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Novembre - Nervure Journal de Psychiatrie

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www.nervure-psy.com<br />

■ EDITORIAL G. Dubret<br />

Les pédophiles :<br />

qu’en penser,<br />

qu’en dire,<br />

qu’en faire ?<br />

Comme pour chaque fait<br />

divers mettant en scène un<br />

agresseur sexuel et <strong>de</strong>s victimes<br />

auxquelles tout un chacun peut<br />

s’i<strong>de</strong>ntifier, l’embrasement médiatique<br />

<strong>de</strong> la fin <strong>de</strong> l’été a été immédiat. La récidive,<br />

quelques jours après sa sortie <strong>de</strong> prison, d’un<br />

homme plusieurs fois condamné dans le passé<br />

pour <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> pédophilie, constitue en<br />

effet, un douloureux problème <strong>de</strong> société<br />

pour lequel les réponses ne seront jamais univoques,<br />

mais <strong>de</strong>vront articuler, sous l’égi<strong>de</strong><br />

d’une volonté politique rigoureuse, <strong>de</strong>s<br />

mesures pénales et <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> soins pour<br />

lesquelles les psychiatres sont concernés.<br />

Malheureusement, l’embrasement médiatique<br />

n’est pas propice aux analyses approfondies ni<br />

aux opinions pertinentes. Chaque acteur est<br />

amené à jouer son rôle <strong>de</strong> façon caricaturale :<br />

les journalistes affolés traquent tout psychiatre<br />

susceptible <strong>de</strong> dire quoi que ce soit qui puisse<br />

faire <strong>de</strong> l’audience. Les quelques psychiatres<br />

concernés, ravis <strong>de</strong> disposer d’une « fenêtre <strong>de</strong><br />

tir », tentent <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>s analyses complexes<br />

qui résistent mal au formatage réducteur<br />

du 20 heures, tandis que le politique,<br />

délaissant son rôle d’arbitre et <strong>de</strong> maître<br />

d’œuvre <strong>de</strong> la santé publique, s’efforce <strong>de</strong><br />

surfer sur l’émotion générale.<br />

Dans cette cacophonie, personne ne comprend<br />

rien et, peu à peu, <strong>de</strong>ux idées s’imposent<br />

: celles <strong>de</strong> la dangerosité universelle <strong>de</strong><br />

tous les pédophiles et celles <strong>de</strong> l’impérieuse<br />

nécessité <strong>de</strong> mesures radicales.<br />

Ce qui peut se résumer dans cette brève <strong>de</strong><br />

comptoir maintes et maintes fois répétée<br />

« tous les pédophiles sont <strong>de</strong>s assassins d’enfants<br />

en puissance et la seule solution c’est <strong>de</strong><br />

leur couper les c... ».<br />

(suite page 3 )<br />

Les mé<strong>de</strong>cins ont toujours été confrontés au problème<br />

posé par l’acceptation du traitement prescrit<br />

et à sa prise régulière, Hippocrate déjà dénonçait<br />

la faiblesse <strong>de</strong>s patients qui, bien trop souvent<br />

mentent quand ils sont interrogés sur le respect <strong>de</strong>s<br />

recommandations <strong>de</strong> leur mé<strong>de</strong>cin.<br />

En psychiatrie, cette problématique s’est accentuée<br />

<strong>de</strong>puis les années 50 avec l’apparition <strong>de</strong> nouvelles<br />

thérapeutiques tel le Largactil ® en 1952 ou le Tofranil<br />

® en 1955 permettant une guérison, sinon une<br />

nette amélioration <strong>de</strong>s symptômes et une diminution<br />

significative <strong>de</strong>s rechutes. Ces nouvelles thérapeutiques<br />

ont révolutionné la prise en charge <strong>de</strong>s<br />

patients présentant <strong>de</strong>s troubles mentaux en particulier<br />

<strong>de</strong>s psychotiques chroniques. Aujourd’hui cette<br />

problématique est omniprésente tant dans l’esprit<br />

<strong>de</strong>s praticiens que dans les congrès scientifiques internationaux,<br />

en témoigne la <strong>de</strong>rnière version du Diagnostic<br />

and Statistical Manual of mental Disor<strong>de</strong>rs<br />

(DSM IV) qui dans une catégorie additionnelle énumérant<br />

les facteurs cliniques <strong>de</strong>vant retenir l’attention<br />

cite « la non-observance du traitement » Z91.1 (1).<br />

De l’expérience <strong>de</strong>s psychiatres confrontés aux refus<br />

<strong>de</strong> soins, aux échappements thérapeutiques, et aux<br />

mésusages <strong>de</strong>s traitements est née une réflexion sur<br />

les raisons <strong>de</strong> ces difficultés et les moyens d’infléchir<br />

l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s patients vis-à-vis <strong>de</strong>s soins.<br />

Les Unités d’Hospitalisation <strong>de</strong> Courte Durée<br />

(UHCD) sont définies administrativement en<br />

France comme faisant partie <strong>de</strong>s Services d’Urgence<br />

<strong>de</strong>puis 1991 (1).<br />

Elles permettent aux patients accueillis dans les<br />

Services d’Urgence <strong>de</strong> bénéficier d’une structure<br />

d’hospitalisation complète, afin <strong>de</strong> permettre un<br />

retour à domicile ou une orientation spécifique<br />

dans <strong>de</strong> meilleures conditions <strong>de</strong> sécurité et d’efficacité.<br />

Les UHCD sont donc <strong>de</strong>s unités d’hospitalisation à<br />

part entière disposant 24 heures sur 24, 7 jours<br />

sur 7, d’une présence médicale autorisant <strong>de</strong>s exa-<br />

Napoléon n’était pas fou<br />

En 2004 et 2005, Napoléon fut mis sur le <strong>de</strong>vant<br />

<strong>de</strong> la scène à maintes reprises. En 2004 notamment<br />

pour le bicentenaire du Sacre (2 décembre<br />

1804), et en 2005 pour la célèbre victoire d’Austerlitz,<br />

qui fit couler beaucoup <strong>de</strong> sang en 1805, et<br />

beaucoup d’encre <strong>de</strong>ux siècles plus tard. Que peuton<br />

encore écrire sur Napoléon Bonaparte ? Un <strong>de</strong>s<br />

grands spécialistes français <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> qui nous<br />

intéresse ici souligne qu’« avec <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> milliers<br />

d’ouvrages qui lui sont consacrés, Napoléon est,<br />

avec Jésus-Christ, le personnage historique qui a le plus<br />

suscité l’intérêt <strong>de</strong>s historiens et <strong>de</strong>s écrivains » (29).<br />

Déjà, en 1931, J. Bainville ouvrait son célèbre Napoléon<br />

<strong>de</strong> la façon suivante : « Sur Napoléon, sur ce qui<br />

le touche <strong>de</strong> près ou <strong>de</strong> loin, sur les événements auxquels<br />

son nom est mêlé, on a écrit tant <strong>de</strong> livres, tant d’essais,<br />

d’étu<strong>de</strong>s, sans compter les mémoires, que le zélé bibliographe<br />

Kircheisen avait réuni près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cent mille<br />

fiches. Et ce n’est pas fini » (1) (I). L’Homme Napoléon<br />

a fasciné <strong>de</strong> son vivant, sa légen<strong>de</strong> s’est construite –<br />

De l’observance<br />

lui-même n’y était pas pour rien, c’est peu <strong>de</strong> le dire<br />

– dès ses premiers éclats militaires en Italie, et il fascine<br />

toujours autant <strong>de</strong>ux siècles après son Sacre.<br />

Difficile, impossible peut-être, <strong>de</strong> rester indifférent<br />

au parcours vertigineux <strong>de</strong> Napoléon Bonaparte. En<br />

quelques pages, nous ne pouvons, bien entendu,<br />

retracer la vie <strong>de</strong> Napoléon, et cela n’aurait ici que peu<br />

d’intérêt. Il faut pour cela se référer aux nombreuses<br />

biographies, mais aux plus sérieuses (nous en donnons<br />

quelques unes en références à la fin <strong>de</strong> cet article).<br />

Nous tenterons d’apporter notre pierre à l’édifice,<br />

gigantesque, en proposant <strong>de</strong> dresser un tableau<br />

peut-être inédit <strong>de</strong> l’Empereur, un tableau qui ira<br />

chercher au plus intime, qui visera à mettre en lumière<br />

les aspects qui nous semblent essentiels pour dévoiler<br />

une part <strong>de</strong> vérité sur l’homme Napoléon. Les<br />

travaux <strong>de</strong>s meilleurs spécialistes nous ai<strong>de</strong>ront à<br />

mieux cerner le personnage. Les mots mêmes <strong>de</strong><br />

De cette réflexion est né un vocabulaire technique.<br />

C’est ainsi qu’on a pu observer dans la littérature les<br />

termes d’observance, <strong>de</strong> compliance ou d’adhésion.<br />

Ces termes, usités par tous, sont souvent employés<br />

avec peu <strong>de</strong> spécificité. C’est pourquoi nous nous<br />

intéresserons plus précisément aux définitions <strong>de</strong> ces<br />

termes, à l’évolution <strong>de</strong>s stratégies d’amélioration <strong>de</strong><br />

l’observance et aux rôles et aux dérives potentielles <strong>de</strong><br />

l’évolution actuelle.<br />

L’observance premier concept développé se définit<br />

selon le petit Robert comme l’action d’observer habituellement,<br />

<strong>de</strong> pratiquer une règle en matière religieuse.<br />

Médicalement, l’observance est le fait <strong>de</strong> se<br />

soumettre à une règle, en l’occurrence la règle dictée<br />

par le mé<strong>de</strong>cin par l’intermédiaire <strong>de</strong> sa prescription.<br />

Il semble que ce terme correspon<strong>de</strong> à une obéissance<br />

passive, le patient ne participant aucunement à la<br />

décision thérapeutique.<br />

Un autre terme employé dans un sens similaire est la<br />

compliance, ce mot emprunté à la physique définit les<br />

caractéristiques <strong>de</strong>s corps élastiques. La compliance a<br />

pour éthymologie le verbe complaire, ce qui introduit<br />

une nuance supplémentaire à la simple obéissance, le<br />

désir du patient <strong>de</strong> plaire à son mé<strong>de</strong>cin.<br />

Evaluation <strong>de</strong> la prescription <strong>de</strong>s<br />

psychotropes dans une unité<br />

d’hospitalisation <strong>de</strong> courte durée<br />

■ PSYCHO BIOGRAPHIE N. Brémaud<br />

(suite page 7 )<br />

■ URGENCE<br />

(suite page 3 )<br />

mens cliniques répétés, <strong>de</strong>s prises <strong>de</strong> décisions diagnostiques,<br />

thérapeutiques ou d’orientation.<br />

Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’activité psychiatrique, toutes<br />

ces unités reçoivent un nombre important et croissant<br />

<strong>de</strong> patients, que ce soit pour <strong>de</strong>s tentatives <strong>de</strong><br />

suici<strong>de</strong> ou pour <strong>de</strong>s symptomatologies spécifiquement<br />

psychiatriques.<br />

L’UHCD <strong>de</strong>s Hôpitaux du Léman<br />

L’Unité d’Hospitalisation <strong>de</strong> Courte Durée (UHCD)<br />

<strong>de</strong>s Hôpitaux du Léman a été créée en juin 2005.<br />

(suite page 6 )<br />

NOVEMBRE 2007 1<br />

ISSN 0988-4068<br />

n° 8 - Tome XX - 11/2007<br />

Tirage : 10 000 exemplaires<br />

Directeur <strong>de</strong> la Publication et <strong>de</strong> la<br />

Rédaction : G. Massé<br />

Rédacteur en chef : F. Caroli<br />

Rédaction : Hôpital Sainte-Anne,<br />

1 rue Cabanis - 75014 Paris<br />

Tél. 01 45 65 83 09 - Fax 01 45 65 87 40<br />

Abonnements :<br />

54 bd La Tour Maubourg - 75007 Paris<br />

Tél. 01 45 50 23 08 - Fax 01 45 55 60 80<br />

Prix au numéro : 9,15 €<br />

E-mail : info@nervure-psy.com<br />

AU SOMMAIRE<br />

ÉDITORIAL<br />

Les pédophiles :<br />

qu’en penser, qu’en dire,<br />

qu’en faire ? p.1<br />

FMC<br />

De l’observance p.3<br />

URGENCE<br />

Evaluation <strong>de</strong> la prescription<br />

<strong>de</strong>s psychotropes dans une<br />

unité d’hospitalisation <strong>de</strong><br />

courte durée p.6<br />

PSYCHO BIOGRAPHIE<br />

Napoléon n’était pas fou p.7<br />

RÉFLEXION<br />

La dé-pression p.13<br />

HUMEUR<br />

Assujettir ou asservir ? p.14<br />

THÉRAPEUTIQUE<br />

S’ABONNER<br />

à<br />

■ FMC A. Merlot<br />

L. Sache<br />

Insertion sociale et<br />

autonomie chez le patient<br />

psychotique : résultats<br />

<strong>de</strong>s enquêtes ACT et ISA p.15<br />

ANNONCES EN BREF p.20<br />

ANNONCES<br />

PROFESSIONNELLES p.23<br />

mais aussi<br />

à la Revue,<br />

c’est si simple


N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

Communément ces termes, très usités,<br />

renvoient à l’évaluation, par un<br />

observateur, <strong>de</strong> la concordance entre le<br />

comportement d’un individu concernant<br />

la prise du traitement, l’hygiène<br />

<strong>de</strong> vie par exemple et les recommandations<br />

du mé<strong>de</strong>cin.<br />

Un patient observant ou compliant est<br />

un patient qui participe passivement à<br />

son traitement en se conformant à la<br />

parole médicale parfois au détriment <strong>de</strong><br />

ses propres convictions.<br />

La non-observance peut être <strong>de</strong> plusieurs<br />

types : absence <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> médicamenteuse,<br />

prises injustifiées, erreur<br />

<strong>de</strong> posologie, prise <strong>de</strong> traitement non<br />

prescrit, erreur dans les horaires <strong>de</strong><br />

prise. Cette non-observance peut être<br />

intentionnelle ou non. Sur un plan<br />

purement quantitatif, il paraît difficile <strong>de</strong><br />

définir un patient observant ou nonobservant<br />

; les étu<strong>de</strong>s sont en désaccord,<br />

certaines proposent <strong>de</strong> définir un<br />

pourcentage, dose prise/dose théorique<br />

à prendre, spécifique d’une molécule,<br />

permettant l’évaluation <strong>de</strong> l’observance<br />

(Barbeau G. et al.).<br />

Plus récemment, le terme d’adhésion a<br />

pris une importance croissante dans le<br />

discours médical et en particulier psychiatrique.<br />

Ce terme met l’accent sur le<br />

rôle actif que prend le patient dans le<br />

choix <strong>de</strong> son traitement. Ce nouveau<br />

visage du patient suppose une interaction<br />

très forte entre celui-ci et les soignants<br />

afin <strong>de</strong> pouvoir intégrer une<br />

connaissance scientifique suffisante pour<br />

pouvoir prendre part à la décision thérapeutique,<br />

faisant <strong>de</strong> l’ordonnance le<br />

témoin d’une négociation. Le rapport<br />

<strong>de</strong> force <strong>de</strong>vrait donc cé<strong>de</strong>r place à<br />

une collaboration puisque l’adhésion<br />

suppose que le patient se conforme à<br />

la prescription médicale après avoir<br />

donné son accord seulement.<br />

Actuellement ce problème est omniprésent<br />

en mé<strong>de</strong>cine, tant en mé<strong>de</strong>cine<br />

somatique qu’en psychiatrie, en aigu<br />

et en chronique.<br />

Par exemple selon une récente étu<strong>de</strong><br />

réalisée par le laboratoire Pfizer (COM-<br />

PLy, J-C Péchère et al.), sur 4500 personnes<br />

(11 pays différents) 22% <strong>de</strong>s<br />

personnes interrogées affirment ne pas<br />

avoir observé à la lettre leur <strong>de</strong>rnier<br />

traitement antibiotique, la moitié a<br />

conservé le reste <strong>de</strong> leur traitement<br />

afin <strong>de</strong> le réutiliser ultérieurement. Pour<br />

les hypertendus, on retrouve <strong>de</strong>s taux<br />

<strong>de</strong> non-observance tournant autour <strong>de</strong><br />

60%.<br />

En psychiatrie, on observe selon les<br />

étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> 16 à 80% <strong>de</strong> non-observance.<br />

Chez les patients schizophrènes<br />

on retrouve environ 50% <strong>de</strong> nonobservants<br />

à un an <strong>de</strong> la sortie d’hospitalisation<br />

et 75% à 2ans (2). Parmi ces<br />

Les pédophiles : qu’en penser,<br />

qu’en dire, qu’en faire ?<br />

Et puis le soufflet retombe et le sujet<br />

n’intéresse plus grand mon<strong>de</strong>. C’est<br />

pourtant loin du tumulte qu’il faut<br />

penser ces questions douloureuses.<br />

Que sait-on aujourd’hui <strong>de</strong> la pédophilie,<br />

en particulier sur le plan psychopathologique<br />

?<br />

De façon provocatrice, on pourrait<br />

dire qu’on ne sait pas grand-chose, si<br />

ce n’est ce que les pédophiles veulent<br />

bien nous en dire.<br />

Ainsi, les connaissances sur le sujet<br />

restent toujours fragmentaires et empiriques.<br />

Mais, en cela, elles ne diffèrent<br />

en rien <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>s connaissances<br />

médicales en général. C’est<br />

seulement lorsque les mé<strong>de</strong>cins rencontrent<br />

<strong>de</strong>s patients et les troubles<br />

dont ils sont porteurs, qu’ils peuvent<br />

commencer à formuler <strong>de</strong>s hypothèses<br />

éthiopathogéniques, proposer<br />

<strong>de</strong>s schémas thérapeutiques et constituer<br />

un corpus théorique. Sans cette<br />

rencontre, aucune observation clinique<br />

n’est possible et toute élaboration<br />

théorique reste hasar<strong>de</strong>use.<br />

Or, les pédophiles ne consultent pas<br />

spontanément. Leurs rencontres avec<br />

les psychiatres ou les psychologues<br />

s’inscrivent, nécessairement, dans un<br />

contexte judiciaire. C’est la justice<br />

pénale qui va susciter, organiser et<br />

parfois imposer cette rencontre. C’est<br />

ainsi qu’une gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong>s connaissances<br />

acquises sur ce sujet découle<br />

<strong>de</strong> l’application <strong>de</strong> la loi du 18 juin<br />

1998 qui permet d’articuler <strong>de</strong>s<br />

mesures <strong>de</strong> soins et <strong>de</strong>s mesures<br />

pénales.<br />

Le tout judiciaire<br />

Qu’a-t-on appris ? Les premiers enseignements<br />

ont permis <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s<br />

distances vis-à-vis <strong>de</strong>s conceptions historiques<br />

et, en particulier, vis-à-vis du<br />

concept <strong>de</strong> pervers sexuel hérité <strong>de</strong><br />

Dupré et <strong>de</strong> Kraft-Ebing. Même si les<br />

élaborations théoriques freudiennes<br />

sur les perversions sexuelles ont été<br />

éclairantes, le terme <strong>de</strong> pervers sexuel<br />

induit la confusion entre les notions <strong>de</strong><br />

perversions et <strong>de</strong> perversité. Surtout,<br />

il sous-entend qu’il existe une intrication<br />

obligatoire entre l’orientation<br />

sexuelle d’un sujet et la structure <strong>de</strong> sa<br />

personnalité. Dès lors, toute personne<br />

dont l’orientation sexuelle s’écarterait<br />

d’une stricte hétéro-sexualité <strong>de</strong>vrait<br />

De l’observance<br />

présenter une personnalité structurée<br />

sur un mo<strong>de</strong> pervers.<br />

Il en découle une philosophie démissionnaire<br />

chez certains psychiatres<br />

persuadés que seule la justice pénale<br />

serait concernée par cette question<br />

et qui répètent ici ou là : « Tous les<br />

délinquants sexuels sont <strong>de</strong>s pervers. Il<br />

n’y a pas <strong>de</strong> traitement pour les pervers.<br />

C’est à la justice pénale <strong>de</strong> s’en<br />

débrouiller... ».<br />

Mais les élaborations théoriques ne<br />

peuvent précé<strong>de</strong>r l’observation clinique<br />

et l’observation clinique nous<br />

amène à distinguer clairement les<br />

troubles <strong>de</strong> l’orientation sexuelle et<br />

les troubles <strong>de</strong> la personnalité.<br />

Les troubles <strong>de</strong> l’orientation<br />

sexuelle<br />

L’orientation sexuelle <strong>de</strong> chaque sujet<br />

résulte <strong>de</strong> l’aboutissement, <strong>de</strong> l’achèvement<br />

<strong>de</strong>s conflits structurants et <strong>de</strong>s<br />

processus <strong>de</strong> maturation qui permettent<br />

à chacun d’accé<strong>de</strong>r à une sexualité<br />

adulte. Cette maturation ne va<br />

pas sans avatar, comme l’indique<br />

Freud <strong>de</strong> la façon la plus explicite :<br />

« L’intérêt sexuel exclusif <strong>de</strong> l’homme<br />

pour la femme n’est pas une chose qui<br />

va <strong>de</strong> soi (...) mais bien un problème<br />

qui mérite d’être éclairci ». Dans les<br />

« Trois Essais sur la théorie <strong>de</strong> la sexualité<br />

», il développe l’idée qu’au cours<br />

<strong>de</strong> ses premières années l’enfant tire<br />

<strong>de</strong>s différentes parties <strong>de</strong> son corps<br />

<strong>de</strong>s plaisirs qu’il organise dans une<br />

activité auto-érotique. Cette diversité<br />

<strong>de</strong>s zones érogènes qui se développe<br />

avant l’avènement <strong>de</strong>s fonctions<br />

génitales proprement dites, correspond<br />

à « la disposition perverse polymorphe<br />

».<br />

C’est le conflit œdipien et la menace<br />

<strong>de</strong> castration qui instituent le parent<br />

<strong>de</strong> l’autre sexe comme objet <strong>de</strong> désir,<br />

et le parent du même sexe comme<br />

objet d’i<strong>de</strong>ntification.<br />

L’accès à une sexualité adulte, après la<br />

phase <strong>de</strong> latence et les investissements<br />

intellectuels qui permettent la sublimation,<br />

nécessite une résolution harmonieuse<br />

<strong>de</strong> ces conflits fondamentaux,<br />

faute <strong>de</strong> quoi les perversions<br />

sexuelles <strong>de</strong> l’adulte viennent signer la<br />

persistance ou la réapparition d’une<br />

composante partielle <strong>de</strong> la sexualité. Il<br />

ne s’agit donc pas d’une déviation par<br />

patients, 71% n’observent que partiellement<br />

la prescription, , 33% ne respectent<br />

pas la durée du traitement et<br />

16% n’achètent pas les médicaments<br />

(Zagury 98) (3). Pour les traitements<br />

antidépresseurs, on retrouve 30 à 70%<br />

<strong>de</strong> non-observance, 20 à 40% dans le<br />

cas <strong>de</strong> la lithiothérapie (4). Il existe toutefois<br />

une très gran<strong>de</strong> disparité <strong>de</strong>s<br />

résultats selon les étu<strong>de</strong>s en partie expliquée<br />

par la gran<strong>de</strong> difficulté <strong>de</strong> l’évaluation<br />

<strong>de</strong> l’observance liée à <strong>de</strong><br />

gran<strong>de</strong>s disparités méthodologiques<br />

(questionnaires, dosages <strong>de</strong>s concentrations<br />

sanguines <strong>de</strong>s médicaments) (5),<br />

ce problème étant également présent<br />

dans la pratique clinique.<br />

La question <strong>de</strong> l’observance thérapeutique<br />

est incontournable pour les praticiens<br />

et en particulier pour ceux travaillant<br />

avec les pathologies chroniques.<br />

En effet, les étu<strong>de</strong>s s’accor<strong>de</strong>nt sur le<br />

fait que l’observance décroît avec la<br />

durée <strong>de</strong> l’affection (Reynaud et Malarewicz,<br />

1996) (2). Ce problème est majoré<br />

chez les patients souffrant <strong>de</strong> pathologies<br />

difficiles à percevoir par le mala<strong>de</strong><br />

lui-même. C’est le cas <strong>de</strong>s pathologies<br />

somatiques telles que l’hypertension<br />

artérielle ou le diabète qui, en <strong>de</strong>hors<br />

<strong>de</strong>s décompensations aiguës, ne pré-<br />

rapport à un instinct primitivement<br />

normal, mais <strong>de</strong> la persistance ou la<br />

réapparition d’une pratique du plaisir<br />

acquise dans les premiers sta<strong>de</strong>s<br />

du développement.<br />

Si l’orientation hétérosexuelle représente,<br />

à la fois, la norme dans le<br />

consensus social et l’orientation majoritaire<br />

sur le plan statistique, d’autres<br />

choix d’objet sexuel sont connus<br />

<strong>de</strong>puis toujours. Parmi eux, dans la<br />

secon<strong>de</strong> moitié du XX e siècle, l’orientation<br />

homosexuelle s’est clairement<br />

dégagée <strong>de</strong> toute notion <strong>de</strong> pathologie.L’orientation<br />

pédophilique, quant<br />

à elle, n’a pas <strong>de</strong> statut clair au regard<br />

<strong>de</strong> la pathologie. Pas plus que l’homosexualité,<br />

elle ne peut être assimilée<br />

à une maladie mentale. On mesure<br />

rapi<strong>de</strong>ment combien cette assimilation<br />

serait confusionnante.<br />

Comme l’orientation homosexuelle<br />

ou hétérosexuelle, l’orientation pédophilique<br />

peut ou non être exclusive.<br />

Chez les sujets non exclusifs, malgré<br />

une orientation prépondérante,<br />

d’autres émotions érotiques, voire<br />

d’autres expériences sont possibles,<br />

<strong>de</strong> façon plus ou moins durable.<br />

Sur le plan pénal, c’est la mise en acte<br />

<strong>de</strong> la pédophilie qui est condamnée,<br />

au regard du retentissement catastrophique<br />

subi par les enfants victimes.<br />

L’orientation pédophilique elle-même,<br />

si elle ne donne lieu à aucun passage<br />

à l’acte, n’entre pas dans le champ<br />

pénal. Elle reste une contrainte psychopathologique<br />

qui s’impose au sujet.<br />

Comme tout sujet, le sujet pédophile<br />

doit adapter ses comportements : passage<br />

à l’acte ou acceptation <strong>de</strong> la frustration.<br />

Cette frustration sera moins<br />

difficile lorsque la pédophilie n’est pas<br />

exclusive, mais la tolérance ou l’intolérance<br />

à la frustration introduit un<br />

<strong>de</strong>uxième éclairage, celui <strong>de</strong>s troubles<br />

<strong>de</strong> la personnalité.<br />

Les troubles <strong>de</strong> la<br />

personnalité<br />

Comme pour les sujets homosexuels<br />

ou hétérosexuels, la personnalité <strong>de</strong>s<br />

sujets pédophiles peut être structurée<br />

sur un mo<strong>de</strong> névrotique ou pervers<br />

(voire sur un mo<strong>de</strong> psychotique). Pour<br />

bon nombre <strong>de</strong> sujets, la structure <strong>de</strong><br />

personnalité, mal affirmée, laisse la<br />

place à une immaturité affective plus<br />

ou moins accompagnée d’aménagements<br />

pervers. Pour d’autres, encore,<br />

les mécanismes <strong>de</strong> défense observés<br />

font évoquer un état-limite.<br />

(suite page 5 )<br />

sentent <strong>de</strong>s manifestations cliniques<br />

visibles qu’à un sta<strong>de</strong> très évolué. C’est<br />

bien entendu également le cas <strong>de</strong> la<br />

psychose, aiguë mais également chronique<br />

dont, le déni, les troubles <strong>de</strong> la<br />

pensée, <strong>de</strong> la perception <strong>de</strong> la réalité et<br />

du jugement sont <strong>de</strong>s éléments constitutifs.<br />

La non-observance dans le cas <strong>de</strong>s<br />

pathologies somatiques telles l’hypertension<br />

artérielle (HTA) ou le diabète<br />

est à l’origine d’une importante surmortalité<br />

du patient non-compliant en<br />

particulier pour cet exemple précis par<br />

complications cardio-vasculaires (coronaropathies,<br />

AVC etc…). Il existe pour<br />

la société un surcoût important lié à<br />

l’augmentation du nombre <strong>de</strong> jours<br />

d’hospitalisation liés aux décompensations<br />

et complications intercurrentes.<br />

Dans le domaine <strong>de</strong> la santé mentale,<br />

la non-observance est à l’origine <strong>de</strong><br />

conséquences dommageables pour l’individu<br />

lui-même mais également pour<br />

son entourage et pour la société tout<br />

entière. Sur le plan individuel, l’arrêt<br />

<strong>de</strong>s traitements est à l’origine d’une<br />

augmentation <strong>de</strong>s rechutes que ce soit<br />

dans le cas <strong>de</strong>s troubles bipolaires ou<br />

<strong>de</strong>s psychoses chroniques. Pour la schizophrénie,<br />

40% <strong>de</strong>s rechutes survenant<br />

un an après une première hospitalisation<br />

sont liées à une mauvaise<br />

observance du traitement (2). La noncompliance<br />

entraîne une altération <strong>de</strong><br />

la qualité <strong>de</strong> vie du patient liée, à une<br />

recru<strong>de</strong>scence <strong>de</strong>s symptômes pouvant<br />

même menacer le pronostic vital<br />

<strong>de</strong>s patients (passage à l’acte auto-agressif),<br />

et aux répercussions sociales et<br />

familiales <strong>de</strong> ces rechutes (perte d’emploi,<br />

conflits familiaux…). Les rechutes<br />

sont également sources d’un accroissement<br />

<strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé, en effet<br />

selon la même étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Wei<strong>de</strong>n et<br />

