines » (30).<br />
Sans cesse occupé (il travaille constamment,<br />
le jour, la nuit, au théâtre, en<br />
mangeant, etc.), Napoléon, pour<br />
reprendre les termes <strong>de</strong> C. Soler au<br />
sujet <strong>de</strong> l’obsessionnel, « s’assure qu’il<br />
n’y a pas <strong>de</strong> place pour le vi<strong>de</strong> » (37), et,<br />
à cet égard, le temps lui manque continuellement.<br />
« Toujours pressé, dévorant<br />
ses len<strong>de</strong>mains », écrivait Bainville dans<br />
son Napoléon. « Deman<strong>de</strong>z-moi tout ce<br />
que vous voudrez, disait Napoléon, hormis<br />
du temps ; c’est la seule chose hors <strong>de</strong><br />
mon pouvoir ». Ce manque <strong>de</strong> temps à<br />
la fois le faisait avancer (« le temps,<br />
disait-il, est le grand art <strong>de</strong> l’homme<br />
Entretiens psychanalytiques<br />
en milieu psychiatrique<br />
2007-2008<br />
par <strong>de</strong>s analystes <strong>de</strong> la Société Psychanalytique <strong>de</strong> Paris<br />
Le troisième mardi <strong>de</strong> chaque mois <strong>de</strong> 11h à 12h30<br />
Programme 2007-2008<br />
Mardi 16 octobre Paul Denis<br />
Mardi 20 novembre Jean-Luc Donnet<br />
Mardi 18 décembre Gérard Lucas<br />
Mardi 22 janvier Michel Ody<br />
Mardi 19 février Marilia Aisenstein<br />
Mardi 18 mars Bernard Brusset<br />
Mardi 20 mai Robert Asseo<br />
Mardi 17 juin Gérard Bayle<br />
Centre Hospitalier Sainte-Anne<br />
Service du Dr Vacheron, Pavillon Piera Aulagnier - Salle Polyvalente<br />
Renseignements : Dr Ch. Baldacci, Secrétariat du Dr Vacheron - 01 45 65 83 09<br />
J.L. Baldacci, Centre <strong>de</strong> consultations et <strong>de</strong> traitements psychanalytiques - 01 43 29 31 40<br />
<br />
PSYCHO BIOGRAPHIE ■ 9<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Le discours et le symbole<br />
Edmond Ortigues<br />
Nouvelle édition<br />
Précédé <strong>de</strong><br />
Edmond Ortigues et le<br />
tournant linguistique<br />
Vincent Descombes<br />
Suivi <strong>de</strong><br />
Entretien avec Edmond<br />
Ortigues<br />
Pierre Le Quellec-Wolff<br />
Beauchesne, 29 €<br />
L’œuvre d’Edmond Ortigues (1917-<br />
2005) abor<strong>de</strong> les domaines <strong>de</strong> la théologie,<br />
<strong>de</strong> l’histoire, <strong>de</strong> la philosophie,<br />
<strong>de</strong> l’épistémologie, <strong>de</strong> l’anthropologie,<br />
<strong>de</strong> la logique, <strong>de</strong> la linguistique<br />
et <strong>de</strong> la psychanalyse. Il a notamment<br />
publié Œdipe africain (1966),<br />
Religions du livre, religions <strong>de</strong> la Coutume<br />
(1981), Le Monothéisme (1999),<br />
Sur la philosophie et la religion, les entretiens<br />
<strong>de</strong> Courances (2003), et La Révélation<br />
et le Droit (2007).<br />
Depuis sa parution en 1962, Le Discours<br />
et le Symbole a été considéré<br />
comme une référence pour tout ce<br />
qui se rapporte à la philosophie <strong>de</strong><br />
l’analyse structurale ce qui fait dire à<br />
V. Descombes : « Quant à la philosophie<br />
du structuralisme, ce n’est pas Foucault<br />
qui l’a donnée dans Les Mots et<br />
les Choses, mais Edmond Ortigues dans<br />
Le Discours et le Symbole ». Le livre se<br />
présente comme une « revue générale<br />
<strong>de</strong>s formes à travers lesquelles<br />
nous nous cherchons nous-mêmes ».<br />
L’examen patient <strong>de</strong>s rapports entre<br />
la forme et le sens donne lieu à une<br />
méditation sur les concepts d’expression,<br />
<strong>de</strong> signal, <strong>de</strong> signe, <strong>de</strong> symbole,<br />
<strong>de</strong> langue et <strong>de</strong> discours.<br />
L’ouvrage est ici proposé dans une<br />
nouvelle édition, corrigée et augmentée.<br />
La préface <strong>de</strong> Vincent Descombes<br />
montre comment il offre le<br />
moyen <strong>de</strong> surmonter la philosophie<br />
<strong>de</strong> la conscience, sur les trois versions<br />
du « tournant linguistique ». Un entretien<br />
inédit avec Pierre Le Quellec-<br />
Wolff, réalisé quelques semaines avant<br />
le décès du philosophe, témoigne du<br />
regard porté par Edmond Ortigues<br />
sur son livre, plus <strong>de</strong> quarante ans<br />
après sa première publication.<br />
Représentations sociales et<br />
interventions en santé<br />
publique<br />
Santé Publique 2007 n°5<br />
Revue <strong>de</strong> la Société Française <strong>de</strong><br />
Santé Publique, 28 €<br />
Certains articles <strong>de</strong> ce numéro portent<br />
sur les représentations sociales<br />
<strong>de</strong> différents acteurs tandis que<br />
d’autres articles y font référence,<br />
abordant les facteurs explicatifs <strong>de</strong>s<br />
comportements ou <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s<br />
en matière <strong>de</strong> santé. M. Lenoir et D.<br />
Berger explorent les représentations<br />
du bien-être <strong>de</strong> l’élève adolescent selon<br />
une équipe éducative ; D. Berger<br />
et P. Courty proposent <strong>de</strong> cerner les<br />
représentations développées par <strong>de</strong>s<br />
enseignants, infirmiers et travailleurs<br />
sociaux en formation sur le cannabis<br />
et l’impact sur leur futur rôle d’éducateurs<br />
sanitaires ; D. Houéto et al.<br />
s’intéressent aux représentations <strong>de</strong><br />
la fièvre <strong>de</strong> l’enfant pour mieux comprendre<br />
le recours, ou non, aux soins<br />
par les parents.<br />
Ces articles présentent une diversité<br />
tant au niveau <strong>de</strong>s pratiques que <strong>de</strong>s<br />
analyses <strong>de</strong>s représentations sociales<br />
en santé publique. Il s’agit <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
types <strong>de</strong> connaissances en interaction<br />
dans la définition et le type d’interventions<br />
auprès <strong>de</strong> clientèles cibles.
10<br />
■ PSYCHO BIOGRAPHIE<br />
LIVRES ET REVUES<br />
La gloire <strong>de</strong> Bergson<br />
Essai sur le magistère<br />
philosophique<br />
François Azouvi<br />
nrf essais, Gallimard, 22,50 €<br />
Les contemporains <strong>de</strong> Bergson se<br />
sont jetés à corps perdu sur sa philosophie<br />
qui, valorisant l’intuition et<br />
critiquant l’intelligence, leur a rendu<br />
le mon<strong>de</strong> moins opaque en lui donnant<br />
un sens, une direction à son évolution.<br />
Si les partisans <strong>de</strong> la démocratie<br />
parlementaire, particulièrement<br />
ceux <strong>de</strong> gauche, se réclamaient<br />
<strong>de</strong> Descartes, la droite nationaliste,<br />
conservatrice, volontiers adversaire<br />
du système parlementaire mais également<br />
la gauche antiparlementaire,<br />
révolutionnaire ou anarchisante manifestèrent<br />
leur ferveur pour un bergsonisme<br />
exaltant l’élan vital.<br />
Dans l’histoire du magistère philosophique,<br />
l’épiso<strong>de</strong> bergsonien marque<br />
le moment où la valeur philosophie<br />
peut prendre toute son importance.<br />
La raison en est évi<strong>de</strong>nte : c’est lorsque<br />
la France s’installe durablement dans<br />
le gouvernement <strong>de</strong> tous par tous<br />
que l’opinion peut jouer pleinement<br />
son rôle et les débats intellectuels envahir<br />
la scène publique.<br />
Ce qui rend possible l’affaire Dreyfus<br />
comme affaire nationale est aussi ce<br />
qui rend possible le bergsonisme<br />
comme phénomène global. Pour la<br />
première fois, <strong>de</strong>s questions philosophiques<br />
sont portées <strong>de</strong>vant tous.<br />
Elles le <strong>de</strong>meureront : Bergson a disparu<br />
; mais le surinvestissement <strong>de</strong>s<br />
thèmes philosophiques par les Français,<br />
la conviction que le plus haut<br />
magistère est celui <strong>de</strong>s philosophes<br />
n’ont pas cessé tout au long du XX e<br />
siècle : conseillers du Prince, ministres<br />
ou adversaires organiques du pouvoir,<br />
les philosophes ont joué ces<br />
rôles, avec <strong>de</strong>s bonheurs inégaux<br />
mais en étant investis d’une magistrature<br />
extraordinaire, sans rapport<br />
avec leur poids dans l’Université. Il<br />
ne semble pas que le nouveau siècle<br />
tranche en cela sur le précé<strong>de</strong>nt.<br />
Un million d’emplois non<br />
médicaux dans les<br />
établissements <strong>de</strong> santé en<br />
2005<br />
Arnaud Fizzala<br />
Etu<strong>de</strong>s et résultats 2007 n°605<br />
Drees<br />
En 2005, le personnel non médical<br />
dans les établissements <strong>de</strong> santé représentait<br />
1 030 000 emplois, ce qui<br />
correspondait à 950 000 équivalents<br />
temps plein (ETP). Les trois quarts <strong>de</strong>s<br />
ETP non médicaux sont situés dans<br />
<strong>de</strong>s hôpitaux publics, 12% dans les<br />
établissements privés à but non lucratif<br />
et autant dans les cliniques privées.<br />
Avec sept ETP sur dix, le personnel<br />
soignant, composé d’infirmiers, ai<strong>de</strong>ssoignants,<br />
agents <strong>de</strong> services hospitaliers,<br />
rééducateurs et psychologues,<br />
constitue l’essentiel <strong>de</strong>s effectifs <strong>de</strong><br />
l’hôpital. Le reste du personnel correspond<br />
aux emplois administratifs<br />
(12,4% <strong>de</strong>s ETP), techniques et ouvriers<br />
(11,5% <strong>de</strong>s ETP), médico-techniques<br />
(4,6% <strong>de</strong>s ETP) et éducatifs ou<br />
sociaux (1,4% <strong>de</strong>s ETP).<br />
Entre 1997 et 2005, le nombre<br />
d’ETP non médicaux a augmenté<br />
<strong>de</strong> 100 000, hausse portant sur le<br />
personnel soignant et due, principalement,<br />
à la mise en place <strong>de</strong> la réduction<br />
du temps <strong>de</strong> travail. Le temps<br />
partiel concerne plus d’un emploi sur<br />
cinq et particulièrement le personnel<br />
<strong>de</strong>s établissements privés.<br />
www.sante.gouv.fr/drees/in<strong>de</strong>x.htm<br />
Pour toute information : drees-infos@sante.gouv.fr<br />
<br />
(...) ; c’est par cette seule considération<br />
que j’ai réussi dans tout ce que j’ai<br />
fait »), mais il <strong>de</strong>vait le plus possible<br />
tenter <strong>de</strong> le maîtriser, sous peine d’être<br />
confronté <strong>de</strong> façon douloureuse à la<br />
perte (« du temps ? j’en ai trop perdu »,<br />
et le temps même consacré à l’amour<br />
était pour Napoléon une perte <strong>de</strong><br />
temps (XVI), tout comme le théâtre d’où<br />
il ressortait le plus souvent après le premier<br />
acte) : comme l’écrit encore J.<br />
Bainville, plus d’une fois, « le temps, qui<br />
lui a toujours été mesuré, l’étrangle » (1).<br />
Napoléon est un homme pressé (XVII).<br />
Alors, pour lutter contre le temps qui<br />
passe, et qui, dans la problématique<br />
obsessionnelle, renvoie toujours à la<br />
mort qui est en toile <strong>de</strong> fond (XVIII) (« la<br />
mort qu’il s’agit <strong>de</strong> tromper par mille<br />
ruses », disait Lacan (21)), Napoléon se<br />
doit donc, ce temps, <strong>de</strong> le « quadriller »<br />
: comme le relevait le baron Fain :<br />
Napoléon « aimait la règle (...). Toutes<br />
les heures <strong>de</strong> sa journée avaient une <strong>de</strong>stination,<br />
les jours <strong>de</strong> la semaine avaient<br />
aussi la leur » (8) ; Napoléon disait<br />
même ceci : « j’ai l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> prévoir<br />
trois ou quatre mois d’avance ce que je<br />
dois faire », et, <strong>de</strong> temps, il en avait si<br />
peu, qu’il déclara brusquement un jour<br />
à Talleyrand qu’il n’avait « pas le temps<br />
<strong>de</strong> s’amuser à sentir et à regretter comme<br />
les autres hommes »…<br />
Du père et <strong>de</strong> la<br />
culpabilité<br />
PRIX MICHEL SAPIR 2008<br />
sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Fondation <strong>de</strong> France<br />
RELATION SOIGNANT-SOIGNÉ<br />
Ce prix <strong>de</strong> 5 000 euros<br />
est <strong>de</strong>stiné à l’auteur du meilleur travail inédit sur :<br />
Les inci<strong>de</strong>nces inconscientes dans la relation<br />
soignant soigné et leur effet sur le soin<br />
Les manuscrits seront soumis au jury du prix présidé par<br />
le Professeur Jean Jacques Kress<br />
et composé <strong>de</strong> :<br />
Madame le Docteur Simone COHEN-LÉON, Docteur Guy EVEN,<br />
Professeur Jean GUYOTAT, Docteur Simon Daniel KIPMAN,<br />
Docteur Daniel OPPENHEIM, Madame Marie Odile SUPLIGEAU<br />
et Docteur Arthur TRENKEL<br />
Les manuscrits en langue française (<strong>de</strong> 30 à 100 pages) sur un travail clinique<br />
et ses soubassements théoriques, doivent être adressés en 6 exemplaires<br />
dactylographiés<br />
avant le 30 juin 2008<br />
à Madame le Docteur Cohen-Léon (AREFFS)<br />
11 square <strong>de</strong> Clignancourt - 75018 Paris<br />
e-mail : s.cohenleon@free.fr<br />
Le Prix sera décerné en décembre 2008<br />
A l’arrière-plan <strong>de</strong> la problématique<br />
obsessionnelle, la mort pointe le bout<br />
<strong>de</strong> son nez.<br />
A notre sens, il semble tout à fait pertinent<br />
<strong>de</strong> formuler l’hypothèse qui voudrait<br />
que la névrose <strong>de</strong> Napoléon se<br />
soit déclenchée à la mort <strong>de</strong> son père :<br />
« pour peu que le sujet obsessionnel rencontre<br />
la mort <strong>de</strong> près, écrit C. Le Boulengé,<br />
par exemple dans celle du père<br />
qui le met en première ligne pour le tour<br />
suivant, nous trouvons la conjoncture<br />
classique <strong>de</strong> déclenchement, <strong>de</strong> précipitation<br />
dans un désir aveugle – se découvrant<br />
brusquement mortel, il se trouve<br />
<strong>de</strong>vant l’impératif ‘’hâte-toi <strong>de</strong> jouir <strong>de</strong><br />
la vie’’ » (27). Cette hypothèse que peut<br />
faire aisément le psychanalyste rencontre<br />
la vérité historique sous la précieuse<br />
plume <strong>de</strong> J. Go<strong>de</strong>chot : « un<br />
événement va lui permettre <strong>de</strong> manifester<br />
ses aspirations à l’autorité : la mort <strong>de</strong><br />
son père » (14). Napoléon ne déclare pas<br />
là d’« obsessions » au sens où on l’entend<br />
habituellement dans la phénoménologie<br />
<strong>de</strong> la névrose obsessionnelle,<br />
mais il est indéniable qu’à partir<br />
du décès du père, Napoléon prit en<br />
mains les rennes <strong>de</strong> son <strong>de</strong>stin, et<br />
construisit rigoureusement, d’une certaine<br />
façon, la logique <strong>de</strong> sa névrose. Le<br />
père, la mort, le temps. Un triptyque<br />
qui s’impose dans toute structure obsessionnelle<br />
(XIX).<br />
Le père <strong>de</strong> Napoléon, Charles (Carlo-<br />
Maria Buonaparte) meurt le 24 février<br />
1785, à l’âge <strong>de</strong> trente-neuf ans à<br />
peine. Napoléon n’a pas encore seize<br />
ans. Au moment du décès, Charles est<br />
« accablé <strong>de</strong> soucis et <strong>de</strong> <strong>de</strong>ttes » (XX).<br />
Napoléon apprend sa mort au mois<br />
<strong>de</strong> mars. « A présent, écrit F. Paoli, sa<br />
famille serait son premier souci, après<br />
ses étu<strong>de</strong>s dans lesquelles il se plongea<br />
avec frénésie pour tenter <strong>de</strong> soulager sa<br />
douleur. Il n’avait pas d’autre option que<br />
<strong>de</strong> donner l’exemple, se sentant confusément<br />
appelé à <strong>de</strong>venir le chef <strong>de</strong> la<br />
famille (…) et à poursuivre les entreprises<br />
<strong>de</strong> son père » (34). Son père avait<br />
mis tous ses espoirs en Napoléon, qui<br />
avait très tôt –dès la toute petite enfance-<br />
fait preuve <strong>de</strong> beaucoup d’énergie,<br />
<strong>de</strong> vivacité, d’intelligence et d’autorité.<br />
Pour Charles, et donc pour toute la<br />
famille, c’est Napoléon qui <strong>de</strong>vait être<br />
promu chef <strong>de</strong> famille. A la mort du<br />
père, Napoléon reste impassible, et<br />
refuse d’aller s’isoler à l’infirmerie <strong>de</strong><br />
l’école militaire <strong>de</strong> Paris : « J’ai assez <strong>de</strong><br />
force d’âme pour supporter cette peine<br />
sans qu’on prît soin <strong>de</strong> me consoler ».<br />
Sans vouloir faire l’analyse du complexe<br />
familial <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong> Napoléon,<br />
il faut toutefois souligner <strong>de</strong>ux<br />
points bien connus <strong>de</strong>s historiens : Letizia,<br />
sa mère (née Ramolino), aux dires<br />
<strong>de</strong> Napoléon, « supportait tout, bravait<br />
tout ; c’était une tête d’homme sur un<br />
corps <strong>de</strong> femme ». Letizia alliait « une<br />
autorité redoutable à une tendresse et<br />
une activité incessantes » (34). L’autorité,<br />
en effet, il est tout à fait clair que<br />
c’est elle qui l’incarnait à la maison :<br />
« Letizia, écrit T. Lentz, menait la Casa<br />
Buonaparte d’une main ferme en lieu et<br />
place d’un mari absent » (30). Alors, sans<br />
doute Napoléon eut-il une mère décrite<br />
comme virile, qui faisait l’autorité à<br />
la maison, sans doute eut-il un père<br />
en<strong>de</strong>tté et, aux yeux <strong>de</strong> Napoléon, certainement<br />
chéri, mais revêtant toutefois<br />
les habits d’un père quelque peu<br />
inconsistant, faible, soumis, cachant mal<br />
son sentiment d’infériorité. A vrai dire,<br />
<strong>de</strong>ux éléments peuvent retenir ici notre<br />
attention pour illustrer les rapports <strong>de</strong><br />
Napoléon à son père. Tout d’abord (il<br />
s’agit d’un détail, certes, mais tellement<br />
évocateur du regard <strong>de</strong> l’enfant névrosé<br />
sur son père jamais assez admirable<br />
ou suffisamment héros à ses yeux) :<br />
lors d’une visite <strong>de</strong> Charles à Napo-<br />
léon, à Brienne, en juin 1784 (Napoléon<br />
a quinze ans), ce <strong>de</strong>rnier est affecté<br />
du trop <strong>de</strong> politesse <strong>de</strong> son père,<br />
« faisant assaut <strong>de</strong> courtoisie avec le<br />
moine, se disputant à qui passerait le<br />
premier aux portes », comme il le rapportera<br />
bien plus tard. De la bassesse,<br />
<strong>de</strong> la platitu<strong>de</strong>, voilà comment le jeune<br />
Napoléon interpréta la scène. Et puis,<br />
par ailleurs, d’une façon certainement<br />
très ancrée, l’idée que Charles -qui<br />
s’était battu contre les français le 8 mai<br />
1769 à Ponte Novo aux côtés <strong>de</strong> son<br />
héros Paoli pour la liberté <strong>de</strong> la Corse<br />
(Napoléon allait naître trois mois plus<br />
tard)- avait dû en ce temps collaborer<br />
avec les français, se soumettre (c’était<br />
soit l’exil, soit la soumission), et, à cet<br />
égard, nous partageons le point <strong>de</strong> vue<br />
<strong>de</strong> F. Paoli qui écrit : « il n’est pas impossible<br />
que se soit développé, dans l’inconscient<br />
<strong>de</strong> cet enfant hypersensible,<br />
comme un désir <strong>de</strong> revanche par rapport<br />
aux malheurs <strong>de</strong> la défaite<br />
qu’avaient connus ses parents (…) ou<br />
au sort qui était fait, sous ses yeux, à la<br />
gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong> ses compatriotes » (34).<br />
Sans la mort –survenue tôt– du père <strong>de</strong><br />
Napoléon, ce <strong>de</strong>rnier n’eût sans doute<br />
pas été l’Empereur Napoléon. Il est<br />
indéniable, en effet, que la mort du<br />
père était nécessaire –mais il y fallait<br />
en plus les circonstances politiques– à<br />
l’envol du futur Aigle Napoléon. Ainsi<br />
que l’écrivait P. Bartel dans La jeunesse<br />
inédite <strong>de</strong> Napoléon, la mort <strong>de</strong> ce père<br />
« complaisant <strong>de</strong>s vainqueurs, allant <strong>de</strong>s<br />
salons du gouverneur aux antichambres<br />
<strong>de</strong> Versailles » sera pour Napoléon une<br />
sorte <strong>de</strong> délivrance, car il pourra maintenant<br />
–alors qu’il n’a que seize ans !- se<br />
montrer, en opposition à son père,<br />
radicalement, excessivement patriote<br />
corse. Du reste, bien plus tard, à Ste<br />
Hélène, Napoléon dit ceci - qui résonne<br />
pour nous d’une façon particulière<br />
à l’entendre dans la problématique typiquement<br />
névrotique <strong>de</strong> l’homme dans<br />
son rapport au père-, que rien <strong>de</strong> tout<br />
cela (le Consulat, l’Empire, son <strong>de</strong>stin si<br />
fabuleux) n’aurait pu arriver si son père<br />
n’avait pas disparu avant la Révolution.<br />
Il va <strong>de</strong> soi que ce « soulagement » -<br />
inconscient- ne va pas sans un sentiment<br />
<strong>de</strong> culpabilité. Il peut, bien entendu,<br />
y avoir différents niveaux <strong>de</strong> lecture<br />
du moment du sacre <strong>de</strong> Napoléon.<br />
Pour ce qui retient notre intérêt ici,<br />
nous suivrons cette lecture qu’en fait<br />
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
Freud, et qui précisément met en relief<br />
ce sentiment <strong>de</strong> culpabilité névrotique.<br />
Au moment du couronnement <strong>de</strong><br />
Napoléon, donc, celui-ci prononce à<br />
son frère Joseph ces mots célèbres :<br />
« Joseph, si notre père nous voyait ! ».<br />
Dans sa célèbre lettre à Romain Rolland,<br />
Un trouble <strong>de</strong> mémoire sur l’Acropole,<br />
après avoir évoqué cet épiso<strong>de</strong>,<br />
Freud écrit ainsi : « il faut admettre qu’un<br />
sentiment <strong>de</strong> culpabilité reste attaché à la<br />
satisfaction d’avoir si bien fait son chemin<br />
: il y a là <strong>de</strong>puis toujours quelque<br />
chose d’injuste et d’interdit. Cela s’explique<br />
par la critique <strong>de</strong> l’enfant à l’endroit<br />
<strong>de</strong> son père, par le mépris qui a<br />
remplacé l’ancienne surestimation infantile<br />
<strong>de</strong> sa personne. Tout se passe comme<br />
si le principal, dans le succès, était d’aller<br />
plus loin que le père, et comme s’il était<br />
toujours interdit que le père fût surpassé<br />
» (11). Corrélativement, pour Freud, le<br />
sentiment d’infériorité n’est pas éloigné<br />
<strong>de</strong> ce sentiment <strong>de</strong> culpabilité<br />
d’avoir fait mieux que le père (XXI).<br />
Du doute et <strong>de</strong> la chute<br />