Olfson, 40% du coût hospitalier direct<br />

est attribuable aux rechutes par défaut<br />

d’observance. Le surcoût induit par l’inobservance<br />

totale constitue 7% du coût<br />

total lié au nombre <strong>de</strong> jours d’hospitalisation<br />

pendant une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 12<br />

mois (6). Il existe un risque plus spécifique<br />

à la non-observance <strong>de</strong>s traitements<br />

psychiatriques : le risque <strong>de</strong> passage<br />

à l’acte dans un contexte<br />

d’acutisation symptomatique. En effet,<br />

les facteurs <strong>de</strong> risque <strong>de</strong> passage à l’acte<br />

i<strong>de</strong>ntifiés par les cliniciens sont : la<br />

rupture <strong>de</strong> traitement, la consommation<br />

<strong>de</strong> toxiques et la désocialisation<br />

(7, 8). Ce risque pour la société a<br />

contribué à modifier l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s pouvoirs<br />

publics (loi du 30 juin 1838 modifiée<br />

par la loi du 27 juin 1990 relatives<br />

aux hospitalisations sans<br />

consentement) et l’attention particulière<br />

<strong>de</strong>s praticiens vis-à-vis <strong>de</strong> l’observance<br />

<strong>de</strong>s patients souffrant <strong>de</strong> troubles<br />

mentaux.<br />

Ces ainsi que pour <strong>de</strong>s raisons à la fois,<br />

sanitaires, sociales et éthiques les psychiatres<br />

sont amenés à travailler sur<br />

l’évaluation <strong>de</strong> l’observance médicamenteuse<br />

et sur son amélioration. Initialement,<br />

l’évaluation <strong>de</strong> l’observance<br />

était essentiellement basée sur les signes<br />

d’imprégnation médicamenteuse. Pour<br />

les premiers neuroleptiques utilisés dans<br />

les années 50, un patient observant<br />

était un patient présentant les effets<br />

secondaires extrapyramidaux et anticholinergiques<br />

(rigidité extra-pyramidale,<br />

hypo ou hypersialie…). Les effets<br />

secondaires étaient indissociables <strong>de</strong>s<br />

effets bénéfiques. L’apparition <strong>de</strong>s neuroleptiques<br />

à action prolongée (Haldopéridol<br />

Décanoas, Zuclopenthixol<br />

AP, Flupenthixol AP, Pipotiazine L4,<br />

Fluphénazine <strong>de</strong>canoas) marque un<br />

tournant dans la prescription médicamenteuse.<br />

L’assurance <strong>de</strong> la prise du<br />

traitement lors <strong>de</strong> chaque injection réalisée<br />

par un soignant et les effets secondaires<br />

théoriquement minorés soutiennent<br />

l’hypothèse d’une meilleure<br />

observance <strong>de</strong> ces traitements. Mais<br />

cette hypothèse se révèle au moins<br />

partiellement inexacte. En effet, différentes<br />

étu<strong>de</strong>s montrent que le problème<br />

<strong>de</strong> l’observance reste entier avec<br />

les neuroleptiques à action prolongée.<br />

<br />

LIVRES<br />

FMC ■ 3<br />

Fragments psychologiques<br />

sur la folie<br />

La naissance <strong>de</strong> la psychose<br />

François Leuret<br />

Préface <strong>de</strong> Pierre Morel<br />

Avant-propos <strong>de</strong> David F. Allen<br />

Postface <strong>de</strong> Thierry Tremine<br />

Editions Frison-Roche, 44 €<br />

François Leuret (1797-1851) a suivi<br />

l’enseignement d’Esquirol à la Salpêtrière<br />

et est <strong>de</strong>venu externe chez<br />

Royer-Collard à Charenton. Il a soutenu<br />

sa thèse en 1826 ; dix ans plus<br />

tard il est déjà mé<strong>de</strong>cin chef à Bicêtre.<br />

F. Leuret a été préoccupé par le paupérisme,<br />

mais il est aussi le véritable<br />

théoricien <strong>de</strong> la dissociation psychotique.<br />

Les Fragments psychologiques<br />

sur la folie constituent la naissance<br />

même d’une véritable psychopathologie<br />

<strong>de</strong>s psychoses. Leuret abandonne<br />

les monomanies et réorganise<br />

la clinique <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> folie autour<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pôles.<br />

La folie qui paraît vraisemblable, bien<br />

organisée, sans trouble du langage,<br />

est représentée par les « Arrangeurs ».<br />

On pourrait presque y croire car les<br />

patients font montre <strong>de</strong> conviction<br />

et <strong>de</strong> logique. C’est l’ancêtre du « délire<br />

d’interprétation », la base <strong>de</strong> la paranoïa.<br />

En face du tableau clinique<br />

<strong>de</strong>s arrangeurs, on trouve la pauvreté<br />

sémantique <strong>de</strong>s « Incohérents » ; langage<br />

en ruine, jeu <strong>de</strong> sonorités,<br />

sala<strong>de</strong> <strong>de</strong> mots, jargonophasie et barrages.<br />

On y reconnaît le délire paranoï<strong>de</strong>,<br />

pauvre et mai systématisé...<br />

Bien avant Bleuler, Leuret théorise le<br />

« manque <strong>de</strong> force » dans les associations<br />

à l’œuvre dans l’incohérence<br />

paranoï<strong>de</strong>.<br />

L’intégration<br />

professionnelle <strong>de</strong>s<br />

personnes handicapées<br />

Le travail en milieu ordinaire<br />

Dossier Professionnel Documentaire<br />

2007 n°5<br />

Diffusion CTNERHI, 15,50 €<br />

L’intégration professionnelle <strong>de</strong>s personnes<br />

handicapées en milieu ordinaire<br />

est organisée par la loi pour<br />

l’égalité <strong>de</strong>s droits et <strong>de</strong>s chances, la<br />

participation et la citoyenneté <strong>de</strong>s<br />

personnes handicapées qui réaffirme<br />

le principe <strong>de</strong> non discrimination en<br />

raison du handicap dans le cadre professionnel<br />

et impose aux employeurs<br />

<strong>de</strong> prendre les mesures appropriées<br />

pour permettre aux travailleurs handicapés,<br />

bénéficiaires <strong>de</strong> l’obligation<br />

d’emploi, d’accé<strong>de</strong>r ou <strong>de</strong> conserver<br />

un emploi correspondant à leur qualification.<br />

L’obligation d’emploi reste<br />

fixée à 6% dans les entreprises <strong>de</strong><br />

20 salariés et plus, publiques et privées,<br />

et le champ <strong>de</strong>s bénéficiaires<br />

est étendu aux titulaires d’une carte<br />

d’invalidité et <strong>de</strong> l’allocation aux<br />

adultes handicapés. Ce dossier fait le<br />

point sur l’application <strong>de</strong> la loi à l’ai<strong>de</strong><br />

d’articles <strong>de</strong> fond, d’extraits <strong>de</strong> rapports<br />

pour approfondir les problématiques<br />

soulevées et présente la situation<br />

<strong>de</strong> l’emploi <strong>de</strong>s travailleurs<br />

handicapés en intégrant l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s textes, décrets et arrêtés, publiés<br />

au cours <strong>de</strong> l’année 2006. Il se compose<br />

<strong>de</strong> trois parties. La première examine<br />

l’emploi dans le secteur privé<br />

(en y incluant les entreprises adaptées<br />

et les centres <strong>de</strong> distribution <strong>de</strong><br />

travail à domicile, et dans les trois<br />

fonctions publiques selon les données<br />

administratives disponibles. La<br />

secon<strong>de</strong> expose les pratiques, <strong>de</strong>s représentations<br />

<strong>de</strong>s employeurs et renseigne<br />

sur les points <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s travailleurs<br />

handicapés vis-à-vis <strong>de</strong><br />

l’emploi. Enfin, la troisième partie propose<br />

une bibliographie sur l’intégration<br />

professionnelle par type <strong>de</strong> handicap.<br />

La reproduction intégrale du<br />

Chapitre II sur l’emploi <strong>de</strong> la loi handicap<br />

et ses décrets d’application ainsi<br />

que <strong>de</strong>s références statistiques sont<br />

proposés en annexes.


4<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Ethnopsychiatrie<br />

psychanalytique<br />

François Laplantine<br />

Beauchesne, 26 €<br />

Née <strong>de</strong> la rencontre <strong>de</strong> l’ethnologie et<br />

<strong>de</strong> la psychanalyse, l’ethnopsychiatrie<br />

psychanalytique permet <strong>de</strong> comprendre<br />

non seulement <strong>de</strong>s processus d’acculturation<br />

qui échouent, mais encore <strong>de</strong>s<br />

formes <strong>de</strong> transculturation qui réussissent,<br />

<strong>de</strong> nouvelles formes <strong>de</strong> subjectivité<br />

pouvant être qualifiées d’hybri<strong>de</strong>s,<br />

<strong>de</strong> métisses ou <strong>de</strong> mutantes qui sont<br />

autant <strong>de</strong> <strong>de</strong>venirs possibles du sujet.<br />

Après avoir rappelé la genèse <strong>de</strong> cette<br />

approche pluridisciplinaire qui se constitue<br />

dans une interaction entre la clinique<br />

et le terrain, François Laplantine<br />

pose les jalons d’une théorie complexe<br />

du sujet et du social ou, plus précisément,<br />

du désir et du collectif. Puis, il fait<br />

part <strong>de</strong> recherches qu’il a successivement<br />

effectuées. A Djerba, en Tunisie,<br />

où il étudie les rites <strong>de</strong> préparation au<br />

mariage. En pays baoulé, en Côte d’Ivoire,<br />

où il se trouve confronté à plusieurs interprétations<br />

<strong>de</strong>s troubles mentaux. En<br />

Italie du Sud où, jusqu’au début <strong>de</strong>s années<br />

1990, une thérapie collective consistait<br />

à jouer et à danser la tarentelle pour<br />

soigner la morsure <strong>de</strong> la tarentule. En<br />

Amérique latine, enfin, où il interroge<br />

la signification <strong>de</strong> la croissance spectaculaire<br />

<strong>de</strong>s mouvements pentecôtistes<br />

contemporains.<br />

Stress et violence à l’école<br />

Revue francophone du Stress et du<br />

Trauma 2007, n°3<br />

Princeps Editions<br />

L’objectif <strong>de</strong> ce numéro thématique <strong>de</strong><br />

la Revue francophone du Stress et du<br />

Trauma est <strong>de</strong> sensibiliser chercheurs<br />

et professionnels à une question qui<br />

mérite qu’on lui accor<strong>de</strong> un plus grand<br />

intérêt et qui concerne plus <strong>de</strong> 14 millions<br />

d’élèves et d’étudiants. Ce numéro<br />

présente les résultats <strong>de</strong> travaux actuellement<br />

menés en France et à l’étranger.<br />

La complexité écologique <strong>de</strong> l’objet<br />

autorise plusieurs angles d’approche.<br />

Ainsi, se trouvent réunis <strong>de</strong>s textes qui,<br />

selon leur obédience, apportent <strong>de</strong>s réponses<br />

concrètes aux interrogations<br />

soulevées, à la fois, par les chercheurs<br />

(cliniciens ou psychosociologues) et les<br />

professionnels confrontés, chaque jour,<br />

à la question <strong>de</strong> la santé à l’école.<br />

Les <strong>de</strong>ux premiers articles sont consacrés<br />

à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la violence à l’école.<br />

Benjamin Patty et Dominique Lassare<br />

montrent, à travers une étu<strong>de</strong> longitudinale,<br />

à quel point la représentation<br />

sociale <strong>de</strong> la violence et la tendance<br />

agressive <strong>de</strong> l’élève sont liées. Ils suggèrent<br />

que la représentation <strong>de</strong> la violence,<br />

distincte pour les élèves et les enseignants,<br />

peut être à l’origine <strong>de</strong> conflits.<br />

Gilles Brandibas et al. abor<strong>de</strong>nt le problème<br />

du harcèlement (ou bullying) entre<br />

élèves. Cette problématique est mise<br />

en lien avec la santé physique <strong>de</strong>s collégiens<br />

et <strong>de</strong>s lycéens. Lony Schiltz<br />

abor<strong>de</strong> la question <strong>de</strong> la prise en charge<br />

psychologique en milieu scolaire. Le témoignage<br />

<strong>de</strong> 30 années d’expérience<br />

clinique est rapporté à travers plusieurs<br />

recherches qui mettent en avant l’intérêt<br />

du recours à l’art-thérapie auprès<br />

d’adolescents présentant <strong>de</strong>s troubles<br />

<strong>de</strong> la conduite agie. Rosine Diwo et al.<br />

interrogent la notion <strong>de</strong> risque suicidaire<br />

chez l’adolescent en brossant l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s facteurs d’émergence, et en<br />

détaillant les actes <strong>de</strong> prévention primaire,<br />

secondaire et tertiaire. Ce <strong>de</strong>rnier<br />

point mentionne plus particulièrement<br />

les actions réalisables dans un<br />

contexte scolaire et fait <strong>de</strong> ce texte un<br />

véritable outil <strong>de</strong> travail pour tout professionnel<br />

confronté à la question <strong>de</strong><br />

l’élève suicidant.<br />

Les articles qui suivent portent, essentiellemet,<br />

sur le stress en tant que facteur<br />

susceptible d’amoindrir la santé<br />

psychique et/ou physique <strong>de</strong>s élèves.<br />

Michelle Dumont et Danielle Leclerc<br />

s’intéressent aux conséquences que celui-ci,<br />

selon son évolution (stabilité, augmentation<br />

ou diminution), peut avoir<br />

sur les capacités d’adaptation, les ressources<br />

personnelles et les performances<br />

scolaires <strong>de</strong>s élèves du secondaire. Les<br />

résultats suggèrent la mise en place<br />

d’outils capables d’endiguer le stress<br />

lors du développement <strong>de</strong> l’élève. Marina<br />

Delgran<strong>de</strong> Jordan et al., dans une<br />

étu<strong>de</strong> menée auprès <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 2 000<br />

élèves suisses, et réalisée dans le cadre<br />

<strong>de</strong> l’enquête internationale Health behaviour<br />

in school-aged children, font état<br />

<strong>de</strong> troubles <strong>de</strong> la santé directement liés<br />

au stress généré par le travail scolaire.<br />

Là aussi, une détection précoce et une<br />

prise en charge adéquate sont suggérées.<br />

Dans le même sens, Christian Réveillère<br />

et Robert Courtois montrent que<br />

les stress majeurs et mineurs qui ont<br />

trait à la vie écolière affectent plus par-<br />

ticulièrement la santé psychique <strong>de</strong>s<br />

élèves issus du primaire et du secondaire.<br />

Deux articles abor<strong>de</strong>nt ensuite,<br />

selon <strong>de</strong>s perspectives théoriques distinctes,<br />

la notion d’ajustement. Selon<br />

une approche interculturelle, Virginie<br />

Boutry-Avezou et al. placent la question<br />

<strong>de</strong> l’adaptation <strong>de</strong>s adolescents issus<br />

<strong>de</strong> l’immigration au coeur <strong>de</strong> leur<br />

travail. Loin <strong>de</strong> faire un constat d’échec<br />

du modèle d’intégration français, les<br />

auteurs montrent que les adolescents<br />

<strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> génération <strong>de</strong> l’immigration<br />

semblent être plus adaptés au<br />

cadre <strong>de</strong> vie scolaire que les Français<br />

N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

dits <strong>de</strong> souche. Elisabeth Spitz et al. questionnent,<br />

plus particulièrement, la notion<br />

<strong>de</strong> coping auprès <strong>de</strong>s étudiants. Le<br />

manque d’adaptation à la vie universitaire<br />

semble être alimenté par une détresse<br />

psychologique, un isolement, et<br />

<strong>de</strong>s difficultés à gérer le temps <strong>de</strong> travail.<br />

Enfin, Fabienne Lemétayer pose la<br />

question <strong>de</strong> l’intégration <strong>de</strong> l’enfant cancéreux<br />

dans un cadre <strong>de</strong> vie scolaire.<br />

Une synthèse <strong>de</strong>s travaux permet <strong>de</strong><br />

pointer les différents problèmes que<br />

peut susciter sa réinsertion à la fois pour<br />

les enseignants qui en ont la charge,<br />

mais également pour l’enfant lui-même.


N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

Vingt et un pour cent <strong>de</strong>s patients interrompent<br />

le traitement après un an seulement<br />

(9). L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Tattan et al.<br />

montre que 72% <strong>de</strong>s patients sous traitement<br />

retard interrompent ce traitement<br />

sur une pério<strong>de</strong> d’environ 1mois<br />

chaque année (10). Les résultats <strong>de</strong> différentes<br />

étu<strong>de</strong>s sont aujourd’hui contradictoires<br />

concernant la supposée supériorité<br />

<strong>de</strong>s NAP sur les formes<br />

orales (11). Malgré l’hétérogénéité <strong>de</strong>s<br />

résultats, en pratique clinique, ces traitements<br />

restent fréquemment utilisés<br />

chez <strong>de</strong>s patients ayant présenté <strong>de</strong><br />

nombreuses rechutes liées à une mauvaise<br />

observance.<br />

Depuis les années 90, les laboratoires<br />

pharmaceutiques ont mis sur le marché<br />

les neuroleptiques <strong>de</strong> nouvelle génération<br />

ou antipsychotiques atypiques<br />

tels la Risperidone, l’Olanzapine, l’Amisulpri<strong>de</strong><br />

ou l’Aripiprazole présentés<br />

comme ayant une plus gran<strong>de</strong> efficacité<br />

et <strong>de</strong> moindres effets secondaires permettant<br />

une meilleure observance.<br />

Parallèlement au développement <strong>de</strong><br />

ces nouvelles molécules, dans un mouvement<br />

venant d’outre-Atlantique, les<br />

psychiatres et pharmacologues relayés<br />

par les associations <strong>de</strong> patients insistent<br />

sur la nécessité pour le patient<br />

d’adhérer au projet <strong>de</strong> soins.<br />

Le concept d’adhésion s’est développé<br />

sur un constat : les résultats d’observance<br />

sont très mitigés chez les<br />

patients souffrant d’une pathologie<br />

chronique et ce malgré les avancées<br />

pharmacologiques permettant d’amé-<br />

liorer les galéniques et <strong>de</strong> diminuer les<br />

effets indésirables <strong>de</strong>s traitements. De<br />

cette constatation est née l’hypothèse<br />

selon laquelle la seule façon d’améliorer<br />

ces résultats serait <strong>de</strong> travailler sur<br />

l’acceptation du traitement avec le<br />

patient. Le préambule étant, pas d’observance<br />

sans consentement et pas <strong>de</strong><br />

consentement sans une information,<br />

loyale, claire et appropriée, délivrée<br />

aux patients. C’est aux Etats-Unis que,<br />

sous la pression <strong>de</strong>s associations d’usagers,<br />

l’information est <strong>de</strong>venue une<br />

obligation réglementaire incluant l’accès<br />

direct au dossier médical. Ce droit à<br />

l’information s’est très vite diffusé dans<br />

les sociétés occi<strong>de</strong>ntales, ainsi en 1997,<br />

Rigo Van Meer estime qu’aux Pays-<br />

Bas, 80% <strong>de</strong>s patients schizophrènes<br />

connaissent leur diagnostic, sur leur<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> dans 20% <strong>de</strong>s cas seulement<br />

(12). En France, la conférence <strong>de</strong><br />

consensus <strong>de</strong>s 13 et 14 janvier 1994<br />

sur les stratégies thérapeutiques à long<br />

terme dans les psychoses schizophréniques,<br />

conclut que les équipes soignantes<br />

doivent informer le patient et<br />

ses proches sur la maladie, ses symptômes,<br />

la valeur <strong>de</strong> leur réduction éventuellement<br />

incomplète ou les signes<br />

prémonitoires <strong>de</strong> rechute, le nom <strong>de</strong>s<br />

médicaments, l’effet thérapeutique<br />

attendu et les éventuels effets indésirables<br />

(Agence Nationale pour le Développement<br />

<strong>de</strong> l’Evaluation Médicale<br />

ANAES). Cette orientation a ensuite<br />

été confirmée par les recommandations<br />

<strong>de</strong> mars 2000 <strong>de</strong> l’Agence Natio-<br />

Les pédophiles : qu’en penser,<br />

qu’en dire, qu’en faire ?<br />

Chaque fois, les tableaux cliniques<br />

sont très différents.<br />

La pédophilie <strong>de</strong>s sujets névrosés s’accompagne<br />

d’un fort sentiment <strong>de</strong> culpabilité.<br />

Les mécanismes <strong>de</strong> refoulement<br />

parviennent parfois (souvent ?)<br />

à endiguer les passages à l’acte. Ils collectionnent<br />

les images pédophiles et<br />

c’est leur fréquentation <strong>de</strong> certains<br />

sites internet qui finit par les amener<br />

<strong>de</strong>vant la justice.<br />

Les sujets immatures sont souvent<br />

<strong>de</strong>s adolescents ou <strong>de</strong> jeunes adultes<br />

inhibés dans leur sexualité avec les<br />

partenaires <strong>de</strong> leur âge. Leurs passages<br />

à l’acte sont souvent qualifiés<br />

<strong>de</strong> pédophilie exploratrice. Les enfants<br />

leur apparaissent moins intimidants<br />

que ne le sont les femmes adultes.<br />

Les sujets pervers restent redoutables.<br />

Totalement étanches à tout sentiment<br />

<strong>de</strong> culpabilité, n’admettant d’autre loi<br />

que celle que dicte leur désir <strong>de</strong> jouissance,<br />

ils tissent un réseau relationnel<br />

marqué par la relation d’emprise<br />

ou le déni d’altérité. Pire, ils avancent<br />

souvent sous le masque d’une apparente<br />

normalité.<br />

Les sujets limites, quant à eux, voient<br />

leurs passages à l’acte facilités par les<br />

mécanismes <strong>de</strong> clivage qui les protègent<br />

<strong>de</strong> la culpabilité. Ils n’ont pas <strong>de</strong><br />

jouissance à la transgression, mais<br />

leurs instances surmoïques sont souvent<br />

défaillantes.<br />

Un tel catalogue souffre <strong>de</strong> son caractère<br />

schématique, voire caricatural.<br />

Il mérite amplement la critique, mais<br />

n’a d’autre but que <strong>de</strong> démontrer la<br />

diversité <strong>de</strong>s tableaux cliniques rencontrés<br />

et d’imposer l’idée que pour<br />

une telle diversité clinique, il n’existe<br />

pas <strong>de</strong> réponse univoque. D’autant<br />

que, on l’aura compris, le caractère<br />

dangereux et le potentiel <strong>de</strong><br />

récidive ne seront jamais les mêmes<br />

chez un sujet pédophile exclusif et<br />

pervers, et chez un névrosé surtout si<br />

son orientation pédophilique n’est<br />

pas exclusive.<br />

Quelques principes<br />

intangibles<br />

Quoi qu’il en soit <strong>de</strong>s indications pronostiques<br />

qui peuvent se dégager <strong>de</strong><br />

cette grille <strong>de</strong> lecture qui croise les<br />

troubles <strong>de</strong> l’orientation sexuelle et<br />

les troubles <strong>de</strong> la personnalité, dans<br />

tous les cas, l’orientation pédophilique,<br />

lorsqu’elle donne lieu à <strong>de</strong>s<br />

passages à l’acte délictueux ou criminels,<br />

doit faire l’objet d’une réponse<br />

pénale.<br />

Pas plus que toute autre orientation<br />

sexuelle, la pédophilie ne peut être<br />

assimilée à une maladie mentale. C’est<br />

dire qu’en aucune façon, elle ne peut<br />

donner lieu à <strong>de</strong>s soins sous contrainte<br />

ou à <strong>de</strong>s hospitalisations sans<br />

consentement dans le cadre <strong>de</strong> la loi<br />

du 27 juin 1990. Outre les problèmes<br />

éthiques qu’il importe <strong>de</strong> ne pas<br />

méconnaître, <strong>de</strong> tels soins sous<br />

contrainte courraient, avant tout, le<br />

risque d’être parfaitement inefficaces.<br />

Mais, on l’a vu, les passages à l’acte<br />

pédophilique sont sous-tendus par<br />

<strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong> personnalité, qui pour<br />

certains, pourront bénéficier d’une<br />

prise en charge soignante. Les soins<br />

doivent alors s’articuler aux mesures<br />

pénales, durant la peine privative <strong>de</strong><br />

liberté et, au-<strong>de</strong>là, en ambulatoire.<br />

C’était toute la subtilité et les enjeux<br />

<strong>de</strong> la loi du 18 juin 1998.<br />

Cette articulation <strong>de</strong> la peine et du<br />

soin exige que les pratiques soignantes<br />

s’inscrivent dans un cadre rigoureux :<br />

- les indications <strong>de</strong> soins doivent être<br />

posées par les psychiatres, non par<br />

les magistrats ;<br />

- la confi<strong>de</strong>ntialité est le moteur essentiel<br />

<strong>de</strong>s soins. Sans respect du secret<br />

médical, aucune relation <strong>de</strong> soins ne<br />

pourra s’instaurer ;<br />

- ces soins doivent faire régulièrement<br />

l’objet d’évaluations externes (expertises,<br />

rapports <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins coordonnateurs)<br />

qui permettent <strong>de</strong> dissiper<br />

tout risque d’illusion <strong>de</strong> soins et <strong>de</strong><br />

renseigner le magistrat sur l’évolution<br />

du suivi ;<br />

- ces soins ne peuvent s’envisager sans<br />

la participation active du sujet. C’est<br />

dire combien <strong>de</strong>s soins sans consentement<br />

ou sous contrainte seraient<br />

illusoires ;<br />

- pour certains sujets, l’indication <strong>de</strong><br />

soins sera récusée par les experts, soit<br />

parce qu’ils nient les faits, soit parce<br />

que la dimension perverse <strong>de</strong> leur<br />

personnalité apparaît trop importante.<br />

Ceux-là relèvent alors <strong>de</strong>s seules<br />

nale d’Accréditation et d’Evaluation en<br />

Santé, relatives à l’information <strong>de</strong>s<br />

patients qui insiste sur la nécessité <strong>de</strong><br />

donner une information validée, hiérarchisée,<br />

intelligible, synthétique sur<br />

la pathologie les traitements et les effets<br />

secondaires y compris exceptionnels<br />

(syndromes malins, dyskinésies tardives).<br />

Plus récemment la loi du 4 mars<br />

2002 officialise l’accès du patient aux<br />

informations médicales le concernant<br />

(13). Cette évolution place les cliniciens<br />

face à la difficile problématique<br />

d’une information claire, loyale, appropriée<br />

et <strong>de</strong> la définition d’un consentement<br />

éclairé. En effet, la compréhension<br />

du patient varie en fonction<br />

<strong>de</strong> son niveau éducatif, <strong>de</strong> la gravité<br />

<strong>de</strong> sa pathologie mentale et peut donc<br />

évoluer au cours du temps. Ce problème<br />

est évoqué dans la conférence<br />

<strong>de</strong> consensus <strong>de</strong> janvier 1994 : « Bien<br />

que la fonction essentielle du mé<strong>de</strong>cin<br />

soit d’entendre et <strong>de</strong> comprendre son<br />

patient, il peut être amené à le<br />

contraindre, en particulier en lui imposant<br />

<strong>de</strong>s soins. Dans le cadre <strong>de</strong> la Loi du 27<br />

Juin 1990, l’hospitalisation sur <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

d’un tiers et l’hospitalisation d’office<br />

sont prévues pour <strong>de</strong>s patients qui ne<br />

sont pas en mesure <strong>de</strong> consentir à l’hospitalisation<br />

et pour lesquels la prescription<br />

<strong>de</strong>s soins <strong>de</strong>vra être imposée (ce à quoi le<br />

praticien est par ailleurs tenu par déontologie).<br />

En fait le recours à ce cadre<br />

légal, qui concerne souvent <strong>de</strong>s schizophrènes,<br />

reste heureusement rare et ne<br />

justifie pas que l’impasse soit faite sur<br />

mesures pénales. Il en va <strong>de</strong> même <strong>de</strong><br />

ceux qui ne consentiraient pas aux<br />

soins qui leur sont proposés. Pour certains<br />

sujets, les murs <strong>de</strong> la prison<br />

seront longtemps nécessaires pour<br />

protéger la société.<br />

Les nouvelles orientations<br />

politiques<br />

Alors qu’au sein <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> travail<br />

Santé-Justice réunis ces <strong>de</strong>rnières<br />

années, nous étions arrivés à un<br />

consensus entre les professionnels <strong>de</strong><br />

la justice et <strong>de</strong> la psychiatrie sur les<br />

principes énoncés plus haut, la récidive<br />

d’un sujet pédophile en fin <strong>de</strong><br />

peine est venue balayer les acquis.<br />

Le pouvoir politique annonce aujourd’hui<br />

la création d’hôpitaux fermés,<br />

baptisés Centres Sociaux Médico-Judiciaires<br />

<strong>de</strong> Sûreté. Ces centres seront<br />

susceptibles <strong>de</strong> recevoir sur le mo<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> l’internement (rétention <strong>de</strong> sûreté)<br />

<strong>de</strong>s sujets condamnés qui, après avoir<br />

purgé la totalité <strong>de</strong> leur peine, présentent<br />

toujours une particulière dangerosité<br />

attestée par une expertise<br />

médicale. Dans ces centres, selon le<br />

projet <strong>de</strong> loi, seront proposées, <strong>de</strong><br />

façon permanente, <strong>de</strong>s prises en charge<br />

médicale et sociale.<br />

On est ainsi passé rapi<strong>de</strong>ment, <strong>de</strong> l’articulation<br />