« Mon étoile m’ordonne <strong>de</strong> courir<br />
aux extrêmes »<br />
« Rien <strong>de</strong> plus difficile que <strong>de</strong> se<br />
déci<strong>de</strong>r » (Napoléon)<br />
Nous passerons sur un certain nombre<br />
<strong>de</strong> points et <strong>de</strong> traits qui appuient la<br />
thèse d’une structure obsessionnelle <strong>de</strong><br />
l’Empereur : nous pensons entre autres,<br />
et en vrac, au soin extrême qu’il mettait<br />
dans sa toilette et dans sa vêture, dans<br />
son soucis <strong>de</strong> la propreté, <strong>de</strong> l’ordre,<br />
<strong>de</strong> l’organisation, dans sa manie d’aller<br />
toujours dans le détail <strong>de</strong>s choses,<br />
dans sa manie <strong>de</strong> compter (« un <strong>de</strong>s<br />
neveux <strong>de</strong> l’Empereur racontait que,<br />
chaque jour, Napoléon recevait et portait<br />
sur lui, écrit sur un très étroit morceau <strong>de</strong><br />
papier, l’état <strong>de</strong> ce qu’il appelait la fortune<br />
<strong>de</strong> la France et aussi l’état <strong>de</strong> sa fortune…Il<br />
avait ce papier dans sa poche et le<br />
consultait plusieurs fois dans la journée<br />
» (31)) (XXII), dans sa fuite <strong>de</strong>vant les<br />
femmes qui lui manifestaient trop leur<br />
désir (« en amour, disait-il, la seule victoire<br />
c’est la fuite »), dans ce que Lacan<br />
relevait du « goût d’ubiquité <strong>de</strong> l’obsessionnel<br />
», à savoir à être dans plusieurs<br />
endroits à la fois (24) (XXIII), notion<br />
typique <strong>de</strong> l’obsessionnel qui veut se<br />
soutenir comme étant partout, indis-
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
pensable, sur tous les fronts. C’est, toutefois,<br />
dans les éléments vus plus haut<br />
(rapport à la puissance, à la gloire, au<br />
signifiant phallique, à l’Autre, au temps,<br />
au travail, au père, etc.), dans le discours<br />
<strong>de</strong> Napoléon –qui jalonne notre<br />
texte- ainsi que dans le parcours logique<br />
<strong>de</strong> sa vie, que nous voyons le mieux se<br />
<strong>de</strong>ssiner chez Napoléon ce qu’il n’est<br />
pas exagéré <strong>de</strong> nommer son « armature<br />
névrotique ».<br />
C’est donc, maintenant, sur la fin <strong>de</strong><br />
ce parcours que nous allons clore<br />
notre étu<strong>de</strong>. Et, notamment, sur les<br />
doutes, sur les incertitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers<br />
temps, qui le menèrent jusqu’à la<br />
chute que l’on connaît. On l’a vu, la<br />
grenouille, à vouloir se faire aussi grosse<br />
que le bœuf, à force <strong>de</strong> s’étendre et<br />
d’enfler, en vient fatalement à se<br />
dégonfler. Il est assez étonnant <strong>de</strong> voir<br />
que Napoléon, au faîte <strong>de</strong> sa gloire<br />
et <strong>de</strong> sa puissance, en 1810, poursuit<br />
tout <strong>de</strong> même son œuvre d’extension<br />
<strong>de</strong> l’Empire. D’Empire en pire, oserions-nous<br />
dire, il n’y a qu’un pas.<br />
Napoléon le franchit. Et c’est ce pas <strong>de</strong><br />
trop qui va le mener, rapi<strong>de</strong>ment, à sa<br />
chute spectaculaire : « du triomphe à la<br />
chute, disait-il, très luci<strong>de</strong>, il n’est qu’un<br />
pas ». A vrai dire, jusqu’à sa chute,<br />
tout au moins jusqu’à l’effritement<br />
progressif <strong>de</strong> l’Empire –dans le courant<br />
<strong>de</strong> l’année 1812, et surtout après la<br />
retraite <strong>de</strong> Russie- Napoléon avait une<br />
confiance quasi aveugle en sa bonne<br />
étoile. Il en a souvent parlé, mais c’est<br />
un trait que l’on méconnaît souvent<br />
chez lui. Napoléon n’était pas franchement<br />
religieux –du moins son attitu<strong>de</strong><br />
et certains <strong>de</strong> ses propos dénotaient-ils<br />
chez lui une certaine<br />
ambivalence-, par contre qu’il fut<br />
superstitieux, certainement (XXIV). C’est<br />
du reste une religion particulière propre<br />
à l’obsessionnel que <strong>de</strong> croire, comme<br />
Napoléon, aux présages, aux pressentiments<br />
(« les pressentiments sont les<br />
yeux <strong>de</strong> l’âme », disait-il), aux portebonheurs,<br />
aux talismans, etc. Dans son<br />
article Napoléon et l’occulte, J. Bertaut<br />
écrit que « <strong>de</strong>puis son adolescence, il n’a<br />
cessé <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> son étoile, elle éblouit<br />
son imagination, elle lui donne une<br />
confiance invincible en son <strong>de</strong>stin », pré-<br />
cisant, toutefois, avec raison qu’il « serait<br />
absur<strong>de</strong> <strong>de</strong> prétendre qu’il ait réglé sa<br />
vie et ses actions sur <strong>de</strong>s présages, <strong>de</strong>s<br />
prémonitions ou <strong>de</strong>s augures, mais il les<br />
a rarement dédaignés » (2). Toujours estil<br />
que son étoile s’est éteinte (« l’étoile<br />
pâlissait ; je sentais les rênes m’échapper<br />
et je n’y pouvais rien »), et que les<br />
doutes et les incertitu<strong>de</strong>s s’amplifièrent<br />
et s’emparèrent <strong>de</strong> l’Empereur<br />
<strong>de</strong> façon assez dramatique, jusqu’à<br />
l’installer, jusqu’à l’immobiliser par<br />
moments dans une position d’inhibition<br />
qui n’est certainement pas pour<br />
rien dans la défaite <strong>de</strong> Waterloo (précisons<br />
toutefois que Napoléon avait<br />
été fragilisé, ébranlé par sa première<br />
abdication le 6 avril 1814, et qu’il<br />
revenait <strong>de</strong> quelques mois d’exil sur<br />
l’île d’Elbe). Nous ne nous étendrons<br />
pas sur la question du doute chez l’obsessionnel,<br />
si ce n’est pour rappeler<br />
simplement qu’il est le symptôme<br />
constant, l’élément pathognomonique<br />
<strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> névrose. Deux choses<br />
encore : le doute vient masquer l’angoisse<br />
du névrosé (angoisse <strong>de</strong> perdre,<br />
liée à l’angoisse <strong>de</strong> castration) ; et le<br />
doute vient suspendre le temps <strong>de</strong><br />
l’obsessionnel –véritable impossibilité<br />
à conclure-, jusqu’à ce que le sujet se<br />
précipite, se hâte finalement d’en finir,<br />
en risquant tout parfois, quitte à courir<br />
au-<strong>de</strong>vant d’un désastre, au-<strong>de</strong>vant<br />
<strong>de</strong> sa perte, déjà anticipée et pressentie,<br />
comme on l’a vu pour Napoléon<br />
dans les temps qui précè<strong>de</strong>nt tout<br />
juste Waterloo... hésitations et doutes<br />
qui émergèrent surtout lors <strong>de</strong> la<br />
redoutable campagne <strong>de</strong> Russie en<br />
1812. On a plutôt, habituellement,<br />
l’idée d’un Napoléon Bonaparte sûr<br />
<strong>de</strong> lui, sûr <strong>de</strong> ses décisions, tranchant,<br />
ne tergiversant pas... Et pourtant...<br />
Comme l’avait déjà fort bien repéré<br />
J. Bainville, « l’ennemi <strong>de</strong> Bonaparte, c’est<br />
le doute (...), mais son style tranchant<br />
abuse (...) ; à tous les moments <strong>de</strong> sa vie<br />
où il a dû prendre une gran<strong>de</strong> décision,<br />
on l’aura trouvé irrésolu » (1). Et c’est le<br />
doute, selon J. Bainville, mais également<br />
pour nombre d’historiens, qui est<br />
en gran<strong>de</strong> partie responsable <strong>de</strong> la<br />
défaite la plus célèbre <strong>de</strong> Napoléon,<br />
lequel est décrit là, <strong>de</strong>vant l’énormité du<br />
risque, comme atteint <strong>de</strong> la « fièvre du<br />
doute », manifestant « lenteur funeste,<br />
indolence, apathie » (1)...<br />
Conclusion<br />
La place nous manque pour relater,<br />
précisément, les conditions et les circonstances<br />
<strong>de</strong> la chute <strong>de</strong> l’Empereur.<br />
Il faut se reporter à Bainville, à Lefebvre,<br />
à Ma<strong>de</strong>lin… Dans le fond, nous rapporterons<br />
ces mots <strong>de</strong> Napoléon : « personne<br />
que moi n’est cause <strong>de</strong> ma chute.<br />
J’ai été mon principal ennemi, l’artisan <strong>de</strong><br />
mes malheurs. J’ai voulu trop embrasser<br />
». S’il est vrai que Napoléon a très<br />
souvent accusé l’Angleterre <strong>de</strong> l’avoir<br />
forcé à la guerre, cette lucidité au terme<br />
<strong>de</strong> son règne, cet aveu concernant sa<br />
propre responsabilité quant à sa chute,<br />
vient en opposition radicale avec ce<br />
qu’avançait le psychanalyste René<br />
Laforgue, à savoir que : « en vertu d’une<br />
revendication paranoïaque (…) Napoléon<br />
a toujours accusé l’Angleterre d’être<br />
le bourreau à qui il refuserait la paix,<br />
alors qu’il pouvait la faire et qu’elle le<br />
<strong>de</strong>mandait » (25). Cela nous permet <strong>de</strong><br />
dire quelques mots <strong>de</strong> conclusion sur<br />
cette étu<strong>de</strong> faite en 1941 par Laforgue<br />
sur Napoléon. Soit dit en passant, à<br />
notre connaissance, très peu d’auteurs,<br />
dans le champ <strong>de</strong> la psychopathologie<br />
ou <strong>de</strong> la psychanalyse, se sont intéressés<br />
<strong>de</strong> près à Napoléon. Le Dr. Frugier<br />
avait tenté un Essai médico-psychologique<br />
en 1985, mais c’est sans doute<br />
Laforgue qui laisse l’étu<strong>de</strong> la plus<br />
importante. Celle-ci est intéressante à<br />
bien <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue mais, à notre<br />
sens, elle échoue radicalement dans<br />
ses tentatives d’explication et <strong>de</strong> compréhension<br />
du personnage. Là encore,<br />
il est trop tard pour voir ici dans le<br />
détail, <strong>de</strong> quelle manière Laforgue se<br />
fourvoie, mais nous mentionnerons –il<br />
le faut bien, tout <strong>de</strong> même- ce qui nous<br />
semble être l’essentiel à relever. Certes,<br />
« nous pouvons constater chez Napoléon<br />
l’existence d’un caractère névrotique,<br />
sans que nous puissions affirmer que,<br />
chez lui, tel ou tel symptôme prédominait<br />
» (25), mais alors, on voit difficilement,<br />
après avoir évoqué la « névrose <strong>de</strong><br />
Napoléon », comment Laforgue en vient<br />
brusquement au « trait <strong>de</strong> caractère<br />
paranoïaque » que l’auteur isole uniquement<br />
dans la dite « revendication »<br />
pathologique <strong>de</strong> l’Empereur. Le saut<br />
se fait par le biais d’éléments biographiques<br />
plus ou moins fiables <strong>de</strong> l’enfance<br />
<strong>de</strong> Napoléon, ainsi que par <strong>de</strong>s<br />
hypothèses ou déductions plus ou<br />
moins forcées. Pour seul exemple, après<br />
avoir avancé que les troubles <strong>de</strong> la<br />
nutrition et du sevrage dans la vie du<br />
nourrisson pouvaient avoir « une part<br />
déterminante dans la constitution du<br />
caractère paranoïaque », l’auteur s’interroge<br />
et nous donne sa réponse :<br />
« que savons-nous <strong>de</strong> son enfance [à<br />
Napoléon] pour expliquer chez lui l’existence<br />
<strong>de</strong> traits <strong>de</strong> caractère paranoïaque<br />
? (…). Il est probable (XXV) que Napoléon<br />
a été un enfant prématuré et exposé<br />
à <strong>de</strong> nombreux traumatismes, peutêtre<br />
déjà dans le sein maternel. Nous<br />
savons dans quelles conditions sa mère l’a<br />
porté (…) ». Hypothèses non vérifiables<br />
historiquement, et surtout…si tous les<br />
enfants prématurés exposés à <strong>de</strong>s dits<br />
« traumatismes » quelconques <strong>de</strong>venaient<br />
paranoïaques… Notons enfin<br />
que selon Laforgue : « il n’y a pas <strong>de</strong><br />
doute que, dès le début, les circonstances<br />
se révèlent contraires à l’enfant ; le climat<br />
familial lui est défavorable, le moment<br />
<strong>de</strong> sa venue mal choisi et, par surcroît, sa<br />
mère lui est sans doute (XXVI) hostile (…).<br />
Il paraît douteux que l’enfant ait été désiré<br />
par sa mère »… La forte personnalité<br />
<strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière serait d’ailleurs à<br />
l’origine du « super-ego » <strong>de</strong> Napoléon…<br />
Passons sur ces tentatives d’explications<br />
psycho-biographiques. Ru<strong>de</strong><br />
tâche que <strong>de</strong> vouloir comprendre ou<br />
expliquer l’homme Napoléon ainsi que<br />
son « <strong>de</strong>stin » d’exception. Sans doute,<br />
l’arrivée d’un homme tel que Napoléon<br />
ne s’explique pas, ne se comprend<br />
pas sans prendre en compte la situa-<br />
tion politique <strong>de</strong> l’époque (XXVII). Cet<br />
« homme exceptionnel » est arrivé dans<br />
une « conjoncture extraordinaire » (16).<br />
Pas <strong>de</strong> tentative d’explication –au sens<br />
d’un déterminisme causal repérable<br />
dans la seule histoire biographique -<br />
mais, par contre, la volonté, pour nous,<br />
<strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce le désir qui animait<br />
Napoléon, <strong>de</strong> jeter un éclairage<br />
inédit sur son parcours logique qui l’a<br />
fait monter au zénith d’une manière<br />
fulgurante pour en re<strong>de</strong>scendre brutalement,<br />
<strong>de</strong> faire valoir <strong>de</strong> quelle manière<br />
son rapport au pouvoir et à la gloire,<br />
à l’Autre, au temps, au travail, etc., pouvait<br />
constituer autant d’éléments mettant<br />
en relief la structure névrotique<br />
du grand homme, et non pas - au<br />
regard <strong>de</strong> l’ampleur <strong>de</strong> l’Empire, <strong>de</strong> sa<br />
dimension « hors normes », et du caractère<br />
hors du commun <strong>de</strong> son empereur-<br />
et non pas, donc, sa soi-disant<br />
folie. Disons que la figure et le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong><br />
Napoléon –au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’intérêt historique<br />
que l’on peut y prêter- nous donnent,<br />
d’une certaine manière, un enseignement<br />
quant à la structure et à la<br />
logique subjective du névrosé obsessionnel.<br />
Napoléon ne se réduit pas aux<br />
seuls caractères narcissique et phallique<br />
qui se dégagent nécessairement, par<br />
endroits, du portrait qui vient d’être<br />
esquissé, et qui se signalent notamment<br />
–avant le moment <strong>de</strong> la chute- et selon<br />
les termes <strong>de</strong> H. Ey, par « une conduite<br />
assurée, impulsive, la recherche à tout<br />
prix <strong>de</strong> la réussite et du prestige, l’impossibilité<br />
<strong>de</strong> tolérer les échecs ou critiques<br />
» (7). Il est bien difficile <strong>de</strong> donner<br />
en quelques pages seulement un<br />
tableau d’ensemble suffisant <strong>de</strong> Napoléon.<br />
« Pour cerner le personnage,<br />
comme le suggère T. Lentz, il faudra<br />
aller ‘’piocher’’ dans diverses étu<strong>de</strong>s et, au<br />
final, se livrer à l’exercice <strong>de</strong> la synthèse<br />
» (30). Nous avons tenté ici <strong>de</strong> le faire,<br />
sans préjugés ni passion. Dans le fond,<br />
puisqu’il circule régulièrement et <strong>de</strong>puis<br />
son vivant, précisément, un certain<br />
nombre <strong>de</strong> préjugés quant à sa soidisant<br />
« folie », ou mégalomanie, ce sera<br />
peut-être l’un <strong>de</strong>s points qu’il nous faudra<br />
retenir : voici un homme aux ambitions<br />
et aux pouvoirs certes démesurés,<br />
prêt à sacrifier <strong>de</strong>s milliers<br />
d’hommes pour la gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la France<br />
et pour la paix en Europe, mais un<br />
homme qui n’est fou en aucune façon.<br />
Il n’y a pas à se laisser « impressionner »<br />
par ce qui peut se manifester comme<br />
du « hors normes ». La démesure ne<br />
renvoie pas systématiquement à la<br />
pathologie. A aucun moment <strong>de</strong> sa vie<br />
Napoléon ne présenta ce que nous<br />
appellerions, aujourd’hui, certitu<strong>de</strong>s<br />
délirantes, délire, phénomènes élémentaires<br />
du type hallucinations verbales<br />
ou phénomènes hypocondriaques,<br />
pas <strong>de</strong> « réponse » non plus<br />
-en termes <strong>de</strong> mission à accomplir- à ce<br />
qui aurait pu être un « appel » <strong>de</strong> l’Autre<br />
(divin par exemple), n’étant en aucune<br />
façon « hors lien social », et n’ayant pas<br />
eu non plus à construire <strong>de</strong> quelconques<br />
suppléances pour parer à une<br />
éventuelle psychose… Par ailleurs, et<br />
avant toute chose peut-être, Napoléon<br />
ne se prenait pas pour Napoléon –voir<br />
la citation <strong>de</strong> Lacan au début <strong>de</strong> cet<br />
article- et il ne se prenait pas non plus<br />
pour Dieu le Père, alors que beaucoup<br />
auraient voulu le mettre à cette place.<br />
Du reste, avec humour et recul, ne se<br />
prenant pas trop au sérieux, il pouvait<br />
lancer ainsi : « La place <strong>de</strong> Dieu le Père ?<br />
Ah ! je n’en voudrais pas ; c’est un cul<strong>de</strong>-sac<br />
! ». ■<br />
N. Brémaud<br />
Bibliographie<br />
Sur Napoléon, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s références<br />
mentionnées dans le corps <strong>de</strong> notre texte,<br />
et que nous donnons ci-<strong>de</strong>ssous, il faut lire<br />
l’ensemble <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> J. Tulard (notamment<br />
le Dictionnaire Napoléon en 2<br />
volumes, chez Fayard), <strong>de</strong> T. Lentz, <strong>de</strong> J.-O.<br />
Boudon, les ouvrages classiques <strong>de</strong> Jean<br />
Thiry, Frédéric Masson, Albert Vandal, et J.<br />
Mistler (Napoléon et l’Empire) ainsi que la<br />
monumentale Histoire du Consulat et <strong>de</strong><br />
l’Empire, <strong>de</strong> Louis Ma<strong>de</strong>lin (rééditée dans la<br />
collection Bouquins chez R. Lafont). Voir<br />
PSYCHO BIOGRAPHIE ■ 11<br />
aussi, bien sûr, la Correspondance générale <strong>de</strong><br />
Napoléon, ainsi que ses Lettres (notamment<br />
à Désirée Clary, Joséphine, et Marie-Louise).<br />
Des dizaines, voire <strong>de</strong>s centaines d’ouvrages<br />
seraient dans le fond à lire pour se<br />
faire une idée précise <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> du<br />
Consulat et <strong>de</strong> l’Empire, ainsi que <strong>de</strong> l’homme<br />
Napoléon, aussi nous renvoyons à la<br />
bibliographie détaillée donnée par J. Tulard<br />
dans son ouvrage Napoléon (chez Fayard,<br />
qui doit être remise à jour, car datée <strong>de</strong><br />
1977). Les <strong>de</strong>ux gros volumes Bonaparte<br />
et Napoléon (chez Perrin) <strong>de</strong> A. Castelot,<br />
bien que faits pour aller à la rencontre d’un<br />
large public, restent <strong>de</strong>s ouvrages incontournables,<br />
rigoureux et sérieux du point<br />
<strong>de</strong> vue historique, et d’une lecture tellement<br />
agréable.<br />
(1) BAINVILLE J., Napoléon, Paris 1931,<br />
Fayard.<br />
(2) BERTAUT J., Napoléon et l’occulte, Historia,<br />
1962, 193, 793-800.<br />
(3) CALVET H., Napoléon, Paris 1969, PUF<br />
Coll. Que sais-je ?.<br />
(4) CHARDIGNY L., L’homme Napoléon,<br />
Paris 1987, Perrin.<br />
(5) CHATEAUBRIAND F.-R. <strong>de</strong>, Vie <strong>de</strong><br />
Napoléon (1840), Paris 1999, Livre <strong>de</strong><br />
Poche.<br />
(6) EY H., Etu<strong>de</strong>s Psychiatriques (Etu<strong>de</strong> <br />
LIVRES<br />
Les Exécuteurs<br />
Des hommes normaux aux<br />
meurtriers <strong>de</strong> masse<br />
Harald Welzer<br />
Nrf Essais<br />
Gallimard, 22 €<br />
Les exécuteurs, dans les génoci<strong>de</strong>s,<br />
sont <strong>de</strong>s hommes ordinaires. Nul n’en<br />
doute à la suite <strong>de</strong>s travaux d’historiens<br />
comme Raul Hilberg ou Christopher<br />
Browning après les procès instruits<br />
à Nuremberg et Tokyo au<br />
len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième Guerre<br />
mondiale, et les Tribunaux internationaux<br />
chargés <strong>de</strong> poursuivre les criminels<br />
au Ruanda et dans l’ex-Yougoslavie.<br />
Harald Welzer montre que la pression<br />
du groupe s’attache à restituer<br />
non plus la cause immédiate, mais<br />
le processus qui y a conduit. Il prend<br />
au mot Adolf Eichmann, qui déclarait<br />
à l’issue <strong>de</strong> son procès à Jérusalem<br />
: « Je ne suis pas le monstre qu’on<br />
fait <strong>de</strong> moi. Je suis victime d’une erreur<br />
<strong>de</strong> raisonnement ».<br />
Comme les exécuteurs allemands,<br />
rwandais, serbes et croates, dont les<br />
cas sont étudiés dans ce livre, Eichmann<br />
récuse l’idée qu’il aurait agi<br />
monstrueusement et en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s<br />
catégories morales <strong>de</strong> la communauté<br />
<strong>de</strong>s hommes.<br />
Si l’idée qu’on puisse les qualifier <strong>de</strong><br />
meurtriers est restée étrangère aux<br />
exécuteurs dans leur immense majorité,<br />
c’est que le projet anti-humain<br />
auquel ils consacrèrent leur énergie<br />
avait bâti un système d’imputabilité<br />
morale avec <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> pratiquer<br />
le meurtre <strong>de</strong> masse.<br />
Harald Welzer démontre que, dans<br />
un dispositif social, il suffit qu’une<br />
seule coordonnée, l’appartenance sociale,<br />
se décale pour que tout l’ensemble<br />
change et que s’établisse une<br />
réalité autre que l’antérieure. Décalage<br />
scientifique, fondé sur une théorie<br />
<strong>de</strong>s races, ou ethnique, il consiste<br />
en une redéfinition radicale <strong>de</strong> qui<br />
fait partie ou non <strong>de</strong> l’univers d’obligation<br />
générale. La distinction inéluctable<br />
et absolue entre appartenants<br />
et non-appartenants est<br />
commune à ces sociétés meurtrières.<br />
Une fois lancées, les pratiques d’exclusion,<br />
<strong>de</strong> spoliation et <strong>de</strong> déportation<br />
transforment le déplacement<br />
géographique initial en « nettoyage »,<br />
extermination pure et simple.<br />
Dans le système <strong>de</strong>s valeurs reconfiguré<br />
que les exécuteurs vivent<br />
comme une morale avec ses obligations<br />
à l’égard <strong>de</strong> leur communauté,<br />
la question <strong>de</strong> ce qu’on fait <strong>de</strong>s nonappartenants<br />
n’est plus alors qu’une<br />
affaire <strong>de</strong> <strong>de</strong>gré, et non <strong>de</strong> principe.
12<br />
LIVRES<br />
■ PSYCHO BIOGRAPHIE<br />
Marcel Mauss, savant et<br />
politique<br />
Sylvain Dzimira<br />
Préface <strong>de</strong> Marcel Fournier<br />
La Découverte, 20 €<br />
Sylvain Dzimira montre comment la<br />
pensée anthropologique <strong>de</strong> Marcel<br />
Mauss ne se comprend qu’à la lumière<br />
<strong>de</strong> sa philosophie politique, et<br />
réciproquement.<br />
Fondateur <strong>de</strong> l’ethnologie scientifique<br />
française, il a été l’héritier principal<br />
d’Emile Durkheim et <strong>de</strong> l’école française<br />
<strong>de</strong> sociologie, inspirateur revendiqué<br />
<strong>de</strong> Georges Bataille, Roger<br />
Caillois, Clau<strong>de</strong> Lévi-Strauss et, à travers<br />
lui, <strong>de</strong> Jacques Lacan.<br />
Son parcours intellectuel, dont son<br />
Essai sur le don, <strong>de</strong>meure mal compris.<br />
Très probablement parce que<br />
Marcel Mauss, ami et collaborateur<br />
<strong>de</strong> Jaurès, militant du socialisme associationniste,<br />
n’a jamais dissocié<br />
science et politique. En cela il s’est<br />
montré le fidèle <strong>de</strong>scendant <strong>de</strong>s Saint-<br />
Simon, Auguste Comte et Durkheim<br />
qui, à l’encontre <strong>de</strong> la prescription <strong>de</strong><br />
Max Weber, se voulaient en même<br />
temps savants et politiques.<br />
La solidarité<br />
Histoire d’une idée<br />
Marie-Clau<strong>de</strong> Blais<br />
Bibliothèque <strong>de</strong>s idées<br />
Gallimard, 22,50 €<br />
Le mot <strong>de</strong> solidarité a beau être employé<br />
à tout propos, il reste mystérieux,<br />
difficile à définir et à cerner. Il<br />
a connu une première heure <strong>de</strong> gloire<br />
dans la France <strong>de</strong> la Belle Epoque<br />
avant <strong>de</strong> tomber dans une indifférence<br />
dont il a été tiré par un regain<br />
<strong>de</strong> faveur à partir <strong>de</strong>s années 1980.<br />
Ce livre précise ce que recouvre une<br />
telle adhésion.<br />
Il retrace la genèse <strong>de</strong> l’idée en reconstituant<br />
les problématiques qui<br />
ont présidé à son élaboration, faisant<br />
ainsi apparaître que <strong>de</strong>rrière le rayonnement<br />
actuel <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> solidarité<br />
se dissimule l’héritage <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
siècles <strong>de</strong> réflexion sur les rapports<br />
entre l’individuel et le social. Toute<br />
l’histoire du concept contemporain<br />
<strong>de</strong> « société » s’y trouve impliquée,<br />
<strong>de</strong> même que celle du projet d’une<br />
« science sociale ».<br />
Marie-Clau<strong>de</strong> Blais éclaire, en particulier,<br />
un moment clé <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong><br />
la République, ce moment où, contesté<br />
sur sa droite et sur sa gauche, le régime<br />
républicain cherche à concilier<br />
<strong>de</strong>ux exigences à la fois contradictoires<br />
et indissociables : la liberté individuelle<br />
et la justice sociale. La solidarité<br />
s’impose alors comme la<br />
promesse d’une troisième voie possible<br />
entre l’individualisme libéral et<br />
le socialisme collectiviste.<br />
Ce n’est qu’en fonction <strong>de</strong> ce passé<br />
que l’on peut comprendre la faveur<br />
consensuelle dont elle jouit aujourd’hui.<br />
La question n’est plus <strong>de</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />
s’il faut revenir à la fraternité ou<br />
à la charité, pas plus que <strong>de</strong> savoir si<br />
l’on doit se rattacher à l’idéal révolutionnaire<br />
ou au dogme chrétien.<br />
Repensée, l’idée <strong>de</strong> solidarité pourrait<br />
être, plus que jamais, pertinente,<br />
au moment où tout événement a<br />
une répercussion mondiale et où la<br />
moindre décision engage le mon<strong>de</strong><br />
que nous laissons aux générations<br />
futures.<br />
Elle présente l’avantage <strong>de</strong> mettre en<br />
avant la dimension consciente et<br />
volontaire <strong>de</strong> toute association humaine.<br />
Elle permet, surtout, <strong>de</strong> signifier<br />
le caractère extra-contractualiste<br />
<strong>de</strong> cette association : aucune société<br />
ne peut se concevoir en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong><br />
son histoire, <strong>de</strong> ce qui la constitue au<br />
passé et <strong>de</strong> ce qu’elle projette pour<br />
son avenir.<br />
<br />
n°19, Mégalomanie), Paris 1950, Desclée<br />
<strong>de</strong> Brouwer.<br />
(7) EY H., BERNARD P., BRISSET Ch.,<br />
Manuel <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong>, Paris 2960, Masson.<br />
(8) FAIN (baron), Mémoires, Paris 2001,<br />
Seuil Arléa.<br />
(9) FREUD S., Psychopathologie <strong>de</strong> la vie<br />
quotidienne (1901), Paris 1967, Payot.<br />
(10) FREUD S., Le moi et le ça (1923), in<br />
Essais <strong>de</strong> Psychanalyse, Paris 1981, Payot.<br />
(11) FREUD S, Un trouble <strong>de</strong> mémoire sur<br />
l’Acropole, in Résultats, Idées, Problèmes<br />
(vol.2), Paris 1985, PUF.<br />
(12) GADEAU L., Le temps dans la problématique<br />
obsessionnelle : le Père en question,<br />
L’Evolution Psychiatrique, 1998, 63, 3,<br />
507-514.<br />
(13) GENGEMBRE G., Napoléon, Paris<br />
2001, Larousse, coll. La vie, la légen<strong>de</strong>.<br />
(14) GODECHOT J., Napoléon, in Le<br />
Mémorial <strong>de</strong>s Siècles, sous la dir. <strong>de</strong> G. Walter,<br />
Paris 1969, Albin Michel.<br />
(15) ISRAËL L., Initiation à la psychiatrie,<br />
Paris 1984, Masson.<br />
(16) JAMET D., Napoléon, Paris 2003, Plon<br />
(coll. Si j’avais défendu).<br />
(17) JOURDAN A., L’empire <strong>de</strong> Napoléon,<br />
Paris 2000, Champs Flammarion.<br />
(18) KOJÈVE A., Introduction à la lecture<br />
<strong>de</strong> Hegel, Paris 1994, Tel Gallimard.<br />
(19) LACAN J., Propos sur la causalité psychique,<br />
in Ecrits, Paris 1966, Seuil.<br />
(20) LACAN J., L’agressivité en psychanalyse,<br />
in Ecrits, Paris 1966, Seuil.<br />
(21) LACAN J., La psychanalyse et son enseignement,<br />
in Ecrits, Paris 1966, Seuil.<br />
(22) LACAN J., Séminaire V, Les formations<br />
<strong>de</strong> l’inconscient (1957-58). Paris 1998,<br />
Seuil.<br />
(23) LACAN J. Séminaire VIII, Le transfert<br />
(1960-61). Paris 1991, Seuil.<br />
(24) LACAN J., Séminaire IX, L’i<strong>de</strong>ntification<br />
(1961-62). Inédit.<br />
(25) LAFORGUE R., Psychopathologie <strong>de</strong><br />
l’échec (1941), Paris 1975, Payot.<br />
(26) LAS CASES E. <strong>de</strong>, Mémorial <strong>de</strong> Sainte-Hélène<br />
(1823), Paris 1999, Points Seuil.<br />
(27) LE BOULENGÉ C., Les conditions <strong>de</strong> la<br />
jouissance, Quarto, 1993, 51, 95-106.<br />
(28) LEFEBVRE G., Napoléon (1936), Paris<br />
1969, PUF.<br />
(29) LENTZ T., Napoléon : ‘’mon ambition<br />
était gran<strong>de</strong>’’, Paris 1998, Découvertes Gallimard.<br />
(30) LENTZ T., Napoléon, Paris 2005, PUF<br />
Que sais-je ?.<br />
(31) MASSON F., Napoléon chez lui (1893),<br />
Paris 1977, Tallandier.<br />
(32) MILLER D., Le symptôme chez l’obsessionnel,<br />
in Hystérie et Obsession, Angers,<br />
Recueil, 1986, 2, 81-89.<br />
(33) MONIN H., Napoléon Ier, article <strong>de</strong> La<br />
Gran<strong>de</strong> Encyclopédie, Paris, 1885-1902,<br />
tome 24.<br />
(34) PAOLI F., La jeunesse <strong>de</strong> Napoléon,<br />
Paris 2005, Tallandier, Bibliothèque napoléonienne.<br />
(35) SILVESTRE M., Structure lacanienne<br />
<strong>de</strong> la névrose obsessionnelle, Revue nationale<br />
<strong>de</strong>s collèges du Champ Lacanien,<br />
2002, 1, 137-156.<br />
(36) SOLANO-SUAREZ E., L’i<strong>de</strong>ntification<br />
au symptôme à la fin <strong>de</strong> l’analyse, La Cause<br />
Freudienne, 2001, 48, 102-108.<br />
(37) SOLER C., Le choix <strong>de</strong> la névrose,<br />
Quarto, 1986, 24, 49-57.<br />
(38) STENDHAL, Vie <strong>de</strong> Napoléon, Paris<br />
1939, Gründ.<br />
(39) TULARD J., Napoléon, Paris 1977,<br />
Fayard.<br />
Notes<br />
(I) « Ce n’est pas fini », en effet, il suffit <strong>de</strong> consulter<br />
sur internet le nombre <strong>de</strong> pages qui lui sont<br />
consacrées… G. Gengembre souligne : « nul<br />
ne sait combien d’ouvrages ont été consacrés à<br />
Napoléon. En 1998, Jean Tulard pouvait avancer<br />
une estimation <strong>de</strong> cent-mille titres ». Napoléon<br />
est « le personnage historique le plus représenté<br />
dans les arts après le Christ, <strong>de</strong> la peinture<br />
au cinéma (…) » (13).<br />
(II) Napoléon <strong>de</strong>mandait à ce que <strong>de</strong>s peintres<br />
le suivent dans ses campagnes militaires afin<br />
que ses exploits soient reproduits. Ce fut le cas<br />
d’Antoine Gros, qui <strong>de</strong>vint le peintre officiel<br />
<strong>de</strong> Napoléon (voir entre autres sa célèbre toile :<br />
Bonaparte visitant les pestiférés <strong>de</strong> Jaffa).<br />
(III) Selon T. Lentz : 800 à 900 mille morts<br />
français, et un peu plus côté étrangers (30).<br />
(IV)A dix-sept ans, le 26 avril 1786, influencé<br />
sans doute par ses nombreuses lectures (Rousseau,<br />
le Werther <strong>de</strong> Goethe, etc.) mais, également,<br />
souffrant <strong>de</strong> l’éloignement <strong>de</strong> son île<br />
Corse (il est à l’époque affecté dans une compagnie<br />
<strong>de</strong> bombardiers à Valence, en France),<br />
le jeune Bonaparte écrivait : « toujours seul au<br />
milieu <strong>de</strong>s hommes, je rentre pour rêver avec moimême<br />
et me livrer à toute la vivacité <strong>de</strong> ma mélancolie.<br />
De quel côté est-elle tournée aujourd’hui ?<br />
du côté <strong>de</strong> la mort (…). Je suis absent <strong>de</strong>puis six<br />
à sept ans <strong>de</strong> ma patrie (…). Quelle fureur me<br />
porte donc à vouloir ma <strong>de</strong>struction ? Sans doute,<br />
que faire dans ce mon<strong>de</strong> ? Puisque je dois mourir,<br />
ne vaut-il pas autant se tuer ? (…). Puisque<br />
je commence à éprouver <strong>de</strong>s malheurs, que rien<br />
n’est plaisir pour moi, pourquoi supporterai-je <strong>de</strong>s<br />
jours que rien ne me ‘’prospère’’ ? ». Bien plus<br />
tard encore, après sa première abdication, Napoléon<br />
tente <strong>de</strong> se suici<strong>de</strong>r en ingurgitant du<br />
poison qu’il portait sur lui <strong>de</strong>puis la retraite <strong>de</strong><br />
Moscou en 1812, mais il semble que le sachet<br />
se fût éventé, et que la mort ne voulut pas <strong>de</strong><br />
lui. Toujours est-il que l’on y voit là une <strong>de</strong>s<br />
caractéristiques que peut prendre la « dépression<br />
» obsessionnelle. Comme l’indique D. Miller<br />
: « la dépression fait facilement retour sur le<br />
sujet obsessionnel qui ne parvient pas à soutenir<br />
sa valeur phallique » (32).<br />
(V) G. Gengembre souligne que « Bonaparte<br />
ne cesse <strong>de</strong> penser à <strong>de</strong>s colonnes » (13).<br />
(VI) Impossible, pour Napoléon, d’envisager <strong>de</strong><br />
faire face à la « castration ». L’on y verra cette<br />
vérité, pour notre part, notamment dans ces<br />
propos <strong>de</strong> 1814 qui ne sont pas qu’orgueil ou<br />
fierté : « Laisser la France plus petite que je ne<br />
l’ai trouvée ? Jamais ! ». D’où son abdication.<br />
(Ce qui fait horreur, pour l’obsessionnel, c’est<br />
avant tout la castration <strong>de</strong> l’Autre, c’est <strong>de</strong> découvrir<br />
que l’Autre manque. Du point <strong>de</strong> vue<br />
subjectif, <strong>de</strong> ce qui fait son propre rapport à<br />
l’Autre sexe, on l’a vu, Napoléon répond par<br />
une misogynie féroce (« Nous autres, peuples<br />
d’Occi<strong>de</strong>nt, nous avons tout gâté en traitant les<br />
femmes trop bien »). Du point <strong>de</strong> vue politique,<br />
dans cette optique, et compte-tenu <strong>de</strong> l’organisation<br />
névrotique qui se lit à tous niveaux<br />
chez Napoléon, on doit pareillement envisager<br />
son désir profond <strong>de</strong> rassemblement et<br />
d’unification <strong>de</strong> l’Europe comme une tentative<br />
<strong>de</strong> suturation <strong>de</strong> la béance structurale <strong>de</strong> la castration<br />
: surtout qu’il n’y ait pas <strong>de</strong> failles. Impossible,<br />
évi<strong>de</strong>mment, et c’est en partie, nous<br />
le verrons, la cause <strong>de</strong> ses angoisses, <strong>de</strong> ses incertitu<strong>de</strong>s,<br />
et <strong>de</strong> sa chute). Pour ce qui concerne<br />
l’aspect « hyperactif » (<strong>de</strong> nos jours, il eût été<br />
sans nul doute, dans son enfance, caractérisé<br />
<strong>de</strong> la sorte ; voir à cet égard l’ouvrage <strong>de</strong> F.<br />
Paoli paru récemment, La jeunesse <strong>de</strong> Napoléon<br />
[34]), la dimension <strong>de</strong> l’exploit tout comme<br />
celle d’un désir qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, inlassablement,<br />
à en avoir toujours plus, laissent entrevoir chez<br />
Napoléon la division subjective du névrosé,<br />
car, dans le fond, comme le soulignait Lacan<br />
à propos <strong>de</strong> l’obsessionnel et <strong>de</strong> ses exploits :<br />
« dans l’exploit le sujet domine, apprivoise, voire<br />
domestique une angoisse fondamentale » [22],<br />
autrement dit ce Freud –tout juste un siècle<br />
après Napoléon- nomme angoisse <strong>de</strong> castration.<br />
(VII) Tous les dictateurs ne sont pas comparables.<br />
Aucun n’est à défendre, mais Napoléon<br />
n’est pas Hitler. Pour la plupart <strong>de</strong>s historiens<br />
la comparaison ne tient pas longtemps, et sur<br />
bien <strong>de</strong>s points. Pour ne considérer que cet aspect<br />
parcellaire -mais néanmoins utile- notons<br />
que l’i<strong>de</strong>ntification à un Autre (i<strong>de</strong>ntification,<br />
et non transitivisme, ou certitu<strong>de</strong> délirante d’être<br />
un Autre ou d’être l’Envoyé ou l’Elu d’un Autre)<br />
renvoie, <strong>de</strong> façon certaine, à la structure <strong>de</strong> la<br />
névrose (hystérie et obsession essentiellement).<br />
A notre connaissance, Hitler, lui, ne s’est pas<br />
i<strong>de</strong>ntifié à un Autre. Et sa folie, plus justement<br />
sa psychose paranoïaque, ne fait pas <strong>de</strong> doute.<br />
(VIII) Encore une fois, Napoléon ne se croyait<br />
pas, ne se prenait pas pour Napoléon, et encore<br />
moins pour César, Alexandre ou Charlemagne.<br />
Comme le précise très justement H.<br />
Ey [6] dans son Etu<strong>de</strong> Psychiatrique n°19 consacrée<br />
à la mégalomanie, une <strong>de</strong>s idées délirantes<br />
<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur parmi les plus communes est celle<br />
du délire <strong>de</strong> filiation (le sujet s’affirme d’origine<br />
illustre). S’il y a bien quelque chose dont Napoléon<br />
a souffert –au sens d’un sentiment d’infériorité-,<br />
c’est bien justement <strong>de</strong> trop bien savoir<br />
qu’il ne <strong>de</strong>scendait en aucune manière<br />
d’une famille royale. F. Masson, écrit ainsi : Napoléon<br />
« affirme, et avec quelle singulière vigueur,<br />
à quel point (…), dès qu’il est sorti <strong>de</strong> la réalité du<br />
droit démocratique pour chercher à son pouvoir <strong>de</strong>s<br />
origines <strong>de</strong> droit divin, il s’est trouvé inférieur à ceux<br />
qu’il a remplacés (…) » [31].<br />
(IX) Le baron Fain (1778-1837) –qui fut, successivement,<br />
secrétaire-archiviste au cabinet <strong>de</strong><br />
Napoléon, maître <strong>de</strong>s requêtes au Conseil d’état,<br />
puis secrétaire du portefeuille- écrivait dans ses<br />
Mémoires : « ce qu’il [Napoléon] redoutait le plus,<br />
c’était <strong>de</strong> passer pour trop facile » [8]. Une fois<br />
installé aux Tuileries : « il me fallait <strong>de</strong> nécessité,<br />
dit Napoléon, me créer un extérieur, me composer<br />
une certaine gravité, en un mot, établir une<br />
étiquette, autrement l’on m’eût journellement<br />
frappé sur l’épaule ».<br />
(X) Ce que Chateaubriand a reformulé ainsi :<br />
« Napoléon était son propre mime ; il ne se serait<br />
pas cru un héros s’il ne se fût affublé du costume<br />
d’un héros » [5]. Pour sa part, J. Tulard souligne<br />
que « rarement personnage historique aura eu<br />
autant le souci <strong>de</strong> se composer une silhouette »<br />
[39].<br />
(XI) Ce que Napoléon jetait d’ancres pour la<br />
« sécurité », la « tranquillité » <strong>de</strong> sa propre personne,<br />
se retrouvait également dans sa politique<br />
et dans sa façon <strong>de</strong> mener le mon<strong>de</strong> et<br />
d’écrire l’Histoire. Bainville écrivait : « par tous<br />
les moyens il [Napoléon] jette <strong>de</strong>s ancres afin <strong>de</strong><br />
consoli<strong>de</strong>r, <strong>de</strong> fortifier toujours plus sa dynastie, sa<br />
famille (…) ». Puis, après la désastreuse retraite<br />
<strong>de</strong> Russie : « il a jeté <strong>de</strong>s ancres. Aucune n’a<br />
tenu » [1].<br />
(XII) « Ici, c’est la mort qu’il s’agit <strong>de</strong> tromper par<br />
mille ruses, et cet autre qu’est le moi du sujet entre<br />
dans le jeu comme support <strong>de</strong> la gageure <strong>de</strong>s mille<br />
exploits qui seuls l’assurent du triomphe <strong>de</strong> ses<br />
ruses » [21]. Autre connotation militaire intéressante<br />
(l’Armée, est-il besoin <strong>de</strong> le souligner ?<br />
est une institution typiquement obsessionnelle)<br />
associée à la structure du névrosé obsessionnel,<br />
donnée par M. Silvestre : l’obsessionnel<br />
« envoie son Moi sur le champ <strong>de</strong> bataille » [35].<br />
(XIII) C’est nous qui soulignons.<br />
(XIV) F. Masson écrivait en ce sens : « Le repos,<br />
pour lui, c’était <strong>de</strong> passer d’un travail à un<br />
autre » [31].<br />
(XV) S. Freud lui-même (admirateur dans sa<br />
jeunesse <strong>de</strong> l’empereur) connaît cette caractéristique,<br />
et écrit dans sa Psychopathologie <strong>de</strong> la<br />
vie quotidienne : « Napoléon, qui était passé maître<br />
dans l’art <strong>de</strong> traiter les hommes, a fourni, pendant<br />
sa malheureuse campagne <strong>de</strong> 1814, une<br />
preuve étonnante <strong>de</strong> sa mémoire <strong>de</strong>s noms. Se<br />
trouvant dans la ville <strong>de</strong> Craonne, il se rappela<br />
avoir connu, vingt ans auparavant, le maire <strong>de</strong><br />
cette ville, De Bussy, dans un certain régiment.<br />
La conséquence en fut que De Bussy, ravi et enchanté,<br />
se consacra à son service avec un dévouement<br />
sans borne » [9].<br />
(XVI) René Laforgue écrivait dans son étu<strong>de</strong><br />
sur Napoléon : « la plupart <strong>de</strong>s maîtresses <strong>de</strong><br />
Napoléon furent <strong>de</strong>s momentanées. Le moment<br />
était bref, le plus souvent unique. Il ne dépassa<br />
jamais le temps que la distraction impériale lui<br />
consacrait » [25].<br />
(XVII) Ce trait caractéristique <strong>de</strong> la hâte et du<br />
temps qui presse et oppresse, se retrouve du<br />
début à la fin <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> Napoléon. En 1795<br />
(il a vingt-six ans) Napoléon écrit à Désirée<br />
Clary, sa première fiancée : « Jouissons donc<br />
bien vite, ma bonne amie, hâtons-nous d’être heureux,<br />
le temps vole, les saisons se renouvellent et<br />
la vieillesse arrive ». Par ailleurs, au moment <strong>de</strong><br />
la bataille fatidique <strong>de</strong> Waterloo. Napoléon,<br />
hésitant, pressentant d’une certaine façon la<br />
défaite au-<strong>de</strong>vant <strong>de</strong> laquelle il allait, ne parvient<br />
pas à se déci<strong>de</strong>r à attaquer, et laisse ainsi<br />
passer <strong>de</strong> précieux moments. Puis « une hâte<br />
le saisit. Soudain le voilà pressé. Il veut le résultat<br />
tout <strong>de</strong> suite, la bataille décisive, <strong>de</strong> tout ou<br />
rien, avec l’envie d’en finir » [1]. En embrassant<br />
d’un seul regard le parcours, la <strong>de</strong>stinée vertigineuse<br />
<strong>de</strong> Napoléon, on peut dire en effet<br />
avec J. Bainville, qu’il « court au <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> sa<br />
perte comme s’il avait hâte d’en finir » [1]…ce<br />
qui n’est pas sans rappeler les mots <strong>de</strong> jeunesse<br />
<strong>de</strong> celui qui n’était encore que le jeune Bonaparte<br />
: « Quelle fureur me porte donc à vouloir<br />
ma <strong>de</strong>struction ? ».<br />
(XVIII) Selon les termes <strong>de</strong> D. Miller, pour l’obsessionnel<br />
« la mort est toujours à l’horizon, et bien<br />
souvent l’habite déjà » [32]. La mort réelle, en<br />
soi, n’était rien pour Napoléon, c’était bien davantage<br />
la « vie éternelle » -à savoir l’inscription<br />
<strong>de</strong> sa place et <strong>de</strong> son nom, à jamais, dans l’Histoire-<br />
qui surpassait tout, et qui le poussait toujours<br />
plus loin dans ses exploits et dans l’élaboration<br />
<strong>de</strong> sa propre légen<strong>de</strong> : « la mort n’est<br />
rien, disait-il, mais vivre vaincu et sans gloire,<br />
c’est mourir tous les jours ».<br />
(IX) Sur ce point nous renvoyons notamment<br />
à l’article <strong>de</strong> L. Ga<strong>de</strong>au, Le temps dans la problématique<br />
obsessionnelle : le Père en question<br />
[12].<br />
(XX) Paoli F., La jeunesse <strong>de</strong> Napoléon [34].<br />
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
Pour avoir une idée suffisamment précise du<br />
portrait du père et <strong>de</strong> la mère <strong>de</strong> Napoléon,<br />
nous renvoyons au chapitre 2 <strong>de</strong> cet ouvrage.<br />
(XXI) Voir S. Freud, Le moi et le ça [10]. Nous<br />
avons déjà évoqué plus haut ce sentiment d’infériorité<br />
chez Napoléon vis-à-vis <strong>de</strong> ses illustres<br />
prédécesseurs, un sentiment attisé par les souverains<br />
<strong>de</strong> l’époque qui, malgré ses nombreuses<br />
victoires, le considéraient toujours comme un<br />
« parvenu ».<br />
(XXII) Outre les aspects déjà mentionnés, ces<br />
soucis d’ordre, <strong>de</strong> propreté et d’économie chez<br />
Napoléon (« Une économie qu’il peut faire le ravit<br />
», souligne F. Masson [31]) signent <strong>de</strong> façon<br />
tout à fait paradigmatique le « caractère anal »<br />
inhérent à la névrose obsessionnelle.<br />
(XXIII) Lacan insiste, notamment, dans sa séance<br />
du 21 mars 1962 sur « cette espèce d’avidité<br />
presque féroce chez l’obsessionnel d’être celui qui<br />
est partout pour n’être justement nulle part ».<br />
(XXIV) Il faudrait ici relire la Psychopathologie<br />
<strong>de</strong> la vie quotidienne <strong>de</strong> Freud, et relever, notamment,<br />
comment y est spécifiquement articulée<br />
la névrose obsessionnelle et la superstition,<br />
cette <strong>de</strong>rnière étant, pour L. Israël, « L’armure<br />
préférée <strong>de</strong> l’obsessionnel » [15].<br />
(XXV) nous soulignons<br />
(XXVI) nous soulignons.<br />
(XXVII) Et encore, pour le « comprendre », ce<br />
serait sans aucun doute un minimum. A vrai<br />
dire le programme serait bien plus large. Si l’on<br />
suit la pensée <strong>de</strong> Hegel, selon la lecture qu’en<br />
a faite Kojève : « Qu’est-ce que ‘’comprendre’’<br />
Napoléon, sinon le comprendre comme celui qui<br />