<strong>de</strong> la peine et du soin à<br />

l’instrumentalisation <strong>de</strong> la psychiatrie,<br />

convoquée ici comme seule discipline<br />

médicale susceptible d’instaurer <strong>de</strong>s<br />

soins sous contrainte et <strong>de</strong>s hospitalisations<br />

sans consentement.<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> soins, dans ce<br />

domaine où les connaissances sont<br />

balbutiantes, où le manque d’assise<br />

théorique limite les pratiques à un<br />

empirisme sans gran<strong>de</strong> fiabilité, il est<br />

à craindre que ce soient les possibilités<br />

d’enfermement sans délai qui<br />

soient visées par le pouvoir politique.<br />

Dans le pragmatisme ambiant, peu<br />

importent les mesures <strong>de</strong> soin, pourvu<br />

que l’agresseur soit enfermé à vie.<br />

Si c’était le cas, nous <strong>de</strong>vons affirmer<br />

clairement que nous n’accepterons<br />

pas que la psychiatrie soit instrumentalisée<br />

comme variable d’ajustement<br />

<strong>de</strong> la politique pénale, pour instaurer<br />

<strong>de</strong>s peines <strong>de</strong> perpétuité réelle. ■<br />

Gérard Dubret<br />

Psychiatre <strong>de</strong>s Hôpitaux, Expert près la Cour<br />

d’Appel <strong>de</strong> Versailles, C. H. René Dubos,<br />

Pontoise.<br />

une réflexion concernant les mécanismes<br />

psychiques en jeu dans l’information et le<br />

consentement ».<br />

Les laboratoires pharmaceutiques, en<br />

étroite collaboration avec les professionnels<br />

<strong>de</strong> la maladie mentale, ont<br />

très vite su <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s acteurs important<br />

dans le domaine <strong>de</strong> l’adhésion en<br />

développant <strong>de</strong>s ouvrages, programmes<br />

psycho-éducatifs <strong>de</strong>stinés aux patients<br />

psychotiques. Ces supports s’appuyant<br />

sur <strong>de</strong>s travaux tels que les modules<br />

<strong>de</strong> Liberman qui visent à ai<strong>de</strong>r les<br />

patients psychotiques chroniques et<br />

leur famille à retrouver une qualité <strong>de</strong><br />

vie optimale (14).<br />

Si cette évolution fondamentale dans la<br />

prise en charge <strong>de</strong> la pathologie mentale,<br />

soutenue par les associations <strong>de</strong><br />

patients, paraît évi<strong>de</strong>mment souhaitable<br />

puisque, valorisant une relation<br />

soignant-soigné égalitaire, plus soucieuse<br />

du respect <strong>de</strong> la liberté <strong>de</strong> l’individu,<br />

elle paraît plus inquiétante si on la resitue<br />

dans son contexte socio-politicoéconomique<br />

(3). Le patient tend aujourd’hui,<br />

dans le respect <strong>de</strong>s règles fixées<br />

par le libéralisme économique, à <strong>de</strong>venir<br />

un consommateur <strong>de</strong> soins. Le<br />

patient psychotique, nouveau consommateur<br />

<strong>de</strong> soins, éclairé par les programmes<br />

éducatifs négocie sa prise en<br />

charge avec les soignants, ce nouveau<br />

contrat introduit une responsabilisation<br />

du patient, « le patient doit s’autogouverner<br />

<strong>de</strong> par son adhésion » (3). Les<br />

laboratoires pharmaceutiques ont très<br />

vite adapté leur stratégie <strong>de</strong> communication<br />

institutionnelle et <strong>de</strong> leur marketing<br />

diffusant <strong>de</strong>s plans <strong>de</strong> traitement<br />

individuels, <strong>de</strong>s publications <strong>de</strong> vulgarisations<br />

scientifiques, <strong>de</strong> nombreux<br />

produits dérivés (piluliers, réveils et<br />

autres). J Palazzolo précise que la psychose<br />

n’est plus définie comme un obstacle<br />

à l’accès aux traitements mais<br />

comme une entité marketing. Ce système<br />

peut s’avérer pernicieux pour le<br />

patient pensant initialement être valorisé<br />

par cette nouvelle image endossée.<br />

S’il n’est pas observant, il <strong>de</strong>vient le<br />

seul fautif, consommateur incapable<br />

<strong>de</strong> se servir habilement <strong>de</strong> son pouvoir,<br />

mettant hors <strong>de</strong> cause le système<br />

<strong>de</strong> santé et les traitements eux-mêmes.<br />

Sans l’attention <strong>de</strong>s cliniciens la stratégie<br />

d’amélioration <strong>de</strong> l’adhésion risque<br />

d’être petit à petit déléguée par le système<br />

public au secteur privé, les clefs<br />

<strong>de</strong> la réussite thérapeutique étant présentées<br />

par les firmes pharmaceutiques<br />

sous la forme <strong>de</strong> nombreux modules<br />

éducationnels. Cette délégation s’annonce<br />

néfaste à long terme puisqu’elle<br />

risque d’une part <strong>de</strong> freiner une<br />

réflexion plus générale sur l’amélioration<br />

<strong>de</strong> l’observance au profit d’un seul<br />

axe <strong>de</strong> celle-ci : l’éducatif, se faisant<br />

notamment au détriment du travail<br />

relationnel entre le patient et ses soignants<br />

moteur d’une adhésion <strong>de</strong> qualité.<br />

D’autre part on est en droit <strong>de</strong> se<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si cette incursion du privé<br />

dans un domaine jusqu’ici sous la responsabilité<br />

du système public ne posera<br />

pas à l’avenir un problème d’accès<br />

aux soins pour les plus démunis. Plusieurs<br />

étu<strong>de</strong>s ont pourtant montré que<br />

plus que les croyances ou le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

vie du mala<strong>de</strong> mental, ce sont les possibilités<br />

d’accès aux soins réguliers qui<br />

influencent l’adhésion (3). ■<br />

A. Merlot<br />

Service du Dr Vacheron – Centre Hospitalier<br />

Sainte-Anne – 1 rue Cabanis – 75014 Paris<br />

Bibliographie<br />

(1) DSM-IV,AMERICAN PSYCHIATRIC<br />

ASSOCIATION, in Diagnostic and statistical<br />

manual of mental disor<strong>de</strong>rs (4th ed).<br />

1995<br />

(2) WEIDEN P. et al., Cost of relapse in<br />

schizophrenia, Schizophrenia bulletin 1995,<br />

21, 419-29.<br />

(3) J. PALAZZOLO et al., L’observance<br />

médicamenteuse et psychiatrie, 2004, 23-<br />

28 et 37-48.<br />

(4) 0LIVIER-MARTIN, Exhaustion <strong>de</strong>pression,<br />

Encephale 1996, Spec n°7, 46-51.<br />

FMC ■ 5<br />

Le CMP unique<br />

ordonnateur <strong>de</strong>s soins<br />

Le CMP pivot du secteur<br />

Pluriels 2007 n°68<br />

La lettre <strong>de</strong> la MNASM<br />

Pierre Caillault tente <strong>de</strong> <strong>de</strong>gager, au<br />

travers <strong>de</strong>s multiples expériences <strong>de</strong><br />

CMP recensées par la Mission d’appui<br />

en santé mentale sur l’ensemble<br />

du territoire national, quelques principes<br />

généraux sur lesquels la créativité<br />

<strong>de</strong>s équipes pourrait s’appuyer<br />

pour développer <strong>de</strong>s outils adaptés<br />

aux territoires <strong>de</strong>sservis, intégrés dans<br />

le dispositif global <strong>de</strong> soins, respectant<br />

les particularités locales et répondant<br />

au mieux aux besoins <strong>de</strong>s<br />

populations. Alain Gouiffès décrit la<br />

mise en place d’un Centre d’accueil<br />

et <strong>de</strong> soins psychiatriques intersectoriel<br />

à Rouen. Laurent El Ghozi précise<br />

ce qu’atten<strong>de</strong>nt les élus d’un dispositif<br />

<strong>de</strong> santé mentale.<br />

Les allocataires <strong>de</strong>s minima<br />

sociaux : CMU, état <strong>de</strong> santé<br />

et recours aux soins<br />

Bénédicte Boisguérin<br />

Etu<strong>de</strong>s et résultats 2007 n°6<br />

Drees<br />

Une enquête a été effectuée par la<br />

DREES au <strong>de</strong>uxième trimestre 2006<br />

auprès <strong>de</strong> personnes allocataires <strong>de</strong><br />

minima sociaux (RMI, API et ASS) au<br />

31 décembre 2004. A la date <strong>de</strong> l’enquête,<br />

les allocataires toujours présents<br />

dans le dispositif bénéficient<br />

plus fréquemment <strong>de</strong> la couverture<br />

maladie universelle complémentaire<br />

(CMUC) que ceux qui en sont sortis.<br />

La majorité <strong>de</strong>s personnes n’ayant<br />

pas recours à la CMUC sont déjà couvertes<br />

par un organisme complémentaire<br />

ou bien ont <strong>de</strong>s revenus<br />

trop élevés. Par ailleurs, l’état <strong>de</strong> santé<br />

<strong>de</strong> ces allocataires est moins bon que<br />

celui <strong>de</strong> la population générale. De<br />

plus, les bénéficiaires <strong>de</strong>s minima sociaux<br />

ont plus dé problèmes <strong>de</strong> santé<br />

affectant leur travail que les personnes<br />

sorties <strong>de</strong> ces dispositifs. Près d’un<br />

tiers <strong>de</strong>s allocataires <strong>de</strong> l’API et du<br />

RMI et 45% <strong>de</strong>s allocataires <strong>de</strong> l’ASS<br />

disent avoir renoncé à au moins un<br />

soin pour <strong>de</strong>s raisons financières dans<br />

les douze <strong>de</strong>rniers mois, principalement<br />

<strong>de</strong>ntaire et d’optique.<br />

www. sante.gouv.fr/drees/in<strong>de</strong>x.htm<br />

Pour toute information : drees-infos@sante.gouv.fr<br />

(5) BLONDIAUX I., ALAGILLE M.,<br />

GINESTET D., L’adhésion au traitement neuroleptique<br />

chez les patients schizophrènes,<br />

Encéphale 1998, XIV, 431- 8.<br />

(6) TAZAROURTE M., CATTEAU J., FALL<br />

A., Le coût <strong>de</strong> l’inobservance aux psychotropes,<br />

Synapse 1999, 154, 27-30.<br />

(7) HODGINS S., Mental disor<strong>de</strong>r, intellectual<br />

<strong>de</strong>ficiency, and crime: evi<strong>de</strong>nce from a<br />

birth cohort, Arch. Gen. Psychiatry 1993,<br />

49, 476-483.<br />

(8) SWANSON J. W., HOLZER C. E.,<br />

GANJU V. K., JONO R. T., Violence and<br />

psychiatric disor<strong>de</strong>r in the community: evi<strong>de</strong>nce<br />

from the epi<strong>de</strong>miologic catchment areas<br />

surveys, Hosp. Community Psychiatry<br />

1990, 42, 7761-770.<br />

(9) TUNNICLIFFE S., HARRISON G.,<br />

STANDEN P.J., Factors affecting compliance<br />

with <strong>de</strong>pot injection treatment in the community,<br />

Soc Psychiatry Psychiatr Epi<strong>de</strong>miol<br />

1992, 27, 230-3.<br />

(10) TATTAN T.M., CREED F.H., Negative<br />

symptoms of schizophrénia and compliance<br />

with médication, Schizophr Bull 2001, 27,<br />

149-55.<br />

(11) MISDRAHI D., BAYLÉ F., Impact <strong>de</strong>s<br />

NAP sur l’observance, <strong>Nervure</strong> Tome XV-<br />

N°4, Mai 2002.<br />

(12) Document <strong>de</strong> consensus hollandais relatif<br />

aux conditions minimales du traitement<br />

<strong>de</strong> la schizophrénie (Schizofrenie Stichting<br />

Ne<strong>de</strong>rland), La Lettre <strong>de</strong> la Schizophrénie<br />

1997, 6, 17-20.<br />

(13) Loi du 4 mars 2002 relative aux droits<br />

du mala<strong>de</strong> et à la qualité du système <strong>de</strong> santé,<br />

loi n°2002-303, <strong>Journal</strong> Officiel.<br />

(14) LIBERMAN R.P., Réhabilitation psychiatrique<br />

<strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s mentaux chroniques,<br />

Masson 1991.


6<br />

■ URGENCE<br />

LIVRES ET REVUES<br />

100 petites expériences <strong>de</strong><br />

psychologie <strong>de</strong> la séduction<br />

N. Guégen<br />

Dunod<br />

Sexy, puisque c’est le thème, amusant,<br />

et surprenant souvent. C’est ainsi<br />

que se présente cet ouvrage qui collige<br />

<strong>de</strong>s résultats d’expériences sur la<br />

séduction. Savez-vous, par exemple,<br />

que la femme élisabéthaine mettait<br />

une pomme sous son aisselle et qu’une<br />

fois cette <strong>de</strong>rnière imprégnée <strong>de</strong> son<br />

musc, elle la donnait à son amant<br />

afin qu’il puisse la humer où qu’il<br />

soit ? L’époque contemporaine appelait<br />

une vérification expérimentale<br />

d’un tel fait. Or les phérormones ont<br />

<strong>de</strong>s effets indéniables : <strong>de</strong>s femmes<br />

qui vivent ensemble synchronisent<br />

leur cycles hormonaux et celles qui<br />

sont proches d’hommes voient leur<br />

cycles diminuer en longueur. Et pour<br />

le sex-appeal ? Il semble que cela<br />

fonctionne aussi, dans les <strong>de</strong>ux sens<br />

(masculin-féminin et réciproquement),<br />

voire que le génotype HLA l’influence,<br />

via les dites phérormones. Bon, par<br />

ailleurs, apprendre que les hommes<br />

sont attirés par les poitrines fortes ne<br />

surprendra personne mais, par contre,<br />

qu’en est-il <strong>de</strong> la longueur <strong>de</strong>s pieds<br />

<strong>de</strong> la partenaire ? Ou du <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> rasage<br />

du mâle potentiellement choisi ?<br />

A propos, saviez-vous que les femmes<br />

semblent aimer les hommes qui ont<br />

<strong>de</strong> l’humour, mais pas vraiment le<br />

contraire ? Des appariements en<br />

couple par caractéristiques physiques,<br />

en passant par l’attirance par tel ou<br />

tel type <strong>de</strong> voix ou <strong>de</strong> ratio hanchestaille,<br />

sans oublier quelques surprises<br />

<strong>de</strong> ce qui peut marcher, ou pas, dans<br />

la drague, ce livre se lit <strong>de</strong> façon très<br />

flui<strong>de</strong>. Son optique est résolument<br />

celle d’une psychologie évolutionniste<br />

: comment la femelle va-t-elle<br />

choisir le mâle qui garantira le mieux<br />

sa protection alors qu’elle s’occupera<br />

<strong>de</strong>s enfants à venir ? Et comment le<br />

mâle choisira-t-il une (ou <strong>de</strong>s) femelles<br />

aptes au mieux à pérenniser et à faire<br />

fructifier son semen. Les enseignements<br />

<strong>de</strong>s différentes expériences<br />

rapportées font l’objet d’hypothèses<br />

allant en ce sens. Une optique que<br />

l’on peut discuter ; mais en tout cas<br />

<strong>de</strong>s résultats constatés souvent troublants<br />

...<br />

Geneviève Rodis-Lewis,<br />

interprète <strong>de</strong> Descartes<br />

Revue philosophique <strong>de</strong> la France et<br />

<strong>de</strong> l’étranger 2007 n°3<br />

Presses Universitaires <strong>de</strong> France, 21 €<br />

Le 11 juin 2005 d’est tenu en Sorbonne<br />

un colloque intitulé Une autre<br />

histoire <strong>de</strong> la philosophie du XVII e siècle,<br />

en hommage à la mémoire du P. G.<br />

Rodis-Lewis. Les articles réunis dans<br />

ce numéro sont issus <strong>de</strong>s communications<br />

qui y furent présentées.<br />

C’est par ses travaux sur Descartes<br />

que la notoriété <strong>de</strong> G. Rodis-Lewis est<br />

aujourd’hui la plus gran<strong>de</strong> : elle est<br />

celle qui introduit à sa lecture l’étudiant<br />

comme l’honnête homme, qui<br />

découvrent la vie <strong>de</strong> ce philosophe<br />

à travers la bibliographie qu’elle lui<br />

consacra en 1996, ou les gran<strong>de</strong>s<br />

lignes du développement <strong>de</strong> sa pensée<br />

dans l’étu<strong>de</strong> générale qu’elle publia<br />

en 1971. Elle reste, en effet, l’une<br />

<strong>de</strong>s meilleures sources <strong>de</strong> renseignements<br />

concernant <strong>de</strong>s auteurs<br />

postcartésiens, tels Desgabets, ou Malebranche.<br />

C’est aussi elle qui replaça<br />

parmi les « grands » philosophes Arnauld,<br />

alors échoué au milieu <strong>de</strong>s<br />

« petits cartésiens ». Elle est, enfin, la<br />

seule à avoir proposé un travail d’envergure<br />

sur l’inconscient ou l’individualité<br />

selon Descartes. Enfin, l’œuvre<br />

<strong>de</strong> Geneviève Rodis-Lewis ne concerne<br />

pas les seuls érudits ou philosophes<br />

mo<strong>de</strong>rnistes : la rigueur intellectuelle<br />

qu’elle incarna <strong>de</strong>meure un exemple.<br />

<br />

Evaluation <strong>de</strong> la prescription<br />

<strong>de</strong>s psychotropes dans une<br />

unité d’hospitalisation <strong>de</strong><br />

courte durée<br />

C’est une Unité Fonctionnelle d’Hospitalisation<br />

<strong>de</strong> dix lits. Sauf cas exceptionnel,<br />

la durée d’hospitalisation dans<br />

l’UHCD doit être inférieure à 36<br />

heures ou <strong>de</strong>ux nuits consécutives.<br />

Lors du projet initial, une procédure a<br />

donc été effectuée avec l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s psychiatres <strong>de</strong> l’institution, afin <strong>de</strong><br />

définir les caractéristiques <strong>de</strong>s patients<br />

adultes admis dans l’unité et relevant<br />

d’une pathologie psychiatrique.<br />

Nous avons donc retenu comme<br />

pathologies éligibles pour cette unité,<br />

les états anxieux, les états dépressifs<br />

non graves (non mélancoliques), les<br />

intoxications médicamenteuses volontaires<br />

non graves et les autres pathologies<br />

psychiatriques qui ne présentent<br />

pas <strong>de</strong> risque apparent d’hétéro<br />

ou d’auto-agressivité.<br />

Nous avons, également, convenu, en<br />

rapport avec les conférences <strong>de</strong><br />

consensus actuelles, que tous les<br />

patients ayant effectué une tentative<br />

<strong>de</strong> suici<strong>de</strong> doivent être examinés dans<br />

les vingt quatre heures par un psychiatre.<br />

On rappelle à ce propos que l’UHCD<br />

n’a pas comme fonction d’accueillir<br />

les patients agités ou violents, du fait <strong>de</strong><br />

l’absence <strong>de</strong> salle <strong>de</strong> contention. C’est<br />

donc le Praticien responsable <strong>de</strong><br />

l’UHCD qui assure avec l’équipe <strong>de</strong><br />

<strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> Liaison la prise en charge<br />

<strong>de</strong>s patients relevant d’un problème<br />

psychiatrique.<br />

Ces patients bénéficient tous au moins<br />

d’une consultation psychiatrique lors<br />

<strong>de</strong> leur séjour dans l’UHCD.<br />

Les Hôpitaux du Léman disposent <strong>de</strong><br />

43 lits d’hospitalisation <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />

Adulte pour un bassin <strong>de</strong> population<br />

<strong>de</strong> 115 000 habitants environ. La suite<br />

<strong>de</strong>s soins psychiatriques est assurée<br />

soit par l’équipe <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> Liaison,<br />

soit par les Psychiatres ou Psychologues<br />

du Centre Médico-Psychologique<br />

(CMP) ou, encore, par les<br />

Psychiatres libéraux.<br />

Un ren<strong>de</strong>z-vous avec un professionnel<br />

<strong>de</strong>s soins psychologiques ou les<br />

coordonnées <strong>de</strong> ces services sont données<br />

systématiquement au patient à<br />

sa sortie. Profitant du lien qui a été<br />

crée dans l’UHCD avec l’équipe soignante,<br />

il est également rappelé au<br />

patient, qu’en cas <strong>de</strong> récidive d’un raptus<br />

anxieux, il peut à nouveau consulter<br />

notre service. Cette information a<br />

permis à certains patients <strong>de</strong> reconsulter<br />

notre unité, permettant ainsi<br />

d’éviter un nouveau passage à l’acte.<br />

Un courrier est adressé systématiquement<br />

au Mé<strong>de</strong>cin et au Psychiatre qui<br />

s’occupent habituellement du patient.<br />

Objectifs <strong>de</strong> ce travail et<br />

méthodologie utilisée<br />

Le but <strong>de</strong> ce travail est <strong>de</strong> décrire<br />

l’activité psychiatrique <strong>de</strong> cette unité<br />

et, en particulier, l’activité pharmacopsychiatrique<br />

durant le mois <strong>de</strong><br />

février 2007. Une étu<strong>de</strong> rétrospective<br />

a été effectuée par la consultation<br />

dossier par dossier <strong>de</strong>s quarante sept<br />

patients présentant un état <strong>de</strong> crise<br />

psychologique et hospitalisés durant le<br />

mois <strong>de</strong> février 2007.<br />

Au total, 3375 patients ont été hospitalisés<br />

dans l’UHCD <strong>de</strong>puis son<br />

ouverture en juin 2005 jusqu’au mois<br />

<strong>de</strong> février 2007.<br />

61% <strong>de</strong> ces patients sont retournés<br />

à leur domicile après leur séjour dans<br />

l’unité.<br />

La Durée Moyenne <strong>de</strong> Séjour <strong>de</strong> l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s patients est <strong>de</strong> 1,32 jours.<br />

Evaluation spécifique<br />

<strong>de</strong> l’activité<br />

psychiatrique <strong>de</strong><br />

l’UHCD au cours du<br />

mois <strong>de</strong> février 2007<br />

Le nombre total <strong>de</strong> patients hospitalisés<br />

dans l’UHCD et relevant d’une<br />

prise en charge psychiatrique durant<br />

le mois <strong>de</strong> février 2007 est <strong>de</strong> 47, ce<br />

qui correspond à 40% <strong>de</strong>s patients<br />

hospitalisés durant cette même pério<strong>de</strong>.<br />

59% sont <strong>de</strong>s femmes et 41% <strong>de</strong>s<br />

hommes. L’âge moyen est <strong>de</strong> 45.3<br />

ans, avec <strong>de</strong>s extrêmes allant <strong>de</strong> 18 à<br />

93 ans.<br />

Dans 23% <strong>de</strong>s cas, le motif d’admission<br />

est une tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>, essentiellement<br />

médicamenteuse. 11% <strong>de</strong>s<br />

patients présentent une agitation initiale.<br />

21% sont alcoolisés à leur admission.<br />

2% disent avoir consommé <strong>de</strong>s<br />

drogues. La durée moyenne <strong>de</strong> séjour<br />

<strong>de</strong> ces patients est <strong>de</strong> 1,48 jours, avec<br />

<strong>de</strong>s extrêmes qui vont <strong>de</strong> une journée<br />

à quatre jours. Le pourcentage <strong>de</strong><br />

patients ayant regagné leur domicile<br />

à l’issue du séjour est <strong>de</strong> 73%.<br />

Le pourcentage <strong>de</strong> patients hospitalisés<br />

en Unités Psychiatriques ou dans les<br />

Services <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine conventionnels,<br />

après passage par l’UHCD, est donc<br />

<strong>de</strong> 27%. Tous les patients ont bénéficié,<br />

au cours <strong>de</strong> leur séjour et dans les<br />

premières 24 heures, d’au moins un<br />

entretien psychiatrique. 34% <strong>de</strong>s<br />

patients ont bénéficié d’un <strong>de</strong>uxième<br />

entretien psychiatrique dans le service.<br />

Deux inci<strong>de</strong>nts, à type <strong>de</strong> fugues sans<br />

conséquence, sont survenus durant le<br />

séjour <strong>de</strong> ces patients.<br />

Les diagnostics<br />

psychiatriques retenus<br />

selon la CIM 10<br />

Les syndromes dépressifs représentent<br />

30% <strong>de</strong>s cas, dont 36% sont<br />

<strong>de</strong>s syndromes dépressifs majeurs.<br />

Les troubles anxieux représentent<br />

19% <strong>de</strong>s patients, les troubles <strong>de</strong> la<br />

personnalité représentent 13% <strong>de</strong>s<br />

cas les troubles affectifs bipolaires<br />

représentent 11% <strong>de</strong>s cas, les décompensations<br />

psychotiques avérées<br />

représentent 8,5% <strong>de</strong>s patients, les<br />

alcoolisations aiguës ou chroniques<br />

représentent 17% <strong>de</strong>s patients.<br />

Pour ce qui concerne la<br />

prescription <strong>de</strong>s<br />

psychotropes<br />

Les Benzodiazépines sont prescrites<br />

dans 70% <strong>de</strong>s cas.<br />

L’Alprazolam est prescrit dans 60%<br />

<strong>de</strong>s cas et le Clorazépam dans 26%<br />

<strong>de</strong>s cas.<br />

Le Méprobamate a été prescrit dans<br />

8,5% <strong>de</strong>s cas, essentiellement chez le<br />

sujet âgé.<br />

Les neuroleptiques sont prescrits dans<br />

53% <strong>de</strong>s cas.<br />

La Cyamémazine est prescrite dans<br />

60% <strong>de</strong>s cas et la Loxapine dans 25%<br />

<strong>de</strong>s cas.<br />

Les neuroleptiques atypiques sont<br />

prescrits dans 7% <strong>de</strong>s cas.<br />

Les anti dépresseurs ont été essentiellement<br />

reconduits voire prescrits<br />

dans 30% <strong>de</strong>s cas. Dans 80% <strong>de</strong>s<br />

cas ils sont <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s Inhibiteurs<br />

Spécifiques <strong>de</strong> la Recapture <strong>de</strong><br />

la Sérotonine ou <strong>de</strong>s Inhibiteurs <strong>de</strong><br />

la Recapture <strong>de</strong> la Sérotonine et <strong>de</strong> la<br />

Noradrénaline.<br />

Un Imipraminique, l’Amitriptyline, a<br />

été prescrit une fois pour un épiso<strong>de</strong><br />

dépressif majeur.<br />

La Miansérine a été prescrite à <strong>de</strong>ux<br />

reprises.<br />

Les normothymiques ont été prescrits<br />

dans 13% <strong>de</strong>s cas, dont 66%<br />

pour le Lithium.<br />

Le Divalproate <strong>de</strong> sodium a été prescrit<br />

à <strong>de</strong>ux reprises.<br />

Les hypnoptiques ont été prescrits<br />

dans 55% <strong>de</strong>s cas. Il s’agit, dans 46%<br />

<strong>de</strong>s cas, <strong>de</strong> zolpi<strong>de</strong>m et dans 38 %<br />

<strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> zopiclone.<br />

La Mépronizine a été prescrite dans<br />

11% <strong>de</strong>s cas.<br />

Ces psychotropes ont été prescrits en<br />

association dans 91% <strong>de</strong>s cas.<br />

Dans 15% <strong>de</strong>s cas, aucune prescription<br />

médicamenteuse n’a été proposée.<br />

Il s’agit essentiellement <strong>de</strong> patients<br />

alcoolisés placés en surveillance dans<br />

le service.<br />

Conclusion<br />

Les Unités d’Hospitalisation <strong>de</strong> Courte<br />

Durée font désormais partie intégrante<br />

du paysage hospitalier actuel ;<br />

elles représentent <strong>de</strong>s unités incontournables<br />

dans la prise en charge <strong>de</strong>s<br />

patients <strong>de</strong> plus en plus nombreux<br />

présentant un état <strong>de</strong> crise psychologique<br />

et reçus par les Services d’Accueil<br />

<strong>de</strong>s Urgences. Ces unités permettent,<br />

dans un premier temps, aux<br />

patients <strong>de</strong> temporiser ces états <strong>de</strong><br />

crise, en leur apportant notamment<br />

un lieu d’écoute adaptée, ce qui<br />

constitue un préliminaire indispensable<br />

à la sédation <strong>de</strong> l’angoisse.<br />

Les psychotropes utilisés, et notamment<br />

les nouvelles molécules forment<br />

un indispensable arsenal thérapeutique.<br />

Dans notre unité, dans la majorité <strong>de</strong>s<br />

cas, sont prescrits <strong>de</strong>s benzodiazépines,<br />

Manuel <strong>de</strong> psychiatrie<br />

Masson<br />

N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

<strong>de</strong>s hypnotiques ainsi que la Cyamémazine.<br />

Cependant, toutes les classes<br />

pharmacologiques sont représentées,<br />

notamment les anti dépresseurs et les<br />

anti psychotiques <strong>de</strong> nouvelle génération.<br />

Les entretiens psychothérapeutiques<br />

bien conduits associés à une utilisation<br />

raisonnée <strong>de</strong> ces psychotropes<br />

permettent donc dans la gran<strong>de</strong> majorité<br />

<strong>de</strong>s situations un retour au calme<br />

rapi<strong>de</strong>, associé à une bonne sédation<br />

<strong>de</strong> l’angoisse, ce qui favorise un retour<br />

à domicile précoce et dans <strong>de</strong> bonnes<br />

conditions.<br />

Ce premier contact avec un professionnel<br />

<strong>de</strong>s soins psychologiques<br />

<strong>de</strong>meure très important car il conditionne<br />

la suite <strong>de</strong> la prise en charge. ■<br />

Ludovic Sache<br />

Praticien Hospitalier, Responsable <strong>de</strong> l’Unité<br />

d’Hospitalisation <strong>de</strong> courte durée <strong>de</strong>s Hôpitaux<br />

du Léman<br />

Bibliographie<br />

(1) Recommandations <strong>de</strong> la Société Francophone<br />

<strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine d’Urgence concernant la<br />

mise en place, la gestion, l’utilisation et l’évaluation<br />

<strong>de</strong>s unités d’hospitalisation <strong>de</strong> courte<br />

durée <strong>de</strong>s services d’urgence, JEUR, 2001,<br />

14, 144-152.<br />

La Psychanalyse face à ses<br />

détracteurs<br />

Vannina Micheli-Rechtman<br />

Aubier, 21 €<br />

Les détracteurs contemporains puisent<br />

dans les dogmes mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong><br />

la science les arguments <strong>de</strong> leur<br />

contestation. Pour V. Micheli-Rechtman,<br />

Freud en avait anticipé les principales<br />

tendances. En développant<br />

une généalogie <strong>de</strong> l’interprétation,<br />

elle resitue les différentes critiques<br />

dans leur contexte historique. La<br />

psychanalyse est alors en débat avec<br />

l’herméneutique (en montrant comment<br />

le freudisme en modifie son<br />

histoire), avec la science (en partant<br />

<strong>de</strong> la querelle entre les sciences <strong>de</strong><br />

la nature et les sciences <strong>de</strong> l’esprit),<br />

enfin avec la philosophie du langage<br />

(puisque Wittgenstein se présentait<br />

comme un « disciple » <strong>de</strong><br />

Freud).