parfait, en le réalisant, l’idéal <strong>de</strong> la Révolution<br />
française ? Et peut-on comprendre cet idéal, cette<br />
Révolution, sans comprendre l’idéologie <strong>de</strong> l’Aufklärung,<br />
du Siècle <strong>de</strong>s Lumières ? D’une manière<br />
générale, comprendre Napoléon, c’est le comprendre<br />
en fonction <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> l’évolution<br />
historique antérieure, c’est comprendre l’ensemble<br />
<strong>de</strong> l’histoire universelle » [18].<br />
Le système d’assurance<br />
santé aux Etats-Unis<br />
Un système fragmenté et<br />
concurrentiel<br />
Sylvie Cohu et Diane Lequet-<br />
Slama<br />
Etu<strong>de</strong>s et résultats 2007 n°600<br />
Drees<br />
La majorité <strong>de</strong>s Américains (60%) sont<br />
couverts par une assurance privée <strong>de</strong><br />
santé, le plus souvent proposée par<br />
les employeurs.<br />
Les assurances publiques concernent,<br />
respectivement, les personnes âgées<br />
<strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 65 ans ou les personnes<br />
handicapées dans l’incapacité <strong>de</strong> travailler<br />
(Medicare) et certaines familles<br />
pauvres, ainsi que <strong>de</strong>s enfants, au travers<br />
<strong>de</strong>s programmes Medicaid et<br />
SCHIP. 15,9% <strong>de</strong> la population ne dispose,<br />
en revanche, d’aucune couverture<br />
maladie.<br />
Le système <strong>de</strong> santé <strong>de</strong>s Etats-Unis se<br />
distingue par son coût très élevé et<br />
la hausse <strong>de</strong>s primes d’assurance a<br />
récemment conduit à un certain désengagement<br />
<strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s employeurs.<br />
Medicare, seul programme à vocation<br />
universelle pour les plus <strong>de</strong> 65 ans,<br />
a été réformé en 2003, en offrant une<br />
extension <strong>de</strong> la couverture maladie<br />
aux dépenses <strong>de</strong> médicaments et en<br />
ouvrant la possibilité d’une délégation<br />
<strong>de</strong> la gestion à <strong>de</strong>s opérateurs<br />
privés.<br />
Les réseaux <strong>de</strong> soins proposés par les<br />
compagnies privées, les Managed Care<br />
Organisation, sont <strong>de</strong>venus le modèle<br />
dominant par rapport à l’assurance<br />
maladie traditionnelle et réunissent<br />
les fonctions d’assurance et <strong>de</strong> production<br />
<strong>de</strong>s soins. Plus <strong>de</strong> 70% <strong>de</strong>s<br />
Américains ont souscrit, sous diverses<br />
formes, un plan <strong>de</strong> Managed Care<br />
dans le cadre <strong>de</strong> l’entreprise ou à titre<br />
individuel.<br />
Une généralisation <strong>de</strong> l’assurance maladie<br />
à l’ensemble <strong>de</strong> la population a<br />
été mise en œuvre au Massachusetts<br />
et plusieurs États sont tentés par une<br />
expérience similaire. Le système <strong>de</strong><br />
santé sera au centre <strong>de</strong>s prochains<br />
débats aux États-Unis.<br />
www.sante.gouv.fr/drees/in<strong>de</strong>x.htm<br />
Pour toute information : drees-infos@sante.gouv.fr
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
Comme le dit son nom, la dé-pression<br />
est une chute <strong>de</strong> pression.<br />
Contrairement aux apparences, la<br />
pression n’est pas le résultat <strong>de</strong>s circonstances<br />
extérieures, mais bien le<br />
reflet d’une attitu<strong>de</strong> mentale.<br />
Cette attitu<strong>de</strong> est composée <strong>de</strong> projection<br />
et d’anticipation.<br />
La projection est le pouvoir du mental<br />
<strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s formes, qui sont<br />
ensuite confondues avec la réalité.<br />
L’anticipation est cette habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
projeter un futur inexistant et <strong>de</strong> le<br />
vivre comme s’il était réel.<br />
Tous ces subterfuges inventés par le<br />
moi servent à maintenir son existence,<br />
et à éloigner le spectre <strong>de</strong> l’instant<br />
présent, ouverture non limitée<br />
en laquelle le moi perd sa consistance<br />
pour se dissoudre dans la conscience<br />
silencieuse.<br />
Une pression ne peut chuter que si<br />
elle est élevée. Essayez <strong>de</strong> sauter par<br />
une fenêtre située au rez-<strong>de</strong>-chaussée,<br />
et vous comprendrez que la différence<br />
<strong>de</strong> niveau induit le choc, alors<br />
que l’absence <strong>de</strong> différence n’entraîne<br />
pas <strong>de</strong> choc.<br />
L’attente est une pression inventée<br />
par le moi. Elle consiste à fixer le<br />
mental sur un but. Si ce but est<br />
atteint, le moi se réjouit. Si le but n’est<br />
pas atteint, le moi est déçu. La déception<br />
peut être intense, et peut conduire<br />
à la décision, encore créée par le<br />
moi, <strong>de</strong> détruire ce corps qui semble<br />
en être le responsable. Le suici<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>vient ainsi un objet <strong>de</strong> désir comme<br />
un autre, nouveau subterfuge <strong>de</strong>stiné<br />
à fuir l’insaisissable présent.<br />
Le moi, en effet, ne supporte pas <strong>de</strong><br />
ne pas avoir une pâture à se mettre<br />
sous la <strong>de</strong>nt. Le passé et le futur sont<br />
sa nourriture. Ils le maintiennent et<br />
le font fleurir, comme une bonne<br />
terre le fait avec une fleur. Ils sont<br />
tous <strong>de</strong>ux son enfant. Sans lui, que<br />
<strong>de</strong>viendraient-ils ? Imaginez un passéfutur<br />
sans moi à qui se rapporter. Ne<br />
serait-ce pas comme un bonbon vi<strong>de</strong><br />
et sans sucre ?<br />
Le moi est donc le personnage central<br />
à l’origine <strong>de</strong>s attentes, <strong>de</strong>s déceptions<br />
et <strong>de</strong>s dé-pressions qui s’ensuivent.<br />
Comment pourrait-on soigner la dépression<br />
sans s’occuper <strong>de</strong> ce moi qui<br />
en constitue l’axe ? Ce serait comme<br />
vouloir opérer un abdomen pour guérir<br />
d’une migraine.<br />
Nous en arrivons donc à l’évi<strong>de</strong>nce<br />
que pour soigner une dé-pression, il<br />
convient <strong>de</strong> prendre en considération<br />
le moi qui l’a créée.<br />
Or, ce moi est un personnage volatil.<br />
Quand on veut l’attraper, il se défile.<br />
Il est aussi inconsistant qu’un nuage<br />
dans le ciel. Pour la bonne raison,<br />
qu’il n’est qu’une pensée. Une pensée,<br />
cela ne semble pas grand-chose, mais<br />
pourtant une pensée qui revient sans<br />
cesse est une obsession. Le moi est<br />
ainsi une obsession. Toutes les pensées<br />
s’égrènent autour <strong>de</strong> lui. Il est<br />
comme un roi omnipotent, qui asservit<br />
ses sujets sans guère s’occuper <strong>de</strong><br />
leur <strong>de</strong>venir.<br />
Le seul ennemi que redoute le moi<br />
est le regard. Comment une chose<br />
aussi impalpable que le regard pourrait-elle<br />
effrayer le roi ? Pour la bonne<br />
raison, que lorsqu’une pensée est<br />
observée, celle-ci disparaît. Faites-en<br />
l’essai une fois, et vous le saurez pour<br />
toujours. L’observation <strong>de</strong> la pensée<br />
moi amène sa disparition.<br />
Environnement, rythmes<br />
cicardiens, troubles <strong>de</strong><br />
l’humeur : nouvelles<br />
perspectives<br />
Les relations entre environnement<br />
et santé sont admises, aujourd’hui,<br />
comme une évi<strong>de</strong>nce par la communauté<br />
scientifique. Si les facteurs<br />
<strong>de</strong> risque sont bien connus comme<br />
origine, ou facteurs d’expressivité<br />
d’une vulnérabilité dans les pathologies<br />
somatiques, on commence à<br />
en cerner, <strong>de</strong> mieux en mieux, les<br />
contours en matière <strong>de</strong> psychopathologie.<br />
Les relations entre stress,<br />
maladie psychosomatique, anxiété et<br />
dépression sont ainsi étudiées <strong>de</strong><br />
longue date. On a ainsi, <strong>de</strong> plus en<br />
plus souvent, recours à <strong>de</strong>s modèles<br />
expérimentaux chez l’animal et <strong>de</strong><br />
nombreuses voies <strong>de</strong> recherche sont<br />
explorées.<br />
Boris Cyrulnik a d’ailleurs beaucoup<br />
fait pour relier l’observation animale<br />
à <strong>de</strong>s modèles expérimentaux théoriques<br />
avec le souci <strong>de</strong> les ouvrir à<br />
une réflexion tirée <strong>de</strong> la clinique. Il est<br />
particulièrement intéressant <strong>de</strong> constater<br />
que ces recherches viennent<br />
recouper <strong>de</strong>s constatations cliniques<br />
et, dans certains cas, une approche<br />
psychanalytique qui pourrait sembler<br />
a priori très éloignée. On peut ainsi<br />
décrire chez le rat <strong>de</strong>s troubles du<br />
comportement avec diminution <strong>de</strong><br />
l’activité motrice après une séparation<br />
maternelle précoce (XXème ECNP : Chung et al).<br />
Par ailleurs, il apparaît <strong>de</strong> plus en plus<br />
comme une évi<strong>de</strong>nce que l’environnement<br />
peut intervenir dans <strong>de</strong>ux<br />
directions opposées : soit comme facteur<br />
<strong>de</strong> risque pouvant induire ou<br />
aggraver une pathologie, soit comme<br />
facteur <strong>de</strong> protection. Une exposition<br />
d’un groupe <strong>de</strong> souris à une sur-sti-<br />
La dé-pression<br />
mulation environnementale semble<br />
ainsi avoir <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> type anxiolytique<br />
chez <strong>de</strong>s souris par comparaison<br />
avec un groupe témoin (XX ème<br />
ECNP, Pokk et al).<br />
Un <strong>de</strong>s éléments essentiels <strong>de</strong> l’environnement<br />
animal <strong>de</strong>meure l’évolution<br />
<strong>de</strong> son activité et donc <strong>de</strong> son<br />
métabolisme sur un registre cyclique.<br />
Nous connaissons ainsi différents<br />
cycles biologiques, saisonniers, menstruels,<br />
circadiens, pour n’en citer que<br />
quelques uns. De plus, les relations<br />
entre environnement, cycles biologique<br />
et pathologique ouvrent,<br />
aujourd’hui, <strong>de</strong> nouvelles voies <strong>de</strong><br />
recherche et <strong>de</strong>s perspectives thérapeutiques<br />
prometteuses. Les altérations<br />
du cycle veille/sommeil, <strong>de</strong>puis<br />
l’amplification <strong>de</strong> facteurs génétiques<br />
jusqu’à la traduction en réceptologie<br />
neurochimique d’une part, et jusqu’à<br />
l’expression clinique sur un mo<strong>de</strong><br />
dysthymique d’autre part, sont actuellement<br />
particulièrement étudiées.<br />
Ainsi, le travail <strong>de</strong> recherche sur les<br />
récepteurs présents au niveau <strong>de</strong><br />
l’horloge biologique, tels que les<br />
récepteurs mélatoninergiques, a permis<br />
une nouvelle approche dans le<br />
traitement <strong>de</strong> la dépression et <strong>de</strong>s<br />
troubles liés au stress. Cette recherche<br />
serait d’autant plus novatrice qu’elle<br />
explore <strong>de</strong>s voies différentes ne mettant<br />
pas en cause les systèmes muscariniques,<br />
histaminiques, sérotoninergiques<br />
et noradrénergiques<br />
responsables <strong>de</strong>s principaux effets<br />
secondaires <strong>de</strong>s antidépresseurs<br />
actuellement utilisés. ■<br />
Charles Alezrah, Paul Bonnan,<br />
Norbert Skurnik<br />
Vous nous direz : « mais n’est-ce pas le<br />
moi qui observe la pensée moi ? ».<br />
Comment une pensée pourrait-elle<br />
observer une autre pensée ? Est-ce<br />
qu’un miroir peut observer un autre<br />
miroir qui se reflète en lui ? Ce qui<br />
observe la pensée ne peut être qu’en<br />
<strong>de</strong>hors d’elle. Le regard est ainsi hors<br />
<strong>de</strong> portée <strong>de</strong> la pensée moi, puisqu’il<br />
la perçoit.<br />
Le regard est ce qu’on nomme, parfois,<br />
la conscience. La conscience n’est<br />
pas une personne, puisqu’elle est<br />
capable <strong>de</strong> l’observer. La conscience<br />
est donc libre <strong>de</strong> la personne. Pour<br />
cette raison, on la qualifie d’impersonnelle.<br />
Etant impersonnelle, elle ne<br />
peut qu’être libre <strong>de</strong> la souffrance<br />
qui, elle, est bien personnelle. Peut-on<br />
souffrir <strong>de</strong> l’ulcère <strong>de</strong> jambe du voisin<br />
? La souffrance se réfère ainsi à ce<br />
moi, encore lui. A ne pas la<br />
confondre avec la douleur qui, elle,<br />
appartient au corps.<br />
Pour guérir <strong>de</strong> la dépression, il<br />
convient donc <strong>de</strong> se libérer <strong>de</strong> l’emprise<br />
du moi.<br />
Une <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> libération est celle<br />
<strong>de</strong> l’accueil ; l’accueil <strong>de</strong>s perceptions,<br />
<strong>de</strong>s sensations, <strong>de</strong>s émotions, <strong>de</strong>s pensées.<br />
L’accueil n’appartient pas à la<br />
personne. La personne elle-même, en<br />
tant que perception, est contenue en<br />
lui. Ce qui contient ne peut être<br />
contenu. La bouteille <strong>de</strong> coca-cola<br />
est libre <strong>de</strong> son contenu. Versez le<br />
breuvage sur le sol. La bouteille n’en<br />
est pas affectée.<br />
L’inverse <strong>de</strong> l’accueil est le refus. Ce<br />
<strong>de</strong>rnier est un <strong>de</strong>s magistrats au service<br />
du roi. Par le refus, le roi affirme<br />
son autorité. Un roi qui dirait toujours<br />
oui ne serait plus un roi ! Le<br />
moi et le refus sont donc les <strong>de</strong>ux<br />
alliés du roi qui les manie avec <strong>de</strong>xtérité,<br />
pour transformer toute situation<br />
en un problème. Sans refus et<br />
sans moi, où est donc passé le problème<br />
? Le problème disparaît en<br />
même temps que celui qui l’a créé.<br />
Le chagrin et la tristesse sont un <strong>de</strong>s<br />
artifices créés par le moi pour éviter sa<br />
propre disparition. Ils se référent tous<br />
<strong>de</strong>ux au passé-futur, dont la mélopée<br />
est souvent d’actualité. Sans passé et<br />
sans futur, que restent-ils <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux<br />
compères ?<br />
La dé-pression est ainsi soignée par<br />
la disparition ; non pas celle du corps,<br />
comme le croient les amateurs d’émotions<br />
fortes, mais celle <strong>de</strong> la pensée<br />
moi. Et cette disparition ne se fait pas<br />
d’un tour <strong>de</strong> baguette magique. C’est<br />
pour l’inviter que l’ermite se retire<br />
quarante années dans sa grotte. L’agitation<br />
est en effet peu propice à sa<br />
disparition. Le recueillement et la tranquillité<br />
sont les sédiments qui préparent<br />
sa fin. Un mental tranquille<br />
<strong>de</strong>vient transparent, comme le<br />
brouillard qui cesse dès lors que les<br />
particules qui le composent ne sont<br />
plus agitées. Dans un mental tranquille,<br />
le sens du moi s’atténue,<br />
comme l’aiguille affolée d’une boussole<br />
qui trouve un point <strong>de</strong> stabilité.<br />
En prolongeant cette expérience du<br />
silence sans pensée, le sens du moi<br />
finit par perdre <strong>de</strong> sa prééminence.<br />
Le mon<strong>de</strong> peut alors être perçu tel<br />
qu’il est, sans le filtre déformant <strong>de</strong>s<br />
interprétations personnelles. Un<br />
mon<strong>de</strong> tel qu’il est n’est ni beau, ni<br />
laid, ni agréable, ni désagréable. Il<br />
n’est qu’une perception qui émerge<br />
dans le regard qui la contient. Le<br />
mon<strong>de</strong> n’est ainsi pas plus consistant<br />
que l’image <strong>de</strong> l’oiseau qui se reflète<br />
dans la fenêtre ouverte. L’inconsistance<br />
du mon<strong>de</strong> contraste avec la<br />
consistance du regard qui le perçoit.<br />
Le regard est lui-même la consistance,<br />
la <strong>de</strong>nsité, qui donne vie au spectacle<br />
perçu. Sans regard, pas <strong>de</strong> spectacle.<br />
Nous arrivons ainsi au terme <strong>de</strong> cette<br />
promena<strong>de</strong>, qui nous a amenés du<br />
plus loin au plus près. Qu’y a-t-il donc<br />
LIVRES ET REVUES<br />
L’enfant et son sexe<br />
La lettre <strong>de</strong> l’enfance et <strong>de</strong> l’adolescence<br />
Revue du Grape 2007, n°68<br />
Erès, 14 €<br />
RÉFLEXION ■ 13<br />
Ce n’est pas l’anatomie seule qui déci<strong>de</strong> du sexe, mais une série d’opérations<br />
psychiques qui se déroulent tout au long <strong>de</strong> sa maturation et qui déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong><br />
la sexuation, tout comme le démontre l’article d’Olivia Dauverchain, qui met<br />
aussi en lumière la particularité <strong>de</strong> la position féminine. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cultures différentes,<br />
dont Olivier Douville donne <strong>de</strong>s exemples et <strong>de</strong>s commentaires, illustre<br />
que la division sexuelle est construite selon <strong>de</strong>s critères précis mais variables,<br />
et se tient dans un équilibre fluctuant selon le contexte temporel et historique.<br />
Ce qui paraît « naturel » nécessite un long travail psychique d’appropriation pour<br />
<strong>de</strong>venir « accommodable », voire pour s’en accommo<strong>de</strong>r ; ainsi peut-on le lire à<br />
propos <strong>de</strong>s garçons et <strong>de</strong> leur sexe dans l’article <strong>de</strong> Martine Menès, qui amène<br />
au <strong>de</strong>uxième point, la relation entre l’enfant et le sexuel. La rencontre <strong>de</strong> la<br />
question sexuelle est pour l’enfant toujours traumatique parce que trop radicalement<br />
étrangère au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la connaissance construite. C’est cette rencontre,<br />
toujours mauvaise, du sexuel par l’enfant que développe l’article<br />
d’Albert Nguyên.<br />
Nicolas Murcier et Laurent Ott, mettent en tension l’embarras <strong>de</strong>s jeunes et celui<br />
<strong>de</strong>s adultes, ce que confirme l’analyse par Marie-Hélène Inglin-Routisseau<br />
<strong>de</strong> la littérature romanesque où la sexualité <strong>de</strong>s jeunes est mise en scène. L’enfant<br />
objet, <strong>de</strong> toutes les « préventions », est pourtant soumis à un déferlement<br />
permanent <strong>de</strong> la sexualité sur la scène publique sur laquelle il est parfois appelé<br />
pour être exposé précisément à la place dont on dit vouloir le gar<strong>de</strong>r.<br />
Clau<strong>de</strong> Allard analyse une <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> ce phénomène dans son article sur<br />
les nouvelles « Lolitas ».<br />
Jean-François Solal montre, par une illustration clinique, qu’une adolescente ne<br />
renonce pas facilement à la sexualité perverse polymorphe <strong>de</strong> son enfance et<br />
que le tabou <strong>de</strong> la virginité, ancré dans <strong>de</strong>s représentations œdipiennes somme<br />
toute très classiques, reste vivace <strong>de</strong>rrière la tendance à la précocité <strong>de</strong>s relations<br />
sexuelles.<br />
On comprend avec la contribution d’Hubert Lisandre que les nouvelles possibilités<br />
<strong>de</strong> « sa(ça)voir » proposées par Internet trouvent leur efficace dans le fonctionnement<br />
psychique <strong>de</strong> leur utilisateur. L’envahissement par les images vient<br />
masquer le silence <strong>de</strong>s mots.<br />
La rubrique « Entretien avec... » prolonge le dossier en témoignant <strong>de</strong> la rencontre<br />
entre l’inconscient et la civilisation, à travers une expérience d’accueil et<br />
d’écoute <strong>de</strong> jeunes adolescentes dont les conditions <strong>de</strong> vie ren<strong>de</strong>nt le rapport<br />
à la réalité sexuelle particulièrement cru et parfois violent. Les praticiennes du<br />
dispositif EVA (Espace, Vie, Adolescence) donnent un témoignage <strong>de</strong> leur action<br />
auprès <strong>de</strong> ces jeunes en gran<strong>de</strong> souffrance, et rappellent que le sexuel reste<br />
le lieu privilégié d’exploitation <strong>de</strong>s femmes.<br />
La vie sexuelle à Rome<br />
Géraldine Puccini-Delbey<br />
Taillandier<br />
Ah ! comme il est agréable <strong>de</strong> lire un livre sur la sexualité qui nous change <strong>de</strong>s<br />
turpitu<strong>de</strong>s politiciennes actuelles sur le sujet. Certes, la vie sexuelle n’est pas<br />
que plaisir et l’exercice <strong>de</strong> la sexualité est souvent une occasion <strong>de</strong> pouvoir, <strong>de</strong><br />
régulation <strong>de</strong>s rapports entre les sexes et les classes sociales. La violence y est<br />
souvent présente. Mais peut-il en être autrement <strong>de</strong> la sexualité et du dynamisme<br />
pulsionnel qui l’anime tout en empruntant aussi bien <strong>de</strong>s voies créatives<br />
que <strong>de</strong>s chemins délétères et <strong>de</strong>structeurs ?<br />
Ce livre d’une maître <strong>de</strong> conférence <strong>de</strong> langue et <strong>de</strong> littérature latine, écrit avec<br />
verve, nous entraîne dans la Rome antique. Outre la longue promena<strong>de</strong> historique,<br />
agréable en soi pour se replonger dans l’univers romain antique, les représentations<br />
<strong>de</strong> la sexualité qui y sont exposées alimentent le questionnement<br />
qui ne <strong>de</strong>vrait être qu’incessant <strong>de</strong>s variations <strong>de</strong> la vie sexuelle selon les époques<br />
et les individus.<br />
Ainsi, on apprend que les romains ne faisaient pas la distinction entre hétérosexuels<br />
et homosexuels mais qu’il y avait ceux qui « pénètrent et ceux qui sont<br />
pénétrés ». Les interdits et les tabous se faisant autour <strong>de</strong> cette modalité <strong>de</strong> l’activité<br />
sexuelle. A partir <strong>de</strong> cette donnée générale, dont le lecteur pourra apprécier<br />
toutes les subtilités au cours <strong>de</strong>s quelques passionnantes 400 pages, Géraldine<br />
Puccini-Delbey construit son exposé autour <strong>de</strong> trois parties. La première<br />
partie consacrée au modèle du citoyen viril étudie l’institution du mariage, les<br />
relations sexuelles hors-mariage, les amours masculines et l’inceste.<br />
La <strong>de</strong>uxième partie intitulée « Corps et sexualité » décrit l’érotisme, la politique<br />
<strong>de</strong>s corps et les maladies sexuelles. Enfin, la troisième partie pose <strong>de</strong>s « Regards<br />
critiques sur la vie sexuelle ». Les discours médicaux, la réflexion <strong>de</strong>s philosophes,<br />
la critique <strong>de</strong>s moralistes et le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s historiens notamment autour<br />
<strong>de</strong> la figure <strong>de</strong> l’empereur comme monstre sexuel sont successivement abordés.<br />
Concernant ce <strong>de</strong>rnier point, on sait à quel point certains empereurs romains<br />
seraient parfaitement en phase avec nos représentations mo<strong>de</strong>rnes du<br />
monstre sexuel. On retrouve là les relations entre le pouvoir politique et la<br />
sexualité et cette propension qu’avaient les empereurs romains à s’accaparer<br />
les femmes <strong>de</strong>s autres, sans que personne n’y trouve à redire (ou ne puisse y<br />
redire). Evi<strong>de</strong>mment et heureusement, ces pratiques totalitaires et machistes où<br />
dominent le déni d’altérité et la relation d’emprise n’existent plus maintenant<br />
chez les dirigeants politiques contemporains.<br />
M. David<br />
<strong>de</strong> plus près que le regard lui-même ?<br />
Même les lunettes sont pour lui un<br />
objet d’observation. La guérison <strong>de</strong><br />
la pression et <strong>de</strong> la dé-pression ne<br />
peut donc se faire qu’à travers une<br />
compréhension, qui libère <strong>de</strong> l’habitu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> prendre pour réel ce qui ne<br />
l’est pas, et qui clarifie le mon<strong>de</strong><br />
opaque <strong>de</strong>s projections mentales et<br />
<strong>de</strong>s conséquences qu’elles entraînent.<br />
Rendons, ainsi, hommage à la joie<br />
qui se cache <strong>de</strong>rrière le chagrin, et<br />
qui rayonne dès lors que ce <strong>de</strong>rnier<br />
s’éteint, comme le soleil qui brille dès<br />
que les nuages s’effacent. ■<br />
Jean-Marc Mantel<br />
Psychiatre, Vence (Alpes-Maritimes)
14<br />
■ HUMEUR<br />
Nous confondons, souvent, l’un et<br />
l’autre alors que l’éducation ainsi<br />
que nombre <strong>de</strong> thérapies auraient<br />
comme vocation commune d’élever<br />
l’individu au rang <strong>de</strong> sujet et non plus<br />
d’objet <strong>de</strong> toutes nos attentions.<br />
Assujettir : rendre sujet ?<br />
Oui mais <strong>de</strong> qui, <strong>de</strong> quoi ?<br />
Les traditions du Livre avaient peutêtre<br />
répondu sujet du Verbe ? Le<br />
Verbe, concept inouï pour nos oreilles<br />
contemporaines ; à tel point que les<br />
frères Bogdanov dans leur thèse <strong>de</strong><br />
Sciences, controversée, proposent <strong>de</strong><br />
le comparer au Big Bang. Sujet du<br />
verbe, cela se conçoit, en référence à<br />
la grammaire <strong>de</strong> notre enfance, on suppose<br />
alors : auteur <strong>de</strong> sa parole, responsable<br />
<strong>de</strong> ses dires ; une transposition<br />
psycho-sociale d’un assujettissement,<br />
par ailleurs, transcendant.<br />
Une patiente anxieuse et déçue <strong>de</strong> son<br />
existence circulaire et insensée, se vante<br />
<strong>de</strong> n’être assujettie à rien ni personne.<br />
Pourtant, elle se sent prisonnière aussi<br />
bien <strong>de</strong> certaines croyances familiales<br />
que <strong>de</strong> sa névrose. Comme si <strong>de</strong>s logiciels<br />
infraconscients parasitent sa sensibilité,<br />
sa pensée et ses choix malgré sa<br />
volonté. Asservie à <strong>de</strong>s scénari fantasmatiques<br />
qu’elle découvre dans ses<br />
rêves , elle voit comment ceux-ci catalysent<br />
sa libido et ont organisés sa biographie<br />
en cercles vicieux. Les fantasmes<br />
occupent l’espace ouvert <strong>de</strong> sa<br />
psyché, celui potentiellement consacré<br />
à son libre arbitre moribond ; ils agissent<br />
comme un virus informatique en bloquant<br />
son appareil psychique. Ils fonctionneraient<br />
peut-être aussi comme un<br />
virus biologique qui vient s’inscrire en<br />
trop dans le fonctionnement <strong>de</strong>s ARN<br />
messagers pour se faire dupliquer luimême<br />
en priorité, désorganisant par<br />
De l’autisme<br />
Topologie du transfert dans<br />
l’exercice <strong>de</strong> la psychanalyse<br />
Tomes 1 et 2<br />
Richard Abibon<br />
EFE Editions<br />
Ces ouvrages sont le fruit du travail<br />
d’un groupe <strong>de</strong> recherche sur l’ « autisme<br />
» à partir d’un point <strong>de</strong> vue d’observation<br />
lacanien. On retrouve avec<br />
les notions <strong>de</strong> base, bien connues sinon<br />
bien comprises que sont l’articulation<br />
entre symbolique, imaginaire,<br />
et réel, les outils conceptuels que sont<br />
la phase du miroir, les nœuds borroméens,<br />
les mathèmes, tout cela appliqué<br />
à l’ « autisme », dont les guillemets<br />
indiquent bien la réserve que<br />
cette notion suscite chez l’auteur.<br />
Le tome 1, appuyé sur <strong>de</strong>s cas cliniques<br />
finement décrits traite d’« acoupure<br />
», <strong>de</strong> trous symboliques, <strong>de</strong> surfaces,<br />
retournements, images en miroir,<br />
et <strong>de</strong> la célèbre ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> Moebius.<br />
Cette <strong>de</strong>scription topologique, malgré<br />
une formalisation parfois un peu<br />
ari<strong>de</strong>, donne à penser, à associer,<br />
donne envie aussi <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s liens<br />
avec d’autres topologies, certaines<br />
un peu anciennes (Bion, Pankow),<br />
d’autres parallèles, comme les travaux<br />
<strong>de</strong> G. Haag en lien avec les théorisations<br />
d’E. Bick et <strong>de</strong> F. Tustin. On<br />
voit bien, en effet, que l’on est dans<br />
le même espace conceptuel, celui <strong>de</strong><br />
symbolisations s’étayant sur une expérience<br />
sensorielle et émotionnelle<br />
à médiation cutanée et oculaire. Ce<br />
tome 1 intéressera tous ceux qui désirent<br />
découvrir un discours un peu<br />
différent sur l’autisme et la psychose<br />
infantile.<br />
Le tome 2 traite <strong>de</strong>s adultes. Là, la<br />
différenciation entre autisme et psychose<br />
sévère est peu marquée. La<br />
formalisation mathématique, tout en<br />
restant dans le domaine <strong>de</strong> l’accessible<br />
pour peu que l’on se souvienne<br />
<strong>de</strong> ses étu<strong>de</strong>s secondaires, est néanmoins<br />
plus poussée. Pourtant, si l’on<br />
arrive à dépasser cette difficulté re-<br />
ailleurs tout le métabolisme <strong>de</strong> la cellule.<br />
Elle constate son ambivalence à<br />
faire le <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> ces repères, croyances<br />
et attitu<strong>de</strong>s réflexes fondées sur la peur<br />
et l’habitu<strong>de</strong>, certitu<strong>de</strong>s figées d’une<br />
tragédie annoncée mais, finalement,<br />
sécurisante car connue. Comment<br />
pourrait-elle s’élancer dans l’espace sans<br />
garantie d’une solitu<strong>de</strong> à inventer, elle<br />
qui confond solidarité avec substitution,<br />
confiance avec abus , amour avec<br />
séduction, assujettissement avec asservissement<br />
?<br />
Eric, diagnostiqué schizophrène <strong>de</strong>puis<br />
longtemps, avoue son goût pour la<br />
pratique <strong>de</strong> rituels religieux qu’il invente,<br />
il admet son aspiration pour la spiritualité<br />
en général. En effet, prier l’ai<strong>de</strong><br />
à se dégager <strong>de</strong> l’emprise qu’auraient<br />
sur lui les voix ; et la prière relativise<br />
encore l’impact ressenti comme totalitaire<br />
et pétrifiant <strong>de</strong> ses contemporains<br />
sur lui-même. Son père, lui-même,<br />
aurait vécu dans la soumission d’un<br />
grand-père paternel, patriarche incontesté,<br />
ancien chef politique qui terrorise<br />
encore toute la famille et aussi le<br />
patient handicapé mental.<br />
Claire, traitée <strong>de</strong>puis 20 ans pour psychose<br />
revisite son histoire : sa mère<br />
lui a confirmé qu’elle avait été pour<br />
elle comme une poupée, une petite<br />
fille modèle ravissante avec laquelle<br />
elle a bien joué. Malheureusement, la<br />
patiente ne sait pas sortir <strong>de</strong> ce rôle<br />
stéréotypé <strong>de</strong>venu un enfer ; comment<br />
s’émanciper et <strong>de</strong>venir une femme?<br />
En mimant celle-ci ou celle-la ? Ou<br />
bien, en étant un pur esprit ? Mais rien<br />
n’y fait pour se dégager <strong>de</strong> ce système<br />
clos : tout la détermine et la contrôle ;<br />
elle se sent systématiquement et malgré<br />
elle asservie comme par réflexe, obligée<br />
sans raison raisonnable à une obéissance<br />
totale et immédiate à ses parents,<br />
la famille, les mé<strong>de</strong>cins, la cité, la société<br />
et la culture et ce d’autant qu’elle<br />
lative, on se rend bien compte que<br />
« quelque chose » est au travail. On ne<br />
peut pas s’empêcher <strong>de</strong> penser aux<br />
capacités étonnantes, voire surhumaines<br />
<strong>de</strong> certains autistes adultes<br />
dans <strong>de</strong>s domaines très circonscrits,<br />
alors qu’ils sont profondément dépendants<br />
et handicapés dans la vie<br />
sociale la plus courante.<br />
Ces élaborations topologiques, issues<br />
<strong>de</strong>s projections <strong>de</strong> l’image du corps<br />
propre permettent <strong>de</strong> proposer un<br />
contenant <strong>de</strong> pensée à <strong>de</strong>s agis autrement<br />
insensés. Cette lecture fait<br />
penser à une réflexion déjà ancienne<br />
<strong>de</strong> G. Deleuze, disant (je cite <strong>de</strong> mémoire)<br />
que la bêtise n’est que le négatif<br />
<strong>de</strong> l’intelligence, au sens où elle<br />
ne serait pas un manque, mais un<br />
opposé actif. La lecture et l’assimilation<br />
<strong>de</strong> ces propositions <strong>de</strong> métaphorisation<br />
permettront à ceux qui<br />
veulent ou peuvent s’en donner le<br />
temps et les moyens d’entrer encore<br />
d’avantage dans une relation profondément<br />
humaine avec ceux que<br />
l’auteur appelle les « dits-autistes ».<br />
A. Frottin<br />
Les premiers entretiens<br />
thérapeutiques avec<br />
l’enfant et sa famille<br />
Préface <strong>de</strong> Maurice Berger<br />
Sous la direction <strong>de</strong> Jean-Paul<br />
Matot et Christine Fisch-Desmarez<br />
Dunod, 26 €<br />
Rédigé par un groupe <strong>de</strong> cliniciens<br />
dont la pratique se situe dans une filiation<br />
à la fois psychanalytique et<br />
systémique, cet ouvrage présente une<br />
démarche en trois niveaux : présentation<br />
du cadre <strong>de</strong> l’entretien avec<br />
les conditions <strong>de</strong> sa mise en place et<br />
les limites <strong>de</strong> son efficacité ; pratique<br />
pédopsychiatrique intégrant les dimensions<br />
individuelles, familiales,<br />
groupales et institutionnelles ; installation<br />
<strong>de</strong> dispositifs psychothérapeutiques<br />
« sur mesure » pour l’enfant<br />
et sa famille.<br />
Assujettir ou asservir ?<br />
se sent observée et jugée par eux via la<br />
télé, l’ordinateur et tous les moyens <strong>de</strong><br />
communication…<br />
Françoise est une amie, mère d’un<br />
jeune psychotique. Désolée que celuici<br />
ait interrompu sa psychothérapie,<br />
elle souhaite conseiller à son fils <strong>de</strong><br />
reprendre les séances avec X puisque<br />
« cela lui avait fait du bien ». Elle comprend,<br />
quand je le lui explique, qu’il<br />
pourrait l’entendre comme une double<br />
contrainte du type « Soit libre mon fils »<br />
puisque dans les croyances implicites<br />
du jeune homme, elle occupe le statut<br />
<strong>de</strong> reine-mère omnipotente.<br />
Néanmoins, elle voudrait encore le protéger<br />
<strong>de</strong>s conséquences d’ actes délictueux<br />
récemment commis en faisant<br />
intervenir son réseau social. Elle s’en<br />
veut car il n’a pas eu <strong>de</strong> chances dans<br />
la vie, elle ne veut pas qu’il souffre<br />
encore. Elle se sent coupable <strong>de</strong> n’avoir<br />
pas su protéger l’enfant du surinvestissement<br />
<strong>de</strong> son père qui l’adorait jusqu’à<br />
se substituer à lui en le téléguidant<br />
dans tous les actes <strong>de</strong> la vie<br />
quotidienne.<br />
Se substituer aux principes qui règlent<br />
et triangulent les relations humaines,<br />
se substituer au libre arbitre <strong>de</strong> nos<br />
proches et <strong>de</strong> nos patients, <strong>de</strong>ux écueils<br />
<strong>de</strong> nos vies quotidiennes…<br />
Mais est-ce possible d’advenir au rang<br />
<strong>de</strong> sujet tout seul ? Certains thérapeutes<br />
semblent suggérer que oui, ce qui parait<br />
paradoxal vu leur profession !<br />
Nicolas, souffrant <strong>de</strong> troubles psychotiques<br />
<strong>de</strong>puis l’enfance, ne peut s’insérer<br />
socialement et ses parents qui<br />
appréciaient cet enfant calme quoique<br />
écholalique, commencent à s’inquiéter.<br />
Le jeune homme a confié à sa<br />
mère qu’il ressent un interdit à exister<br />
émanant <strong>de</strong> son père et <strong>de</strong> son grandpère<br />
paternel. Le grand-père est un<br />
artiste admiré par toute la famille et<br />
apprécié <strong>de</strong> ses très nombreux amis.<br />
C’est vers la tante paternelle que les<br />
informations ont convergé. Celle-ci sait<br />
aussi que le père <strong>de</strong> Nicolas avait, luimême,<br />
été un petit garçon souffrant.<br />
Mais sa dépression n’avait pas été soignée<br />
et son anorexie s’amenuisa au<br />
décours <strong>de</strong>s séances d’orthophonie.<br />
Quand il fut papa, il a surinvesti son<br />
fils <strong>de</strong> même qu’il l’avait été par son<br />
père. Jouant avec l’enfant et l’emmenant<br />
partout avec lui.<br />
Le fils et le petit fils <strong>de</strong> ce grand-père<br />
très original et peut-être idolâtré, n’ont<br />
pu accé<strong>de</strong>r, eux-mêmes, à une existence<br />
épanouissante et quand le grandpère<br />
fut informé <strong>de</strong> la théorie du petit<br />
fils sur son inhibition il rétorqua qu’il<br />
n’avait rien fait.<br />
Effectivement, l’inestimable objet <strong>de</strong> la<br />
transmission, thème <strong>de</strong>s films <strong>de</strong> Clint<br />
Eastwood et du travail <strong>de</strong> Pierre<br />
Legendre, semble s’être perdu d’une<br />
génération à l’autre. Et l’impasse <strong>de</strong><br />
Nicolas soulève <strong>de</strong>s questions universelles<br />
: Qu’est-ce que <strong>de</strong>venir un<br />
homme ? Comment <strong>de</strong>venir fils ? De<br />
quel héritage sommes nous légataire ?<br />
Quelles valeurs transmettons nous ou<br />
pas, consciemment et inconsciemment<br />
?<br />
La fonction paternelle, au sein d’une<br />
famille, peut alors être réanimée lorsque<br />
les thérapeutes proposent que soient<br />
révisées les règles <strong>de</strong> la coexistence,<br />
l’exigence du respect réciproque, la<br />
soumission commune aux lois élémentaires<br />
<strong>de</strong> l’humanité, celles qui ren<strong>de</strong>nt<br />
possible <strong>de</strong> se risquer à penser et<br />
à parler. La fonction paternelle n’est<br />
donc pas à confondre avec celle <strong>de</strong><br />
géniteur, et n’a pas non plus <strong>de</strong> rapport<br />
avec l’i<strong>de</strong>ntité sexuée <strong>de</strong> ceux qui la<br />
représentent ; cette fonction n’étant<br />
pas i<strong>de</strong>ntique à la masculinité et son<br />
processus.<br />
C’est grâce à cette vigilance, cette exigence<br />
<strong>de</strong> respect mutuel, que la loi<br />
interdit aux mé<strong>de</strong>cins nord-américains<br />
d’imposer tout traitement médicamenteux<br />
à leurs clients, sauf en cas<br />
d’urgence et voilà que cela amène, en<br />
comparaison avec l’Europe, à une<br />
meilleure observance <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong><br />
neuroleptiques <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s patients<br />
psychotiques.<br />
Quand l’autorité ne peut plus être<br />
confondue avec l’autoritarisme, l’autorité<br />
ne peut plus être imposée. Elle est<br />
décernée, accordée par celui qui se<br />
reconnaît dans une réception filiale.<br />
Filiation qui l’élève et non le rabaisse.<br />
Etre fils symbolique (même pour la<br />
fille) c’est être élevé et reconnu au titre<br />
d’héritier et <strong>de</strong> représentant <strong>de</strong> ces<br />
valeurs qui épanouissent.<br />
La fonction paternelle cesse d’être référée<br />
à la chefferie d’une hor<strong>de</strong> primaire,<br />
un patriarcat dévoyé dans l’omnipotence<br />
du législateur absolu, transposition<br />
grotesque <strong>de</strong>s dérives d’un matriarcat<br />
vorace et omniscient <strong>de</strong> ce qui est bon<br />
pour l’autre.<br />
Nos traditions auraient pu nous le laisser<br />
entendre : se prendre pour dieu<br />
c’est-à-dire « manger du fruit <strong>de</strong> l’arbre<br />
<strong>de</strong> la connaissance du bien et du mal,<br />
consacré à dieu », se prendre pour dieu,<br />
c’est-à-dire s’autoproclamer omniscient<br />
et omnipotent, loin <strong>de</strong> nous émanciper,<br />
nous précipite dans une chute<br />
légendaire.<br />
Cette boursouflure du narcissisme engagerait<br />
notre masculinité dans une course<br />
effrénée vers un assouvissement<br />
impossible et asservirait notre féminité.<br />
Que peut-on apprendre d’une lecture<br />
ouverte du récit du « péché originel » tel<br />
que proposé par La Bible, Livre <strong>de</strong> la<br />
Genèse chapitre 3 ?<br />
Eve obéit d’emblée au Serpent plutôt<br />
que d’écouter et différer une réponse,<br />
éventuellement qu’elle ne sait pas.<br />
Asservie à la bête à qui elle a délégué<br />
son libre arbitre, abêtie par les promesses<br />
d’en voir <strong>de</strong> belles, elle exécute<br />
sans délai comme sous hypnose les<br />
propos du séducteur, comme encodée<br />
par le discours du tentateur qui, tel un<br />
instinct, l’automatise. En conséquence<br />
<strong>de</strong> quoi Adam, en l’imitant, est asservi<br />
à un labeur infini qui l’épuise à en suer,<br />
et Eve, rétrogradée <strong>de</strong> sa place d’interlocutrice<br />
<strong>de</strong>vient asservie à un époux<br />
qu’elle idolâtre ou diabolise à tout<br />
coup ! Une inimitié se détermine entre<br />
Elle est le Serpent : alors qu’elle lui<br />
écrase la tête, la bête lui blesse le pied !<br />
En somme , elle obéit à ce ou à celui<br />
qui lui casse les pieds. Vous vous reconnaissez<br />
?<br />
Peu <strong>de</strong> filles d’Eve se sont assujetties<br />
mais cela a généré un grand bruit. Ces<br />
femmes, vite occultées sont pourtant<br />
les modèles archétypiques <strong>de</strong> l’émancipation.<br />
Nos civilisations, victimes <strong>de</strong>s<br />
lectures univoques qui divisent et<br />
excluent, prouvent encore aujourd’hui<br />
comment le féminin est toujours diabolisé<br />
dans une logique en miroir inversé<br />
d’un masculin idolâtré. Traditionnellement,<br />
le clivage persiste assignant<br />
la féminité et le féminin aux sources<br />
<strong>de</strong> tout mal. Le Mal et la Tentation<br />
(mégalomaniaque) se trouvant d’un<br />
seul coup miniaturisés au statut <strong>de</strong> zizi !<br />
La masculinité confondue avec le masculin<br />
se proposant alors comme rempart<br />
moral ou, à l’inverse, comme écran<br />
publicitaire d’une sexualité pervertie,<br />
celle <strong>de</strong>s fantasmes où tout partenaire<br />
est ravalé au rang d’objet c’est-à-dire<br />
convié à se taire.<br />
Mais qu’est-ce que le féminin et le masculin<br />
et comment les articuler ? C’est<br />
ce sur quoi achoppent, sans doute, nos<br />
interlocuteurs <strong>de</strong> patients et que nous<br />
pouvons apprendre avec eux.<br />
Le féminin semble en rapport avec<br />
notre capacité d’écoute, <strong>de</strong> réception<br />
voire d’enten<strong>de</strong>ment à ne pas<br />
confondre avec obéissance servile ni<br />
encore avec la maternité.<br />
Le masculin est souvent associé à l’action,<br />
au don et à la capacité <strong>de</strong> se relier<br />
à autrui grâce à la parole donnée, une<br />
parole fiable qui engage celui qui l’a<br />
proférée à ne pas confondre avec la<br />
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
parole du comman<strong>de</strong>ment qui engage<br />
celui qui l’écoute voire l’abuse. Le<br />
masculin est à distinguer <strong>de</strong> la fonction<br />
paternelle qui introduit l’enfant<br />
dans le social et la langue.<br />
D’autres traditions viennent appuyer<br />
ses concepts dont ceux du Yin et du<br />
Yang taoïstes.<br />
La Mé<strong>de</strong>cine Traditionnelle Chinoise<br />
nous enseigne, encore, que l’organe<br />
énergétique le plus Yin, en correspondance<br />
avec l’Eau, est le Rein ; son méridien<br />
commence sous la voûte plantaire,<br />
à l’écoute <strong>de</strong> la Terre. L’organe<br />
sensoriel associé au Rein est l’oreille :<br />
« le Rein s’ouvre à l’oreille » qui est à<br />
l’écoute du Ciel.<br />
Le Yin a comme attribution l’accueil, la<br />
réception, l’écoute. La chair lui est associée,<br />
le Yin génère le Yang.<br />
L’organe énergétique le plus Yang, le<br />
Cœur, rési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> l’Esprit, est en correspondance<br />
avec le Feu, il s’ouvre à la<br />
parole, et son méridien passe par la<br />
main.<br />
Le Yang est corrélé à l’action, au mouvement,<br />
au flux, à l’information, aux<br />
langages, le Yang dynamise le Yin.<br />
Dans la tradition taoïste, le rôle <strong>de</strong> l’humain<br />
est d’incarner la médiation entre<br />
le Ciel et la Terre c’est-à-dire <strong>de</strong> servir<br />
<strong>de</strong> vase alchimique entre le Yin et le<br />
Yang, l’Eau et le Feu. Ceci est rendu<br />
possible par un troisième terme non<br />
nommé mais potentiel comme le<br />
centre du cercle <strong>de</strong>ssinant le Tao qui<br />
comme le moyeu d’une roue, <strong>de</strong> par<br />
son existence vi<strong>de</strong>, permet le mouvement<br />
<strong>de</strong> la vie : la genèse du Yang par<br />
le Yin et l’animation du Yin par le Yang<br />
…etc.<br />
Dans leur lecture dynamique <strong>de</strong> la vie,<br />
même un calcul binaire, celui utilisant<br />
le modèle mathématique Yin/Yang ne<br />
conduit pas au clivage et à <strong>de</strong>s interprétations<br />
exclusives et haineuses car le<br />
3 ème terme reste supposé et continue à<br />
opérer en tant que clé <strong>de</strong> voûte du<br />
système, même et justement grâce à<br />
son absence.<br />
Cet espace libre dans la clé <strong>de</strong> voûte <strong>de</strong><br />
nos existences et <strong>de</strong> nos psyché pourrait<br />
se comparer à cette liberté qui nous<br />
est offerte au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> nos déterminismes<br />
et que nous obstruons volontiers,<br />
consciemment ou non, <strong>de</strong>rrière<br />
<strong>de</strong>s idéologies ou <strong>de</strong>s idoles utilisées<br />
comme délégués ou substituts. Dans<br />
cette perspective, le féminin défini par<br />
nos traditions serait lié au développement<br />
humble d’une écoute à l’intérieur<br />
<strong>de</strong> cette ouverture à l’amour chère aux<br />
mystiques et la maternité serait la capacité<br />
à désigner cet espace potentiel <strong>de</strong><br />
vie et <strong>de</strong> parole. Ainsi, nommer le Père<br />
c’est-à-dire le mystère <strong>de</strong> la vie qui nous<br />
transcen<strong>de</strong> et nous relie dans la dignité<br />
ne peut se réduire à nommer le géniteur<br />
comme certaines psychologies le<br />
proposent.<br />
Alors, à défaut d’entrer dans un servage<br />
profitant aux féodalités et leurs corporations,<br />
s’assujettir consisterait plutôt<br />
à participer à une filiation où les<br />
traditions se lisent aux éclats comme<br />
on rit. ■<br />
Isabelle Delage<br />
Psychiatre, anthropologue <strong>de</strong>s religions<br />
Bibliographie<br />
La Genèse, La Bible, traduction à choisir.<br />
BOGDANOV Igor et Grichka, Avant le Big<br />
Bang, Grasset 2004.<br />
LEGENDRE Pierre, L’inestimable objet <strong>de</strong><br />
la transmission, Fayard 1985.<br />
BOTTÉRO Alain, Patients difficiles : la leçon<br />
<strong>de</strong>s échecs, Neuropsychiatrie : Tendances<br />
et Débats n° 30 Juin 2007.<br />
LEFEBVREPhilippe, La Vierge au Livre,<br />
Cerf 2007.<br />
KESPI Jean-Marc, L’homme et ses symboles<br />
en mé<strong>de</strong>cine traditionnelle chinoise, Albin<br />
Michel 2002.<br />
OUAKNIN Marc-Alain, Tsimtsoum, Albin<br />
Michel 1992.<br />
NOVARINA Valère, Devant la parole,<br />
P.O.L 1999.<br />
NOVARINA Valère, Lumières du corps,<br />
P.O.L 2006.