N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

Napoléon, bien sûr, jalonneront notre<br />

texte, et donneront l’accent <strong>de</strong> vérité<br />

nécessaire pour appréhen<strong>de</strong>r ce qui<br />

fait le particulier, le singulier même, <strong>de</strong><br />

Napoléon Bonaparte. L’on évoque souvent<br />

le dictateur, le <strong>de</strong>spote, le tyran,<br />

l’homme assoiffé <strong>de</strong> puissance, <strong>de</strong> victoires,<br />

l’extension toujours plus gran<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> son pouvoir et <strong>de</strong>s frontières <strong>de</strong><br />

son Empire, son mépris pour la vie<br />

humaine, en un mot le versant « froid »<br />

et « mégalomaniaque » <strong>de</strong> Napoléon.<br />

On ne peut, certes, passer outre ces<br />

traits qui le caractérisent, mais qui le<br />

caractérisent, comme <strong>de</strong> bien entendu,<br />

en partie. De là à en faire un mégalomaniaque,<br />

au sens psychiatrique du<br />

terme, il n’y aurait qu’un pas, mais un<br />

faux-pas. A cet égard, nous ne pouvons<br />

qu’abon<strong>de</strong>r dans le sens <strong>de</strong><br />

T. Lentz qui écrit que « les guerres qu’il<br />

conduisit et, parfois, déclencha, n’avaient<br />

pas pour but <strong>de</strong> satisfaire on ne sait quel<br />

dérèglement psychologique ou hormonal<br />

» (30)... Nous le verrons, il n’y a<br />

aucun « pathos » du côté <strong>de</strong> Napoléon,<br />

il n’y a pas <strong>de</strong> délire <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur, au<br />

sens où l’entend la psychiatrie. Napoléon<br />

n’était ni mégalomaniaque, ni psychopathe,<br />

ni fou. Non, Bonaparte a pu<br />

<strong>de</strong>venir Napoléon, l’Empereur <strong>de</strong>s Français,<br />

qu’en se saisissant avec une intelligence<br />

rare <strong>de</strong>s événements politiques<br />

<strong>de</strong> l’époque. Il avait, à cet égard, un<br />

point <strong>de</strong> vue tranché : « ceux qui ne<br />

savent pas se servir <strong>de</strong>s circonstances,<br />

disait-il, sont <strong>de</strong>s niais ». Ce qui l’a<br />

amené à atteindre cette place <strong>de</strong><br />

« <strong>de</strong>mi-Dieu » <strong>de</strong> son vivant, ce n’est<br />

donc certainement pas une quelconque<br />

La part obscure <strong>de</strong> nousmêmes<br />

Une histoire <strong>de</strong>s pervers<br />

Elisabeth Roudinesco<br />

Bibliothèque Idées<br />

Albin Michel, 18 €<br />

Inutile <strong>de</strong> débuter la lecture <strong>de</strong> cet<br />

ouvrage crayon en mains pour en<br />

souligner les passages importants, il<br />

finira entièrement noirci. Le titre est<br />

magnifique et doit tous nous interroger.<br />

Il traite <strong>de</strong> la perversion en prenant<br />

appui sur l’apport crucial <strong>de</strong><br />

Freud quand il estima « la perversion<br />

nécessaire à la civilisation en tant que<br />

part maudite <strong>de</strong>s sociétés et part obscure<br />

<strong>de</strong> nous-mêmes » ; mettant ainsi<br />

en avant que c’est l’accès à la culture<br />

qui « permet d’arracher l’humanité à<br />

sa propre pulsion d’anéantissement ».<br />

Réactualiser les étu<strong>de</strong>s sur la perversion<br />

est une nécessité car il s’agit<br />

d’une matière mouvante en permanence.<br />

On se souvient du livre <strong>de</strong> Marie-Laure<br />

Susini : « L’auteur du crime<br />

pervers » (1). E. Roudinesco revisite<br />

Sa<strong>de</strong>, Sacher Masoch aussi bien sur,<br />

avec <strong>de</strong>s plongeons vers la Grèce Antique<br />

et <strong>de</strong>s explorations vers Foucault.<br />

Elle nous explique que rien ne<br />

peut être compris à notre mon<strong>de</strong> actuel<br />

sans une perspective historique.<br />

Ainsi, on saisit comment, au fil du<br />

temps, on passe <strong>de</strong> l’enfant masturbateur<br />

à la sexualité dangereuse, à<br />

la femme hystérique, jusqu’à l’homosexuel<br />

- bref tout ce qui n’avait<br />

pas la procréation comme objet. Mais<br />

la politique n’est jamais loin. C’est<br />

ainsi qu’est évoqué Dorian Gray dont<br />

le portrait secret comporte tous les<br />

stigmates <strong>de</strong> la perversion vécue par<br />

le héros qui conserve face au mon<strong>de</strong><br />

ses traits <strong>de</strong> beauté éclatante et d’éternelle<br />

jeunesse. On pourrait ainsi traverser<br />

la littérature wildienne jusqu’à<br />

une réalité la plus effrayante d’un<br />

Adolph Eichmann responsable <strong>de</strong> l’élimination<br />

<strong>de</strong> plusieurs millions <strong>de</strong> juifs,<br />

un être si « affreusement normal » (ni<br />

psychopathe, ni pervers sexuel, ni sadique<br />

... ) qui avait inversé la Loi faisant<br />

du crime une norme, <strong>de</strong>venant<br />

un véritable génocidaire sans éprouver<br />

la moindre culpabilité. Pire encore<br />

si cela est possible, Höss, commandant<br />

d’Auschwitz entre 1940 et<br />

1943, inventeur <strong>de</strong> l’efficace gaz d’ex-<br />

Napoléon n’était pas fou<br />

et irrésistible dimension pulsionnelle<br />

ou encore une « folie <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs »<br />

animée par une idéologie que d’aucuns<br />

pourraient lui prêter. Pour en<br />

rendre compte, à travers les événements<br />

<strong>de</strong> l’époque, nous allons donc<br />

ainsi tenter <strong>de</strong> nous approcher au plus<br />

près <strong>de</strong>s dits et <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> l’homme<br />

Napoléon, lesquels <strong>de</strong>vraient pouvoir<br />

mettre en lumière la « normalité » <strong>de</strong><br />

celui qui fut et qui reste sans conteste<br />

une <strong>de</strong>s figures les plus fascinantes <strong>de</strong><br />

l’histoire <strong>de</strong> France à bien <strong>de</strong>s égards.<br />

Ecrire encore et toujours sur Napoléon,<br />

donc. Mais après tout pourquoi<br />

pas ? Comme le soulignait H. Monin<br />

au début du XX ème siècle dans La<br />

Gran<strong>de</strong> Encyclopédie : « il est (...) impossible<br />

à personne <strong>de</strong> porter sur Napoléon<br />

un jugement définitif » (33), et Bainville<br />

dans le même sens : Napoléon « échappe<br />

toujours par quelques lignes <strong>de</strong>s pages<br />

où on essaie <strong>de</strong> l’enfermer. Il est insaisissable,<br />

non parce qu’il est infini, mais<br />

parce qu’il a varié comme les situations<br />

où le sort le mettait (...). Ainsi chacun<br />

<strong>de</strong> ses portraits est faux par quelque<br />

endroit » (1).<br />

Contrairement au fou, Napoléon ne<br />

se prenait pas pour Napoléon. En<br />

1946, J. Lacan écrivait à cet égard que :<br />

« Napoléon ne se croyait pas du tout<br />

Napoléon, pour fort bien savoir par quels<br />

moyens Bonaparte avait produit Napoléon,<br />

et comment Napoléon (...) en sou-<br />

termination, le Zyklon B. Dans ses<br />

aveux, à Nuremberg, il inverse la<br />

charge <strong>de</strong> la preuve : lui est bon père<br />

<strong>de</strong> famille, aimant sa femme et ses<br />

enfants, bon travailleur qui ne boit<br />

pas ni ne fume pas, habillé mo<strong>de</strong>stement<br />

; et s’il a assassiné autant <strong>de</strong><br />

juifs, c’est parce que ces <strong>de</strong>rniers aiment<br />

les châtiments et la prison, sont<br />

responsables <strong>de</strong> la haine qu’ils suscitent<br />

et <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> leur propre<br />

mise à mort. Il va visiter les chambres<br />

à gaz, contemplant les visages <strong>de</strong>s<br />

victimes « sans crispation » et se sent<br />

rassuré, estimant qu’ils ne souffrent<br />

pas.<br />

On pourrait multiplier les exemples<br />

<strong>de</strong> cette perversion poussée à l’extrême<br />

par Mengele, qui utilise la science<br />

comme outil <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction massive<br />

au profit d’une parole d’Etat. C’est<br />

comme cela que chacun a pu répondre,<br />

sans état d’âme, simplement<br />

obéir aux ordres.<br />

Avec le procès <strong>de</strong> Nuremberg, on<br />

croyait le racisme scientifique disparu.<br />

Avec les étu<strong>de</strong>s génétiques mo<strong>de</strong>rnes,<br />

on croyait même la notion <strong>de</strong> race<br />

mise à mal. On se prend à rêver à<br />

cauchemar<strong>de</strong>r peut-être, quand on<br />

apprend qu’en octobre <strong>de</strong>rnier, James<br />

Watson, prix Nobel, co-découvreur<br />

<strong>de</strong> la structure ADN, différencie l’intelligence<br />

<strong>de</strong>s noirs et <strong>de</strong>s blancs prenant<br />

à témoin « tous ceux qui ont eu<br />

affaires à <strong>de</strong>s employés noirs ». La mise<br />

entre parenthèse <strong>de</strong> ces idées, liée à<br />

la pério<strong>de</strong> réfractaire d’après guerre<br />

« tend à se dissiper » (Axel Kahn) (2).<br />

E. Roudinesco conclut sur ce que serait<br />

une société perverse qui se dirige<br />

déjà vers la désignation <strong>de</strong> l’« autre<br />

absolue », rejetée au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s frontières<br />

<strong>de</strong> l’humain (SDF, individu sale,<br />

alcoolique ... ) (3). Un livre passionnant<br />

écrit avec rigueur dont on méditera<br />

la <strong>de</strong>rnière phrase « à supposer... que<br />

nous ne soyons plus capable <strong>de</strong> nommer<br />

la perversion, cela ne nous évitera<br />

pas d’être confronté avec ses métamorphoses<br />

souterraines : la part obscure<br />

<strong>de</strong> nous-mêmes ».<br />

F. Caroli<br />

(1) M.L. SUSINI, L’auteur du crime pervers, Fayard<br />

2004.<br />

(2) A. KAHN, Cité par « Le Mon<strong>de</strong> », 31 Octobre<br />

2007<br />

(3) Le Maire d’Argenteuil eut un temps l’idée<br />

d’acquérir un produit répulsif pour chasser les<br />

SDF.<br />

tenait à chaque instant l’existence. S’il<br />

se crut Napoléon, ce fut au moment où<br />

Jupiter eut décidé <strong>de</strong> le perdre, et sa chute<br />

accomplie, il occupa ses loisirs à mentir à<br />

Las Cases à pages-que-veux-tu, pour<br />

que la postérité crût qu’il s’était cru Napoléon,<br />

condition requise pour la convaincre<br />

elle-même qu’il avait été vraiment Napoléon<br />

» (19). Tout au long <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> du<br />

Consulat (fin 1799 - mai 1804) et <strong>de</strong><br />

l’Empire (18 mai 1804- 4 avril 1814,<br />

puis 20 mars au 22 juin 1815), Napoléon<br />

a, en effet, travaillé ru<strong>de</strong>ment à<br />

la création <strong>de</strong> son propre personnage,<br />

<strong>de</strong> son propre mythe, <strong>de</strong> sa légen<strong>de</strong>, et<br />

fit tout ce qui était en son pouvoir (et<br />

il était immense) afin que son nom soit<br />

élevé au rang <strong>de</strong>s Alexandre le Grand,<br />

César, Auguste ou autre Charlemagne.<br />

Un objectif simple, donc : rester dans<br />

l’Histoire, ne pas être oublié, que son<br />

nom figure <strong>de</strong> manière indélébile aux<br />

côtés <strong>de</strong>s plus grands conquérants. Ne<br />

disait-il pas, d’ailleurs : « je ne vis que<br />

dans la postérité » ? Sur l’île <strong>de</strong> Sainte-<br />

Hélène (son exil dure un peu plus <strong>de</strong><br />

cinq ans et <strong>de</strong>mi, du 17 octobre 1815,<br />

à sa mort le 5 mai 1821), Napoléon<br />

n’eut <strong>de</strong> cesse <strong>de</strong> vouloir être plus qu’il<br />

ne fut, et ainsi <strong>de</strong> réécrire (<strong>de</strong> dicter), <strong>de</strong><br />

retraduire, <strong>de</strong> transformer, d’embellir<br />

son nom et son Histoire. Las Cases<br />

durant les <strong>de</strong>ux premières années, puis<br />

Bertrand, Gourgaud, Antonmarchi<br />

avaient pour tâche <strong>de</strong> prendre en note<br />

les dictées <strong>de</strong> Napoléon, auteur <strong>de</strong> sa<br />

propre histoire, acteur, bien sûr, mais<br />

aussi créateur <strong>de</strong> sa propre légen<strong>de</strong>.<br />

Le Mémorial <strong>de</strong> Sainte-Hélène <strong>de</strong> Las<br />

Cases est, sans doute, un <strong>de</strong>s documents<br />

les plus intéressants pour mieux<br />

cerner l’homme Napoléon, malgré les<br />

réserves qui sont faites parfois à son<br />

égard. Il va sans dire que l’Histoire,<br />

l’épopée napoléonienne, les exploits<br />

rapportés, et l’image <strong>de</strong> l’Empereur qui<br />

s’en dégage, y sont grandis plus que<br />

<strong>de</strong> raison, et c’est un point sur lequel<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s historiens sont d’accord.<br />

Le document (1600 pages serrées)<br />

reste toutefois incontournable, et, dans<br />

ses « mensonges » mêmes, ou plutôt<br />

dans ses « rectifications » historiques,<br />

dans ses reconstructions, se révèle une<br />

part <strong>de</strong> vérité qu’il nous faut savoir<br />

déchiffrer.<br />

La puissance et la gloire<br />

« J’aimais plus la puissance<br />

que la gloire » (Napoléon)<br />

A la lecture <strong>de</strong>s multiples Mémoires<br />

contemporains <strong>de</strong> Napoléon, à la lecture<br />

<strong>de</strong>s innombrables biographies qui<br />

lui furent consacrées, évi<strong>de</strong>mment, la<br />

dimension « hors normes » du personnage,<br />

l’aspect « <strong>de</strong>stin d’exception » et<br />

« ambition démesurée » sautent immédiatement<br />

aux yeux. Et c’est à partir<br />

<strong>de</strong> certains traits <strong>de</strong> caractères, à partir<br />

<strong>de</strong> certains actes, en fonction <strong>de</strong> certaines<br />

décisions (politiques, militaires,<br />

administratives, etc.) que ses « détracteurs<br />

» ont voulu voir en Napoléon<br />

folie, délire, mégalomanie... H. Monin<br />

soulignait déjà au tout début du XX ème<br />

siècle que « <strong>de</strong> nos jours, certains physiologistes<br />

n’ont pas craint <strong>de</strong> le placer<br />

au nombre <strong>de</strong>s ‘’déséquilibrés supérieurs’’<br />

» (33). Et sans doute, il est indéniable<br />

que l’homme Napoléon apparaît<br />

à bien <strong>de</strong>s égards comme une figure<br />

hors normes, hors du commun. En première<br />

approche –et n’est-ce pas là l’idée<br />

que l’on se fait la plupart du temps du<br />

personnage ?- Napoléon est décrit (et il<br />

le fut) comme un homme d’ambitions,<br />

recherchant toujours plus la gloire, les<br />

conquêtes, menant ses hommes, son<br />

Armée Impériale et le peuple avec<br />

autorité, régnant en <strong>de</strong>spote, contrôlant<br />

et censurant la presse, la littérature,<br />

le théâtre, ne supportant pas qu’on<br />

le contredise, que l’on discute ses<br />

ordres, ou alors c’était s’exposer à <strong>de</strong><br />

terribles colères… Le goût du comman<strong>de</strong>ment,<br />

<strong>de</strong> la puissance et <strong>de</strong> la<br />

gloire, Napoléon l’a toujours eu, sans<br />

doute très tôt dans l’enfance semble til.<br />

Mais la célèbre bataille <strong>de</strong> Lodi (10<br />

mai 1796) marquera un tournant dans<br />

son histoire. Il aura d’ailleurs plus tard<br />

ces mots au sujet <strong>de</strong> l’impression que<br />

lui fit cette victoire : « je voyais le mon<strong>de</strong><br />

fuir sous moi comme si j’étais emporté<br />

dans les airs », et, après cette fameuse<br />

campagne d’Italie : « j’ai goûté du comman<strong>de</strong>ment<br />

et je ne puis plus y renoncer<br />

». Après l’Italie, puis l’Egypte (où là<br />

encore la propagan<strong>de</strong> par le discours et<br />

par l’image (II) fit admirablement son<br />

travail) Napoléon veut le pouvoir suprême,<br />

absolu. A trente ans, il se sent d’attaque<br />

pour gouverner la France, et l’occasion<br />

–qu’il ne laisse jamais passer- va<br />

lui en offrir la possibilité. Nommé<br />

Consul à vie le 10 mai 1802, puis proclamé<br />

Empereur en 1804 (et roi d’Italie<br />

l’année suivante), son pouvoir, sa<br />

puissance, sa renommée ne cessèrent<br />

<strong>de</strong> croître dans toute l’Europe. A partir<br />

<strong>de</strong> Tilsit (rencontre entre le tsar<br />

Alexandre Ier et Napoléon le 25 juin<br />

1807, puis traité signé le 7 juillet, assurant<br />

« paix et amitiés parfaites entre les<br />

<strong>de</strong>ux empereurs ») tout semble possible<br />

à Napoléon. « On a l’impression, écrit J.<br />

Bainville, d’une sorte <strong>de</strong> vertige, d’un<br />

délire <strong>de</strong> la puissance, d’un démiurge<br />

insensé qui brasserait sans arrêt le vieux<br />

mon<strong>de</strong>, ôtant ici <strong>de</strong>s rois pour les mettre<br />

ailleurs, donnant aux uns ce qu’il reprend<br />

aux autres, remaniant, agglomérant, divisant,<br />

annexant, et il est impossible <strong>de</strong> le<br />

suivre dans le détail sans donner au récit<br />

un caractère d’éparpillement et <strong>de</strong><br />

papillottement insoutenables pour l’esprit<br />

» (1). Démence, aliénation, folie, délire<br />

<strong>de</strong> domination et d’orgueil, esprit<br />

obscurci, dérangé, etc. Les qualificatifs<br />

allaient bon train du temps <strong>de</strong> l’Empire.<br />

Laissons pour l’heure cette question<br />

<strong>de</strong> côté. T. Lentz résume en fin<br />

<strong>de</strong> compte en quelques lignes qui en<br />

disent long l’ambition <strong>de</strong> Bonaparte :<br />

« A vingt-six ans Napoléon Bonaparte<br />

veut le pouvoir, sans hésitation, sans<br />

scrupule. A trente ans, il s’en saisit (…).<br />

Puis il se bat pour le conserver et l’accroître.<br />

A trente-quatre ans, il succè<strong>de</strong> à<br />

Charlemagne » (29). Relevons simplement<br />

qu’en 1802, à la date du 15 août,<br />

on célèbre la naissance <strong>de</strong> Napoléon (à<br />

partir <strong>de</strong> 1806 ce jour sera décrété<br />

Fête Nationale). En 1803 – l’année qui<br />

précè<strong>de</strong> le Sacre- le profil <strong>de</strong> Bonaparte<br />

vient orner les pièces <strong>de</strong> monnaie ;<br />

en avril 1806 est mis en circulation le<br />

« catéchisme impérial », lequel impose<br />

d’« honorer et servir son empereur », ce<br />

qui signifie « honorer et servir Dieu luimême<br />

». Selon L. Chardigny, « à partir<br />

<strong>de</strong> 1810, l’imagination <strong>de</strong> Napoléon<br />

atteint la démesure. Son penchant naturel<br />

au gigantisme frôle la folie <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>urs<br />

» (4). En 1811-1812, l’Empire<br />

compte 130 départements, s’étendant<br />

<strong>de</strong> Hambourg à Barcelone, d’Amsterdam<br />

à Rome (800 000 km2 environ).<br />

L’on peut noter déjà ce qui guidait, ce<br />

qui poussait Napoléon à étendre toujours<br />

plus les frontières <strong>de</strong> son Empire :<br />

« Je n’avais qu’un but, disait-il : tout<br />

réunir, tout concilier, faire oublier toutes<br />

les haines, rapprocher, rassembler tant<br />

d’éléments divergents et en recomposer<br />

un tout : une France, une patrie ». Dictateur,<br />

Bonaparte le fut, sans conteste.<br />

Les spécialistes s’accor<strong>de</strong>nt cependant<br />

pour préciser que cette dictature n’est<br />

peut-être pas tout à fait comparable à<br />

celles plus anciennes, ou à celles qui<br />

suivront. L’un <strong>de</strong> ses meilleurs biographes,<br />

F. Masson, soulignait par<br />

exemple que la dictature <strong>de</strong> Napoléon<br />

est « d’une espèce nouvelle (…) ; c’est <strong>de</strong><br />

la souveraineté nationale qu’elle procè<strong>de</strong><br />

en droit, et, en fait, c’est l’armée, c’est-àdire<br />

la force, qui l’a établie ; c’est par le<br />

consentement du peuple et par la force<br />

qu’elle se maintient » (31).<br />

<br />

PSYCHO BIOGRAPHIE ■ 7<br />

LIVRES<br />

Le Mérite et la République<br />

Essai sur la société <strong>de</strong>s émules<br />

Olivier Ihl<br />

nrf essais, Gallimard, 25 €<br />

Olivier Ihl, professeur à l’Institut d’étu<strong>de</strong>s<br />

politiques <strong>de</strong> Grenoble, spécialiste <strong>de</strong><br />

sociologie historique, s’est consacré<br />

ces <strong>de</strong>rnières années à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

République, <strong>de</strong> la citoyenneté et <strong>de</strong><br />

la construction <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong> représentation<br />

politique. Ses recherches<br />

actuelles portent sur la formation <strong>de</strong>s<br />

sciences <strong>de</strong> gouvernement en Europe<br />

<strong>de</strong>puis la Révolution française. Il a<br />

publié aux Editions Gallimard La fête<br />

républicaine (Collection Bibliothèque<br />

<strong>de</strong>s Histoire, 1996). L’histoire <strong>de</strong> l’émulation<br />

raconte l’institutionnalisation<br />

d’une technique <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s<br />

conduites. Aujourd’hui banalisée et<br />

professionnalisée, elle s’est transformée<br />

en une entreprise <strong>de</strong> cotation<br />

sociale. A la fois hiérarchisée et fonctionnelle,<br />

cette technique dont l’Etat<br />

se porte garant s’est instituée en<br />

moyen <strong>de</strong> réglementer les formes <strong>de</strong><br />

la gran<strong>de</strong>ur sociale. Que ce soit au<br />

moyen <strong>de</strong> signes honorifiques ou <strong>de</strong><br />

primes en numéraire, elle a donné<br />

naissance à une véritable discipline.<br />

Ce livre retrace les formes variables<br />

que cette <strong>de</strong>rnière a prises selon les<br />

époques ou encore les périls qui lui<br />

ont permis <strong>de</strong> se constituer comme<br />

un domaine <strong>de</strong> pratiques et <strong>de</strong> savoirs.<br />

En faisant du mérite une ingénierie<br />

<strong>de</strong> gouvernement, les institutions<br />

<strong>de</strong> la démocratie libérale ont<br />

redéfini l’échelle <strong>de</strong>s valeurs. Elles<br />

n’ont pas abaissé les gran<strong>de</strong>urs, encore<br />

moins avili les dignités comme<br />

le craignaient leurs détracteurs, effrayés<br />

par la montée <strong>de</strong> la roture ou<br />

<strong>de</strong> l’Etat. Elles en ont fait un nouveau<br />

moyen <strong>de</strong> salut : celui d’une émulation<br />

proclamée gardienne <strong>de</strong>s formes<br />

du paraître.<br />

Contingence et nécessité<br />

<strong>de</strong>s lois <strong>de</strong> la nature au<br />

XVIII e siècle<br />

La philosophie secon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

lumières<br />

André Charrak<br />

Vrin, 26 €<br />

Au milieu du XVIII e siècle, les philosophes<br />

se réclamant <strong>de</strong> Locke et <strong>de</strong><br />

Newton interrogent le statut <strong>de</strong>s lois<br />

<strong>de</strong> la nature et se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt si elles<br />

pourraient s’avérer aussi nécessaires<br />

que les vérités mathématiques. Ils critiquent<br />

Leibniz sur la nécessité ex hypothesi<br />

<strong>de</strong>s lois et se prononcent sur<br />

leur révision wolffienne : d’une manière<br />

très cohérente, c’est finalement<br />

le concept central <strong>de</strong> mon<strong>de</strong> possible<br />

qui se trouve écarté. Cette histoire,<br />

essentielle pour approfondir notre<br />

compréhension du problème <strong>de</strong> la<br />

connaissance à cette époque, se joue<br />

autour <strong>de</strong> Maupertuis, qui a la Théodicée<br />

sous les yeux lorsqu’il écrit son<br />

Essai <strong>de</strong> cosmologie ; <strong>de</strong> l’Académie<br />

<strong>de</strong> Berlin, dont cet ouvrage étudie<br />

certaines archives inédites ; <strong>de</strong> d’Alembert<br />

et <strong>de</strong> Kant enfin, qui en thématisent<br />

les enjeux fondamentaux. Ces<br />

débats éclairent ce qu’il convient <strong>de</strong><br />

désigner comme la philosophie secon<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s Lumières. Car l’idée <strong>de</strong> nature,<br />

jusqu’à la fin du XVIII e siècle, et<br />

du fait même <strong>de</strong> la recherche d’une<br />

nécessité supérieure dans les phénomènes,<br />

impose <strong>de</strong> situer la philosophie<br />

naturelle par rapport à la métaphysique<br />

et, parfois, <strong>de</strong> poursuivre<br />

l’une par l’autre. En témoignent les<br />

longues discussions qui portent sur<br />

la théologie physique, c’est-à-dire sur<br />

le rapport <strong>de</strong> l’intelligence souveraine<br />

à l’ordre du mon<strong>de</strong>, aux lois qui le<br />

régissent et à ses manifestations empiriques.