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
L<br />
’altération du fonctionnement<br />
social est une <strong>de</strong>s caractéristiques<br />
<strong>de</strong> la schizophrénie déjà décrite par<br />
Kraepelin et Bleuler, et que l’on<br />
retrouve dans les critères officiels du<br />
DSM IV-R (1). Elle a fait l’objet <strong>de</strong><br />
nombreux travaux <strong>de</strong>puis les années<br />
50, avec la découverte <strong>de</strong>s neuroleptiques<br />
conventionnels puis avec les<br />
avancées <strong>de</strong> la psychopharmacologie<br />
(2). Les connaissances actuelles permettent<br />
<strong>de</strong> penser qu’elle est l’une<br />
<strong>de</strong>s expressions directes du processus<br />
pathologique. Elle est ainsi associée à<br />
<strong>de</strong>s troubles cognitifs qui ont un rôle<br />
particulièrement défavorable sur les<br />
possibilités d’autonomie du sujet (3, 4).<br />
En effet, un bon fonctionnement<br />
cognitif est indispensable à l’acquisition<br />
<strong>de</strong>s aptitu<strong>de</strong>s nécessaires aux<br />
interactions sociales normales (5). Les<br />
déficits cognitifs apparaissent même<br />
comme le facteur prédictif le plus<br />
constant <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong> l’évolution<br />
fonctionnelle (fonctionnement social,<br />
aptitu<strong>de</strong>s professionnelles, soins<br />
personnels, autonomie) dans la schizophrénie<br />
(3).<br />
Les troubles cognitifs sont fréquents<br />
et présents avant même parfois le<br />
début <strong>de</strong> la maladie schizophrénique<br />
(6). Ils persistent entre les épiso<strong>de</strong>s<br />
aigus, semblent assez stables au<br />
cours <strong>de</strong> la vie (7), et conditionnent<br />
pour une large part l’évolution du<br />
patient (3, 4, 8). Ils consistent le plus souvent<br />
en une altération <strong>de</strong>s fonctions<br />
exécutives, du raisonnement, <strong>de</strong> la<br />
mémoire et <strong>de</strong> l’attention.<br />
Malgré les progrès <strong>de</strong>s traitements<br />
pharmacologiques antipsychotiques,<br />
les altérations du fonctionnement psychosocial<br />
<strong>de</strong>meurent une source<br />
majeure <strong>de</strong> handicap chez le sujet<br />
schizophrène (9). Les neuroleptiques<br />
classiques semblent agir peu sur les<br />
symptômes cognitifs. Ils peuvent<br />
même dégra<strong>de</strong>r certaines fonctions<br />
au travers <strong>de</strong> leurs effets tels que la<br />
sédation et l’ataraxie (10). En revanche,<br />
il semble que les traitements antipsychotiques<br />
<strong>de</strong> secon<strong>de</strong> génération peuvent<br />
améliorer ces fonctions, ce qui<br />
pourrait conduire à une meilleure<br />
autonomie sociale <strong>de</strong>s patients (11).<br />
Une méta-analyse comparant neuroleptiques<br />
conventionnels (halopéridol,<br />
fluphénazine) et antipsychotiques atypiques<br />
(clozapine, rispéridone, zotépine,<br />
ziprazidone) a été réalisée sur<br />
12 étu<strong>de</strong>s en ouvert et trois étu<strong>de</strong>s<br />
en double aveugle (4). Les étu<strong>de</strong>s en<br />
double aveugle ont montré une supé-<br />
riorité <strong>de</strong>s antipsychotiques atypiques<br />
sur les processus attentionnels, les<br />
fonctions exécutives et le repérage<br />
visuo-spatial. Les étu<strong>de</strong>s en ouvert ont<br />
confirmé ces données bien que les<br />
effets sur l’attention soient moins nets.<br />
D’autres traitements pharmacologiques<br />
éventuellement associés aux antipsychotiques<br />
pourraient être prescrits afin<br />
d’améliorer la cognition et constituent<br />
donc une voie <strong>de</strong> recherche importante<br />
(13).<br />
La prise en charge <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong><br />
l’adaptation sociale ne se limite pas<br />
aux traitements pharmacologiques<br />
mais associe également <strong>de</strong>s mesures<br />
incluant les prises en charge institutionnelles,<br />
les mesures légales et <strong>de</strong>s<br />
techniques spécifiques <strong>de</strong> réadaptation.<br />
Une importante question soulevée<br />
par ces programmes <strong>de</strong> réhabilitation<br />
sociale est d’i<strong>de</strong>ntifier les<br />
facteurs prédictifs du fonctionnement<br />
psychosocial qui pourraient constituer<br />
les cibles <strong>de</strong> l’intervention.<br />
L’adaptation sociale et les troubles<br />
cognitifs doivent donc être évalués <strong>de</strong><br />
manière précise au même titre que la<br />
sémiologie psychiatrique classique tant<br />
dans une dimension <strong>de</strong> recherche que<br />
dans la pratique quotidienne (12).<br />
Aujourd’hui, <strong>de</strong> nombreux outils <strong>de</strong><br />
recherche validés permettent l’évaluation<br />
<strong>de</strong>s troubles cognitifs. Cependant,<br />
ces outils sont longs et fastidieux<br />
et leur mise en œuvre difficile dans<br />
la pratique quotidienne <strong>de</strong>s cliniciens.<br />
Deux enquêtes pharmaco-épidémiologiques<br />
ont été réalisées chez <strong>de</strong>s<br />
patients psychotiques, suivis en CMP,<br />
en centres hospitaliers ou dans d’autres<br />
structures <strong>de</strong> soins (établissements<br />
recensés en France dans le fichier<br />
national TVF ® du groupe CEGEDIM).<br />
Une première enquête a été réalisée<br />
en 2002, chez <strong>de</strong>s patients présentant<br />
<strong>de</strong>s troubles psychotiques et ayant<br />
bénéficié récemment d’un traitement<br />
par la rispéridone en monothérapie.<br />
Son objectif était d’évaluer l’amélioration<br />
clinique et <strong>de</strong>s troubles cognitifs<br />
(intéressant attention, mémoire et<br />
fonctions exécutives) après 2 à 3 mois<br />
L’Afssaps publie une mise à jour <strong>de</strong> son livret<br />
« Médicaments et grossesse » en psychiatrie<br />
L’Agence française <strong>de</strong> sécurité sanitaire <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> santé (Afssaps) a mis<br />
à jour son livret consacré aux médicaments utilisés dans les troubles psychiatriques<br />
du gui<strong>de</strong> « Médicaments et grossesse », y incluant les traitements<br />
<strong>de</strong>s dépendances et certains antidépresseurs.<br />
Ce gui<strong>de</strong> est un outil d’ai<strong>de</strong> à la prescription qui a été mis à la disposition<br />
<strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong> santé fin 2005. Il comprend, actuellement, un livret infectiologie<br />
et un livret psychiatrie. Les livrets se présentent sous forme <strong>de</strong> tableaux<br />
indiquant par une graduation <strong>de</strong> couleur le niveau <strong>de</strong> risque <strong>de</strong> l’utilisation<br />
<strong>de</strong> chaque médicament (<strong>de</strong> contre-indiqué en rouge à possible en<br />
vert foncé), à chaque sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> la grossesse.<br />
L’Afssaps a mis en ligne une mise à jour du livret psychiatrie, qui comprenait<br />
jusqu’alors les hypnotiques, les anxiolytiques, les neuroleptiques et les<br />
antiparkinsoniens anticholinergiques.<br />
La nouvelle version inclut, notamment, les médicaments utilisés pour le traitement<br />
<strong>de</strong> la dépendance alcoolique (acamprosate, disulfirame et éthanol),<br />
seul l’acamprosate étant « envisageable » au cours <strong>de</strong> la grossesse, et ceux utilisés<br />
dans le traitement <strong>de</strong> la dépendance aux opiacés (méthadone et naltrexone,<br />
les données sur l’utilisation <strong>de</strong> la buprénorphine au cours <strong>de</strong> la grossesse<br />
étant en cours d’évaluation).<br />
Elle ajoute aussi les antidépresseurs imipraminiques, les antidépresseurs non<br />
imipraminiques et non IMAO sauf les inhibiteurs sélectifs <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong><br />
la sérotonine (ISRS) et les inhibiteurs <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine et <strong>de</strong><br />
la noradrénaline, qui sont en cours d’évaluation, et les antidépresseurs IMAO.<br />
Les psychostimulants (adrafinil, méthylphénidate, modafinil, sulbutiamine)<br />
sont également inclus, tous « déconseillés » ou « à éviter par pru<strong>de</strong>nce » pendant<br />
toute la durée <strong>de</strong> la grossesse.<br />
La prochaine mise à jour, qui <strong>de</strong>vrait intervenir d’ici la fin <strong>de</strong> l’année, portera<br />
sur les normothymique, dont le lithium et le valproate. ■<br />
P.C.<br />
http://afssaps.sante.fr/htm/10/grossess/livret_psy.pdf<br />
Insertion sociale et autonomie<br />
chez le patient psychotique :<br />
résultats <strong>de</strong>s enquêtes ACTet ISA<br />
<strong>de</strong> traitement par la rispéridone, grâce<br />
à l’utilisation d’un nouvel outil d’autoévaluation<br />
simple et adapté à la pratique<br />
quotidienne, reprenant les principales<br />
dimensions cognitives<br />
explorées en recherche : le questionnaire<br />
ACT (Activités Cognitives Test).<br />
Au travers <strong>de</strong> cette enquête dénommée<br />
ACT, il s’agissait aussi <strong>de</strong> tester la<br />
faisabilité <strong>de</strong> ce questionnaire auprès<br />
d’un grand nombre <strong>de</strong> patients.<br />
Deux ans plus tard, une secon<strong>de</strong><br />
enquête, ISA (Insertion Sociale et Autonomie),<br />
a été menée chez <strong>de</strong>s patients<br />
présentant <strong>de</strong>s troubles psychotiques<br />
suivis en ambulatoire et ayant bénéficié<br />
récemment d’un traitement antipsychotique.<br />
L’objectif était d’évaluer<br />
après 5 à 7 mois <strong>de</strong> traitement l’évolution<br />
<strong>de</strong> certaines aptitu<strong>de</strong>s cognitives<br />
avec le questionnaire ACT ainsi que<br />
l’amélioration <strong>de</strong> l’autonomie sociale<br />
<strong>de</strong>s patients au moyen <strong>de</strong> l’échelle<br />
EAS (échelle d’autonomie sociale).<br />
Dans les <strong>de</strong>ux enquêtes le profil symptomatologique<br />
<strong>de</strong>s patients traités et<br />
leur évolution, les différents traitements<br />
psychotropes associés au traitement<br />
antipsychotique et l’évolution<br />
clinique <strong>de</strong>s patients étaient décrits.<br />
Elles n’imposaient pas <strong>de</strong> changement<br />
dans la prise en charge médicale habituelle<br />
<strong>de</strong>s patients. Aucun dosage biologique,<br />
ni exploration complémentaire<br />
n’étaient requis par ces protocoles<br />
et les cliniciens voyaient leurs patients<br />
dans le cadre habituel <strong>de</strong> leur suivi.<br />
Première mise en œuvre<br />
du questionnaire ACT<br />
Schéma général <strong>de</strong> l’enquête<br />
ACT<br />
Les patients inclus, âgés <strong>de</strong> plus <strong>de</strong><br />
18 ans, <strong>de</strong>vaient satisfaire aux critères<br />
<strong>de</strong> la CIM-10 pour les troubles psychotiques,<br />
ne pas être hospitalisés<br />
<strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> quinze jours ou être<br />
suivis en CMP, centres hospitaliers ou<br />
autres structures <strong>de</strong> soins. Ils <strong>de</strong>vaient<br />
avoir présenté une réactivation symptomatique<br />
non liée à la prise récente<br />
<strong>de</strong> toxiques et avoir, dans ce cadre,<br />
nécessité l’instauration d’un traitement<br />
par la rispéridone <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong> 15<br />
jours. Les patients ayant reçu un traitement<br />
neuroleptique conventionnel<br />
à action prolongée dans les trois mois<br />
précédant l’instauration <strong>de</strong> la rispéridone<br />
ne pouvaient être inclus. Deux<br />
évaluations étaient effectuées, lors <strong>de</strong><br />
l’instauration <strong>de</strong> la rispéridone orale<br />
puis après <strong>de</strong>ux à trois mois <strong>de</strong> traitement.<br />
Les adaptations posologiques<br />
<strong>de</strong> la rispéridone, initiée selon les<br />
recommandations <strong>de</strong>s caractéristiques<br />
du produit, étaient laissées à l’appréciation<br />
du mé<strong>de</strong>cin selon son habitu<strong>de</strong><br />
clinique.<br />
Les informations recueillies étaient les<br />
suivantes : données socio-démographiques,<br />
histoire <strong>de</strong>s troubles psychotiques<br />
; critères <strong>de</strong> diagnostic CIM-<br />
10 ; traitements antipsychotiques<br />
atypiques et/ou neuroleptiques<br />
conventionnels en cours ; traitements<br />
associés (psychotropes, traitements<br />
correcteurs, mais aussi psychothérapie,<br />
ateliers thérapeutiques…) ; observance<br />
<strong>de</strong> la rispéridone ; impressions<br />
cliniques globales (CGI) gravité et amélioration<br />
; données issues du TIMA<br />
(Texas Implementation of Medication<br />
Algorithms), un algorithme conçu pour<br />
rendre plus performante la gestion<br />
<strong>de</strong>s traitements médicamenteux prescrits<br />
aux patients souffrant <strong>de</strong> schizophrénie<br />
; données <strong>de</strong> l’auto-questionnaire<br />
ACT.<br />
Les outils d’évaluation<br />
Avec les échelles CGI, donnant une<br />
idée générale <strong>de</strong> l’état du patient et <strong>de</strong><br />
son amélioration, les paramètres analysés<br />
étaient les suivants :<br />
- CGI sévérité à la secon<strong>de</strong> consultation<br />
(C2) et évolution entre la première<br />
consultation (C1) et la secon<strong>de</strong> (C2),<br />
- CGI amélioration à C2 et <strong>de</strong>scription<br />
<strong>de</strong>s répon<strong>de</strong>urs CGI (très fortement<br />
ou fortement améliorés).<br />
L’échelle TIMA est un outil d’évaluation<br />
clinique, simple et <strong>de</strong> passation rapi<strong>de</strong>,<br />
proposé aux cliniciens dans le but<br />
<strong>de</strong> se faire une opinion sur l’état clinique<br />
du patient. Il permet d’évaluer la<br />
réponse au traitement nouvellement<br />
instauré et peut être utile pour ajuster<br />
la dose du médicament en fonction <strong>de</strong><br />
la réponse observée. Cet outil est<br />
constitué <strong>de</strong> 8 items reconnus sensibles<br />
aux changements sous traitement médicamenteux.<br />
Quatre critères positifs,<br />
notés <strong>de</strong> 1 à 7, sont empruntés à la<br />
Brief Psychiatric Rating Scale (BPRS).<br />
Les quatre autres, notés <strong>de</strong> 1 à 6, sont<br />
issus <strong>de</strong> la Negative Symptom Assessment<br />
Scale et <strong>de</strong> la Scale for the Assessment<br />
of Negative Symptoms (SANS) et<br />
évaluent les symptômes négatifs. Les<br />
scores positif et négatif sont tous <strong>de</strong>ux<br />
définis par la somme <strong>de</strong>s quatre critères<br />
respectifs.<br />
Le TIMA intéressant le traitement <strong>de</strong> la<br />
schizophrénie a été validé en accordant<br />
une place <strong>de</strong> première intention<br />
aux nouveaux antipsychotiques (15).<br />
La réponse au traitement à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
scores TIMA est définie <strong>de</strong> la façon<br />
suivante :<br />
- si le score positif est inférieur ou égal<br />
à 6 et le score négatif est inférieur ou<br />
égal à 12 à C2, le patient est classé<br />
comme « Répon<strong>de</strong>ur » ;<br />
- si le score positif est supérieur à 6 ou<br />
le score négatif est supérieur à 12 à<br />
C2 et que les % d’amélioration du<br />
score positif et/ou du score négatif sont<br />
supérieurs ou égaux à 20%, le patient<br />
est classé comme « Partiellement Répon<strong>de</strong>ur<br />
» ;<br />
- si le score positif est supérieur à 6 à<br />
C2 ou le score négatif est supérieur à<br />
12 à C2 et que les % d’amélioration du<br />
score positif et du score négatif sont<br />
inférieurs à 20%, le patient est classé<br />
comme « Non Répon<strong>de</strong>ur ».<br />
Les patients lors <strong>de</strong> l’inclusion <strong>de</strong>vaient<br />
présenter un score au TIMA : > 12<br />
points aux symptômes positifs et > 8<br />
points aux symptômes négatifs. Les<br />
paramètres analysés avec cet outil<br />
étaient les suivants :<br />
- score positif et négatif TIMA à C2 et<br />
leur évolution entre C1 et C2,<br />
- réponse au traitement à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
scores TIMA à C1 et C2.<br />
L’Activités Cognitives Test (ACT), est<br />
un auto-questionnaire centré sur les<br />
fonctions cognitives et <strong>de</strong>stiné au<br />
patient. Cet outil a été élaboré par un<br />
comité scientifique* pour l’enquête. Il<br />
comporte 16 échelles visuelles analogiques<br />
(EVA) regroupées en 8 situations<br />
et une question à réponse fermée.<br />
Les EVA explorent au travers <strong>de</strong><br />
situations habituelles <strong>de</strong> vie, l’intensité<br />
<strong>de</strong> l’altération <strong>de</strong>s fonctions cognitives<br />
suivantes : attention (item 1 à 5),<br />
mémoire (item 7), fonctions exécutives<br />
(item 6 et 8) ainsi que, pour chaque<br />
item, l’intensité du handicap dans la<br />
vie quotidienne.<br />
<br />
THÉRAPEUTIQUE ■ 15<br />
LIVRES ET REVUES<br />
Trop <strong>de</strong> gestion tue le social<br />
Michel Chauvière<br />
La Découverte, 21,50 €<br />
Michel Chauvière est directeur <strong>de</strong> recherche<br />
au CNRS, membre du CERSA,<br />
CNRS/université Paris-II. Ses travaux<br />
portent sur les politiques du social et<br />
du familial et il est l’auteur <strong>de</strong> plusieurs<br />
ouvrages, dont notamment Le<br />
Travail social dans l’action publique.<br />
Sociologie d’une qualification controversée<br />
(Dunod, 2004), et il a codirigé<br />
avec Jean-Michel Belorgey et Jacques<br />
Ladsous Reconstruire l’action sociale<br />
(Dunod, 2006).<br />
A travers l’analyse du nouveau lexique<br />
largement inspiré <strong>de</strong> l’entreprise qui<br />
s’est imposé dans le secteur social<br />
(services à la personne, accès aux<br />
droits, démarche qualité, privilège <strong>de</strong><br />
l’usager, etc.), il montre que celui-ci<br />
est aujourd’hui profondément dénaturé<br />
par un processus <strong>de</strong> « chalandisation<br />
» qui formate les consciences,<br />
sape les fondamentaux <strong>de</strong> l’action et<br />
prépare à plus <strong>de</strong> privatisation <strong>de</strong>s<br />
services et d’autonomie <strong>de</strong> la gestion.<br />
Mais pour Michel Chauvière rien n’est<br />
définitivement joué.<br />
Les affections <strong>de</strong> longue<br />
durée<br />
Actualité et dossier en santé<br />
publique 2007 n°59,<br />
La Documentation Française,<br />
13,80 €<br />
Ce dossier spécial sur les ALD montre<br />
que le dispositif ALD est un dispositif<br />
complexe qui a évolué au fil <strong>de</strong>s<br />
aménagements réglementaires successifs.<br />
Un historique <strong>de</strong>s différentes<br />
évolutions donne les clés pour comprendre<br />
comment le dispositif a tenté<br />
<strong>de</strong> s’adapter aux évolutions scientifiques<br />
et sociétales. La réforme <strong>de</strong><br />
l’assurance maladie <strong>de</strong> 2004 représente<br />
la <strong>de</strong>rnière étape <strong>de</strong> ces transformations,<br />
et la Cnamts et la Haute<br />
Autorité <strong>de</strong> santé, principaux acteurs<br />
<strong>de</strong> cette réforme, expliquent leur rôle<br />
respectif et font le point sur les premiers<br />
résultats.<br />
Aujourd’hui, le poids épidémiologique<br />
et économique <strong>de</strong>s ALD est <strong>de</strong>venu<br />
très important et il convient, dans une<br />
logique <strong>de</strong> rationalisation <strong>de</strong>s dépenses,<br />
<strong>de</strong> l’appréhen<strong>de</strong>r au regard<br />
<strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé.<br />
Le développement <strong>de</strong> la prise en<br />
charge à 100% comme garant d’une<br />
prise en charge <strong>de</strong> qualité, doit amener<br />
à rapprocher le dispositif ALD <strong>de</strong>s<br />
autres outils d’amélioration <strong>de</strong> la qualité<br />
<strong>de</strong>s soins et à s’interroger sur leur<br />
efficacité réciproque.<br />
Les interrogations paraissent nombreuses<br />
: le système actuel répond-il<br />
toujours aux attentes <strong>de</strong>s patients,<br />
<strong>de</strong>s professionnels, <strong>de</strong> la collectivité ?<br />
Et, faut-il réfléchir à <strong>de</strong>s voies d’aménagement<br />
? Ces questions touchent<br />
l’ensemble <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> la santé.<br />
Des représentants <strong>de</strong>s patients et <strong>de</strong>s<br />
assurances maladies complémentaires,<br />
directement concernés par<br />
toute évolution du dispositif ALD,<br />
donnent leur avis.<br />
Un éclairage complémentaire venu<br />
d’exemples étrangers ai<strong>de</strong> à imaginer<br />
d’autres dispositifs et à avoir une<br />
approche plus large que celle <strong>de</strong>s<br />
seules ALD. Nous sommes, en effet,<br />
passés, en soixante ans, <strong>de</strong> 4 pathologies<br />
longues et coûteuses, qui étaient<br />
soignées, à plus <strong>de</strong> 20 millions <strong>de</strong><br />
personnes atteintes d’une maladie<br />
chronique.<br />
Le plan « Améliorer la qualité <strong>de</strong> vie<br />
<strong>de</strong>s personnes atteintes <strong>de</strong> maladies<br />
chroniques », récemment présenté par<br />
le ministre <strong>de</strong> la Santé et <strong>de</strong>s Solidarités,<br />
constitue la première étape <strong>de</strong><br />
cette évolution.
16<br />
LIVRES<br />
■ THÉRAPEUTIQUE<br />
Expertise psychiatrique<br />
pénale<br />
Pour la Recherche 2007 n°53<br />
Bulletin <strong>de</strong> la Fédération Française<br />
<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />
Eclairant classiquement le juge sur la<br />
responsabilité pénale la punissabilité<br />
et la dangerosité psychiatrique <strong>de</strong>s<br />
personnes dans le cadre <strong>de</strong>s procédures<br />
judiciaires, l’expert a vu, dans<br />
les conditions d’exercice difficiles qui<br />
sont les siennes, un élargissement <strong>de</strong><br />
ses missions à l’évaluation <strong>de</strong> la dangerosité<br />
criminologique et à l’examen<br />
<strong>de</strong>s victimes.<br />
Une audition publique s’est tenue les<br />
25 et 26 janvier à Paris centrée sur<br />
l’abord <strong>de</strong>s problématiques concernant<br />
la formation, le recrutement, les<br />
conditions et perspectives d’exercice<br />
qui relèvent d’une implication partagée<br />
<strong>de</strong> la santé et <strong>de</strong> la justice. La<br />
question portant sur la responsabilité<br />
pénale <strong>de</strong>s personnes présentant<br />
<strong>de</strong>s troubles psychiatriques a été au<br />
centre <strong>de</strong>s préoccupations.<br />
La commission qui s’est réunie, à l’issue<br />
<strong>de</strong> cette Audition Publique, a<br />
publié un rapport et a établi <strong>de</strong>s<br />
recommandations autour <strong>de</strong> cinq<br />
questions majeures qui sont présentées<br />
dans ce numéro.<br />
http://psydoc-fr.broca.inserm.fr<br />
Comment peut-on être<br />
sourd ?<br />
Numéro coordonné par Cyril<br />
Courtin<br />
Presses Universitaires <strong>de</strong> France,<br />
22 €<br />
Il y a <strong>de</strong> nombreux exemples <strong>de</strong> plasticité<br />
cérébrale compensatoire.<br />
L’un, particulièrement spectaculaire,<br />
concerne le cortex auditif <strong>de</strong> nouveaux<br />
sourds qui se met à répondre<br />
aux mouvements <strong>de</strong>s lèvres, et, dans<br />
le cas <strong>de</strong> langage signé, aux mouvements<br />
<strong>de</strong>s doigts. De même pour<br />
le cortex visuel d’aveugles qui, faute<br />
<strong>de</strong> traiter <strong>de</strong>s stimuli visuels, se met<br />
à traiter le toucher en Braille.<br />
Dans les cas <strong>de</strong>s enfants sourds, il ne<br />
s’agit pas que s’opère la plasticité cérébrale<br />
et les compensations, mais<br />
au contraire que soit encouragé le<br />
développement d’une fonction. Si l’on<br />
prend l’exemple <strong>de</strong> l’implantation cochléaire<br />
précoce, elle s’accompagne<br />
chez certains spécialistes d’un choix<br />
pour un entraînement exclusivement<br />
auditif, tandis que d’autres privilégient<br />
une approche intermodale du<br />
langage. Les uns cherchent à préserver<br />
une place au cortex auditif ;<br />
les autres, aux connections audiovisuelles<br />
qui permettent d’associer l’oral<br />
et l’écrit. Hors solution d’implants,<br />
quand on n’a que les yeux et le toucher<br />
pour parler, quelle est la meilleure<br />
voie ? Il n’y a pas, actuellement, <strong>de</strong><br />
bonne réponse unanime à cette question.<br />
Le message <strong>de</strong> ce numéro thématique<br />
est qu’il faut favoriser les connections<br />
intermodales. Les enfants sourds<br />
sont souvent confrontés dans leur<br />
enseignement à un problème <strong>de</strong> bilinguisme,<br />
représenté par la confrontation<br />
entre la langue française <strong>de</strong>s<br />
signes et la langue française. Le problème<br />
est souvent mal i<strong>de</strong>ntifié. Et,<br />
lorsqu’il l’est, il s’accompagne rarement<br />
d’un intérêt pour la question<br />
du biculturalisme. Ce numéro contribue<br />
à i<strong>de</strong>ntifier les problèmes <strong>de</strong> développement<br />
cognitif qui en découlent<br />
et les solutions accessibles. Un<br />
autre message concerne le rôle d’un<br />
accès continu à un langage natif pour<br />
développer la cognition sociale et la<br />
métareprésentation.<br />
<br />
L’utilisation <strong>de</strong>s EVA permet l’attribution<br />
d’un score <strong>de</strong> 1 à 10 pour<br />
chaque item exploré et offre la possibilité<br />
<strong>de</strong> calculer <strong>de</strong>s sous-scores par<br />
item ainsi qu’un score total (moyenne<br />
<strong>de</strong>s items 1 à 8 à condition que 4 items<br />
sur 8 soient renseignés). La <strong>de</strong>rnière<br />
question permet d’i<strong>de</strong>ntifier la situation<br />
handicapant principalement le<br />
patient <strong>de</strong> son point <strong>de</strong> vue.<br />
Les paramètres analysés avec cet outil<br />
étaient les suivants :<br />
- auto questionnaire ACT à C2 et évolution<br />
entre C1 et C2 (item par item et<br />
scores calculés).<br />
Le critère principal d’évaluation était<br />
l’évolution <strong>de</strong>s scores à l’échelle ACT.<br />
Les critères secondaires étaient l’évolution<br />
du score sévérité <strong>de</strong> la CGI ainsi<br />
que le score amélioration et l’évolution<br />
<strong>de</strong>s scores du TIMA.<br />
Analyse statistique<br />
La <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> la population a été<br />
faite grâce aux données socio-démographiques,<br />
et l’histoire <strong>de</strong>s troubles<br />
psychotiques. Ont été également analysés<br />
les motifs <strong>de</strong> la consultation, la<br />
prise en charge hors chimiothérapie,<br />
les modalités d’instauration <strong>de</strong> la rispéridone,<br />
les sorties prématurées et<br />
arrêt <strong>de</strong> la rispéridone à la visite 2, la<br />
posologie <strong>de</strong> la rispéridone et l’observance,<br />
et les traitements associés.<br />
Ont été calculés pour les variables<br />
quantitatives : effectif, médiane,<br />
moyenne, écart-type, minimum et<br />
maximum. Pour les variables qualitatives,<br />
l’effectif et le pourcentage <strong>de</strong><br />
chacune <strong>de</strong>s modalités ont été considérés.<br />
L’évolution <strong>de</strong>s paramètres<br />
quantitatifs a été testée par le test <strong>de</strong><br />
Stu<strong>de</strong>nt sur séries appariées ou le test<br />
<strong>de</strong> Wilcoxon sur séries non appariées.<br />
Le lien entre la réponse CGI (<strong>de</strong>ux<br />
classes) et l’évolution <strong>de</strong>s paramètres<br />
est testé par le test du Chi-2 pour les<br />
variables qualitatives et le test <strong>de</strong> Stu<strong>de</strong>nt<br />
pour les variables quantitatives.<br />
Le seuil <strong>de</strong> significativité <strong>de</strong>s tests est<br />
fixé à 5%.<br />
Résultats <strong>de</strong> l’enquête<br />
ACT<br />
Population analysée<br />
Les informations recueillies concernent<br />
un total <strong>de</strong> 1024 patients. Parmi<br />
ces patients, l’analyse statistique porte<br />
sur 763 patients qui ont effectué les<br />
<strong>de</strong>ux visites, étaient toujours sous rispéridone<br />
lors <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> visite et<br />
pour lesquels le délai entre les <strong>de</strong>ux<br />
visites était au moins égal à 8<br />
semaines <strong>de</strong> traitement.<br />
Les patients sont âgés <strong>de</strong> 36,8 ± 13,7<br />
ans. Ce sont majoritairement <strong>de</strong>s<br />
hommes (58,7%). Ils n’ont pas <strong>de</strong><br />
conjoint pour plus <strong>de</strong>s trois quarts<br />
d’entre eux.<br />
Un tiers (34,6%) vivent seuls <strong>de</strong><br />
manière autonome, et un tiers<br />
(30,5%) sont hébergés par la famille.<br />
Alors que 63,8% ne travaillent pas,<br />
20,6% ont une activité professionnelle<br />
hors milieu protégé.<br />
En moyenne, la maladie est diagnostiquée<br />
<strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong> 10 ans (9,4<br />
ans). L’ancienneté est en adéquation<br />
avec la première hospitalisation (9<br />
ans). Parmi ces patients, 29,7% ont<br />
<strong>de</strong>s antécé<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>,<br />
ce qui témoigne <strong>de</strong> la gravité <strong>de</strong><br />
la maladie. Le diagnostic le plus fréquent<br />
est la schizophrénie (diagnostic<br />
retrouvé chez 67,3% <strong>de</strong>s sujets),<br />
avec une prédominance <strong>de</strong> schizophrénie<br />
paranoï<strong>de</strong>.<br />
Les patients inclus dans l’enquête sont<br />
principalement <strong>de</strong>s patients vus au<br />
CMP (70,8%), 12% étant suivis en<br />
hôpital <strong>de</strong> jour. Les patients consultent<br />
régulièrement pour 83,9% d’entre<br />
eux, ce chiffre reflétant la population<br />
<strong>de</strong> secteur ; les psychothérapies associées<br />
concernant un peu plus d’un<br />
tiers <strong>de</strong>s patients (Tableau 1).<br />
Tableau 1 : Prise en charge hors<br />
chimiothérapie (n= 1024)<br />
Consultation régulière 83,9%<br />
Psychothérapie individuelle<br />
Activités ou<br />
19,1%<br />
groupes thérapeutiques<br />
Hospitalisation <strong>de</strong> jour<br />
14,5%<br />
régulière 9,3%<br />
Hospitalisation temps plein 8,4%<br />
Psychothérapie familiale 3,5%<br />
CAT 2,3%<br />
Autres 0,4%<br />
Pour presque la moitié <strong>de</strong>s patients,<br />
une réactivation délirante ou hallucinatoire<br />
a été le motif <strong>de</strong> la consultation<br />
(48,1%) (Tableau 2). La mauvaise<br />
tolérance du traitement en cours n’est<br />
un motif <strong>de</strong> consultation que pour<br />
3,7% <strong>de</strong>s patients.<br />
Tableau 2 : Motif <strong>de</strong> la consultation<br />
(n=945)<br />
Réactivation délirante<br />
ou hallucinatoire 48,1%<br />
Recru<strong>de</strong>scence <strong>de</strong> troubles<br />
du comportement 27,8%<br />
Augmentation <strong>de</strong><br />
symptômes positifs 21,8%<br />
Manifestations dépressives 18,5%<br />
Sur le plan chimiothérapeutique, seuls<br />
14,1% <strong>de</strong>s patients ont déjà été traités<br />
antérieurement par rispéridone. La<br />
rispéridone a été instaurée en remplacement<br />
d’un traitement chez plus <strong>de</strong>s<br />
trois cinquièmes <strong>de</strong>s patients (65,9%),<br />
ce qui reflète la population <strong>de</strong> patients<br />
suivis <strong>de</strong>puis longtemps et pour lesquels<br />
se pose l’indication d’un changement<br />
thérapeutique. Les traitements<br />
remplacés sont principalement l’halopéridol<br />
(31,7%), l’olanzapine (21,5%)<br />
et l’amisulpri<strong>de</strong> (19,2%). Pour 657<br />
patients, la rispéridone substitue un traitement,<br />
pour 17 patients 2 traitements,<br />
et pour un patient 1 traitement. La<br />
monothérapie antipsychotique <strong>de</strong>vient<br />
donc davantage la règle selon les<br />
recommandations en vigueur.<br />
Dans 44,5% <strong>de</strong>s cas, le traitement est<br />
substitué par la rispéridone en raison<br />
d’un manque d’efficacité du traitement<br />
précé<strong>de</strong>nt. Dans 22,2% <strong>de</strong>s cas, il s’agit<br />
d’une mauvaise observance. Les raisons<br />
<strong>de</strong> la mauvaise observance ne<br />
sont pas détaillées (liées à la maladie ou<br />
aux effets secondaires <strong>de</strong>s traitements<br />
?). La mauvaise observance responsable<br />
d’un nombre important <strong>de</strong><br />
rechutes est un <strong>de</strong>s défis majeurs pour<br />
le psychiatre clinicien qui opte donc<br />
souvent comme on le voit dans cette<br />
étu<strong>de</strong>, pour un changement <strong>de</strong> molécule<br />
plutôt que pour la reconduction<br />
ou l’augmentation du traitement antérieurement<br />
prescrit.<br />
A C2 (la <strong>de</strong>uxième visite), 90,9% <strong>de</strong>s<br />
patients ont toujours leur traitement<br />
en cours par la rispéridone. La posologie<br />
moyenne, <strong>de</strong> 5,5 mg/j, varie peu<br />
entre les <strong>de</strong>ux visites. L’observance est<br />
bonne pour 88,4% <strong>de</strong>s patients.<br />
Parmi les 11,1% <strong>de</strong>s patients sortis prématurément,<br />
87,7% ont été perdus <strong>de</strong><br />
vue mais ont reçu le traitement pendant<br />
5 semaines environ. Lors <strong>de</strong> l’arrêt<br />
prématuré <strong>de</strong> la rispéridone, c’est<br />
essentiellement l’halopéridol (31%),<br />
l’olanzapine (24,1%) et l’amisulpri<strong>de</strong><br />
(19,3%) qui ont été prescrits en relais.<br />
Les neuroleptiques à visée sédative<br />
prescrits concernent essentiellement la<br />
cyamémazine (fig. 1). Leurs posologies<br />
diminuent après <strong>de</strong>ux à trois mois <strong>de</strong><br />
traitement par la rispéridone. Les coprescriptions<br />
<strong>de</strong> psychotropes (hors<br />
neuroleptiques) sont détaillées dans la<br />
figure suivante (fig. 2) et concernent<br />
75,3% <strong>de</strong>s patients à C1 et 68,8% <strong>de</strong>s<br />
patients à C2.<br />
On peut constater que les benzodiazépines<br />
diminuent considérablement<br />
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
Figure 1 : Principaux traitements neuroleptiques à visée sédative co-prescrits<br />
Théralène<br />
Nozinan<br />
Tercian<br />
Effectifs<br />
Divers<br />
Hypnotiques<br />
Antiparkinsoniens<br />
Thymorégulateurs<br />
Antidépresseurs<br />
Benzodiazépines<br />
Patients<br />
Nb <strong>de</strong><br />
patients<br />
Score<br />
négatif<br />
Score<br />
positif<br />
% <strong>de</strong> patients<br />
15<br />
0 50 100 150 200<br />
Figure 2 : principaux traitements psychotropes co-prescrits<br />
2,1%<br />
2,7%<br />
27<br />
33<br />
7,4%<br />
8,2%<br />
11,6%<br />
11,0%<br />
11,9%<br />
12,5%<br />
26,6%<br />
27,3%<br />
0% 10% 20% 30% 40% 50%<br />
Figure 3 : Scores CGI à C1 et C2<br />
0 1 2 3 4 5 6<br />
80<br />
70<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
Figure 4 : Scores TIMA<br />
9,36<br />
37,3%<br />
14,10<br />
0 5 10 15 20<br />
130<br />
Figure 5 : Réponse au traitement TIMA<br />
13,30%<br />
après 2 à 3 mois <strong>de</strong> traitement par la<br />
rispéridone.<br />
Description <strong>de</strong> l’évolution clinique et<br />
<strong>de</strong>s troubles cognitifs <strong>de</strong>s patients<br />
Lors <strong>de</strong> l’instauration <strong>de</strong> la rispéridone,<br />
79,1% <strong>de</strong>s patients ont un score<br />
68,70%<br />
18,00%<br />
C2<br />
C1<br />
157<br />
C2<br />
C1<br />
Non répon<strong>de</strong>ur Partiellement Répon<strong>de</strong>ur<br />
répon<strong>de</strong>ur<br />
C2<br />
C1<br />
C2<br />
C1<br />
48,7%<br />
CGI supérieur ou égal à 4 (« pas <strong>de</strong><br />
changement » à « très fortement aggravé<br />
»). Après 2 à 3 mois <strong>de</strong> traitement<br />
seuls 32,3% <strong>de</strong>s patients ont ce même<br />
score (fig. 3). Selon les cliniciens, 55,3<br />
% <strong>de</strong>s patients sont fortement à très<br />
fortement améliorés (scores 1 à 2).<br />
De même, les scores à l’échelle TIMA
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
Total<br />
Fonctions<br />
exécutives<br />
Mémoire<br />
Attention<br />
Figure 6 : Scores ACT<br />
3,84<br />
3,83<br />
3,76<br />
4,06<br />
4,42<br />
5,00<br />
4,99<br />
5,13<br />
0 1 2 3 4 5 6<br />
Non répon<strong>de</strong>urs<br />
Répon<strong>de</strong>urs<br />
-9,20<br />
Figure 7 : Evolution <strong>de</strong>s scores TIMA/CGI<br />
-6,20<br />
-4,30<br />
-3,10<br />
-10,00 -8,00 -6,00 -4,00 -2,00 0,00<br />
Evolution <strong>de</strong>s scores entre C1 et C2<br />
Non répon<strong>de</strong>urs<br />
Répon<strong>de</strong>urs<br />
-1,80<br />
Score<br />
négatif<br />
Score<br />
positif<br />
-2,00 -1,50 -1,00 -0,50 0,00 Scores<br />
Divers<br />
Hypnotiques<br />
Antiparkinsoniens<br />
Thymorégulateurs<br />
Antidépresseurs<br />
Benzodiazépines<br />
Patients<br />
Nb <strong>de</strong><br />
patients<br />
200<br />
100<br />
-1,50<br />
Figure 8 : Evolution <strong>de</strong>s scores ACT/CGI<br />
-1,20<br />
-0,70<br />
-0,60<br />
Figure 9 : Traitements psychotropes co-prescrits<br />
7,3%<br />
5,5%<br />
6,1%<br />
9,2%<br />
11,0%<br />
11,3%<br />
11,5%<br />
10,9%<br />
-0,80<br />
-0,70<br />
-0,40<br />
23,5%<br />
C2<br />
C1<br />
29,4%<br />
Total<br />
C2<br />
C1<br />
Fonctions<br />
exécutives<br />
Mémoire<br />
Attention<br />
se sont améliorés <strong>de</strong> manière très significative<br />
(p
18<br />
LIVRES<br />
■ THÉRAPEUTIQUE<br />
Ruralité et Précarité<br />
Rhizome 2007 n°28<br />
Bulletin national santé mentale et<br />
précarité<br />
Ce dossier fait prendre conscience<br />
<strong>de</strong>s bouleversements économiques<br />
et culturels advenus aux paysans, surtout<br />
aux petits exploitants <strong>de</strong>venus<br />
minoritaires sur leur terre, tandis que<br />
les femmes semblent avoir plus <strong>de</strong><br />
plasticité pour le changement. En réalité,<br />
la ruralité n’est plus i<strong>de</strong>ntifiable<br />
au mon<strong>de</strong> agricole : on parle désormais,<br />
d’une « néo-ruralité » qui a transformé<br />
la donne par l’arrivée <strong>de</strong> nouveaux<br />
habitants d’origine citadine,<br />
aux sociologies très diverses ; on parle<br />
également <strong>de</strong>s « rurbains », à l’interstice<br />
<strong>de</strong>s villes et <strong>de</strong>s campagnes.<br />
Comme les paysans, nombre <strong>de</strong> néoruraux<br />
sont touchés par un mal communément<br />
réparti, l’isolement en<br />
contexte <strong>de</strong> précarité, mais avec les<br />
particularités propres du rural : non<br />
pas un retrait malgré la proximité,<br />
comme en ville, mais un isolement<br />
exacerbé par les distances.<br />
Le moyen <strong>de</strong> locomotion privé y apparaît<br />
aussi important qu’un logement,<br />
sinon c’est l’impossibilité d’accé<strong>de</strong>r<br />
aux services publics et privés.<br />
En matière <strong>de</strong> relation d’ai<strong>de</strong> sociale<br />
et psychique, on lira l’importance cruciale<br />
<strong>de</strong>s visites à domicile, <strong>de</strong>s équipes<br />
mobiles, pour <strong>de</strong>s pathologies qui ne<br />
sont pas si différentes qu’en ville, mais<br />
là encore avec <strong>de</strong>s particularités.<br />
Selon tous les témoignages, les troubles<br />
du couple et <strong>de</strong> la conjugalité apparaissent<br />
particulièrement graves, car<br />
la précarisation et le grand isolement<br />
en sont la suite logique.<br />
On verra que ce numéro n’est pas directement<br />
clinique, car il fallait d’abord<br />
situer le cadre où une problématique<br />
<strong>de</strong> santé mentale se pose ; d’ailleurs,<br />
même les textes émanant <strong>de</strong> cliniciens<br />
sont contextualisés.<br />
RHIZOME est téléchargeable sur le Web :<br />
www.orspere.fr<br />
Les nouvelles solitu<strong>de</strong>s<br />
Marie-France Hirigoyen<br />
La Découverte, 17 €<br />
Psychiatre, psychanalyste et victimologue,<br />
Marie-France Hirigoyen s’est<br />
spécialisée dans l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> toutes les<br />
formes <strong>de</strong> violences. Elle est l’auteur<br />
<strong>de</strong> plusieurs livres : Le Harcèlement<br />
moral (Syros, 1998), Malaise dans le<br />
travail (Syros, 2001) et Femmes sous<br />
emprise. Les ressorts <strong>de</strong> la violence<br />
dans le couple (Oh! Editions, 2005).<br />
Alors que les interactions entre individus<br />
sont permanentes, voire envahissantes,<br />
<strong>de</strong> nombreuses personnes<br />
éprouvent un sentiment douloureux<br />
d’isolement. En même temps, beaucoup<br />
d’autres font le choix <strong>de</strong> vivre<br />
seules. Marie-France Hirigoyen montre<br />
que cette réalité est le fruit d’une mutation<br />
profon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s rapports hommes/<br />
femmes, encore inaboutie.<br />
Si les femmes ont obtenu une autonomie<br />
nouvelle, dans le travail comme<br />
dans la sexualité, cette indépendance<br />
n’a pas été pleinement intégrée dans<br />
les mentalités. D’où une crise <strong>de</strong>s<br />
rôles masculins et féminins et une<br />
précarisation <strong>de</strong>s liens : un mariage<br />
sur <strong>de</strong>ux se termine par une rupture,<br />
surtout à l’initiative <strong>de</strong>s femmes. On<br />
constate un durcissement <strong>de</strong>s relations<br />
dans le couple, reflet aussi du<br />
durcissement du mon<strong>de</strong> du travail.<br />
Les pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> et d’abstinence<br />
sexuelle, souvent durables,<br />
conduisent à un recours accru aux<br />
sites <strong>de</strong> rencontres sur Internet ou<br />
aux « nouvelles thérapies », qui se révèlent<br />
le plus souvent illusoires. Alors<br />
que la solitu<strong>de</strong> peut apporter énergie<br />
et inspiration : à tout âge, la solitu<strong>de</strong><br />
choisie, tout en restant disponible<br />
à l’autre, est une source <strong>de</strong><br />
plénitu<strong>de</strong>, un moyen <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> la<br />
superficialité d’une société dominée<br />
par le narcissisme et le culte <strong>de</strong> la<br />
performance.<br />
<br />
vers <strong>de</strong> l’enquête ACT auprès <strong>de</strong><br />
1000 patients. Ce premier travail a<br />
conduit à une nouvelle formulation <strong>de</strong><br />
certains items du questionnaire. Le<br />
questionnaire comporte toujours 16<br />
échelles analogiques regroupées en 8<br />
situations et une question à réponse<br />
fermée. Les EVA évaluent, notamment<br />
au travers <strong>de</strong> situations habituelles <strong>de</strong><br />
vie, l’intensité <strong>de</strong> l’altération <strong>de</strong>s fonctions<br />
cognitives suivantes :<br />
- attention : items 1, 2, 8 ;<br />
- mémoire : items 4, 6 ;<br />
- fonctions exécutives : items 3, 5, 7.<br />
L’évaluation <strong>de</strong> l’intensité <strong>de</strong>s différentes<br />
dimensions cognitives est mesurée<br />
au moyen <strong>de</strong> l’EVA.<br />
L’échelle d’Autonomie Sociale (EAS)<br />
Elle a été conçue pour mesurer un<br />
niveau d’autonomie effectif, proposer<br />
une définition concrète <strong>de</strong> l’autonomie<br />
et explorer <strong>de</strong>s domaines précis à<br />
travers 17 items. Ces items cotés <strong>de</strong> 0<br />
à 6, apprécient comment un sujet placé<br />
<strong>de</strong>vant une situation concrète <strong>de</strong> la vie<br />
quotidienne, parvient à y faire face seul,<br />
à rentrer en contact avec autrui, à tenir<br />
un rôle social. Ils sont regroupés en 5<br />
sous-ensembles : soins personnels, gestion<br />
<strong>de</strong> la vie quotidienne, gestion <strong>de</strong>s<br />
ressources, relations avec l’extérieur,<br />
vie affective et relations sociales (24).<br />
Les sous-scores <strong>de</strong>s items cognitifs <strong>de</strong><br />
l’échelle PANSS<br />
La PANSS (Positive And Negative Syndrom<br />
Scale) est une échelle d’hétéro<br />
évaluation, largement utilisée pour étudier<br />
le profil psychopathologique <strong>de</strong>s<br />
patients schizophrènes en phase aiguë<br />
et chronique (25). Elle permet <strong>de</strong> calculer<br />
les scores <strong>de</strong> trois dimensions syndromiques<br />
: positive, négative et <strong>de</strong><br />
psychopathologie générale. Elle est particulièrement<br />
indiquée pour déterminer<br />
le profil psychopathologique,<br />
rechercher <strong>de</strong>s éléments pronostiques<br />
d’une évolution, notamment cognitifs,<br />
et évaluer les efficacités respectives <strong>de</strong><br />
diverses stratégies thérapeutiques. Pour<br />
cette étu<strong>de</strong>, trois items principaux <strong>de</strong> la<br />
PANSS explorant essentiellement les<br />
troubles cognitifs ont été retenus : difficulté<br />
d’abstraction (N5), désorientation<br />
(G10) et manque d’attention<br />
(G11).<br />
Les critères principaux d’évaluation<br />
étaient l’évolution <strong>de</strong>s items cognitifs<br />
<strong>de</strong> la PANSS et du score <strong>de</strong> l’échelle<br />
EAS.<br />
Les critères secondaires étaient l’évolution<br />
du score à l’EVA du questionnaire<br />
ACT, l’évolution du score sévérité<br />
<strong>de</strong> la CGI, le score amélioration <strong>de</strong> la<br />
CGI, et l’évolution <strong>de</strong>s scores du TIMA.<br />
L’analyse statistique<br />
Le principe <strong>de</strong> l’analyse statistique a<br />
été décrit précé<strong>de</strong>mment pour l’enquête<br />
ACT.<br />
Résultats<br />
Parmi les 334 patients retenus, 219<br />
patients ont été inclus dans l’analyse<br />
statistique<br />
Les patients sont âgés en moyenne <strong>de</strong><br />
37 ± 12,5 ans, sont majoritairement<br />
<strong>de</strong>s hommes (55%) et n’ont pas <strong>de</strong><br />
conjoint pour plus <strong>de</strong> trois quarts<br />
d’entre eux comme dans l’étu<strong>de</strong> ACT.<br />
Une majorité vit <strong>de</strong> manière autonome,<br />
soit seule (39,5%), soit en famille<br />
ou en couple (24,7%). Parmi les<br />
patients rencontrés, 17,8% ont une<br />
activité professionnelle hors milieu protégé<br />
alors que 69,6% ne travaillent pas.<br />
En moyenne, les troubles psychotiques<br />
ont été diagnostiqués <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong><br />
10 ans, l’ancienneté est en adéquation<br />
avec la première hospitalisation. Le premier<br />
traitement antipsychotique a donc<br />
été débuté d’après les résultats <strong>de</strong> l’enquête,<br />
peu <strong>de</strong> temps après les premiers<br />
symptômes.<br />
Sur le plan clinique, 65,6% <strong>de</strong>s patients<br />
sont schizophrènes et parmi eux 65%<br />
<strong>de</strong>s patients présentent une forme paranoï<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> la schizophrénie. Ces pourcentages<br />
reflètent la population habituelle<br />
<strong>de</strong> patients <strong>de</strong> secteur.<br />
La plupart <strong>de</strong>s patients ont été inclus<br />
au cours d’une consultation au CMP<br />
(70,8%) et pour 96,1% un rythme<br />
régulier <strong>de</strong> consultation est instauré. Il<br />
est donc intéressant <strong>de</strong> noter que la<br />
consultation d’inclusion est la consultation<br />
habituelle du patient dans<br />
24,2% <strong>de</strong>s cas. Pour près <strong>de</strong> 40% <strong>de</strong>s<br />
patients, c’est une réactivation délirante<br />
ou hallucinatoire qui est le motif<br />
<strong>de</strong> la consultation (tableau 4).<br />
Tableau 4 : circonstances <strong>de</strong> la<br />
consultation (N=331)<br />
Plusieurs réponses possibles<br />
Réactivation<br />
délirante ou<br />
hallucinatoire<br />
Troubles du<br />
132 39,9%<br />
comportement<br />
Augmentation <strong>de</strong><br />
33 10%<br />
symptômes positifs<br />
Manifestions<br />
56 16,9%<br />
dépressives<br />
Autres motifs <strong>de</strong><br />
46 13,9%<br />
consultation<br />
Evénements <strong>de</strong> vie<br />
80 24,2%<br />
traumatisants 12 3,6%<br />
Les patients bénéficient fréquemment<br />
d’autres prises en charge non chimiothérapiques<br />
(tableau 5). Près <strong>de</strong> la moitié<br />
sont pris en charge soit en hôpital <strong>de</strong><br />
jour, soit en CATTP, ce qui est à mettre<br />
en relation avec le pourcentage important<br />
<strong>de</strong> patients qui ne travaillent pas<br />
(69,6%).<br />
Tableau 5 : prises en charge hors<br />
chimiothérapie (N=332)<br />
Plusieurs réponses possibles<br />
Consultation<br />
régulière<br />
Psychothérapie<br />
319 96,1%<br />
individuelle<br />
Activités ou groupes<br />
122 36,7%<br />
thérapeutiques<br />
Hospitalisation <strong>de</strong><br />
96 28,9%<br />
jour régulière 55 16,6%<br />
Autre prise en charge<br />
Psychothérapie<br />
50 15,1%<br />
familiale 10 3%<br />
CAT 5 1,5%<br />
Concernant le traitement prescrit<br />
Le nouveau traitement antipsychotique<br />
instauré est la rispéridone pour<br />
91,8% <strong>de</strong>s patients. Il vient remplacer<br />
un autre traitement antipsychotique<br />
dans 69,1% <strong>de</strong>s cas ; ce qui est<br />
logique lorsqu’on considère la population<br />
<strong>de</strong> patients inclus : suivis <strong>de</strong>puis<br />
une dizaine d’années, actuellement<br />
pris en charge en ambulatoire, soit en<br />
CMP soit en hôpital <strong>de</strong> jour. Les traitements<br />
substitués sont analogues à<br />
ceux <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> ACT : l’halopéridol<br />
(28,1%), l’olanzapine (25,2%) ou<br />
l’amisulpri<strong>de</strong> (16,7%). Dans 49% <strong>de</strong>s<br />
cas, le traitement est substitué par<br />
manque d’efficacité du traitement précé<strong>de</strong>nt,<br />
dans 28,1% <strong>de</strong>s cas du fait<br />
d’une mauvaise tolérance, et dans<br />
20,9% <strong>de</strong>s cas du fait d’une mauvaise<br />
observance. Dans la majorité <strong>de</strong>s cas,<br />
la rispéridone substitue un seul traitement.<br />
Quatre vingt cinq pour cent <strong>de</strong>s<br />
patients ont le même traitement en<br />
cours lors <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> visite soit 5 à<br />
7 mois après. Parmi les patients sortis<br />
prématurément, plus <strong>de</strong> la moitié ont<br />
été perdus <strong>de</strong> vue. Lors <strong>de</strong> l’arrêt prématuré<br />
<strong>de</strong> la rispéridone, là encore<br />
comme dans l’étu<strong>de</strong> précé<strong>de</strong>nte, ce<br />
sont essentiellement l’amisulpri<strong>de</strong>, l’halopéridol<br />
ou l’olanzapine qui sont prescrits<br />
en relais. La posologie moyenne<br />
<strong>de</strong> la rispéridone est <strong>de</strong> 5,2 ± 2,9<br />
mg/j, posologie peu modifiée après 5<br />
à 7 mois <strong>de</strong> traitement (augmentation<br />
% <strong>de</strong> patients<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
Difficulté<br />
d’abstraction<br />
Manque<br />
d’attention<br />
Désorientation<br />
Scores<br />
Total<br />