8<br />

LIVRES<br />

■ PSYCHO BIOGRAPHIE<br />

Eléments pour une histoire<br />

<strong>de</strong> la psychiatrie occi<strong>de</strong>ntale<br />

Jacques Postel<br />

L’Harmattan, 29 €<br />

Cet ouvrage rassemble une quinzaine<br />

<strong>de</strong> contributions à l’histoire <strong>de</strong> la psychiatrie.<br />

Dans une large perspective,<br />

le lecteur y découvre <strong>de</strong> la Renaissance<br />

à l’époque contemporaine, une<br />

série d’étu<strong>de</strong>s allant <strong>de</strong> la mélancolie<br />

décrite par Du Laurens, à la<br />

découverte du Largactil, premier neuroleptique<br />

<strong>de</strong> la révolution psychopharmacologique.<br />

Mais c’est à l’œuvre<br />

<strong>de</strong> Pinel, le fondateur <strong>de</strong> la psychiatrie<br />

mo<strong>de</strong>rne, et à ses mythifications<br />

successives, que l’auteur a consacré<br />

le plus <strong>de</strong> pages ; Esquirol ensuite, le<br />

grand patron <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine aliéniste<br />

; Georget et Bayle, ses élèves<br />

directs ; sont évoqués également le<br />

traitement moral et sa déca<strong>de</strong>nce, le<br />

magnétisme animal, l’importance<br />

<strong>de</strong> la découverte freudienne, sans<br />

omettre Kraepelin et son monument<br />

nosographique qui résiste à l’usure<br />

du temps ; la naissance <strong>de</strong> la première<br />

revue <strong>de</strong> psychologie médicale,<br />

les rôles respectifs <strong>de</strong> la pratique<br />

<strong>de</strong> secteur et <strong>de</strong>s neuroleptiques dans<br />

l’amélioration du sort <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s<br />

mentaux sont d’autres étapes auxquelles<br />

ce parcours invite.<br />

Races, racisme et<br />

antiracisme dans les années<br />

1930<br />

Carole Reynaud Paligot<br />

Presses Universitaires <strong>de</strong> France,<br />

20 €<br />

L’élaboration scientifique <strong>de</strong> la notion<br />

<strong>de</strong> race fut l’œuvre <strong>de</strong> la communauté<br />

anthropologique. Les années<br />

1930 furent, pour l’anthropologie<br />

raciale, le temps <strong>de</strong>s doutes parce<br />

que l’anthropométrie n’avait pas tenu<br />

toutes ses promesses et parce que sa<br />

pratique, sans pour autant avoir été<br />

abandonnée, n’avait guère permis<br />

d’avancer dans la classification raciale<br />

du genre humain. De nouvelles<br />

perspectives apparurent qui s’appuyèrent<br />

sur les avancées scientifiques<br />

du moment, la sérologie et la<br />

génétique. Abor<strong>de</strong>r l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’anthropologie<br />

raciale soulève la question<br />

<strong>de</strong>s représentations <strong>de</strong> l’altérité.<br />

Comment penser la différence fut<br />

une question centrale pour l’anthropologie.<br />

Si les savants français se mobilisèrent<br />

contre les théories « racistes »<br />

<strong>de</strong> l’anthropologie raciale nazie, ils<br />

continuèrent à concevoir les races <strong>de</strong><br />

couleur sous le prisme <strong>de</strong> l’inégalité.<br />

La question eugéniste ne leur resta<br />

pas étrangère, tandis que, à la fin <strong>de</strong>s<br />

années 1930, certains d’entre eux<br />

dérivaient vers l’antisémitisme.<br />

L’approche psychologique a prolongé<br />

alors la thématique raciale. La psychologie<br />

raciale connut, en effet, un<br />

essor notable tant chez les scientifiques<br />

que chez les littéraires. Les<br />

scientifiques étudièrent la question<br />

<strong>de</strong> la transmission <strong>de</strong>s caractères psychologiques<br />

<strong>de</strong>s différentes races au<br />

regard <strong>de</strong>s nouvelles perspectives<br />

scientifiques tandis que philosophes,<br />

sociologues, littéraires s’appropriaient<br />

le concept qui <strong>de</strong>vint une véritable<br />

problématique pour abor<strong>de</strong>r l’étu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> l’époque, allant même<br />

parfois jusqu’à faire <strong>de</strong> l’antagonisme<br />

entre les races un moteur <strong>de</strong>s relations<br />

internationales. La psychologie<br />

raciale trouva, également, un terrain<br />

propice au sein du mon<strong>de</strong> colonial<br />

et elle fut censée éclairer les politiques<br />

coloniales tout comme les politiques<br />

<strong>de</strong> l’immigration. La psychologie ethnique<br />

fut appliquée aux indigènes<br />

<strong>de</strong>s colonies et permit d’i<strong>de</strong>ntifier les<br />

immigrés désirés et indésirables sur<br />

le territoire métropolitain.<br />

<br />

Séminaire d’histoire <strong>de</strong> la psychiatrie<br />

Coordoné par le Pr J.D. Guelfi et le Dr F. Bing<br />

Sous l’égi<strong>de</strong> du Dr J. Postel<br />

Ce séminaire aura lieu le <strong>de</strong>uxième mardi <strong>de</strong> chaque mois à 20h<br />

Plus récemment, J. Tulard, dans son<br />

incontournable Napoléon, donne définitivement<br />

la « couleur » <strong>de</strong> la dictature<br />

napoléonienne : « l’Empire était avant<br />

tout une dictature <strong>de</strong> salut public, <strong>de</strong>stinée<br />

à préserver les conquêtes révolutionnaires<br />

(…). Le gouvernement impérial<br />

prit dès 1804 l’allure d’une dictature<br />

personnelle (…). Les ministres furent<br />

réduits au rôle <strong>de</strong> simples exécutants<br />

(…). La dictature napoléonienne, c’est<br />

au fond le césarisme <strong>de</strong> la Rome antique,<br />

un compromis entre les nécessités d’un<br />

gouvernement <strong>de</strong> salut public, en lutte<br />

contre l’Europe, et les susceptibilités héritées<br />

<strong>de</strong> la Révolution à l’égard du pouvoir<br />

monarchique. Césarisme ? ou plus exactement<br />

Bonapartisme, car le mérite du<br />

vainqueur <strong>de</strong> Marengo est d’avoir substitué<br />

son nom à celui du vainqueur<br />

d’Alésia (…). Tout repose sur le charisme<br />

personnel <strong>de</strong> Napoléon : le régime<br />

s’i<strong>de</strong>ntifie à un individu » (39).<br />

Mais passons sur l’homme politique,<br />

sur l’homme <strong>de</strong> conquêtes et <strong>de</strong><br />

guerres, encore qu’il se défendît bien<br />

d’être qualifié d’« homme <strong>de</strong> guerre »<br />

car, conquérant et guerrier, il ne le fut<br />

–et il l’a répété maintes fois– que pour<br />

obtenir la paix dans toute l’Europe,<br />

pour obtenir l’unité <strong>de</strong>s peuples, l’alignement<br />

<strong>de</strong>s classes sociales, un co<strong>de</strong><br />

européen, une même monnaie, les<br />

mêmes lois, etc., et, ne cessait-il <strong>de</strong><br />

répéter encore, s’il fut contraint à certaines<br />

guerres, la faute en revenait à<br />

l’Angleterre : « c’est le système <strong>de</strong> guerre<br />

perpétuelle adopté par l’Angleterre qui<br />

m’y a forcé » ; ou encore : « c’est l’Angleterre<br />

qui m’a poussé, forcé à tout ce<br />

que j’ai fait ». Un idéal <strong>de</strong> paix (encore<br />

une fois qui n’avait rien <strong>de</strong> délirant au<br />

sens <strong>de</strong> la psychose) qui pousse inévitablement<br />

Napoléon à incarner le Père<br />

<strong>de</strong> l’Europe unie, fédérée et pacifiée,<br />

mais un idéal qui aura fait en quelques<br />

années près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux millions <strong>de</strong><br />

morts (III) : « J’ai voulu l’empire du mon<strong>de</strong>,<br />

et, pour me l’assurer, un pouvoir sans<br />

bornes m’était nécessaire ». Comme le<br />

propose A. Jourdan : « la volonté <strong>de</strong><br />

puissance n’exclut pas tout idéalisme, et<br />

peut-être celle-là est-elle justement le fruit<br />

<strong>de</strong> celui-ci. L’Empereur nourrit <strong>de</strong>s rêves.<br />

Sa vision d’une Europe unie, civilisée,<br />

francisée, pacifiée, qu’est-elle sinon une<br />

utopie ? » (17).<br />

J. Go<strong>de</strong>chot a souligné, avec raison,<br />

que « dans la carrière prodigieuse <strong>de</strong><br />

Napoléon, sous ses activités multiples, il<br />

est difficile <strong>de</strong> retrouver l’homme » (14).<br />

Dans la même veine, G. Gengembre<br />

s’interroge : « peut-on retrouver l’homme<br />

véritable sous les travestissements <strong>de</strong> la<br />

légen<strong>de</strong> et les habits du mythe ? » (13).<br />

L’image du Napoléon stratège <strong>de</strong> génie,<br />

conquérant et <strong>de</strong>spote, c’est probablement<br />

celle que la plupart d’entre nous<br />

avons héritée <strong>de</strong> nos années d’école<br />

ou <strong>de</strong> nos lectures d’enfance. On peut<br />

Programme 2007-2008<br />

13 novembre 2007 : R. Major, Faut-il brûler Freud ?<br />

11 décembre 2007 : M. Valleur, Histoire <strong>de</strong>s addictions « Le jeu »<br />

8 janvier 2008 : J.F. Braunstein, G. Canguilhem et les normes<br />

12 février 2008 : S. Wasersztrum, Histoire <strong>de</strong>s « psychotropes »<br />

11 mars 2008 : C. Imbert, Histoire <strong>de</strong> la « folie » avant 1652<br />

8 avril 2008 : J. Carroy, Intrduction à l’histoire <strong>de</strong> la psychologie<br />

13 mai 2008 : D. Zagury, Introduction à l’histoire <strong>de</strong> la criminologie<br />

10 juin 2008 : F. Hocini, Naissance <strong>de</strong> l’adolescence<br />

8 juillet 2008 : M. Plon, L’avenir <strong>de</strong> la paychanalyse<br />

Renseignements : Dr F. Bing. Tél. : 01 40 13 06 15. Centre Hospitalier Sainte-Anne,<br />

Institut H. Ellenberger, Bibliothèque H. Ey, 1 rue Cabanis, 75674 Paris Ce<strong>de</strong>x 14<br />

éventuellement avoir par ailleurs l’idée<br />

d’un personnage dont le regard fascinait<br />

ceux qui le côtoyaient, d’un homme<br />

à l’esprit toujours vif et prompt, toujours<br />

tout entier à son objet, jamais distrait,<br />

un homme qui avait à l’extrême le<br />

goût <strong>de</strong> l’ordre, <strong>de</strong> la hiérarchie, <strong>de</strong> la<br />

cohésion et <strong>de</strong> l’organisation, qui prenait<br />

le plus souvent et <strong>de</strong>puis tout jeune<br />

un ton doctoral, manifestant « une espèce<br />

d’exaltation froi<strong>de</strong> (…). Il est sans<br />

fièvre (…), tantôt majestueux (…), tantôt<br />

brutal (…), tantôt affable et cajolant<br />

(…), tantôt cynique » (1), très luci<strong>de</strong> sur<br />

la précarité <strong>de</strong> son pouvoir, ne se laissant<br />

surprendre par rien, contrôlant<br />

constamment ses émotions, indifférent<br />

au danger, croyant en sa bonne étoile,<br />

surveillant tout, voulant tout savoir sur<br />

tout, et tout comprendre, véritable<br />

génie <strong>de</strong> la stratégie et <strong>de</strong> la tactique<br />

militaire, offensif et souvent offensant,<br />

misogyne, donnant « le mot d’ordre à<br />

l’univers », pour reprendre l’expression<br />

<strong>de</strong> Chateaubriand (5). Autant <strong>de</strong> traits<br />

qui laissent une image <strong>de</strong> Napoléon<br />

quelque peu froi<strong>de</strong> et sans fissures, sans<br />

failles… Peut-être est-il ainsi utile d’aller<br />

maintenant en marge <strong>de</strong> l’image<br />

qu’a bien voulu nous laisser l’auteur<br />

<strong>de</strong> son propre mythe, d’aller à la rencontre<br />

du sujet Napoléon, celui qui se<br />

montre divisé, celui qui donne à voir et<br />

à entendre la position subjective d’un<br />

être aux prises avec ses angoisses, ses<br />

doutes, sa culpabilité, et les divers<br />

« remè<strong>de</strong>s » qu’il aura tenté <strong>de</strong> trouver<br />

et <strong>de</strong> s’appliquer pour pouvoir faire<br />

face sur tous les fronts…<br />

De l’inflation phallique<br />

S’il y a bien, chez Napoléon, un trait<br />

structural qui pourrait le désigner en<br />

propre, ce serait celui <strong>de</strong> l’omniprésence<br />

<strong>de</strong> la promotion et <strong>de</strong> l’inflation<br />

du signifiant phallique, ainsi que la figure<br />

<strong>de</strong> Maître -et, bien plus, <strong>de</strong> Pèrequ’il<br />

incarna pendant toute la durée<br />

<strong>de</strong> son règne. « Tout le problème <strong>de</strong> l’obsessionnel<br />

[car Napoléon, nous allons le<br />

voir, était sans conteste névrosé, avec<br />

une dimension obsessionnelle évi<strong>de</strong>nte],<br />

disait J. Lacan, est <strong>de</strong> trouver à son désir<br />

la seule chose qui puisse lui donner un<br />

semblant d’appui » (22), et ce qui vient<br />

prendre place ici, et qui fonctionne<br />

comme appui du désir, poursuit-il,<br />

« c’est un objet qui est toujours (…)<br />

réductible au signifiant Phallus » (22). Et<br />

bien, il faut prendre au mot Napoléon<br />

et entendre ici cette vérité : « on dit<br />

que je suis ambitieux, on se trompe : je<br />

ne le suis pas, ou, du moins, mon ambition<br />

est si intimement unie à mon être<br />

qu’elle n’en peut être distinguée ». Effectivement,<br />

nous allons en rendre compte,<br />

le plus intime <strong>de</strong> son être, d’une<br />

certaine manière, se confond avec son<br />

ambition. Par ailleurs, avec lucidité mais<br />

butant inévitablement sur ce qui cause<br />

cette ambition démesurée, il pouvait<br />

dire à Las Cases : « le vrai est que je<br />

n’ai jamais été maître <strong>de</strong> mes mouvements,<br />

et que je n’ai jamais été réellement<br />

tout à fait moi (…). Je n’ai jamais<br />

été véritablement mon maître, mais j’ai<br />

toujours été gouverné par les circonstances<br />

(…). Je n’étais point le maître <strong>de</strong><br />

mes actes parce que je n’avais pas la<br />

folie <strong>de</strong> vouloir tordre les événements à<br />

mon système, mais au contraire, je pliais<br />

mon système sur la contexture imprévue<br />

<strong>de</strong>s événements (…) », et, du temps<br />

<strong>de</strong> sa gloire : « une puissance supérieure<br />

me pousse à un but que j’ignore ; tant<br />

qu’il ne sera pas atteint, je serai invulnérable,<br />

inébranlable ; dès que je ne lui<br />

serai plus nécessaire, une mouche suffira<br />

pour me renverser ». Très tôt, du<br />

reste, Napoléon pressentait que ce qui<br />

le guidait ainsi lui serait un jour fatal :<br />

« j’avais en moi l’instinct d’une issue malheureuse<br />

(…), j’en portais le sentiment<br />

au-<strong>de</strong>dans <strong>de</strong> moi ». Pas <strong>de</strong> certitu<strong>de</strong><br />

inébranlable, donc, quant à son <strong>de</strong>stin,<br />

mais <strong>de</strong>s croyances (en sa bonne étoile),<br />

et puis <strong>de</strong>s doutes, une fragilité -<br />

qui l’avaient d’ailleurs dans son adolescence<br />

menés sur les versant <strong>de</strong> la<br />

dépression et d’idées <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> (IV)- qui<br />

auront finalement raison d’un Empereur<br />

et d’un Empire aux pieds d’argile.<br />

Tout ceci, donc, pour dire quoi ? Pour<br />

dire que l’ascension fulgurante, le pouvoir,<br />

puis la chute <strong>de</strong> Napoléon illustrent,<br />

parfaitement, la logique subjective<br />

parcourue par un certain nombre<br />

<strong>de</strong> sujets névrosés obsessionnels. Au<br />

fond <strong>de</strong> l’expérience du sujet obsessionnel<br />

- dont une <strong>de</strong>s caractéristiques<br />

est, sans nul doute, ce que l’on peut<br />

appeler avec Lacan le « mirage <strong>de</strong> narcissisme<br />

frénétique »- il y a toujours une<br />

« certaine crainte <strong>de</strong> se dégonfler, en rapport<br />

avec l’inflation phallique » (23). Monter<br />

très haut, <strong>de</strong>scendre très bas, ce trajet<br />

n’est pas rare chez l’obsessionnel.<br />

D. Jamet résume ainsi la vie <strong>de</strong> Napoléon<br />

: « Si bas, si haut, si bas (…). Surgi<br />

du néant, monté au zénith, précipité, tel<br />

un ange déchu, du trône le plus élevé<br />

dans l’abîme. Raccourci fulgurant d’une<br />

trajectoire unique dans le ciel <strong>de</strong> l’Histoire<br />

» (16). Dans le fond, partout en<br />

Europe, Napoléon a planté ses drapeaux.<br />

Il ne s’est pas cru maître du<br />

mon<strong>de</strong>, il l’était (mais, pour lui, nous le<br />

N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

verrons, toujours en-<strong>de</strong>çà d’un<br />

Alexandre le Grand, d’un César, d’un<br />

Charlemagne). Partout le sceau phallique<br />

<strong>de</strong> sa puissance, <strong>de</strong> sa gloire, <strong>de</strong> sa<br />

supériorité…Comme le fait valoir<br />

Dominique Miller, le sujet obsessionnel<br />

(c’est vrai pour certains chefs d’entreprise,<br />

certains hommes politiques ou<br />

militaires, etc.) « surinvestit le champ<br />

imaginaire, où il plante le phallus, seul<br />

soutien possible du désir ». Et le phallus,<br />

l’obsessionnel « le veut visible dans son<br />

symptôme, érigé, tout droit sur l’horizon<br />

» (32). S’étendre toujours davantage,<br />

accumuler les conquêtes et les territoires,<br />

ériger <strong>de</strong>s monuments pour fixer<br />

définitivement la gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> l’Empereur<br />

(les arcs <strong>de</strong> triomphe et la colonne<br />

Vendôme par exemple (V)), et, surtout,<br />

laisser son nom, on l’a vu, aux<br />

côtés <strong>de</strong>s plus grands <strong>de</strong> l’Histoire. Pour<br />

ce faire, pas d’autre choix, pour Napoléon,<br />

que <strong>de</strong> mettre sous sa coupe les<br />

puissants <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>. Très tôt capté,<br />

captivé par les César, Auguste, Charlemagne,<br />

lesquels revêtaient bien évi<strong>de</strong>mment<br />

tous les insignes phalliques<br />

<strong>de</strong> puissance, <strong>de</strong> pouvoir, <strong>de</strong> gloire et<br />

<strong>de</strong> prestance, Napoléon lui-même s’est<br />

forgé cette « cuirasse phallique » véritable<br />

rempart à la menace <strong>de</strong> castration<br />

propre au sujet névrosé (VI). A <strong>de</strong><br />

nombreuses reprises Napoléon s’est<br />

i<strong>de</strong>ntifié, principalement à César ou à<br />

Charlemagn (VII). Il allait même jusqu’à<br />

dire (sans y croire, au sens d’un délire<br />

(VIII)) que : « Charlemagne, c’est moi ».<br />

Et avant même ces gran<strong>de</strong>s figures historiques,<br />

c’est au héros corse Pascal<br />

Paoli que le tout jeune Bonaparte s’était<br />

i<strong>de</strong>ntifié. Il faut y voir ici avec Lacan<br />

un <strong>de</strong>s traits marquants et toujours<br />

repérable chez l’obsessionnel à un<br />

moment ou à un autre : « chez tout<br />

obsessionnel (…) vous voyez toujours<br />

apparaître à un moment <strong>de</strong> leur histoire<br />

le rôle essentiel <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification à l’autre<br />

(…) qui, dans tous les cas, a pour lui le<br />

prestige d’être plus viril, d’avoir la puissance.<br />

Le Phallus apparaît ici sous sa<br />

forme non pas symbolique, mais imaginaire.<br />

Disons que le sujet se complémente<br />

d’une image plus forte que luimême,<br />

une image <strong>de</strong> puissance » (22).<br />

Vaincre les grands <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>, c’était<br />

dans le fond pour Napoléon aller au<strong>de</strong>là<br />

<strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification imaginaire, c’était<br />

dégra<strong>de</strong>r, <strong>de</strong>stituer l’Autre, c’était faire<br />

Inscriptions & renseignements : Secrétariat du Dr POLI, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r Aïcha<br />

Adresse mail : apoli@ch-st-cyr 69.fr Téléphone : 04-72-42-13-71<br />

Fax : 04-72-42-13-72


N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

« déchoir le grand Autre <strong>de</strong> sa position,<br />

pour le rabattre à une place <strong>de</strong> semblable,<br />

<strong>de</strong> petit autre. Il tente ainsi <strong>de</strong><br />

défaire l’Autre <strong>de</strong> ses qualités <strong>de</strong> puissance<br />

et <strong>de</strong> maîtrise, et s’assure, par làmême,<br />

les siennes propres » (32). Chateaubriand,<br />

dans sa Vie <strong>de</strong> Napoléon,<br />

l’avait fort bien perçu en son temps :<br />

Napoléon, écrivait-il, « croyait paraître<br />

d’autant plus grand qu’il abaissait les<br />

autres ». Louis Chardigny enfin, plus<br />

récemment, faisait ce même constat<br />

que Napoléon « ne prit jamais la peine<br />

<strong>de</strong> rehausser un peu les mérites <strong>de</strong> ses<br />

ennemis pour se donner un peu plus <strong>de</strong><br />

mérite à lui <strong>de</strong> les avoir vaincus » (4). Ce<br />

que l’on désigne, aujourd’hui, sous le<br />

terme <strong>de</strong> phallicisme <strong>de</strong> l’obsessionnel<br />

renvoie à cette position subjective qui<br />

fait valoir, en permanence, le « souci »<br />

du sujet à veiller à ce que le phallus<br />

–avec la dimension <strong>de</strong> virilité et <strong>de</strong><br />

puissance qui l’accompagne- soit partout<br />

présent (la dimension du viril était<br />

à cet égard omniprésente chez Napoléon,<br />

et il disait que son nom même<br />

était doué d’une vertu virile (IX)). Une<br />

<strong>de</strong>s questions que se pose l’obsessionnel<br />

est <strong>de</strong> savoir comment être homme<br />

sans risquer <strong>de</strong> perdre le phallus. La<br />

misogynie connue <strong>de</strong> Napoléon est<br />

une façon <strong>de</strong> répondre à cette crainte.<br />

On peut, tout à fait, envisager que pour<br />

un sujet tel que Napoléon, rien ne<br />

venait jamais inscrire <strong>de</strong> façon adéquate<br />

et pleinement satisfaisante sa<br />

propre masculinité, sa propre virilité.<br />

L’obsessionnel trouve nombre <strong>de</strong><br />

moyens pour mettre sur pieds l’entreprise<br />

phallique à laquelle il se voue<br />

inconsciemment, et le sujet lui-même<br />

en est souvent le représentant. On le<br />

note <strong>de</strong> diverses manières dans la<br />

« fabrique » <strong>de</strong> son corps ou <strong>de</strong> son<br />

image et dans l’importance accordée<br />

à sa propre image (on a souvent fait<br />

état <strong>de</strong> la propreté méticuleuse et du<br />

soin minutieux <strong>de</strong> Napoléon pour sa<br />

toilette, et, sur cette question <strong>de</strong> l’image,<br />

il pouvait dire notamment : « on<br />

<strong>de</strong>vient l’homme <strong>de</strong> son uniforme » (X)) ;<br />

dans sa pensée sans cesse en mouvement,<br />

dans ses projets continuels, bref,<br />

dans ses capacités infinies <strong>de</strong> travail,<br />

que nous allons voir dans la suite <strong>de</strong><br />

notre texte. Autant dire que Napoléon,<br />

comme tout névrosé obsessionnel, s’est<br />

construit sa propre forteresse –ou sa<br />

propre « muraille réconfortante », son<br />

propre « quadrage sécurisant », selon<br />

les termes <strong>de</strong> L. Israël (15)- et a jeté ici et<br />

là <strong>de</strong>s ancres (XI) pour consoli<strong>de</strong>r, toujours<br />

davantage, son système défensif.<br />

Dans un chapitre consacré à la névrose<br />

obsessionnelle, Henri Ey écrivait fort<br />

bien en ce sens que « dans toute son<br />

attitu<strong>de</strong>, le sujet paraît vouloir interposer<br />

une armure entre le mon<strong>de</strong> extérieur<br />

et sa personne » (7). La structure <strong>de</strong> la<br />

névrose obsessionnelle prête ainsi merveilleusement<br />

à la métaphore militaire.<br />

Lacan l’évoquait notamment en termes<br />

<strong>de</strong> « fortifications à la Vauban » (20), ce<br />

qui convient plutôt bien au personnage<br />

<strong>de</strong> Napoléon. D’autres termes viennent<br />

également aisément : l’armure ou<br />

la carapace défensives, les « stratégies »,<br />

les « manœuvres » (pour notamment<br />

ravaler l’Autre au rang d’objet déprécié),<br />

les exploits, ou les « ruses » <strong>de</strong> l’obsessionnel<br />

(XII), etc. Tout ce que l’obsessionnel<br />

met en place, finalement, a<br />

pour visée une certaine reconnaissance<br />

<strong>de</strong> l’Autre, et l’Autre qui est important<br />

pour l’obsessionnel, selon Lacan, « c’est<br />

l’Autre <strong>de</strong>vant qui tout cela se passe.<br />

C’est (…) le lieu où s’enregistre l’exploit,<br />

où s’inscrit son histoire. Ce que l’obsessionnel<br />

veut avant tout maintenir (…)<br />

c’est cet Autre où les choses s’articulent<br />

en termes <strong>de</strong> signifiant » (22), et l’on sait<br />

à quel point, <strong>de</strong>s premières campagnes<br />

d’Italie jusqu’à son exil final, Napoléon<br />

a maintenu fermement cet Autre où<br />

il a effectivement enregistré son Histoire<br />

et ses exploits en termes <strong>de</strong> signifiants,<br />

dans les Bulletins <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong><br />

Armée, dans les tableaux et gravures<br />

qui le représentent en héros, dans ses<br />

ultimes Mémoires à Ste Hélène, dans<br />

son soucis constant <strong>de</strong> la reconnaissance<br />

populaire... Ce désir insatiable<br />

<strong>de</strong> reconnaissance <strong>de</strong> l’Autre pousse<br />

le sujet à en faire toujours plus, à aller<br />

toujours plus loin, toujours plus haut<br />

(on peut dire, dans ce sens, que Napoléon<br />

n’a considéré son règne comme<br />

assuré et sa dynastie comme définitivement<br />

fondée que lorsque le pape<br />

Pie VII – quelle figure <strong>de</strong> l’Autre !accepte<br />

<strong>de</strong> venir le sacrer Empereur<br />

<strong>de</strong>s français). Lacan a insisté, à plusieurs<br />

reprises, sur ce « côté performance » (22),<br />

sur les « travaux forcés » ou autres<br />

conduites coercitives inhérents à la position<br />

obsessionnelle : ces sujets « s’infli-<br />

gent toutes sortes <strong>de</strong> tâches particulièrement<br />

dures, éprouvantes (…) ; chez l’obsessionnel<br />

le travail est puissant » (22).<br />

Nous allons le voir, Napoléon en effet<br />

se vouait corps et âme au travail, et<br />

c’est avec raison que L. Chardigny le<br />

définit comme « bagnard <strong>de</strong> le réflexion,<br />

<strong>de</strong> l’imagination, <strong>de</strong> la décision, <strong>de</strong> l’autorité<br />

» (4) (XIII). A cet égard d’ailleurs,<br />

l’auteur rappelle que Napoléon se définissait<br />

lui-même comme « le plus esclave<br />

<strong>de</strong> tous les hommes, obligé d’obéir à<br />

un maître qui n’a point <strong>de</strong> cœur : le calcul<br />

<strong>de</strong>s événements et la nature <strong>de</strong>s<br />

choses ». Manquant toujours <strong>de</strong> temps,<br />

et ne connaissant pas <strong>de</strong> limites dans le<br />

travail, dans les exploits ou dans les<br />

conquêtes, Napoléon, au bout du<br />

compte, ne pouvait que se confronter<br />

à <strong>de</strong> l’insatisfaction, toujours, et à un<br />

sentiment d’infériorité, ce qui n’est pas<br />

à première vue l’idée que l’on se fait <strong>de</strong><br />

l’Empereur.<br />

Du travail et du temps<br />

Le travail, donc. Napoléon était un<br />

bourreau <strong>de</strong> travail. Il disait lui-même :<br />

« le travail est mon élément (…). J’ai<br />

connu les limites <strong>de</strong> mes jambes ; j’ai<br />

connu les limites <strong>de</strong> mes yeux ; je n’ai<br />

jamais pu connaître celles <strong>de</strong> mon travail<br />

». Et encore : « si je reste longtemps<br />

sans rien faire, je suis perdu » (XIV). L’historien<br />

H. Calvet nous donne une idée<br />

juste <strong>de</strong>s rapports <strong>de</strong> Napoléon au travail<br />

: « la possibilité exceptionnelle <strong>de</strong><br />

fournir un travail constant, sans repos,<br />

prolongé par une méditation <strong>de</strong> tous les<br />

instants. Napoléon pourra rester à son<br />

bureau jusqu’à dix-huit heures par jour,<br />

se relever la nuit, et, seul, étudier et critiquer<br />

les rapports les plus rebutants ; il<br />

pourra varier à son gré l’heure <strong>de</strong> son<br />

sommeil, l’abréger au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s limites du<br />

vraisemblable (…). Il contrôlera jusqu’aux<br />

plus petits détails <strong>de</strong> son administration<br />

(…). Tout est classé méthodiquement<br />

dans ses papiers » (3). Et tout est<br />

« classé » pareillement dans son esprit.<br />

Napoléon le disait ainsi : « les divers<br />

objets et les diverses affaires sont casés<br />

dans ma tête comme dans une armoire.<br />

Quand je veux interrompre une affaire,<br />

je ferme son tiroir, et j’ouvre celui d’une<br />

autre. Elles ne se mêlent point l’une avec<br />

l’autre et jamais ne me gênent ni me<br />

fatiguent ». Lorsque Napoléon, Premier<br />

Consul, présidait les séances du Conseil<br />

d’Etat, celles-ci pouvaient durer (ce<br />

n’était pas rare) plus <strong>de</strong> sept heures,<br />

avec une courte pause ; parfois les<br />

séances se déroulaient la nuit et<br />

duraient <strong>de</strong> vingt-<strong>de</strong>ux heures à cinq<br />

heures du matin… Napoléon était<br />

doué d’une mémoire prodigieuse qui a<br />

souvent fait l’admiration <strong>de</strong> ceux qui<br />

le croisaient (XV), il est constamment<br />

décrit comme étant, sans cesse, en<br />

mouvement, comme étant un<br />

« monstre d’activité », comme un esprit<br />

en perpétuelle agitation d’idées, toujours<br />

pressé d’en savoir plus, d’en faire<br />

plus (« je suis né et construit pour le travail<br />

»), rien ne doit lui échapper, et rien<br />

ne doit venir entraver la bonne marche<br />

<strong>de</strong> son travail et <strong>de</strong> ses projets. C’est<br />

ainsi que Napoléon souhaitait que quel<br />

que soit l’endroit où il se trouvait pour<br />

travailler (il avait le changement en horreur),<br />

les pièces et les affaires <strong>de</strong>vaient<br />

être exactement disposées dans le<br />

même ordre qu’aux Tuileries. « Cet<br />

homme <strong>de</strong> guerre, écrivait G. Lefebvre,<br />

ne sera jamais plus heureux que dans<br />

le silence <strong>de</strong> son cabinet, au milieu <strong>de</strong><br />

ses fiches et <strong>de</strong> ses dossiers » (28). Tout est<br />

organisé et ritualisé dans la vie <strong>de</strong><br />

Napoléon, et le travail, bien sûr,<br />

n’échappe pas à la règle. H. Ey écrit<br />

parfaitement ce qui pourrait s’appliquer,<br />

sans retenue, à Napoléon, à savoir<br />

que « le travail, les distractions, <strong>de</strong>viennent<br />

<strong>de</strong>s conduites rigi<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> tyranniques<br />

règlements auxquels l’obsédé se soumet<br />

avec une sorte <strong>de</strong> joie <strong>de</strong> n’être pas libre,<br />

d’être l’esclave <strong>de</strong> son implacable machinerie<br />

intérieure » (7). Ordré, organisé à<br />

l’extrême pour lui-même, il le fut également<br />

pour la Nation, et pour l’Europe.<br />

Dans un chapitre portant, fort justement,<br />

le titre <strong>de</strong> L’empereur <strong>de</strong> l’ordre,<br />

T. Lentz écrit ainsi que « Napoléon<br />

voyait dans le pouvoir personnel la condition<br />

sine qua non d’un retour à l’ordre<br />

(…). Toute l’organisation <strong>de</strong> l’Etat napoléonien<br />

fut conçue selon un schéma pyramidal<br />

avec, à son sommet, le Premier<br />

Consul puis l’Empereur. Ce schéma<br />

s’animait autour <strong>de</strong>s principes d’autorité<br />

et <strong>de</strong> hiérarchie. Il s’agissait ici <strong>de</strong> l’application<br />

au civil (…) d’un modèle militaire,<br />

recherchant la rigueur et l’efficacité<br />

(…). Ce souci d’organisation dans<br />

l’ordre et sous l’autorité du gouvernement<br />

fut sensible dans tous les<br />

domaines » (30).<br />

Sans cesse occupé (il travaille constamment,<br />

le jour, la nuit, au théâtre, en<br />

mangeant, etc.), Napoléon, pour<br />

reprendre les termes <strong>de</strong> C. Soler au<br />

sujet <strong>de</strong> l’obsessionnel, « s’assure qu’il<br />

n’y a pas <strong>de</strong> place pour le vi<strong>de</strong> » (37), et,<br />