Fonctions Fonction<br />
exécutives s<br />
exécutive<br />
s<br />
Mémoire<br />
Mémoire<br />
Attention<br />
Attention<br />
Scores<br />
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
Figure 11 : Réponse au traitement TIMA<br />
18,8%<br />
50,2%<br />
30,9%<br />
Non répon<strong>de</strong>ur Partiellement Répon<strong>de</strong>ur<br />
répon<strong>de</strong>ur<br />
Figure 12 : Scores PANSS<br />
1,4<br />
2,1<br />
0 1 2 3 4 5<br />
2,7<br />
Figure 13 : Scores ACT<br />
3,3<br />
3,7<br />
4,42<br />
0 1 2 3 4 5 6<br />
Total<br />
Vie affective et relations<br />
sociales<br />
Relations avec l’extérieur<br />
Gestion <strong>de</strong>s ressources<br />
Gestion <strong>de</strong> la vie<br />
quotidienne<br />
Soins personnels<br />
Scores<br />
Figure 14 : Scores EAS<br />
8,2<br />
10,2<br />
7,2<br />
9,5<br />
8,9<br />
10,4<br />
7,3<br />
8,7<br />
4,4<br />
5,6<br />
moyenne <strong>de</strong> 0,3 mg/j). L’observance<br />
est jugée bonne à excellente chez<br />
83,4% <strong>de</strong>s patients.<br />
Parmi les traitements neuroleptiques<br />
associés à visée sédative, la cyamémazine<br />
est majoritairement représentée<br />
(68,8%), souvent pour <strong>de</strong>s troubles<br />
du sommeil récurrents, ce qui est un<br />
bon reflet <strong>de</strong> la pratique usuelle. Ce<br />
traitement est maintenu pour près <strong>de</strong><br />
la moitié <strong>de</strong>s patients à la secon<strong>de</strong><br />
visite, mais avec une diminution <strong>de</strong><br />
la posologie.<br />
Les co-prescriptions <strong>de</strong> psychotropes<br />
hors neuroleptiques concernent<br />
62,9% <strong>de</strong>s patients à la première visite<br />
et 58,6% <strong>de</strong>s patients à la secon<strong>de</strong><br />
visite (fig. 9). Parmi ces co-prescriptions,<br />
seule celle <strong>de</strong>s antidépresseurs<br />
augmente, mais <strong>de</strong> façon modérée.<br />
3,8<br />
4,8<br />
4,7<br />
36,0<br />
4,8<br />
5,0<br />
5,0<br />
4,2<br />
5,4<br />
5,3<br />
44,4<br />
0 10 20 30 40 50<br />
C2<br />
C1<br />
C2<br />
C1<br />
C2<br />
C1<br />
Concernant l’évolution globale <strong>de</strong>s<br />
patients, 49,5% <strong>de</strong>s patients sont fortement<br />
à très fortement améliorés<br />
comme en témoigne les scores CGI.<br />
Ainsi, 70,3% <strong>de</strong>s patients avaient un<br />
score supérieur ou égal à 4 lors <strong>de</strong> la<br />
première visite, contre 38,7% lors <strong>de</strong><br />
la secon<strong>de</strong> évaluation (fig. 10).<br />
Les scores à l ‘échelle TIMA sont améliorés<br />
<strong>de</strong> façon très significative<br />
(p< 0,0001) entre les <strong>de</strong>ux visites.<br />
Pour 81,1% <strong>de</strong>s patients, le traitement<br />
<strong>de</strong>vrait être poursuivi ; sans réévaluation<br />
<strong>de</strong> la posologie pour 38,1%<br />
d’entre eux (fig. 11).<br />
Evolution <strong>de</strong>s troubles cognitifs, <strong>de</strong><br />
l’insertion sociale et <strong>de</strong> l’autonomie<br />
Les symptômes cognitifs s’améliorent<br />
après 5 à 7 mois <strong>de</strong> traitement comme
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
en témoignent les scores PANSS et les<br />
scores ACT (fig. 12 et 13).<br />
A l’auto questionnaire ACT, les scores<br />
« attention » et « fonctions exécutives »<br />
s’améliorent <strong>de</strong> manière significative<br />
(p
20<br />
ANNONCES EN BREF<br />
6 et 7 décembre 2007. Dax. 10 èmes<br />
Journées <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> Dax organisées<br />
par l’Association pour la Recherche<br />
et l’Etu<strong>de</strong> en <strong>Psychiatrie</strong> Publique,<br />
le Centre Hospitalier <strong>de</strong> Dax-Côte<br />
d’Argent avec la collaboration <strong>de</strong> la Société<br />
Portugaise pour l’Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Santé<br />
Mentale, l’Association SOFOR et les Editions<br />
Erès sur le thème : Autour <strong>de</strong> la notion<br />
<strong>de</strong> politique en psychiatrie. Renseignements<br />
et inscriptions : Centre <strong>de</strong><br />
Santé Mentale, 1 rue Labadie, BP 323,<br />
40107 Dax. Tél. : 05 58 91 48 38 /46 26.<br />
Fax : 05 58 91 46 84. E-mail : CRIA-<br />
DOC@ch-dax.fr. E-mail : DARTIGUE-<br />
LONGUEC@ch-dax.fr<br />
7 décembre 2007. Lille. 2 ème Journée<br />
nationale organisée par l’Association<br />
Nationale pour la Promotion <strong>de</strong>s Soins<br />
Somatiques en Santé Mentale sur le<br />
thème : Douleur et Santé Mentale. Douleur<br />
morale, douleur psyhique : quelle(s)<br />
évaluation(s) ? Renseignements et inscriptions<br />
: COMM Santé, BP 33, 33360<br />
latresne-Bor<strong>de</strong>aux. Tél. : 05 57 97 19 19.<br />
Fax : 05 57 97 19 15. Audrey Morisset.<br />
audrey.morisset@comm-sante.com<br />
7 et 8 décembre 2007. Paris. Colloque<br />
organisé par le Centre d’Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />
Famille (CEFA) sur le thème : Le psy et le<br />
social : quelle place pour le psy dans les<br />
problématiques à dominante sociale ?<br />
Inscriptions : CEFA, 95 bd Saint-Michel,<br />
75005 Paris. www.cefa.asso.fr<br />
7 et 8 décembre 2007. Paris. Colloque<br />
GYPSY VII sur le thème : Familles bousculées,<br />
inventées, magnifiées... Inscriptions<br />
: JS Congrès, 39-41 rue Louis Blanc,<br />
92038 Paris La Défense. Tél. :<br />
01 43 34 76 71. Fax : 01 47 17 68 60.<br />
E-mail : jscongres@wanadoo.fr. Site :<br />
www.jpecho.com<br />
8 décembre 2007. Lyon. Journée d’étu<strong>de</strong><br />
clinique organisée par l’Association Européenne<br />
Nicolas Abraham et Maria<br />
Torok sur le thème : La souffrance psychique<br />
dans le <strong>de</strong>uil. Transmission <strong>de</strong>s traumatismes<br />
et du risque <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> dans la<br />
famille. Renseignements : Association<br />
Transition. Tél. : 01 43 59 18 34. E-mail :<br />
assoc.abraham.torok@orange.fr<br />
8 décembre 2007. Paris. Colloque organisé<br />
par l’Association Française <strong>de</strong><br />
<strong>Psychiatrie</strong> sur le thème : Handicaps -<br />
scolarisation - intégration - égalité <strong>de</strong>s<br />
chances. De la Roche Tarpéienne à la loi<br />
<strong>de</strong> 2005, les Maisons du Handicap, etc.<br />
Renseignements et inscriptions : AFP, 6<br />
passage Abel Leblanc, 75012 Paris. Tél. :<br />
01 42 71 41 11. Fax : 01 42 71 36 60.<br />
www.psychiatrie-francaise.com<br />
8 et 9 décembre 2007. Lille. Rencontres<br />
organisées par le SIPE (Société Internationale<br />
<strong>de</strong> Psychopathologie, <strong>de</strong> l’Expression<br />
et d’art-thérapie) et Puzzle<br />
(association régionale d’art-thérapie<br />
Nord/Pas <strong>de</strong> Calais sur le thème : La violence<br />
en art-thérapie. Formes, expressions<br />
et enjeux. Inscriptions : Puzzle, 37 rue<br />
du Dr Dewyn, BP 50215, 59334 Tourcoing<br />
Ce<strong>de</strong>x. E-mail : art-therapiepuzzle@wanadoo.fr<br />
11 décembre 2007. Paris. Séminaire du<br />
CTNERHI sur le thème : Les diverses forme<br />
d’habitat regroupé avec ou sans statutmédico-social<br />
pour personnes handicapées<br />
ou âgées. Inscriptions : CTNERHI, Régine<br />
Martinez, 236 bis rue <strong>de</strong> Tolbiac, 75013<br />
Paris. Tél. : 01 45 65 59 40. Fax :<br />
01 45 65 44 94. E-mail : r.martinez@<br />
ctnerhi.com. Site : www.ctnerhi.com.fr<br />
13 au 15 décembre 2007. Strasbourg.<br />
Second Meeting of West European Societies<br />
of Biological Psychiatry. Secrétariat<br />
: Medicongress, Kloosterstraat 5,<br />
B-9960 Assene<strong>de</strong>. Contact person : Mrs<br />
Els Vertriest. E-mail : els@medicongress.com.<br />
Site : www.medicongress.com.<br />
Tél. : +32 (0)9 344 39 59. Fax :<br />
+32 (0)9 344 40 10.<br />
14 et 15 décembre 2007. Paris. 35 èmes<br />
Journées Nationales Scientifiques <strong>de</strong><br />
Thérapie Comportementale et Cognitive.<br />
Renseignements et isncriptions :<br />
AFTCC, 100 r. <strong>de</strong> la Santé, 75674 Paris<br />
Ce<strong>de</strong>x 14. Tél. : 01 45 88 35 28. E-mail :<br />
aftcc@wanadoo.fr. Site : www.aftcc.org<br />
15 décembre 2007. Paris. Matinée <strong>de</strong><br />
la Société <strong>de</strong> Gynécologie et Obstétrique<br />
Psychosomatique sur le thème : Où en<br />
est la psychosomatique aujourd’hui ? Inscriptions<br />
: Tél. : 01 46 42 11 30. E-mail :<br />
helene.jacquemin@santesurf.com<br />
15 décembre 2007. Boulogne Billancourt.<br />
Colloque International organisé<br />
par le Collège International <strong>de</strong> l’Adolescence<br />
et le Laboratoire <strong>de</strong> Psychologie<br />
Clinique et <strong>de</strong> Psychopathologie<br />
(Paris Descartes) sur le thème : Délinquance<br />
à l’adolescence : état <strong>de</strong>s lieux.<br />
Renseignements et inscriptions. Tél. :<br />
01 55 20 58 22 (mardi, mercredi, jeudi<br />
après-midi). Site : www.colloquecila.org<br />
26 décembre 2007. Lyon. Colloque Enfances<br />
& Psy sur le thème : L’animal et<br />
l’enfant. Rencontre, médiation ou thérapie.<br />
Renseignements et inscriptions. Tél. :<br />
08 71 57 99 94 (boîte vocale). E-mail :<br />
colloques@enfancesetpsy.net (en précisant<br />
Lyn).<br />
12 janvier 2008. Saint-Etienne du Rouvray.<br />
Journée <strong>de</strong> la SEPEA sur le thème :<br />
Psychothérapie <strong>de</strong> l’adolescent. Renseignements<br />
: Yves Le Guellec, 8 rue Emie-<br />
Duployé, 76000 Rouen.<br />
19 janvier 2008. Paris. Colloque du<br />
Groupe d’Etu<strong>de</strong>s C.G. Jung sur le thème :<br />
Carl Gustav Jung et l’imaginaire. Renseignements<br />
: Tél. : 06 85 29 35 45. Email<br />
: groupe-jung@jung.asso.fr<br />
19 et 20 janvier 2008. Paris. Colloque<br />
<strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> Thérapie Familiale<br />
Psychanalytique d’Ile-<strong>de</strong>-France sur le<br />
thème : Violences conjugales, violences<br />
familiales. Renseignements et inscriptions<br />
: Société <strong>de</strong> Thérapie Familiale<br />
Psychanalytique d’Ile-<strong>de</strong>-France, 7<br />
rue Ernest Cresson, 75014 Paris. Tél. :<br />
01 74 71 71 66. E-mail : stfp.if@laposte.ney<br />
20 janvier 2008. Paris. Journée d’Etu<strong>de</strong><br />
organisée par le GIREP sur le thème :<br />
Ces peurs qui nous habitent. Imaginaire <strong>de</strong><br />
la peur et peurs imaginaires. Renseignements<br />
: GIREP. Tél. : 01 42 22 75 14.<br />
25 janvier 2008. Paris. XXV èmes Journées<br />
Nationales <strong>de</strong> l’Association Française<br />
<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> et 5 e Colloque International<br />
<strong>de</strong> Psychodynamique et<br />
Psychopathologie du Travail sur le<br />
thème : Clinique du Travail et psychiatrie,<br />
organisé conjointement par la Chaire<br />
Psychanalyse-Santé-Travail du CNAM<br />
(Christophe Dejours) et l’Association<br />
Française <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> (Yves Manela).<br />
Renseignements et inscriptions : AFP, 6<br />
passage Abel Leblanc, 75012 Paris. Tél. :<br />
01 42 71 41 11. Fax : 01 42 71 36 60.<br />
www.psychiatrie-francaise.com<br />
26 janvier 2008. Paris. Entretiens <strong>de</strong><br />
l’Association Psychanalytique <strong>de</strong> France<br />
(AFP) sur le thème : Maladie et guérison<br />
en psychanalyse. Renseignements : Tél. :<br />
01 43 29 85 11. E-mail : lapf@wanadoo.fr<br />
26 janvier 2008. Neuilly. Association<br />
Edouard Claparè<strong>de</strong>. 1 ère Journée d’Etu<strong>de</strong><br />
du Séminaire Clinique <strong>de</strong> l’Autisme, Evaluations,<br />
Recherche sur le thème : De l’imitation<br />
aux i<strong>de</strong>ntifications dans l’autisme :<br />
nouvelles perspectives. Renseignements<br />
et inscriptions : Sylvia Sanches, Unité<br />
<strong>de</strong> Formation et d’Enseignement<br />
Simone Decobert, 5 rue du Général<br />
Cordonnier, 92200 Neuilly-sur-Seine.<br />
Tél. : 01 47 45 97 04. E-mail : institutclapare<strong>de</strong>@wanadoo.fr<br />
26 janvier 2008. Tours. XXXVI e Journées<br />
Annuelles <strong>de</strong> Thérapie Psychomotrice<br />
sur le thème : S’attacher pour<br />
mieux se détacher <strong>de</strong> l’étayage corporel en<br />
thérapie psychomotrice. Renseignements :<br />
SNUP - XXXVI e J.A., 24 bd Paul Vaillant<br />
Couturier, 94200 Ivry-sur-Seine. Tél. :<br />
01 56 20 02 91. Fax : 01 56 20 14 70.<br />
Site : www.snup.fr. E-mail : info@snup.fr<br />
26 janvier 2008. Paris. Les Entetiens <strong>de</strong><br />
l’Association Psychanalytique <strong>de</strong> France<br />
sur le thème : Maladie et guérison en psychanalyse.<br />
Renseignements : APF, 24<br />
place Dauphine, 75001 Paris. Tél. :<br />
01 43 29 85 11. E-mail : lapf@wana-<br />
doo.fr - www.associationpsychanalytique<strong>de</strong>france.org<br />
6 au 9 février 2008. Paris. Congrès européen<br />
<strong>de</strong> l’Association Mondiale <strong>de</strong><br />
<strong>Psychiatrie</strong> (AMP) organisé par l’Association<br />
<strong>de</strong>s sociétés françaises membres<br />
<strong>de</strong> l’AMP et les représentants <strong>de</strong>s zones<br />
européennes <strong>de</strong> l’AMP sur le thème :<br />
Ethique, Science et <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> la personne.<br />
Renseignements : www.wpa2008<br />
paris.com<br />
9 février 2008. Paris. Colloque organisé<br />
par l’Institut Français d’Analyse <strong>de</strong><br />
Groupe <strong>de</strong> Psychodrame sur le thème :<br />
Parole, corps et pensée en analyse <strong>de</strong> groupe<br />
et psychodrame. Renseignements : IFAGP.<br />
Tél. : 01 45 88 23 22. E-mail : ifagp@clubinternet.fr<br />
9 février 2008. Paris. Journée Scientifique<br />
organisée par Daniel Widlöcher<br />
et la revue Carnet Psy sur le thème : Psychanalyse<br />
et psychothérapie : continuons<br />
le débat. Inscriptions : Estelle Georges-<br />
Chassot, Carnet Psy, 8 avenue Jean-<br />
Baptiste Clément, 92100 Boulogne. Tél. :<br />
01 46 04 74 35. Fax : 01 46 04 74 00.<br />
13 et 14 mars 2008. Versailles. Les 5 èmes<br />
Rencontres <strong>de</strong> Réh@b’ sur le thème :<br />
La réhabilitation, c’est maintenant ! Renseignements<br />
: www.rehabilite.fr. E-mail :<br />
contact@rehabilite.fr. Inscriptions et propositions<br />
<strong>de</strong> communication : Dr Gilles<br />
Vidon, CFRP, Hôpital Esquirol, 57 rue<br />
du Maréchal Leclerc, 94413 Saint<br />
Maurice Ce<strong>de</strong>x. E-mail : g.vidon@hopital-esquirol.fr.<br />
Tél. : 01 43 96 61 10.<br />
Organisation et logistique : Cap Santé.<br />
E-mail : c.berger@capsante.fr. Tél. :<br />
01 44 24 58 85.<br />
15 mars 2008. Lyon. Rencontre organisée<br />
par les analystes <strong>de</strong> l’Association<br />
Psychanalytique <strong>de</strong> France sur le thème :<br />
L’instistance du sexuel. Renseignements :<br />
APF, 24 place Dauphine, 75001 Paris.<br />
Tél. : 01 43 29 85 11. E-mail : lapf@wanadoo.fr<br />
15 et 16 mars 2008. Paris. Journées <strong>de</strong><br />
printemps d’Espace Analytique sur le<br />
thème : Subversions <strong>de</strong> la psychanalyse.<br />
Renseignements : Tél. : 01 47 05 23 09.<br />
E-mail : espace.analytique@wanadoo.fr<br />
26 au 29 mars 2008. Paris. 6 ème Congrès<br />
<strong>de</strong> l’ARSPG sur le thème : La psychiatrie<br />
dans tous ses états. La psychiatrie ici et<br />
ailleurs. Renseignements : e-mail : arspg@<br />
d-s-o.fr<br />
27 et 28 mars 2008. Paris. Journées<br />
d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Séminaires Psychanalytiques<br />
<strong>de</strong> Paris sur le thème : L’accueil du toutpetit<br />
avec ses parents. Inscriptions : Tél. :<br />
01 46 47 66 04. Fax : 01 46 47 60 66.<br />
E-mail : sempsy@free.fr<br />
28 et 29 mars 2008. Paris. Colloque<br />
BBADOS sur le thème : Dépression du<br />
bébé, dépression <strong>de</strong> l’adolescent. Inscriptions<br />
: e-mail : bbados@carnetpsy.com<br />
20 au 22 mai 2008. Québec. Congrès<br />
international organisé par le Groupe interdisciplinaire<br />
freudien <strong>de</strong> recherche<br />
et d’intervention cliniques et culturelles<br />
sur le thème : Que peut espérer le psychotique<br />
aujourd’hui ? Renseignements :<br />
GIFRIC/Congrès 2008, 342 bd René<br />
Lévesque Ouest, Québec, Canada G1S<br />
1R9. Tél. : 001 418 687 4350. Fax :<br />
001 418 683 1935. Site : www.gifric.com<br />
30 et 31 mai 2008. Reims. XI èmes Rencontres<br />
<strong>de</strong> la CRIEE sur le thème : Expériences<br />
<strong>de</strong> la folie. Renseignements et<br />
inscriptions : Patrick Chemla, Gérard Rodriguez,<br />
Centre <strong>de</strong> Jour A. Artaud, 40<br />
rue <strong>de</strong> Talleyrand, 51100 Reims. Tél. :<br />
03 26 40 01 23. Fax : 03 26 77 93 14.<br />
E-mail : g.rodriguez@epsdm-marne.fr<br />
7 juin 2008. Paris. XI e Colloque International<br />
du CIPS sur le thème : Psychosomatique<br />
<strong>de</strong> l’enfant et <strong>de</strong> l’adolescent.<br />
Renseignements : Tél./Fax :<br />
01 45 20 28 75. E-mail : c.i.psychosoma@wanadoo.fr<br />
24 au 26 juillet 2008. Barcelone. 3 ème<br />
Congrès International <strong>de</strong> Psychanalyse<br />
<strong>de</strong> couple et <strong>de</strong> la famille sur le thème :<br />
Violences dans les couples et les familles<br />
contemporaines. Un défi pour la psychanalyse<br />
familiale. Renseignements : E-mail :<br />
congresoAOPPF@blanquera.url.edu -<br />
Site : www.blanquera.url.edu<br />
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007
22<br />
LIVRES<br />
Le royaume intermédiaire<br />
Psychanalyse, littérature, autour<br />
<strong>de</strong> J.-B. Pontalis<br />
Avant-propos <strong>de</strong> François<br />
Gantheret<br />
et Jean-Michel Delacomptée<br />
folio essais n°491<br />
Gallimard, 8,70 €<br />
Ce recueil collecte les interventions du<br />
colloque <strong>de</strong> Cerisy qui s’est tenu en septembre<br />
2006 et un certain nombre<br />
d’autres textes sollicités auprès <strong>de</strong> ceux<br />
qui n’avaient pu être présents ou n’avaient<br />
pas eu l’opportunité d’intervenir.<br />
Poètes, romanciers, psychanalystes se<br />
sont rencontrés, une semaine durant,<br />
pour évoquer l’inspiration qu’ils ont puisée,<br />
pour leurs œuvres et recherches<br />
respectives, dans les livres <strong>de</strong> J.-B. Pontalis.<br />
Le Rituel du serpent<br />
Récit d’un voyage en pays pueblo<br />
Aby Warburg<br />
Introduction par Joseph Leo<br />
Koerner<br />
Textes <strong>de</strong> Fritz SaxI (1930)<br />
et <strong>de</strong> Bene<strong>de</strong>tta Cestelli Guidi<br />
Macula, 23 €<br />
Le Rituel du serpent est la meilleure introduction<br />
à l’œuvre d’Aby Warburg.<br />
Entrepris à 29 ans, son voyage chez les<br />
Hopis apparaît comme l’expression d’un<br />
Directeur <strong>de</strong> la rédaction :<br />
Gérard Massé<br />
Rédacteur en chef : François Caroli<br />
Comité <strong>de</strong> rédaction : Centre Hospitalier<br />
Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75014 Paris.<br />
Tél. 01 45 65 83 09.<br />
Botbol M., Carrière Ph., Dalle B., Goutal M.,<br />
Guedj M.-J., Jonas C., Lascar Ph., Martin A.,<br />
Paradas Ch., Sarfati Y., Spadone C.,<br />
Tribolet S., Weill M.<br />
Comité scientifique : Bailly-Salin P.<br />
(Paris), Besançon G. (Nantes), Bourgeois<br />
M. (Bor<strong>de</strong>aux), Buisson G. (Paris), Caillard<br />
V. (Caen), Chabannes J.-P. (Grenoble),<br />
Chaigneau H. (Paris), Christoforov B.<br />
(Paris), Colonna L. (Rouen), Cornillot P.<br />
(Paris), Dufour H. (Genève), Dugas M.<br />
(Paris), Féline A. (Paris), Ginestet D.<br />
(Paris), Guelfi J.-D. (Paris), Guyotat J.<br />
(Lyon), Hochmann J. (Lyon), Koupernik<br />
C. (Paris), Lambert P. (Chambéry), Loo H.<br />
(Paris), Marcelli D. (Poitiers), Marie-<br />
Cardine M. (Lyon), Mises R. (Paris),<br />
Pequignot H. (Paris), Planta<strong>de</strong> A. (Paris),<br />
Ropert R. (Paris), Samuel-Lajeunesse B.<br />
(Paris), Scotto J.-C. (Marseille), Sechter D.<br />
(Lille), Singer L. (Strasbourg), Viallard A.<br />
(Paris), Zarifian E. (Caen).<br />
Comité francophone : Anseau M.<br />
(Belgique), Aubut J. (Canada), Bakiri M.-A.<br />
(Algérie), Cassan Ph. (Canada), Douki S.<br />
(Tunis), Held T. (Allemagne), Lalon<strong>de</strong> P.<br />
(Canada), Moussaoui D. (Maroc), Romila A.<br />
(Roumanie), Simon Y.-F. (Belgique), Stip E.<br />
(Canada), Touari M. (Algérie).<br />
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Tél. 01 45 50 23 08.<br />
Télécopie : 01 45 55 60 80<br />
E-mail : info@nervure-psy.com<br />
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54, bd Latour-Maubourg,<br />
75007 Paris<br />
Maquette : Maëval.<br />
Imprimerie Fabrègue<br />
Directeur <strong>de</strong> la Publication :<br />
G. Massé<br />
www.nervure-psy.com<br />
désir d’échapper aux confinements, aux<br />
conditionnements <strong>de</strong> son milieu et <strong>de</strong><br />
sa discipline académique : « J’étais sincèrement<br />
dégoûté <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’art esthétisante<br />
».<br />
Warburg a passé cinq mois en Amérique.<br />
Il a observé, <strong>de</strong>ssiné, photographié<br />
les rituels indiens.<br />
Rentré à Hambourg, il a organisé trois<br />
projections dans <strong>de</strong>s photo-clubs. Puis<br />
il a repris sa vie <strong>de</strong> chercheur, publié<br />
<strong>de</strong>s essais qui feront date : Art italien et<br />
astrologie... (1912), La divination païenne<br />
et antique dans les écrits et les images à<br />
l’époque <strong>de</strong> Luther (1920), etc.<br />
En 1923, vingt-sept ans après son en-<br />
quête chez les Hopis, Warburg, interné<br />
dans la clinique psychiatrique <strong>de</strong> Ludwig<br />
Binswanger, à Kreuzlingen, pour<br />
<strong>de</strong>s troubles mentaux accentués par la<br />
guerre, a <strong>de</strong>mandé avec insistance à<br />
prononcer une conférence*.<br />
Alors ressurgissent <strong>de</strong>vant soignants et<br />
mala<strong>de</strong>s tous les détails du voyage américain<br />
: danses, sanctuaires, parures,<br />
gestes, habitats, <strong>de</strong>ssins, rencontres ;<br />
mais aussi la chaîne d’associations qui,<br />
sur le thème ambivalent du serpent -<br />
cruel avec Laocoon, bénéfique avec Asclépios,<br />
séducteur et mortifère avec les<br />
nymphes serpentines <strong>de</strong> Botticelli ou<br />
<strong>de</strong> Ghirlandaio - n’a cessé d’entraîner<br />
Warburg d’une Antiquité millénaire<br />
jusqu’aux pratiques cérémonielles <strong>de</strong>s<br />
« primitifs ».<br />
Ce qu’il cherchait, ce qu’il a trouvé chez<br />
les Hopis, il en prend conscience à Kreuzlingen<br />
: c’est le point <strong>de</strong> distance dont<br />
il avait besoin pour reformuler son travail,<br />
revisiter l’art européen : « Après<br />
mon retour, écrira-t-il en 1927, je me<br />
penchai sur la culture florentine du Quattrocento,<br />
afin d’examiner sur une tout<br />
autre base, plus large cette fois, la structure<br />
psychique <strong>de</strong> l’homme <strong>de</strong> la Renaissance<br />
».<br />
Son regard sur l’univers « primitif » <strong>de</strong>s<br />
Indiens a permis à Warburg d’en ter-<br />
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
miner avec l’idée <strong>de</strong> l’œuvre comme fin<br />
en soi, réduite à la délectation, <strong>de</strong> dépasser<br />
l’histoire du goût, l’attributionnisme,<br />
le biographisme, le formalisme<br />
restreint <strong>de</strong> Wölfflin.<br />
A ses yeux, l’art relève <strong>de</strong> l’anthropologie<br />
culturelle, et rien ne doit échapper<br />
aux investigations du chercheur:<br />
ethnologie, mais aussi astrologie, mythologie,<br />
théories du geste, psychologie.<br />
Voir le compte-rendu <strong>de</strong> « La guérison infinie »<br />
Ludwig Binswanger, Aby Warburg, Bibliothèque<br />
Rivages dans le numéro d’avril 2007 du <strong>Journal</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>Nervure</strong>, page 4.
N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />
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Recherche<br />
PSYCHIATRES TEMPS PLEIN<br />
• Un poste à pourvoir en janvier 2008 sur le secteur 56G09<br />
« <strong>Psychiatrie</strong> Adulte » avec activité sur Pontivy (56) : activité <strong>de</strong><br />
secteur – hospitalisation plein temps.<br />
• Un poste à pourvoir immédiatement à l’intersecteur <strong>de</strong><br />
psychiatrie infanto-juvénile 22I03 (C.M.P.E.A. – H.J.E.A.)<br />
• Un poste à pourvoir pour avril 2008 dans la <strong>de</strong>uxième unité <strong>de</strong><br />
l’U.M.D. dont l’ouverture sera effective en janvier 2008.<br />
C.C.N.51 - Possibilité P.H. détaché Fonction Publique<br />
Logement <strong>de</strong> fonction (maison individuelle)<br />
Candidature et C.V. à adresser à :<br />
M. le Directeur Général <strong>de</strong> l’A.H.B.<br />
Centre Hospitalier<br />
22110 PLOUGUERNEVEL<br />
Tél. 02.96.57.10.65 - Fax 02.96.36.03.24<br />
e-mail : a.legarrec@ahbretagne.com<br />
L'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE<br />
MAISON BLANCHE<br />
Recrute h/f<br />
PSYCHIATRE<br />
PRATICIEN HOSPITALIER À TEMPS PARTIEL<br />
pour son Service intersectoriel d'accueil<br />
et <strong>de</strong> soins LA TERRASSE (psychiatrie et toxicomanie)<br />
Missions du poste :<br />
Travail dans un centre d'accueil pluridisciplinaire à la<br />
consultation et à la prescription<br />
• Evaluation,<br />
• Consultation,<br />
• Prescription, prescription spécialisée (substitution),<br />
• Participation aux réunions <strong>de</strong> synthèse,<br />
• Travail en équipe,<br />
• Enseignement.<br />
Pour nous rejoindre et pour tout renseignement,<br />
contacter : Mr le docteur Jacques JUGMAN<br />
Chef <strong>de</strong> Service - Tél : 01.42.26.03.12<br />
TRAIT D’UNION