à cet égard, le temps lui manque continuellement.<br />

« Toujours pressé, dévorant<br />

ses len<strong>de</strong>mains », écrivait Bainville dans<br />

son Napoléon. « Deman<strong>de</strong>z-moi tout ce<br />

que vous voudrez, disait Napoléon, hormis<br />

du temps ; c’est la seule chose hors <strong>de</strong><br />

mon pouvoir ». Ce manque <strong>de</strong> temps à<br />

la fois le faisait avancer (« le temps,<br />

disait-il, est le grand art <strong>de</strong> l’homme<br />

Entretiens psychanalytiques<br />

en milieu psychiatrique<br />

2007-2008<br />

par <strong>de</strong>s analystes <strong>de</strong> la Société Psychanalytique <strong>de</strong> Paris<br />

Le troisième mardi <strong>de</strong> chaque mois <strong>de</strong> 11h à 12h30<br />

Programme 2007-2008<br />

Mardi 16 octobre Paul Denis<br />

Mardi 20 novembre Jean-Luc Donnet<br />

Mardi 18 décembre Gérard Lucas<br />

Mardi 22 janvier Michel Ody<br />

Mardi 19 février Marilia Aisenstein<br />

Mardi 18 mars Bernard Brusset<br />

Mardi 20 mai Robert Asseo<br />

Mardi 17 juin Gérard Bayle<br />

Centre Hospitalier Sainte-Anne<br />

Service du Dr Vacheron, Pavillon Piera Aulagnier - Salle Polyvalente<br />

Renseignements : Dr Ch. Baldacci, Secrétariat du Dr Vacheron - 01 45 65 83 09<br />

J.L. Baldacci, Centre <strong>de</strong> consultations et <strong>de</strong> traitements psychanalytiques - 01 43 29 31 40<br />

<br />

PSYCHO BIOGRAPHIE ■ 9<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Le discours et le symbole<br />

Edmond Ortigues<br />

Nouvelle édition<br />

Précédé <strong>de</strong><br />

Edmond Ortigues et le<br />

tournant linguistique<br />

Vincent Descombes<br />

Suivi <strong>de</strong><br />

Entretien avec Edmond<br />

Ortigues<br />

Pierre Le Quellec-Wolff<br />

Beauchesne, 29 €<br />

L’œuvre d’Edmond Ortigues (1917-<br />

2005) abor<strong>de</strong> les domaines <strong>de</strong> la théologie,<br />

<strong>de</strong> l’histoire, <strong>de</strong> la philosophie,<br />

<strong>de</strong> l’épistémologie, <strong>de</strong> l’anthropologie,<br />

<strong>de</strong> la logique, <strong>de</strong> la linguistique<br />

et <strong>de</strong> la psychanalyse. Il a notamment<br />

publié Œdipe africain (1966),<br />

Religions du livre, religions <strong>de</strong> la Coutume<br />

(1981), Le Monothéisme (1999),<br />

Sur la philosophie et la religion, les entretiens<br />

<strong>de</strong> Courances (2003), et La Révélation<br />

et le Droit (2007).<br />

Depuis sa parution en 1962, Le Discours<br />

et le Symbole a été considéré<br />

comme une référence pour tout ce<br />

qui se rapporte à la philosophie <strong>de</strong><br />

l’analyse structurale ce qui fait dire à<br />

V. Descombes : « Quant à la philosophie<br />

du structuralisme, ce n’est pas Foucault<br />

qui l’a donnée dans Les Mots et<br />

les Choses, mais Edmond Ortigues dans<br />

Le Discours et le Symbole ». Le livre se<br />

présente comme une « revue générale<br />

<strong>de</strong>s formes à travers lesquelles<br />

nous nous cherchons nous-mêmes ».<br />

L’examen patient <strong>de</strong>s rapports entre<br />

la forme et le sens donne lieu à une<br />

méditation sur les concepts d’expression,<br />

<strong>de</strong> signal, <strong>de</strong> signe, <strong>de</strong> symbole,<br />

<strong>de</strong> langue et <strong>de</strong> discours.<br />

L’ouvrage est ici proposé dans une<br />

nouvelle édition, corrigée et augmentée.<br />

La préface <strong>de</strong> Vincent Descombes<br />

montre comment il offre le<br />

moyen <strong>de</strong> surmonter la philosophie<br />

<strong>de</strong> la conscience, sur les trois versions<br />

du « tournant linguistique ». Un entretien<br />

inédit avec Pierre Le Quellec-<br />

Wolff, réalisé quelques semaines avant<br />

le décès du philosophe, témoigne du<br />

regard porté par Edmond Ortigues<br />

sur son livre, plus <strong>de</strong> quarante ans<br />

après sa première publication.<br />

Représentations sociales et<br />

interventions en santé<br />

publique<br />

Santé Publique 2007 n°5<br />

Revue <strong>de</strong> la Société Française <strong>de</strong><br />

Santé Publique, 28 €<br />

Certains articles <strong>de</strong> ce numéro portent<br />

sur les représentations sociales<br />

<strong>de</strong> différents acteurs tandis que<br />

d’autres articles y font référence,<br />

abordant les facteurs explicatifs <strong>de</strong>s<br />

comportements ou <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s<br />

en matière <strong>de</strong> santé. M. Lenoir et D.<br />

Berger explorent les représentations<br />

du bien-être <strong>de</strong> l’élève adolescent selon<br />

une équipe éducative ; D. Berger<br />

et P. Courty proposent <strong>de</strong> cerner les<br />

représentations développées par <strong>de</strong>s<br />

enseignants, infirmiers et travailleurs<br />

sociaux en formation sur le cannabis<br />

et l’impact sur leur futur rôle d’éducateurs<br />

sanitaires ; D. Houéto et al.<br />

s’intéressent aux représentations <strong>de</strong><br />

la fièvre <strong>de</strong> l’enfant pour mieux comprendre<br />

le recours, ou non, aux soins<br />

par les parents.<br />

Ces articles présentent une diversité<br />

tant au niveau <strong>de</strong>s pratiques que <strong>de</strong>s<br />

analyses <strong>de</strong>s représentations sociales<br />

en santé publique. Il s’agit <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

types <strong>de</strong> connaissances en interaction<br />

dans la définition et le type d’interventions<br />

auprès <strong>de</strong> clientèles cibles.


10<br />

■ PSYCHO BIOGRAPHIE<br />

LIVRES ET REVUES<br />

La gloire <strong>de</strong> Bergson<br />

Essai sur le magistère<br />

philosophique<br />

François Azouvi<br />

nrf essais, Gallimard, 22,50 €<br />

Les contemporains <strong>de</strong> Bergson se<br />

sont jetés à corps perdu sur sa philosophie<br />

qui, valorisant l’intuition et<br />

critiquant l’intelligence, leur a rendu<br />

le mon<strong>de</strong> moins opaque en lui donnant<br />

un sens, une direction à son évolution.<br />

Si les partisans <strong>de</strong> la démocratie<br />

parlementaire, particulièrement<br />

ceux <strong>de</strong> gauche, se réclamaient<br />

<strong>de</strong> Descartes, la droite nationaliste,<br />

conservatrice, volontiers adversaire<br />

du système parlementaire mais également<br />

la gauche antiparlementaire,<br />

révolutionnaire ou anarchisante manifestèrent<br />

leur ferveur pour un bergsonisme<br />

exaltant l’élan vital.<br />

Dans l’histoire du magistère philosophique,<br />

l’épiso<strong>de</strong> bergsonien marque<br />

le moment où la valeur philosophie<br />

peut prendre toute son importance.<br />

La raison en est évi<strong>de</strong>nte : c’est lorsque<br />

la France s’installe durablement dans<br />

le gouvernement <strong>de</strong> tous par tous<br />

que l’opinion peut jouer pleinement<br />

son rôle et les débats intellectuels envahir<br />

la scène publique.<br />

Ce qui rend possible l’affaire Dreyfus<br />

comme affaire nationale est aussi ce<br />

qui rend possible le bergsonisme<br />

comme phénomène global. Pour la<br />

première fois, <strong>de</strong>s questions philosophiques<br />

sont portées <strong>de</strong>vant tous.<br />

Elles le <strong>de</strong>meureront : Bergson a disparu<br />

; mais le surinvestissement <strong>de</strong>s<br />

thèmes philosophiques par les Français,<br />

la conviction que le plus haut<br />

magistère est celui <strong>de</strong>s philosophes<br />

n’ont pas cessé tout au long du XX e<br />

siècle : conseillers du Prince, ministres<br />

ou adversaires organiques du pouvoir,<br />

les philosophes ont joué ces<br />

rôles, avec <strong>de</strong>s bonheurs inégaux<br />

mais en étant investis d’une magistrature<br />

extraordinaire, sans rapport<br />

avec leur poids dans l’Université. Il<br />

ne semble pas que le nouveau siècle<br />

tranche en cela sur le précé<strong>de</strong>nt.<br />

Un million d’emplois non<br />

médicaux dans les<br />

établissements <strong>de</strong> santé en<br />

2005<br />

Arnaud Fizzala<br />

Etu<strong>de</strong>s et résultats 2007 n°605<br />

Drees<br />

En 2005, le personnel non médical<br />

dans les établissements <strong>de</strong> santé représentait<br />

1 030 000 emplois, ce qui<br />

correspondait à 950 000 équivalents<br />

temps plein (ETP). Les trois quarts <strong>de</strong>s<br />

ETP non médicaux sont situés dans<br />

<strong>de</strong>s hôpitaux publics, 12% dans les<br />

établissements privés à but non lucratif<br />

et autant dans les cliniques privées.<br />

Avec sept ETP sur dix, le personnel<br />

soignant, composé d’infirmiers, ai<strong>de</strong>ssoignants,<br />

agents <strong>de</strong> services hospitaliers,<br />

rééducateurs et psychologues,<br />

constitue l’essentiel <strong>de</strong>s effectifs <strong>de</strong><br />

l’hôpital. Le reste du personnel correspond<br />

aux emplois administratifs<br />

(12,4% <strong>de</strong>s ETP), techniques et ouvriers<br />

(11,5% <strong>de</strong>s ETP), médico-techniques<br />

(4,6% <strong>de</strong>s ETP) et éducatifs ou<br />

sociaux (1,4% <strong>de</strong>s ETP).<br />

Entre 1997 et 2005, le nombre<br />

d’ETP non médicaux a augmenté<br />

<strong>de</strong> 100 000, hausse portant sur le<br />

personnel soignant et due, principalement,<br />

à la mise en place <strong>de</strong> la réduction<br />

du temps <strong>de</strong> travail. Le temps<br />

partiel concerne plus d’un emploi sur<br />

cinq et particulièrement le personnel<br />

<strong>de</strong>s établissements privés.<br />

www.sante.gouv.fr/drees/in<strong>de</strong>x.htm<br />

Pour toute information : drees-infos@sante.gouv.fr<br />

<br />

(...) ; c’est par cette seule considération<br />

que j’ai réussi dans tout ce que j’ai<br />

fait »), mais il <strong>de</strong>vait le plus possible<br />

tenter <strong>de</strong> le maîtriser, sous peine d’être<br />

confronté <strong>de</strong> façon douloureuse à la<br />

perte (« du temps ? j’en ai trop perdu »,<br />

et le temps même consacré à l’amour<br />

était pour Napoléon une perte <strong>de</strong><br />

temps (XVI), tout comme le théâtre d’où<br />

il ressortait le plus souvent après le premier<br />

acte) : comme l’écrit encore J.<br />

Bainville, plus d’une fois, « le temps, qui<br />

lui a toujours été mesuré, l’étrangle » (1).<br />

Napoléon est un homme pressé (XVII).<br />

Alors, pour lutter contre le temps qui<br />

passe, et qui, dans la problématique<br />

obsessionnelle, renvoie toujours à la<br />

mort qui est en toile <strong>de</strong> fond (XVIII) (« la<br />

mort qu’il s’agit <strong>de</strong> tromper par mille<br />

ruses », disait Lacan (21)), Napoléon se<br />

doit donc, ce temps, <strong>de</strong> le « quadriller »<br />

: comme le relevait le baron Fain :<br />

Napoléon « aimait la règle (...). Toutes<br />

les heures <strong>de</strong> sa journée avaient une <strong>de</strong>stination,<br />

les jours <strong>de</strong> la semaine avaient<br />

aussi la leur » (8) ; Napoléon disait<br />

même ceci : « j’ai l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> prévoir<br />

trois ou quatre mois d’avance ce que je<br />

dois faire », et, <strong>de</strong> temps, il en avait si<br />

peu, qu’il déclara brusquement un jour<br />

à Talleyrand qu’il n’avait « pas le temps<br />

<strong>de</strong> s’amuser à sentir et à regretter comme<br />

les autres hommes »…<br />

Du père et <strong>de</strong> la<br />

culpabilité<br />

PRIX MICHEL SAPIR 2008<br />

sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Fondation <strong>de</strong> France<br />

RELATION SOIGNANT-SOIGNÉ<br />

Ce prix <strong>de</strong> 5 000 euros<br />

est <strong>de</strong>stiné à l’auteur du meilleur travail inédit sur :<br />

Les inci<strong>de</strong>nces inconscientes dans la relation<br />

soignant soigné et leur effet sur le soin<br />

Les manuscrits seront soumis au jury du prix présidé par<br />

le Professeur Jean Jacques Kress<br />

et composé <strong>de</strong> :<br />

Madame le Docteur Simone COHEN-LÉON, Docteur Guy EVEN,<br />

Professeur Jean GUYOTAT, Docteur Simon Daniel KIPMAN,<br />

Docteur Daniel OPPENHEIM, Madame Marie Odile SUPLIGEAU<br />

et Docteur Arthur TRENKEL<br />

Les manuscrits en langue française (<strong>de</strong> 30 à 100 pages) sur un travail clinique<br />

et ses soubassements théoriques, doivent être adressés en 6 exemplaires<br />

dactylographiés<br />

avant le 30 juin 2008<br />

à Madame le Docteur Cohen-Léon (AREFFS)<br />

11 square <strong>de</strong> Clignancourt - 75018 Paris<br />

e-mail : s.cohenleon@free.fr<br />

Le Prix sera décerné en décembre 2008<br />

A l’arrière-plan <strong>de</strong> la problématique<br />

obsessionnelle, la mort pointe le bout<br />

<strong>de</strong> son nez.<br />

A notre sens, il semble tout à fait pertinent<br />

<strong>de</strong> formuler l’hypothèse qui voudrait<br />

que la névrose <strong>de</strong> Napoléon se<br />

soit déclenchée à la mort <strong>de</strong> son père :<br />

« pour peu que le sujet obsessionnel rencontre<br />

la mort <strong>de</strong> près, écrit C. Le Boulengé,<br />

par exemple dans celle du père<br />

qui le met en première ligne pour le tour<br />

suivant, nous trouvons la conjoncture<br />

classique <strong>de</strong> déclenchement, <strong>de</strong> précipitation<br />

dans un désir aveugle – se découvrant<br />

brusquement mortel, il se trouve<br />

<strong>de</strong>vant l’impératif ‘’hâte-toi <strong>de</strong> jouir <strong>de</strong><br />

la vie’’ » (27). Cette hypothèse que peut<br />

faire aisément le psychanalyste rencontre<br />

la vérité historique sous la précieuse<br />

plume <strong>de</strong> J. Go<strong>de</strong>chot : « un<br />

événement va lui permettre <strong>de</strong> manifester<br />

ses aspirations à l’autorité : la mort <strong>de</strong><br />

son père » (14). Napoléon ne déclare pas<br />

là d’« obsessions » au sens où on l’entend<br />

habituellement dans la phénoménologie<br />

<strong>de</strong> la névrose obsessionnelle,<br />

mais il est indéniable qu’à partir<br />

du décès du père, Napoléon prit en<br />

mains les rennes <strong>de</strong> son <strong>de</strong>stin, et<br />

construisit rigoureusement, d’une certaine<br />

façon, la logique <strong>de</strong> sa névrose. Le<br />

père, la mort, le temps. Un triptyque<br />

qui s’impose dans toute structure obsessionnelle<br />

(XIX).<br />

Le père <strong>de</strong> Napoléon, Charles (Carlo-<br />

Maria Buonaparte) meurt le 24 février<br />

1785, à l’âge <strong>de</strong> trente-neuf ans à<br />

peine. Napoléon n’a pas encore seize<br />

ans. Au moment du décès, Charles est<br />

« accablé <strong>de</strong> soucis et <strong>de</strong> <strong>de</strong>ttes » (XX).<br />

Napoléon apprend sa mort au mois<br />

<strong>de</strong> mars. « A présent, écrit F. Paoli, sa<br />

famille serait son premier souci, après<br />

ses étu<strong>de</strong>s dans lesquelles il se plongea<br />

avec frénésie pour tenter <strong>de</strong> soulager sa<br />

douleur. Il n’avait pas d’autre option que<br />

<strong>de</strong> donner l’exemple, se sentant confusément<br />

appelé à <strong>de</strong>venir le chef <strong>de</strong> la<br />

famille (…) et à poursuivre les entreprises<br />

<strong>de</strong> son père » (34). Son père avait<br />

mis tous ses espoirs en Napoléon, qui<br />

avait très tôt –dès la toute petite enfance-<br />

fait preuve <strong>de</strong> beaucoup d’énergie,<br />

<strong>de</strong> vivacité, d’intelligence et d’autorité.<br />

Pour Charles, et donc pour toute la<br />

famille, c’est Napoléon qui <strong>de</strong>vait être<br />

promu chef <strong>de</strong> famille. A la mort du<br />

père, Napoléon reste impassible, et<br />

refuse d’aller s’isoler à l’infirmerie <strong>de</strong><br />

l’école militaire <strong>de</strong> Paris : « J’ai assez <strong>de</strong><br />

force d’âme pour supporter cette peine<br />

sans qu’on prît soin <strong>de</strong> me consoler ».<br />

Sans vouloir faire l’analyse du complexe<br />

familial <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong> Napoléon,<br />

il faut toutefois souligner <strong>de</strong>ux<br />

points bien connus <strong>de</strong>s historiens : Letizia,<br />

sa mère (née Ramolino), aux dires<br />

<strong>de</strong> Napoléon, « supportait tout, bravait<br />

tout ; c’était une tête d’homme sur un<br />

corps <strong>de</strong> femme ». Letizia alliait « une<br />

autorité redoutable à une tendresse et<br />

une activité incessantes » (34). L’autorité,<br />

en effet, il est tout à fait clair que<br />

c’est elle qui l’incarnait à la maison :<br />

« Letizia, écrit T. Lentz, menait la Casa<br />

Buonaparte d’une main ferme en lieu et<br />

place d’un mari absent » (30). Alors, sans<br />

doute Napoléon eut-il une mère décrite<br />

comme virile, qui faisait l’autorité à<br />

la maison, sans doute eut-il un père<br />

en<strong>de</strong>tté et, aux yeux <strong>de</strong> Napoléon, certainement<br />

chéri, mais revêtant toutefois<br />

les habits d’un père quelque peu<br />

inconsistant, faible, soumis, cachant mal<br />

son sentiment d’infériorité. A vrai dire,<br />

<strong>de</strong>ux éléments peuvent retenir ici notre<br />

attention pour illustrer les rapports <strong>de</strong><br />

Napoléon à son père. Tout d’abord (il<br />

s’agit d’un détail, certes, mais tellement<br />

évocateur du regard <strong>de</strong> l’enfant névrosé<br />

sur son père jamais assez admirable<br />

ou suffisamment héros à ses yeux) :<br />

lors d’une visite <strong>de</strong> Charles à Napo-<br />

léon, à Brienne, en juin 1784 (Napoléon<br />

a quinze ans), ce <strong>de</strong>rnier est affecté<br />

du trop <strong>de</strong> politesse <strong>de</strong> son père,<br />

« faisant assaut <strong>de</strong> courtoisie avec le<br />

moine, se disputant à qui passerait le<br />

premier aux portes », comme il le rapportera<br />

bien plus tard. De la bassesse,<br />

<strong>de</strong> la platitu<strong>de</strong>, voilà comment le jeune<br />

Napoléon interpréta la scène. Et puis,<br />

par ailleurs, d’une façon certainement<br />

très ancrée, l’idée que Charles -qui<br />

s’était battu contre les français le 8 mai<br />

1769 à Ponte Novo aux côtés <strong>de</strong> son<br />

héros Paoli pour la liberté <strong>de</strong> la Corse<br />

(Napoléon allait naître trois mois plus<br />

tard)- avait dû en ce temps collaborer<br />

avec les français, se soumettre (c’était<br />

soit l’exil, soit la soumission), et, à cet<br />

égard, nous partageons le point <strong>de</strong> vue<br />

<strong>de</strong> F. Paoli qui écrit : « il n’est pas impossible<br />

que se soit développé, dans l’inconscient<br />

<strong>de</strong> cet enfant hypersensible,<br />

comme un désir <strong>de</strong> revanche par rapport<br />

aux malheurs <strong>de</strong> la défaite<br />

qu’avaient connus ses parents (…) ou<br />

au sort qui était fait, sous ses yeux, à la<br />

gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong> ses compatriotes » (34).<br />

Sans la mort –survenue tôt– du père <strong>de</strong><br />

Napoléon, ce <strong>de</strong>rnier n’eût sans doute<br />

pas été l’Empereur Napoléon. Il est<br />

indéniable, en effet, que la mort du<br />

père était nécessaire –mais il y fallait<br />

en plus les circonstances politiques– à<br />

l’envol du futur Aigle Napoléon. Ainsi<br />

que l’écrivait P. Bartel dans La jeunesse<br />

inédite <strong>de</strong> Napoléon, la mort <strong>de</strong> ce père<br />

« complaisant <strong>de</strong>s vainqueurs, allant <strong>de</strong>s<br />

salons du gouverneur aux antichambres<br />

<strong>de</strong> Versailles » sera pour Napoléon une<br />

sorte <strong>de</strong> délivrance, car il pourra maintenant<br />

–alors qu’il n’a que seize ans !- se<br />

montrer, en opposition à son père,<br />

radicalement, excessivement patriote<br />

corse. Du reste, bien plus tard, à Ste<br />

Hélène, Napoléon dit ceci - qui résonne<br />

pour nous d’une façon particulière<br />

à l’entendre dans la problématique typiquement<br />

névrotique <strong>de</strong> l’homme dans<br />

son rapport au père-, que rien <strong>de</strong> tout<br />

cela (le Consulat, l’Empire, son <strong>de</strong>stin si<br />

fabuleux) n’aurait pu arriver si son père<br />

n’avait pas disparu avant la Révolution.<br />

Il va <strong>de</strong> soi que ce « soulagement » -<br />

inconscient- ne va pas sans un sentiment<br />

<strong>de</strong> culpabilité. Il peut, bien entendu,<br />

y avoir différents niveaux <strong>de</strong> lecture<br />

du moment du sacre <strong>de</strong> Napoléon.<br />

Pour ce qui retient notre intérêt ici,<br />

nous suivrons cette lecture qu’en fait<br />

N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

Freud, et qui précisément met en relief<br />

ce sentiment <strong>de</strong> culpabilité névrotique.<br />

Au moment du couronnement <strong>de</strong><br />

Napoléon, donc, celui-ci prononce à<br />

son frère Joseph ces mots célèbres :<br />

« Joseph, si notre père nous voyait ! ».<br />

Dans sa célèbre lettre à Romain Rolland,<br />

Un trouble <strong>de</strong> mémoire sur l’Acropole,<br />

après avoir évoqué cet épiso<strong>de</strong>,<br />

Freud écrit ainsi : « il faut admettre qu’un<br />

sentiment <strong>de</strong> culpabilité reste attaché à la<br />

satisfaction d’avoir si bien fait son chemin<br />

: il y a là <strong>de</strong>puis toujours quelque<br />

chose d’injuste et d’interdit. Cela s’explique<br />

par la critique <strong>de</strong> l’enfant à l’endroit<br />

<strong>de</strong> son père, par le mépris qui a<br />

remplacé l’ancienne surestimation infantile<br />

<strong>de</strong> sa personne. Tout se passe comme<br />

si le principal, dans le succès, était d’aller<br />

plus loin que le père, et comme s’il était<br />

toujours interdit que le père fût surpassé<br />

» (11). Corrélativement, pour Freud, le<br />

sentiment d’infériorité n’est pas éloigné<br />

<strong>de</strong> ce sentiment <strong>de</strong> culpabilité<br />

d’avoir fait mieux que le père (XXI).<br />

Du doute et <strong>de</strong> la chute<br />

« Mon étoile m’ordonne <strong>de</strong> courir<br />

aux extrêmes »<br />

« Rien <strong>de</strong> plus difficile que <strong>de</strong> se<br />

déci<strong>de</strong>r » (Napoléon)<br />

Nous passerons sur un certain nombre<br />

<strong>de</strong> points et <strong>de</strong> traits qui appuient la<br />

thèse d’une structure obsessionnelle <strong>de</strong><br />

l’Empereur : nous pensons entre autres,<br />

et en vrac, au soin extrême qu’il mettait<br />

dans sa toilette et dans sa vêture, dans<br />

son soucis <strong>de</strong> la propreté, <strong>de</strong> l’ordre,<br />

<strong>de</strong> l’organisation, dans sa manie d’aller<br />

toujours dans le détail <strong>de</strong>s choses,<br />

dans sa manie <strong>de</strong> compter (« un <strong>de</strong>s<br />

neveux <strong>de</strong> l’Empereur racontait que,<br />

chaque jour, Napoléon recevait et portait<br />

sur lui, écrit sur un très étroit morceau <strong>de</strong><br />

papier, l’état <strong>de</strong> ce qu’il appelait la fortune<br />

<strong>de</strong> la France et aussi l’état <strong>de</strong> sa fortune…Il<br />

avait ce papier dans sa poche et le<br />

consultait plusieurs fois dans la journée<br />

» (31)) (XXII), dans sa fuite <strong>de</strong>vant les<br />

femmes qui lui manifestaient trop leur<br />

désir (« en amour, disait-il, la seule victoire<br />

c’est la fuite »), dans ce que Lacan<br />

relevait du « goût d’ubiquité <strong>de</strong> l’obsessionnel<br />

», à savoir à être dans plusieurs<br />

endroits à la fois (24) (XXIII), notion<br />

typique <strong>de</strong> l’obsessionnel qui veut se<br />

soutenir comme étant partout, indis-


N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

pensable, sur tous les fronts. C’est, toutefois,<br />

dans les éléments vus plus haut<br />

(rapport à la puissance, à la gloire, au<br />

signifiant phallique, à l’Autre, au temps,<br />

au travail, au père, etc.), dans le discours<br />

<strong>de</strong> Napoléon –qui jalonne notre<br />

texte- ainsi que dans le parcours logique<br />

<strong>de</strong> sa vie, que nous voyons le mieux se<br />

<strong>de</strong>ssiner chez Napoléon ce qu’il n’est<br />

pas exagéré <strong>de</strong> nommer son « armature<br />

névrotique ».<br />

C’est donc, maintenant, sur la fin <strong>de</strong><br />

ce parcours que nous allons clore<br />

notre étu<strong>de</strong>. Et, notamment, sur les<br />

doutes, sur les incertitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers<br />

temps, qui le menèrent jusqu’à la<br />

chute que l’on connaît. On l’a vu, la<br />

grenouille, à vouloir se faire aussi grosse<br />

que le bœuf, à force <strong>de</strong> s’étendre et<br />

d’enfler, en vient fatalement à se<br />

dégonfler. Il est assez étonnant <strong>de</strong> voir<br />

que Napoléon, au faîte <strong>de</strong> sa gloire<br />

et <strong>de</strong> sa puissance, en 1810, poursuit<br />

tout <strong>de</strong> même son œuvre d’extension<br />

<strong>de</strong> l’Empire. D’Empire en pire, oserions-nous<br />

dire, il n’y a qu’un pas.<br />

Napoléon le franchit. Et c’est ce pas <strong>de</strong><br />

trop qui va le mener, rapi<strong>de</strong>ment, à sa<br />

chute spectaculaire : « du triomphe à la<br />

chute, disait-il, très luci<strong>de</strong>, il n’est qu’un<br />

pas ». A vrai dire, jusqu’à sa chute,<br />

tout au moins jusqu’à l’effritement<br />

progressif <strong>de</strong> l’Empire –dans le courant<br />

<strong>de</strong> l’année 1812, et surtout après la<br />

retraite <strong>de</strong> Russie- Napoléon avait une<br />

confiance quasi aveugle en sa bonne<br />

étoile. Il en a souvent parlé, mais c’est<br />

un trait que l’on méconnaît souvent<br />

chez lui. Napoléon n’était pas franchement<br />

religieux –du moins son attitu<strong>de</strong><br />

et certains <strong>de</strong> ses propos dénotaient-ils<br />

chez lui une certaine<br />

ambivalence-, par contre qu’il fut<br />

superstitieux, certainement (XXIV). C’est<br />

du reste une religion particulière propre<br />

à l’obsessionnel que <strong>de</strong> croire, comme<br />

Napoléon, aux présages, aux pressentiments<br />

(« les pressentiments sont les<br />

yeux <strong>de</strong> l’âme », disait-il), aux portebonheurs,<br />

aux talismans, etc. Dans son<br />

article Napoléon et l’occulte, J. Bertaut<br />

écrit que « <strong>de</strong>puis son adolescence, il n’a<br />

cessé <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> son étoile, elle éblouit<br />

son imagination, elle lui donne une<br />

confiance invincible en son <strong>de</strong>stin », pré-<br />

cisant, toutefois, avec raison qu’il « serait<br />

absur<strong>de</strong> <strong>de</strong> prétendre qu’il ait réglé sa<br />

vie et ses actions sur <strong>de</strong>s présages, <strong>de</strong>s<br />

prémonitions ou <strong>de</strong>s augures, mais il les<br />

a rarement dédaignés » (2). Toujours estil<br />

que son étoile s’est éteinte (« l’étoile<br />

pâlissait ; je sentais les rênes m’échapper<br />

et je n’y pouvais rien »), et que les<br />

doutes et les incertitu<strong>de</strong>s s’amplifièrent<br />

et s’emparèrent <strong>de</strong> l’Empereur<br />

<strong>de</strong> façon assez dramatique, jusqu’à<br />

l’installer, jusqu’à l’immobiliser par<br />

moments dans une position d’inhibition<br />

qui n’est certainement pas pour<br />

rien dans la défaite <strong>de</strong> Waterloo (précisons<br />

toutefois que Napoléon avait<br />

été fragilisé, ébranlé par sa première<br />

abdication le 6 avril 1814, et qu’il<br />

revenait <strong>de</strong> quelques mois d’exil sur<br />

l’île d’Elbe). Nous ne nous étendrons<br />

pas sur la question du doute chez l’obsessionnel,<br />

si ce n’est pour rappeler<br />

simplement qu’il est le symptôme<br />

constant, l’élément pathognomonique<br />

<strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> névrose. Deux choses<br />

encore : le doute vient masquer l’angoisse<br />

du névrosé (angoisse <strong>de</strong> perdre,<br />

liée à l’angoisse <strong>de</strong> castration) ; et le<br />

doute vient suspendre le temps <strong>de</strong><br />

l’obsessionnel –véritable impossibilité<br />

à conclure-, jusqu’à ce que le sujet se<br />

précipite, se hâte finalement d’en finir,<br />

en risquant tout parfois, quitte à courir<br />

au-<strong>de</strong>vant d’un désastre, au-<strong>de</strong>vant<br />

<strong>de</strong> sa perte, déjà anticipée et pressentie,<br />

comme on l’a vu pour Napoléon<br />

dans les temps qui précè<strong>de</strong>nt tout<br />

juste Waterloo... hésitations et doutes<br />

qui émergèrent surtout lors <strong>de</strong> la<br />

redoutable campagne <strong>de</strong> Russie en<br />

1812. On a plutôt, habituellement,<br />

l’idée d’un Napoléon Bonaparte sûr<br />

<strong>de</strong> lui, sûr <strong>de</strong> ses décisions, tranchant,<br />

ne tergiversant pas... Et pourtant...<br />

Comme l’avait déjà fort bien repéré<br />

J. Bainville, « l’ennemi <strong>de</strong> Bonaparte, c’est<br />

le doute (...), mais son style tranchant<br />

abuse (...) ; à tous les moments <strong>de</strong> sa vie<br />

où il a dû prendre une gran<strong>de</strong> décision,<br />

on l’aura trouvé irrésolu » (1). Et c’est le<br />

doute, selon J. Bainville, mais également<br />

pour nombre d’historiens, qui est<br />

en gran<strong>de</strong> partie responsable <strong>de</strong> la<br />

défaite la plus célèbre <strong>de</strong> Napoléon,<br />

lequel est décrit là, <strong>de</strong>vant l’énormité du<br />

risque, comme atteint <strong>de</strong> la « fièvre du<br />

doute », manifestant « lenteur funeste,<br />

indolence, apathie » (1)...<br />

Conclusion<br />

La place nous manque pour relater,<br />

précisément, les conditions et les circonstances<br />

<strong>de</strong> la chute <strong>de</strong> l’Empereur.<br />

Il faut se reporter à Bainville, à Lefebvre,<br />

à Ma<strong>de</strong>lin… Dans le fond, nous rapporterons<br />

ces mots <strong>de</strong> Napoléon : « personne<br />

que moi n’est cause <strong>de</strong> ma chute.<br />

J’ai été mon principal ennemi, l’artisan <strong>de</strong><br />

mes malheurs. J’ai voulu trop embrasser<br />

». S’il est vrai que Napoléon a très<br />

souvent accusé l’Angleterre <strong>de</strong> l’avoir<br />

forcé à la guerre, cette lucidité au terme<br />

<strong>de</strong> son règne, cet aveu concernant sa<br />

propre responsabilité quant à sa chute,<br />

vient en opposition radicale avec ce<br />

qu’avançait le psychanalyste René<br />

Laforgue, à savoir que : « en vertu d’une<br />

revendication paranoïaque (…) Napoléon<br />

a toujours accusé l’Angleterre d’être<br />

le bourreau à qui il refuserait la paix,<br />

alors qu’il pouvait la faire et qu’elle le<br />

<strong>de</strong>mandait » (25). Cela nous permet <strong>de</strong><br />

dire quelques mots <strong>de</strong> conclusion sur<br />

cette étu<strong>de</strong> faite en 1941 par Laforgue<br />

sur Napoléon. Soit dit en passant, à<br />

notre connaissance, très peu d’auteurs,<br />

dans le champ <strong>de</strong> la psychopathologie<br />

ou <strong>de</strong> la psychanalyse, se sont intéressés<br />

<strong>de</strong> près à Napoléon. Le Dr. Frugier<br />

avait tenté un Essai médico-psychologique<br />

en 1985, mais c’est sans doute<br />

Laforgue qui laisse l’étu<strong>de</strong> la plus<br />

importante. Celle-ci est intéressante à<br />

bien <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue mais, à notre<br />

sens, elle échoue radicalement dans<br />

ses tentatives d’explication et <strong>de</strong> compréhension<br />

du personnage. Là encore,<br />

il est trop tard pour voir ici dans le<br />

détail, <strong>de</strong> quelle manière Laforgue se<br />

fourvoie, mais nous mentionnerons –il<br />

le faut bien, tout <strong>de</strong> même- ce qui nous<br />

semble être l’essentiel à relever. Certes,<br />

« nous pouvons constater chez Napoléon<br />

l’existence d’un caractère névrotique,<br />

sans que nous puissions affirmer que,<br />

chez lui, tel ou tel symptôme prédominait<br />

» (25), mais alors, on voit difficilement,<br />

après avoir évoqué la « névrose <strong>de</strong><br />

Napoléon », comment Laforgue en vient<br />

brusquement au « trait <strong>de</strong> caractère<br />

paranoïaque » que l’auteur isole uniquement<br />

dans la dite « revendication »<br />

pathologique <strong>de</strong> l’Empereur. Le saut<br />

se fait par le biais d’éléments biographiques<br />

plus ou moins fiables <strong>de</strong> l’enfance<br />

<strong>de</strong> Napoléon, ainsi que par <strong>de</strong>s<br />

hypothèses ou déductions plus ou<br />

moins forcées. Pour seul exemple, après<br />

avoir avancé que les troubles <strong>de</strong> la<br />

nutrition et du sevrage dans la vie du<br />

nourrisson pouvaient avoir « une part<br />

déterminante dans la constitution du<br />

caractère paranoïaque », l’auteur s’interroge<br />

et nous donne sa réponse :<br />

« que savons-nous <strong>de</strong> son enfance [à<br />

Napoléon] pour expliquer chez lui l’existence<br />

<strong>de</strong> traits <strong>de</strong> caractère paranoïaque<br />

? (…). Il est probable (XXV) que Napoléon<br />

a été un enfant prématuré et exposé<br />

à <strong>de</strong> nombreux traumatismes, peutêtre<br />

déjà dans le sein maternel. Nous<br />

savons dans quelles conditions sa mère l’a<br />

porté (…) ». Hypothèses non vérifiables<br />

historiquement, et surtout…si tous les<br />

enfants prématurés exposés à <strong>de</strong>s dits<br />

« traumatismes » quelconques <strong>de</strong>venaient<br />

paranoïaques… Notons enfin<br />

que selon Laforgue : « il n’y a pas <strong>de</strong><br />

doute que, dès le début, les circonstances<br />

se révèlent contraires à l’enfant ; le climat<br />

familial lui est défavorable, le moment<br />

<strong>de</strong> sa venue mal choisi et, par surcroît, sa<br />

mère lui est sans doute (XXVI) hostile (…).<br />

Il paraît douteux que l’enfant ait été désiré<br />

par sa mère »… La forte personnalité<br />

<strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière serait d’ailleurs à<br />

l’origine du « super-ego » <strong>de</strong> Napoléon…<br />

Passons sur ces tentatives d’explications<br />

psycho-biographiques. Ru<strong>de</strong><br />

tâche que <strong>de</strong> vouloir comprendre ou<br />

expliquer l’homme Napoléon ainsi que<br />

son « <strong>de</strong>stin » d’exception. Sans doute,<br />

l’arrivée d’un homme tel que Napoléon<br />

ne s’explique pas, ne se comprend<br />

pas sans prendre en compte la situa-<br />

tion politique <strong>de</strong> l’époque (XXVII). Cet<br />

« homme exceptionnel » est arrivé dans<br />

une « conjoncture extraordinaire » (16).<br />

Pas <strong>de</strong> tentative d’explication –au sens<br />

d’un déterminisme causal repérable<br />

dans la seule histoire biographique -<br />

mais, par contre, la volonté, pour nous,<br />

<strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce le désir qui animait<br />

Napoléon, <strong>de</strong> jeter un éclairage<br />

inédit sur son parcours logique qui l’a<br />

fait monter au zénith d’une manière<br />

fulgurante pour en re<strong>de</strong>scendre brutalement,<br />

<strong>de</strong> faire valoir <strong>de</strong> quelle manière<br />

son rapport au pouvoir et à la gloire,<br />

à l’Autre, au temps, au travail, etc., pouvait<br />

constituer autant d’éléments mettant<br />

en relief la structure névrotique<br />

du grand homme, et non pas - au<br />

regard <strong>de</strong> l’ampleur <strong>de</strong> l’Empire, <strong>de</strong> sa<br />

dimension « hors normes », et du caractère<br />

hors du commun <strong>de</strong> son empereur-<br />

et non pas, donc, sa soi-disant<br />

folie. Disons que la figure et le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong><br />

Napoléon –au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’intérêt historique<br />

que l’on peut y prêter- nous donnent,<br />

d’une certaine manière, un enseignement<br />

quant à la structure et à la<br />

logique subjective du névrosé obsessionnel.<br />

Napoléon ne se réduit pas aux<br />

seuls caractères narcissique et phallique<br />

qui se dégagent nécessairement, par<br />

endroits, du portrait qui vient d’être<br />

esquissé, et qui se signalent notamment<br />

–avant le moment <strong>de</strong> la chute- et selon<br />

les termes <strong>de</strong> H. Ey, par « une conduite<br />

assurée, impulsive, la recherche à tout<br />

prix <strong>de</strong> la réussite et du prestige, l’impossibilité<br />

<strong>de</strong> tolérer les échecs ou critiques<br />

» (7). Il est bien difficile <strong>de</strong> donner<br />

en quelques pages seulement un<br />

tableau d’ensemble suffisant <strong>de</strong> Napoléon.<br />

« Pour cerner le personnage,<br />

comme le suggère T. Lentz, il faudra<br />

aller ‘’piocher’’ dans diverses étu<strong>de</strong>s et, au<br />

final, se livrer à l’exercice <strong>de</strong> la synthèse<br />

» (30). Nous avons tenté ici <strong>de</strong> le faire,<br />

sans préjugés ni passion. Dans le fond,<br />

puisqu’il circule régulièrement et <strong>de</strong>puis<br />

son vivant, précisément, un certain<br />

nombre <strong>de</strong> préjugés quant à sa soidisant<br />

« folie », ou mégalomanie, ce sera<br />

peut-être l’un <strong>de</strong>s points qu’il nous faudra<br />

retenir : voici un homme aux ambitions<br />

et aux pouvoirs certes démesurés,<br />

prêt à sacrifier <strong>de</strong>s milliers<br />

d’hommes pour la gran<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> la France<br />

et pour la paix en Europe, mais un<br />

homme qui n’est fou en aucune façon.<br />

Il n’y a pas à se laisser « impressionner »<br />

par ce qui peut se manifester comme<br />

du « hors normes ». La démesure ne<br />

renvoie pas systématiquement à la<br />

pathologie. A aucun moment <strong>de</strong> sa vie<br />

Napoléon ne présenta ce que nous<br />

appellerions, aujourd’hui, certitu<strong>de</strong>s<br />

délirantes, délire, phénomènes élémentaires<br />

du type hallucinations verbales<br />

ou phénomènes hypocondriaques,<br />

pas <strong>de</strong> « réponse » non plus<br />

-en termes <strong>de</strong> mission à accomplir- à ce<br />

qui aurait pu être un « appel » <strong>de</strong> l’Autre<br />

(divin par exemple), n’étant en aucune<br />

façon « hors lien social », et n’ayant pas<br />

eu non plus à construire <strong>de</strong> quelconques<br />

suppléances pour parer à une<br />

éventuelle psychose… Par ailleurs, et<br />

avant toute chose peut-être, Napoléon<br />

ne se prenait pas pour Napoléon –voir<br />

la citation <strong>de</strong> Lacan au début <strong>de</strong> cet<br />

article- et il ne se prenait pas non plus<br />

pour Dieu le Père, alors que beaucoup<br />

auraient voulu le mettre à cette place.<br />

Du reste, avec humour et recul, ne se<br />

prenant pas trop au sérieux, il pouvait<br />

lancer ainsi : « La place <strong>de</strong> Dieu le Père ?<br />

Ah ! je n’en voudrais pas ; c’est un cul<strong>de</strong>-sac<br />

! ». ■<br />

N. Brémaud<br />

Bibliographie<br />

Sur Napoléon, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s références<br />

mentionnées dans le corps <strong>de</strong> notre texte,<br />

et que nous donnons ci-<strong>de</strong>ssous, il faut lire<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> J. Tulard (notamment<br />

le Dictionnaire Napoléon en 2<br />

volumes, chez Fayard), <strong>de</strong> T. Lentz, <strong>de</strong> J.-O.<br />

Boudon, les ouvrages classiques <strong>de</strong> Jean<br />

Thiry, Frédéric Masson, Albert Vandal, et J.<br />

Mistler (Napoléon et l’Empire) ainsi que la<br />

monumentale Histoire du Consulat et <strong>de</strong><br />

l’Empire, <strong>de</strong> Louis Ma<strong>de</strong>lin (rééditée dans la<br />

collection Bouquins chez R. Lafont). Voir<br />

PSYCHO BIOGRAPHIE ■ 11<br />

aussi, bien sûr, la Correspondance générale <strong>de</strong><br />

Napoléon, ainsi que ses Lettres (notamment<br />

à Désirée Clary, Joséphine, et Marie-Louise).<br />

Des dizaines, voire <strong>de</strong>s centaines d’ouvrages<br />

seraient dans le fond à lire pour se<br />

faire une idée précise <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> du<br />

Consulat et <strong>de</strong> l’Empire, ainsi que <strong>de</strong> l’homme<br />

Napoléon, aussi nous renvoyons à la<br />

bibliographie détaillée donnée par J. Tulard<br />

dans son ouvrage Napoléon (chez Fayard,<br />

qui doit être remise à jour, car datée <strong>de</strong><br />

1977). Les <strong>de</strong>ux gros volumes Bonaparte<br />

et Napoléon (chez Perrin) <strong>de</strong> A. Castelot,<br />

bien que faits pour aller à la rencontre d’un<br />

large public, restent <strong>de</strong>s ouvrages incontournables,<br />

rigoureux et sérieux du point<br />

<strong>de</strong> vue historique, et d’une lecture tellement<br />

agréable.<br />

(1) BAINVILLE J., Napoléon, Paris 1931,<br />

Fayard.<br />

(2) BERTAUT J., Napoléon et l’occulte, Historia,<br />

1962, 193, 793-800.<br />

(3) CALVET H., Napoléon, Paris 1969, PUF<br />

Coll. Que sais-je ?.<br />

(4) CHARDIGNY L., L’homme Napoléon,<br />

Paris 1987, Perrin.<br />

(5) CHATEAUBRIAND F.-R. <strong>de</strong>, Vie <strong>de</strong><br />

Napoléon (1840), Paris 1999, Livre <strong>de</strong><br />

Poche.<br />

(6) EY H., Etu<strong>de</strong>s Psychiatriques (Etu<strong>de</strong> <br />

LIVRES<br />

Les Exécuteurs<br />

Des hommes normaux aux<br />

meurtriers <strong>de</strong> masse<br />

Harald Welzer<br />

Nrf Essais<br />

Gallimard, 22 €<br />

Les exécuteurs, dans les génoci<strong>de</strong>s,<br />

sont <strong>de</strong>s hommes ordinaires. Nul n’en<br />

doute à la suite <strong>de</strong>s travaux d’historiens<br />

comme Raul Hilberg ou Christopher<br />

Browning après les procès instruits<br />

à Nuremberg et Tokyo au<br />

len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième Guerre<br />

mondiale, et les Tribunaux internationaux<br />

chargés <strong>de</strong> poursuivre les criminels<br />

au Ruanda et dans l’ex-Yougoslavie.<br />

Harald Welzer montre que la pression<br />

du groupe s’attache à restituer<br />

non plus la cause immédiate, mais<br />

le processus qui y a conduit. Il prend<br />

au mot Adolf Eichmann, qui déclarait<br />

à l’issue <strong>de</strong> son procès à Jérusalem<br />

: « Je ne suis pas le monstre qu’on<br />

fait <strong>de</strong> moi. Je suis victime d’une erreur<br />

<strong>de</strong> raisonnement ».<br />

Comme les exécuteurs allemands,<br />

rwandais, serbes et croates, dont les<br />

cas sont étudiés dans ce livre, Eichmann<br />

récuse l’idée qu’il aurait agi<br />

monstrueusement et en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s<br />

catégories morales <strong>de</strong> la communauté<br />

<strong>de</strong>s hommes.<br />

Si l’idée qu’on puisse les qualifier <strong>de</strong><br />

meurtriers est restée étrangère aux<br />

exécuteurs dans leur immense majorité,<br />

c’est que le projet anti-humain<br />

auquel ils consacrèrent leur énergie<br />

avait bâti un système d’imputabilité<br />

morale avec <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> pratiquer<br />

le meurtre <strong>de</strong> masse.<br />

Harald Welzer démontre que, dans<br />

un dispositif social, il suffit qu’une<br />

seule coordonnée, l’appartenance sociale,<br />

se décale pour que tout l’ensemble<br />

change et que s’établisse une<br />

réalité autre que l’antérieure. Décalage<br />

scientifique, fondé sur une théorie<br />

<strong>de</strong>s races, ou ethnique, il consiste<br />

en une redéfinition radicale <strong>de</strong> qui<br />

fait partie ou non <strong>de</strong> l’univers d’obligation<br />

générale. La distinction inéluctable<br />

et absolue entre appartenants<br />

et non-appartenants est<br />

commune à ces sociétés meurtrières.<br />

Une fois lancées, les pratiques d’exclusion,<br />

<strong>de</strong> spoliation et <strong>de</strong> déportation<br />

transforment le déplacement<br />

géographique initial en « nettoyage »,<br />

extermination pure et simple.<br />

Dans le système <strong>de</strong>s valeurs reconfiguré<br />

que les exécuteurs vivent<br />

comme une morale avec ses obligations<br />

à l’égard <strong>de</strong> leur communauté,<br />

la question <strong>de</strong> ce qu’on fait <strong>de</strong>s nonappartenants<br />

n’est plus alors qu’une<br />

affaire <strong>de</strong> <strong>de</strong>gré, et non <strong>de</strong> principe.


12<br />

LIVRES<br />

■ PSYCHO BIOGRAPHIE<br />

Marcel Mauss, savant et<br />

politique<br />

Sylvain Dzimira<br />

Préface <strong>de</strong> Marcel Fournier<br />

La Découverte, 20 €<br />

Sylvain Dzimira montre comment la<br />

pensée anthropologique <strong>de</strong> Marcel<br />

Mauss ne se comprend qu’à la lumière<br />

<strong>de</strong> sa philosophie politique, et<br />

réciproquement.<br />

Fondateur <strong>de</strong> l’ethnologie scientifique<br />

française, il a été l’héritier principal<br />

d’Emile Durkheim et <strong>de</strong> l’école française<br />

<strong>de</strong> sociologie, inspirateur revendiqué<br />

<strong>de</strong> Georges Bataille, Roger<br />

Caillois, Clau<strong>de</strong> Lévi-Strauss et, à travers<br />

lui, <strong>de</strong> Jacques Lacan.<br />

Son parcours intellectuel, dont son<br />

Essai sur le don, <strong>de</strong>meure mal compris.<br />

Très probablement parce que<br />

Marcel Mauss, ami et collaborateur<br />

<strong>de</strong> Jaurès, militant du socialisme associationniste,<br />

n’a jamais dissocié<br />

science et politique. En cela il s’est<br />

montré le fidèle <strong>de</strong>scendant <strong>de</strong>s Saint-<br />

Simon, Auguste Comte et Durkheim<br />

qui, à l’encontre <strong>de</strong> la prescription <strong>de</strong><br />

Max Weber, se voulaient en même<br />

temps savants et politiques.<br />

La solidarité<br />

Histoire d’une idée<br />

Marie-Clau<strong>de</strong> Blais<br />

Bibliothèque <strong>de</strong>s idées<br />

Gallimard, 22,50 €<br />

Le mot <strong>de</strong> solidarité a beau être employé<br />

à tout propos, il reste mystérieux,<br />

difficile à définir et à cerner. Il<br />

a connu une première heure <strong>de</strong> gloire<br />

dans la France <strong>de</strong> la Belle Epoque<br />

avant <strong>de</strong> tomber dans une indifférence<br />

dont il a été tiré par un regain<br />

<strong>de</strong> faveur à partir <strong>de</strong>s années 1980.<br />

Ce livre précise ce que recouvre une<br />

telle adhésion.<br />

Il retrace la genèse <strong>de</strong> l’idée en reconstituant<br />

les problématiques qui<br />

ont présidé à son élaboration, faisant<br />

ainsi apparaître que <strong>de</strong>rrière le rayonnement<br />

actuel <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> solidarité<br />

se dissimule l’héritage <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

siècles <strong>de</strong> réflexion sur les rapports<br />

entre l’individuel et le social. Toute<br />

l’histoire du concept contemporain<br />

<strong>de</strong> « société » s’y trouve impliquée,<br />

<strong>de</strong> même que celle du projet d’une<br />

« science sociale ».<br />

Marie-Clau<strong>de</strong> Blais éclaire, en particulier,<br />

un moment clé <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong><br />

la République, ce moment où, contesté<br />

sur sa droite et sur sa gauche, le régime<br />

républicain cherche à concilier<br />

<strong>de</strong>ux exigences à la fois contradictoires<br />

et indissociables : la liberté individuelle<br />

et la justice sociale. La solidarité<br />

s’impose alors comme la<br />

promesse d’une troisième voie possible<br />

entre l’individualisme libéral et<br />

le socialisme collectiviste.<br />

Ce n’est qu’en fonction <strong>de</strong> ce passé<br />

que l’on peut comprendre la faveur<br />

consensuelle dont elle jouit aujourd’hui.<br />

La question n’est plus <strong>de</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

s’il faut revenir à la fraternité ou<br />

à la charité, pas plus que <strong>de</strong> savoir si<br />

l’on doit se rattacher à l’idéal révolutionnaire<br />

ou au dogme chrétien.<br />

Repensée, l’idée <strong>de</strong> solidarité pourrait<br />

être, plus que jamais, pertinente,<br />

au moment où tout événement a<br />

une répercussion mondiale et où la<br />

moindre décision engage le mon<strong>de</strong><br />

que nous laissons aux générations<br />

futures.<br />

Elle présente l’avantage <strong>de</strong> mettre en<br />

avant la dimension consciente et<br />

volontaire <strong>de</strong> toute association humaine.<br />

Elle permet, surtout, <strong>de</strong> signifier<br />

le caractère extra-contractualiste<br />

<strong>de</strong> cette association : aucune société<br />

ne peut se concevoir en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong><br />

son histoire, <strong>de</strong> ce qui la constitue au<br />

passé et <strong>de</strong> ce qu’elle projette pour<br />

son avenir.<br />

<br />

n°19, Mégalomanie), Paris 1950, Desclée<br />

<strong>de</strong> Brouwer.<br />

(7) EY H., BERNARD P., BRISSET Ch.,<br />

Manuel <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong>, Paris 2960, Masson.<br />

(8) FAIN (baron), Mémoires, Paris 2001,<br />

Seuil Arléa.<br />

(9) FREUD S., Psychopathologie <strong>de</strong> la vie<br />

quotidienne (1901), Paris 1967, Payot.<br />

(10) FREUD S., Le moi et le ça (1923), in<br />

Essais <strong>de</strong> Psychanalyse, Paris 1981, Payot.<br />

(11) FREUD S, Un trouble <strong>de</strong> mémoire sur<br />

l’Acropole, in Résultats, Idées, Problèmes<br />

(vol.2), Paris 1985, PUF.<br />

(12) GADEAU L., Le temps dans la problématique<br />

obsessionnelle : le Père en question,<br />

L’Evolution Psychiatrique, 1998, 63, 3,<br />

507-514.<br />

(13) GENGEMBRE G., Napoléon, Paris<br />

2001, Larousse, coll. La vie, la légen<strong>de</strong>.<br />

(14) GODECHOT J., Napoléon, in Le<br />

Mémorial <strong>de</strong>s Siècles, sous la dir. <strong>de</strong> G. Walter,<br />

Paris 1969, Albin Michel.<br />

(15) ISRAËL L., Initiation à la psychiatrie,<br />

Paris 1984, Masson.<br />

(16) JAMET D., Napoléon, Paris 2003, Plon<br />

(coll. Si j’avais défendu).<br />

(17) JOURDAN A., L’empire <strong>de</strong> Napoléon,<br />

Paris 2000, Champs Flammarion.<br />

(18) KOJÈVE A., Introduction à la lecture<br />

<strong>de</strong> Hegel, Paris 1994, Tel Gallimard.<br />

(19) LACAN J., Propos sur la causalité psychique,<br />

in Ecrits, Paris 1966, Seuil.<br />

(20) LACAN J., L’agressivité en psychanalyse,<br />

in Ecrits, Paris 1966, Seuil.<br />

(21) LACAN J., La psychanalyse et son enseignement,<br />

in Ecrits, Paris 1966, Seuil.<br />

(22) LACAN J., Séminaire V, Les formations<br />

<strong>de</strong> l’inconscient (1957-58). Paris 1998,<br />

Seuil.<br />

(23) LACAN J. Séminaire VIII, Le transfert<br />

(1960-61). Paris 1991, Seuil.<br />

(24) LACAN J., Séminaire IX, L’i<strong>de</strong>ntification<br />

(1961-62). Inédit.<br />

(25) LAFORGUE R., Psychopathologie <strong>de</strong><br />

l’échec (1941), Paris 1975, Payot.<br />

(26) LAS CASES E. <strong>de</strong>, Mémorial <strong>de</strong> Sainte-Hélène<br />

(1823), Paris 1999, Points Seuil.<br />

(27) LE BOULENGÉ C., Les conditions <strong>de</strong> la<br />

jouissance, Quarto, 1993, 51, 95-106.<br />

(28) LEFEBVRE G., Napoléon (1936), Paris<br />

1969, PUF.<br />

(29) LENTZ T., Napoléon : ‘’mon ambition<br />

était gran<strong>de</strong>’’, Paris 1998, Découvertes Gallimard.<br />

(30) LENTZ T., Napoléon, Paris 2005, PUF<br />

Que sais-je ?.<br />

(31) MASSON F., Napoléon chez lui (1893),<br />

Paris 1977, Tallandier.<br />

(32) MILLER D., Le symptôme chez l’obsessionnel,<br />

in Hystérie et Obsession, Angers,<br />

Recueil, 1986, 2, 81-89.<br />

(33) MONIN H., Napoléon Ier, article <strong>de</strong> La<br />

Gran<strong>de</strong> Encyclopédie, Paris, 1885-1902,<br />

tome 24.<br />

(34) PAOLI F., La jeunesse <strong>de</strong> Napoléon,<br />

Paris 2005, Tallandier, Bibliothèque napoléonienne.<br />

(35) SILVESTRE M., Structure lacanienne<br />

<strong>de</strong> la névrose obsessionnelle, Revue nationale<br />

<strong>de</strong>s collèges du Champ Lacanien,<br />

2002, 1, 137-156.<br />

(36) SOLANO-SUAREZ E., L’i<strong>de</strong>ntification<br />

au symptôme à la fin <strong>de</strong> l’analyse, La Cause<br />

Freudienne, 2001, 48, 102-108.<br />

(37) SOLER C., Le choix <strong>de</strong> la névrose,<br />

Quarto, 1986, 24, 49-57.<br />

(38) STENDHAL, Vie <strong>de</strong> Napoléon, Paris<br />

1939, Gründ.<br />

(39) TULARD J., Napoléon, Paris 1977,<br />

Fayard.<br />

Notes<br />

(I) « Ce n’est pas fini », en effet, il suffit <strong>de</strong> consulter<br />

sur internet le nombre <strong>de</strong> pages qui lui sont<br />

consacrées… G. Gengembre souligne : « nul<br />

ne sait combien d’ouvrages ont été consacrés à<br />

Napoléon. En 1998, Jean Tulard pouvait avancer<br />

une estimation <strong>de</strong> cent-mille titres ». Napoléon<br />

est « le personnage historique le plus représenté<br />

dans les arts après le Christ, <strong>de</strong> la peinture<br />

au cinéma (…) » (13).<br />

(II) Napoléon <strong>de</strong>mandait à ce que <strong>de</strong>s peintres<br />

le suivent dans ses campagnes militaires afin<br />

que ses exploits soient reproduits. Ce fut le cas<br />

d’Antoine Gros, qui <strong>de</strong>vint le peintre officiel<br />

<strong>de</strong> Napoléon (voir entre autres sa célèbre toile :<br />

Bonaparte visitant les pestiférés <strong>de</strong> Jaffa).<br />

(III) Selon T. Lentz : 800 à 900 mille morts<br />

français, et un peu plus côté étrangers (30).<br />

(IV)A dix-sept ans, le 26 avril 1786, influencé<br />

sans doute par ses nombreuses lectures (Rousseau,<br />

le Werther <strong>de</strong> Goethe, etc.) mais, également,<br />

souffrant <strong>de</strong> l’éloignement <strong>de</strong> son île<br />

Corse (il est à l’époque affecté dans une compagnie<br />

<strong>de</strong> bombardiers à Valence, en France),<br />

le jeune Bonaparte écrivait : « toujours seul au<br />

milieu <strong>de</strong>s hommes, je rentre pour rêver avec moimême<br />

et me livrer à toute la vivacité <strong>de</strong> ma mélancolie.<br />

De quel côté est-elle tournée aujourd’hui ?<br />

du côté <strong>de</strong> la mort (…). Je suis absent <strong>de</strong>puis six<br />

à sept ans <strong>de</strong> ma patrie (…). Quelle fureur me<br />

porte donc à vouloir ma <strong>de</strong>struction ? Sans doute,<br />

que faire dans ce mon<strong>de</strong> ? Puisque je dois mourir,<br />

ne vaut-il pas autant se tuer ? (…). Puisque<br />

je commence à éprouver <strong>de</strong>s malheurs, que rien<br />

n’est plaisir pour moi, pourquoi supporterai-je <strong>de</strong>s<br />

jours que rien ne me ‘’prospère’’ ? ». Bien plus<br />

tard encore, après sa première abdication, Napoléon<br />

tente <strong>de</strong> se suici<strong>de</strong>r en ingurgitant du<br />

poison qu’il portait sur lui <strong>de</strong>puis la retraite <strong>de</strong><br />

Moscou en 1812, mais il semble que le sachet<br />

se fût éventé, et que la mort ne voulut pas <strong>de</strong><br />

lui. Toujours est-il que l’on y voit là une <strong>de</strong>s<br />

caractéristiques que peut prendre la « dépression<br />

» obsessionnelle. Comme l’indique D. Miller<br />

: « la dépression fait facilement retour sur le<br />

sujet obsessionnel qui ne parvient pas à soutenir<br />

sa valeur phallique » (32).<br />

(V) G. Gengembre souligne que « Bonaparte<br />

ne cesse <strong>de</strong> penser à <strong>de</strong>s colonnes » (13).<br />

(VI) Impossible, pour Napoléon, d’envisager <strong>de</strong><br />

faire face à la « castration ». L’on y verra cette<br />

vérité, pour notre part, notamment dans ces<br />

propos <strong>de</strong> 1814 qui ne sont pas qu’orgueil ou<br />

fierté : « Laisser la France plus petite que je ne<br />

l’ai trouvée ? Jamais ! ». D’où son abdication.<br />

(Ce qui fait horreur, pour l’obsessionnel, c’est<br />

avant tout la castration <strong>de</strong> l’Autre, c’est <strong>de</strong> découvrir<br />

que l’Autre manque. Du point <strong>de</strong> vue<br />

subjectif, <strong>de</strong> ce qui fait son propre rapport à<br />

l’Autre sexe, on l’a vu, Napoléon répond par<br />

une misogynie féroce (« Nous autres, peuples<br />

d’Occi<strong>de</strong>nt, nous avons tout gâté en traitant les<br />

femmes trop bien »). Du point <strong>de</strong> vue politique,<br />

dans cette optique, et compte-tenu <strong>de</strong> l’organisation<br />

névrotique qui se lit à tous niveaux<br />

chez Napoléon, on doit pareillement envisager<br />

son désir profond <strong>de</strong> rassemblement et<br />

d’unification <strong>de</strong> l’Europe comme une tentative<br />

<strong>de</strong> suturation <strong>de</strong> la béance structurale <strong>de</strong> la castration<br />

: surtout qu’il n’y ait pas <strong>de</strong> failles. Impossible,<br />

évi<strong>de</strong>mment, et c’est en partie, nous<br />

le verrons, la cause <strong>de</strong> ses angoisses, <strong>de</strong> ses incertitu<strong>de</strong>s,<br />

et <strong>de</strong> sa chute). Pour ce qui concerne<br />

l’aspect « hyperactif » (<strong>de</strong> nos jours, il eût été<br />

sans nul doute, dans son enfance, caractérisé<br />

<strong>de</strong> la sorte ; voir à cet égard l’ouvrage <strong>de</strong> F.<br />

Paoli paru récemment, La jeunesse <strong>de</strong> Napoléon<br />

[34]), la dimension <strong>de</strong> l’exploit tout comme<br />

celle d’un désir qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, inlassablement,<br />

à en avoir toujours plus, laissent entrevoir chez<br />

Napoléon la division subjective du névrosé,<br />

car, dans le fond, comme le soulignait Lacan<br />

à propos <strong>de</strong> l’obsessionnel et <strong>de</strong> ses exploits :<br />

« dans l’exploit le sujet domine, apprivoise, voire<br />

domestique une angoisse fondamentale » [22],<br />

autrement dit ce Freud –tout juste un siècle<br />

après Napoléon- nomme angoisse <strong>de</strong> castration.<br />

(VII) Tous les dictateurs ne sont pas comparables.<br />

Aucun n’est à défendre, mais Napoléon<br />

n’est pas Hitler. Pour la plupart <strong>de</strong>s historiens<br />

la comparaison ne tient pas longtemps, et sur<br />

bien <strong>de</strong>s points. Pour ne considérer que cet aspect<br />

parcellaire -mais néanmoins utile- notons<br />

que l’i<strong>de</strong>ntification à un Autre (i<strong>de</strong>ntification,<br />

et non transitivisme, ou certitu<strong>de</strong> délirante d’être<br />

un Autre ou d’être l’Envoyé ou l’Elu d’un Autre)<br />

renvoie, <strong>de</strong> façon certaine, à la structure <strong>de</strong> la<br />

névrose (hystérie et obsession essentiellement).<br />

A notre connaissance, Hitler, lui, ne s’est pas<br />

i<strong>de</strong>ntifié à un Autre. Et sa folie, plus justement<br />

sa psychose paranoïaque, ne fait pas <strong>de</strong> doute.<br />

(VIII) Encore une fois, Napoléon ne se croyait<br />

pas, ne se prenait pas pour Napoléon, et encore<br />

moins pour César, Alexandre ou Charlemagne.<br />

Comme le précise très justement H.<br />

Ey [6] dans son Etu<strong>de</strong> Psychiatrique n°19 consacrée<br />

à la mégalomanie, une <strong>de</strong>s idées délirantes<br />

<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur parmi les plus communes est celle<br />

du délire <strong>de</strong> filiation (le sujet s’affirme d’origine<br />

illustre). S’il y a bien quelque chose dont Napoléon<br />

a souffert –au sens d’un sentiment d’infériorité-,<br />

c’est bien justement <strong>de</strong> trop bien savoir<br />

qu’il ne <strong>de</strong>scendait en aucune manière<br />

d’une famille royale. F. Masson, écrit ainsi : Napoléon<br />

« affirme, et avec quelle singulière vigueur,<br />

à quel point (…), dès qu’il est sorti <strong>de</strong> la réalité du<br />

droit démocratique pour chercher à son pouvoir <strong>de</strong>s<br />

origines <strong>de</strong> droit divin, il s’est trouvé inférieur à ceux<br />

qu’il a remplacés (…) » [31].<br />

(IX) Le baron Fain (1778-1837) –qui fut, successivement,<br />

secrétaire-archiviste au cabinet <strong>de</strong><br />

Napoléon, maître <strong>de</strong>s requêtes au Conseil d’état,<br />

puis secrétaire du portefeuille- écrivait dans ses<br />

Mémoires : « ce qu’il [Napoléon] redoutait le plus,<br />

c’était <strong>de</strong> passer pour trop facile » [8]. Une fois<br />

installé aux Tuileries : « il me fallait <strong>de</strong> nécessité,<br />

dit Napoléon, me créer un extérieur, me composer<br />

une certaine gravité, en un mot, établir une<br />

étiquette, autrement l’on m’eût journellement<br />

frappé sur l’épaule ».<br />

(X) Ce que Chateaubriand a reformulé ainsi :<br />

« Napoléon était son propre mime ; il ne se serait<br />

pas cru un héros s’il ne se fût affublé du costume<br />

d’un héros » [5]. Pour sa part, J. Tulard souligne<br />

que « rarement personnage historique aura eu<br />

autant le souci <strong>de</strong> se composer une silhouette »<br />

[39].<br />

(XI) Ce que Napoléon jetait d’ancres pour la<br />

« sécurité », la « tranquillité » <strong>de</strong> sa propre personne,<br />

se retrouvait également dans sa politique<br />

et dans sa façon <strong>de</strong> mener le mon<strong>de</strong> et<br />

d’écrire l’Histoire. Bainville écrivait : « par tous<br />

les moyens il [Napoléon] jette <strong>de</strong>s ancres afin <strong>de</strong><br />

consoli<strong>de</strong>r, <strong>de</strong> fortifier toujours plus sa dynastie, sa<br />

famille (…) ». Puis, après la désastreuse retraite<br />

<strong>de</strong> Russie : « il a jeté <strong>de</strong>s ancres. Aucune n’a<br />

tenu » [1].<br />

(XII) « Ici, c’est la mort qu’il s’agit <strong>de</strong> tromper par<br />

mille ruses, et cet autre qu’est le moi du sujet entre<br />

dans le jeu comme support <strong>de</strong> la gageure <strong>de</strong>s mille<br />

exploits qui seuls l’assurent du triomphe <strong>de</strong> ses<br />

ruses » [21]. Autre connotation militaire intéressante<br />

(l’Armée, est-il besoin <strong>de</strong> le souligner ?<br />

est une institution typiquement obsessionnelle)<br />

associée à la structure du névrosé obsessionnel,<br />

donnée par M. Silvestre : l’obsessionnel<br />

« envoie son Moi sur le champ <strong>de</strong> bataille » [35].<br />

(XIII) C’est nous qui soulignons.<br />

(XIV) F. Masson écrivait en ce sens : « Le repos,<br />

pour lui, c’était <strong>de</strong> passer d’un travail à un<br />

autre » [31].<br />

(XV) S. Freud lui-même (admirateur dans sa<br />

jeunesse <strong>de</strong> l’empereur) connaît cette caractéristique,<br />

et écrit dans sa Psychopathologie <strong>de</strong> la<br />

vie quotidienne : « Napoléon, qui était passé maître<br />

dans l’art <strong>de</strong> traiter les hommes, a fourni, pendant<br />

sa malheureuse campagne <strong>de</strong> 1814, une<br />

preuve étonnante <strong>de</strong> sa mémoire <strong>de</strong>s noms. Se<br />

trouvant dans la ville <strong>de</strong> Craonne, il se rappela<br />

avoir connu, vingt ans auparavant, le maire <strong>de</strong><br />

cette ville, De Bussy, dans un certain régiment.<br />

La conséquence en fut que De Bussy, ravi et enchanté,<br />

se consacra à son service avec un dévouement<br />

sans borne » [9].<br />

(XVI) René Laforgue écrivait dans son étu<strong>de</strong><br />

sur Napoléon : « la plupart <strong>de</strong>s maîtresses <strong>de</strong><br />

Napoléon furent <strong>de</strong>s momentanées. Le moment<br />

était bref, le plus souvent unique. Il ne dépassa<br />

jamais le temps que la distraction impériale lui<br />

consacrait » [25].<br />

(XVII) Ce trait caractéristique <strong>de</strong> la hâte et du<br />

temps qui presse et oppresse, se retrouve du<br />

début à la fin <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> Napoléon. En 1795<br />

(il a vingt-six ans) Napoléon écrit à Désirée<br />

Clary, sa première fiancée : « Jouissons donc<br />

bien vite, ma bonne amie, hâtons-nous d’être heureux,<br />

le temps vole, les saisons se renouvellent et<br />

la vieillesse arrive ». Par ailleurs, au moment <strong>de</strong><br />

la bataille fatidique <strong>de</strong> Waterloo. Napoléon,<br />

hésitant, pressentant d’une certaine façon la<br />

défaite au-<strong>de</strong>vant <strong>de</strong> laquelle il allait, ne parvient<br />

pas à se déci<strong>de</strong>r à attaquer, et laisse ainsi<br />

passer <strong>de</strong> précieux moments. Puis « une hâte<br />

le saisit. Soudain le voilà pressé. Il veut le résultat<br />

tout <strong>de</strong> suite, la bataille décisive, <strong>de</strong> tout ou<br />

rien, avec l’envie d’en finir » [1]. En embrassant<br />

d’un seul regard le parcours, la <strong>de</strong>stinée vertigineuse<br />

<strong>de</strong> Napoléon, on peut dire en effet<br />

avec J. Bainville, qu’il « court au <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> sa<br />

perte comme s’il avait hâte d’en finir » [1]…ce<br />

qui n’est pas sans rappeler les mots <strong>de</strong> jeunesse<br />

<strong>de</strong> celui qui n’était encore que le jeune Bonaparte<br />

: « Quelle fureur me porte donc à vouloir<br />

ma <strong>de</strong>struction ? ».<br />

(XVIII) Selon les termes <strong>de</strong> D. Miller, pour l’obsessionnel<br />

« la mort est toujours à l’horizon, et bien<br />

souvent l’habite déjà » [32]. La mort réelle, en<br />

soi, n’était rien pour Napoléon, c’était bien davantage<br />

la « vie éternelle » -à savoir l’inscription<br />

<strong>de</strong> sa place et <strong>de</strong> son nom, à jamais, dans l’Histoire-<br />

qui surpassait tout, et qui le poussait toujours<br />

plus loin dans ses exploits et dans l’élaboration<br />

<strong>de</strong> sa propre légen<strong>de</strong> : « la mort n’est<br />

rien, disait-il, mais vivre vaincu et sans gloire,<br />

c’est mourir tous les jours ».<br />

(IX) Sur ce point nous renvoyons notamment<br />

à l’article <strong>de</strong> L. Ga<strong>de</strong>au, Le temps dans la problématique<br />

obsessionnelle : le Père en question<br />

[12].<br />

(XX) Paoli F., La jeunesse <strong>de</strong> Napoléon [34].<br />

N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

Pour avoir une idée suffisamment précise du<br />

portrait du père et <strong>de</strong> la mère <strong>de</strong> Napoléon,<br />

nous renvoyons au chapitre 2 <strong>de</strong> cet ouvrage.<br />

(XXI) Voir S. Freud, Le moi et le ça [10]. Nous<br />

avons déjà évoqué plus haut ce sentiment d’infériorité<br />

chez Napoléon vis-à-vis <strong>de</strong> ses illustres<br />

prédécesseurs, un sentiment attisé par les souverains<br />

<strong>de</strong> l’époque qui, malgré ses nombreuses<br />

victoires, le considéraient toujours comme un<br />

« parvenu ».<br />

(XXII) Outre les aspects déjà mentionnés, ces<br />

soucis d’ordre, <strong>de</strong> propreté et d’économie chez<br />

Napoléon (« Une économie qu’il peut faire le ravit<br />

», souligne F. Masson [31]) signent <strong>de</strong> façon<br />

tout à fait paradigmatique le « caractère anal »<br />

inhérent à la névrose obsessionnelle.<br />

(XXIII) Lacan insiste, notamment, dans sa séance<br />

du 21 mars 1962 sur « cette espèce d’avidité<br />

presque féroce chez l’obsessionnel d’être celui qui<br />

est partout pour n’être justement nulle part ».<br />

(XXIV) Il faudrait ici relire la Psychopathologie<br />

<strong>de</strong> la vie quotidienne <strong>de</strong> Freud, et relever, notamment,<br />

comment y est spécifiquement articulée<br />

la névrose obsessionnelle et la superstition,<br />

cette <strong>de</strong>rnière étant, pour L. Israël, « L’armure<br />

préférée <strong>de</strong> l’obsessionnel » [15].<br />

(XXV) nous soulignons<br />

(XXVI) nous soulignons.<br />

(XXVII) Et encore, pour le « comprendre », ce<br />

serait sans aucun doute un minimum. A vrai<br />

dire le programme serait bien plus large. Si l’on<br />

suit la pensée <strong>de</strong> Hegel, selon la lecture qu’en<br />

a faite Kojève : « Qu’est-ce que ‘’comprendre’’<br />

Napoléon, sinon le comprendre comme celui qui<br />

parfait, en le réalisant, l’idéal <strong>de</strong> la Révolution<br />

française ? Et peut-on comprendre cet idéal, cette<br />

Révolution, sans comprendre l’idéologie <strong>de</strong> l’Aufklärung,<br />

du Siècle <strong>de</strong>s Lumières ? D’une manière<br />

générale, comprendre Napoléon, c’est le comprendre<br />

en fonction <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> l’évolution<br />

historique antérieure, c’est comprendre l’ensemble<br />

<strong>de</strong> l’histoire universelle » [18].<br />

Le système d’assurance<br />

santé aux Etats-Unis<br />

Un système fragmenté et<br />

concurrentiel<br />

Sylvie Cohu et Diane Lequet-<br />

Slama<br />

Etu<strong>de</strong>s et résultats 2007 n°600<br />

Drees<br />

La majorité <strong>de</strong>s Américains (60%) sont<br />

couverts par une assurance privée <strong>de</strong><br />

santé, le plus souvent proposée par<br />

les employeurs.<br />

Les assurances publiques concernent,<br />

respectivement, les personnes âgées<br />

<strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 65 ans ou les personnes<br />

handicapées dans l’incapacité <strong>de</strong> travailler<br />

(Medicare) et certaines familles<br />

pauvres, ainsi que <strong>de</strong>s enfants, au travers<br />

<strong>de</strong>s programmes Medicaid et<br />

SCHIP. 15,9% <strong>de</strong> la population ne dispose,<br />

en revanche, d’aucune couverture<br />

maladie.<br />

Le système <strong>de</strong> santé <strong>de</strong>s Etats-Unis se<br />

distingue par son coût très élevé et<br />

la hausse <strong>de</strong>s primes d’assurance a<br />

récemment conduit à un certain désengagement<br />

<strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s employeurs.<br />

Medicare, seul programme à vocation<br />

universelle pour les plus <strong>de</strong> 65 ans,<br />

a été réformé en 2003, en offrant une<br />

extension <strong>de</strong> la couverture maladie<br />

aux dépenses <strong>de</strong> médicaments et en<br />

ouvrant la possibilité d’une délégation<br />

<strong>de</strong> la gestion à <strong>de</strong>s opérateurs<br />

privés.<br />

Les réseaux <strong>de</strong> soins proposés par les<br />

compagnies privées, les Managed Care<br />

Organisation, sont <strong>de</strong>venus le modèle<br />

dominant par rapport à l’assurance<br />

maladie traditionnelle et réunissent<br />

les fonctions d’assurance et <strong>de</strong> production<br />

<strong>de</strong>s soins. Plus <strong>de</strong> 70% <strong>de</strong>s<br />

Américains ont souscrit, sous diverses<br />

formes, un plan <strong>de</strong> Managed Care<br />

dans le cadre <strong>de</strong> l’entreprise ou à titre<br />

individuel.<br />

Une généralisation <strong>de</strong> l’assurance maladie<br />

à l’ensemble <strong>de</strong> la population a<br />

été mise en œuvre au Massachusetts<br />

et plusieurs États sont tentés par une<br />

expérience similaire. Le système <strong>de</strong><br />

santé sera au centre <strong>de</strong>s prochains<br />

débats aux États-Unis.<br />

www.sante.gouv.fr/drees/in<strong>de</strong>x.htm<br />

Pour toute information : drees-infos@sante.gouv.fr


N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

Comme le dit son nom, la dé-pression<br />

est une chute <strong>de</strong> pression.<br />

Contrairement aux apparences, la<br />

pression n’est pas le résultat <strong>de</strong>s circonstances<br />

extérieures, mais bien le<br />

reflet d’une attitu<strong>de</strong> mentale.<br />

Cette attitu<strong>de</strong> est composée <strong>de</strong> projection<br />

et d’anticipation.<br />

La projection est le pouvoir du mental<br />

<strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s formes, qui sont<br />

ensuite confondues avec la réalité.<br />

L’anticipation est cette habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

projeter un futur inexistant et <strong>de</strong> le<br />

vivre comme s’il était réel.<br />

Tous ces subterfuges inventés par le<br />

moi servent à maintenir son existence,<br />

et à éloigner le spectre <strong>de</strong> l’instant<br />

présent, ouverture non limitée<br />

en laquelle le moi perd sa consistance<br />

pour se dissoudre dans la conscience<br />

silencieuse.<br />

Une pression ne peut chuter que si<br />

elle est élevée. Essayez <strong>de</strong> sauter par<br />

une fenêtre située au rez-<strong>de</strong>-chaussée,<br />

et vous comprendrez que la différence<br />

<strong>de</strong> niveau induit le choc, alors<br />

que l’absence <strong>de</strong> différence n’entraîne<br />

pas <strong>de</strong> choc.<br />

L’attente est une pression inventée<br />

par le moi. Elle consiste à fixer le<br />

mental sur un but. Si ce but est<br />

atteint, le moi se réjouit. Si le but n’est<br />

pas atteint, le moi est déçu. La déception<br />

peut être intense, et peut conduire<br />

à la décision, encore créée par le<br />

moi, <strong>de</strong> détruire ce corps qui semble<br />

en être le responsable. Le suici<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>vient ainsi un objet <strong>de</strong> désir comme<br />

un autre, nouveau subterfuge <strong>de</strong>stiné<br />

à fuir l’insaisissable présent.<br />

Le moi, en effet, ne supporte pas <strong>de</strong><br />

ne pas avoir une pâture à se mettre<br />

sous la <strong>de</strong>nt. Le passé et le futur sont<br />

sa nourriture. Ils le maintiennent et<br />

le font fleurir, comme une bonne<br />

terre le fait avec une fleur. Ils sont<br />

tous <strong>de</strong>ux son enfant. Sans lui, que<br />

<strong>de</strong>viendraient-ils ? Imaginez un passéfutur<br />

sans moi à qui se rapporter. Ne<br />

serait-ce pas comme un bonbon vi<strong>de</strong><br />

et sans sucre ?<br />

Le moi est donc le personnage central<br />

à l’origine <strong>de</strong>s attentes, <strong>de</strong>s déceptions<br />

et <strong>de</strong>s dé-pressions qui s’ensuivent.<br />

Comment pourrait-on soigner la dépression<br />

sans s’occuper <strong>de</strong> ce moi qui<br />

en constitue l’axe ? Ce serait comme<br />

vouloir opérer un abdomen pour guérir<br />

d’une migraine.<br />

Nous en arrivons donc à l’évi<strong>de</strong>nce<br />

que pour soigner une dé-pression, il<br />

convient <strong>de</strong> prendre en considération<br />

le moi qui l’a créée.<br />

Or, ce moi est un personnage volatil.<br />

Quand on veut l’attraper, il se défile.<br />

Il est aussi inconsistant qu’un nuage<br />

dans le ciel. Pour la bonne raison,<br />

qu’il n’est qu’une pensée. Une pensée,<br />

cela ne semble pas grand-chose, mais<br />

pourtant une pensée qui revient sans<br />

cesse est une obsession. Le moi est<br />

ainsi une obsession. Toutes les pensées<br />

s’égrènent autour <strong>de</strong> lui. Il est<br />

comme un roi omnipotent, qui asservit<br />

ses sujets sans guère s’occuper <strong>de</strong><br />

leur <strong>de</strong>venir.<br />

Le seul ennemi que redoute le moi<br />

est le regard. Comment une chose<br />

aussi impalpable que le regard pourrait-elle<br />

effrayer le roi ? Pour la bonne<br />

raison, que lorsqu’une pensée est<br />

observée, celle-ci disparaît. Faites-en<br />

l’essai une fois, et vous le saurez pour<br />

toujours. L’observation <strong>de</strong> la pensée<br />

moi amène sa disparition.<br />

Environnement, rythmes<br />

cicardiens, troubles <strong>de</strong><br />

l’humeur : nouvelles<br />

perspectives<br />

Les relations entre environnement<br />

et santé sont admises, aujourd’hui,<br />

comme une évi<strong>de</strong>nce par la communauté<br />

scientifique. Si les facteurs<br />

<strong>de</strong> risque sont bien connus comme<br />

origine, ou facteurs d’expressivité<br />

d’une vulnérabilité dans les pathologies<br />

somatiques, on commence à<br />

en cerner, <strong>de</strong> mieux en mieux, les<br />

contours en matière <strong>de</strong> psychopathologie.<br />

Les relations entre stress,<br />

maladie psychosomatique, anxiété et<br />

dépression sont ainsi étudiées <strong>de</strong><br />

longue date. On a ainsi, <strong>de</strong> plus en<br />

plus souvent, recours à <strong>de</strong>s modèles<br />

expérimentaux chez l’animal et <strong>de</strong><br />

nombreuses voies <strong>de</strong> recherche sont<br />

explorées.<br />

Boris Cyrulnik a d’ailleurs beaucoup<br />

fait pour relier l’observation animale<br />

à <strong>de</strong>s modèles expérimentaux théoriques<br />

avec le souci <strong>de</strong> les ouvrir à<br />

une réflexion tirée <strong>de</strong> la clinique. Il est<br />

particulièrement intéressant <strong>de</strong> constater<br />

que ces recherches viennent<br />

recouper <strong>de</strong>s constatations cliniques<br />

et, dans certains cas, une approche<br />

psychanalytique qui pourrait sembler<br />

a priori très éloignée. On peut ainsi<br />

décrire chez le rat <strong>de</strong>s troubles du<br />

comportement avec diminution <strong>de</strong><br />

l’activité motrice après une séparation<br />

maternelle précoce (XXème ECNP : Chung et al).<br />

Par ailleurs, il apparaît <strong>de</strong> plus en plus<br />

comme une évi<strong>de</strong>nce que l’environnement<br />

peut intervenir dans <strong>de</strong>ux<br />

directions opposées : soit comme facteur<br />

<strong>de</strong> risque pouvant induire ou<br />

aggraver une pathologie, soit comme<br />

facteur <strong>de</strong> protection. Une exposition<br />

d’un groupe <strong>de</strong> souris à une sur-sti-<br />

La dé-pression<br />

mulation environnementale semble<br />

ainsi avoir <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> type anxiolytique<br />

chez <strong>de</strong>s souris par comparaison<br />

avec un groupe témoin (XX ème<br />

ECNP, Pokk et al).<br />

Un <strong>de</strong>s éléments essentiels <strong>de</strong> l’environnement<br />

animal <strong>de</strong>meure l’évolution<br />

<strong>de</strong> son activité et donc <strong>de</strong> son<br />

métabolisme sur un registre cyclique.<br />

Nous connaissons ainsi différents<br />

cycles biologiques, saisonniers, menstruels,<br />

circadiens, pour n’en citer que<br />

quelques uns. De plus, les relations<br />

entre environnement, cycles biologique<br />

et pathologique ouvrent,<br />

aujourd’hui, <strong>de</strong> nouvelles voies <strong>de</strong><br />

recherche et <strong>de</strong>s perspectives thérapeutiques<br />

prometteuses. Les altérations<br />

du cycle veille/sommeil, <strong>de</strong>puis<br />

l’amplification <strong>de</strong> facteurs génétiques<br />

jusqu’à la traduction en réceptologie<br />

neurochimique d’une part, et jusqu’à<br />

l’expression clinique sur un mo<strong>de</strong><br />

dysthymique d’autre part, sont actuellement<br />

particulièrement étudiées.<br />

Ainsi, le travail <strong>de</strong> recherche sur les<br />

récepteurs présents au niveau <strong>de</strong><br />

l’horloge biologique, tels que les<br />

récepteurs mélatoninergiques, a permis<br />

une nouvelle approche dans le<br />

traitement <strong>de</strong> la dépression et <strong>de</strong>s<br />

troubles liés au stress. Cette recherche<br />

serait d’autant plus novatrice qu’elle<br />

explore <strong>de</strong>s voies différentes ne mettant<br />

pas en cause les systèmes muscariniques,<br />

histaminiques, sérotoninergiques<br />

et noradrénergiques<br />

responsables <strong>de</strong>s principaux effets<br />

secondaires <strong>de</strong>s antidépresseurs<br />

actuellement utilisés. ■<br />

Charles Alezrah, Paul Bonnan,<br />

Norbert Skurnik<br />

Vous nous direz : « mais n’est-ce pas le<br />

moi qui observe la pensée moi ? ».<br />

Comment une pensée pourrait-elle<br />

observer une autre pensée ? Est-ce<br />

qu’un miroir peut observer un autre<br />

miroir qui se reflète en lui ? Ce qui<br />

observe la pensée ne peut être qu’en<br />

<strong>de</strong>hors d’elle. Le regard est ainsi hors<br />

<strong>de</strong> portée <strong>de</strong> la pensée moi, puisqu’il<br />

la perçoit.<br />

Le regard est ce qu’on nomme, parfois,<br />

la conscience. La conscience n’est<br />

pas une personne, puisqu’elle est<br />

capable <strong>de</strong> l’observer. La conscience<br />

est donc libre <strong>de</strong> la personne. Pour<br />

cette raison, on la qualifie d’impersonnelle.<br />

Etant impersonnelle, elle ne<br />

peut qu’être libre <strong>de</strong> la souffrance<br />

qui, elle, est bien personnelle. Peut-on<br />

souffrir <strong>de</strong> l’ulcère <strong>de</strong> jambe du voisin<br />

? La souffrance se réfère ainsi à ce<br />

moi, encore lui. A ne pas la<br />

confondre avec la douleur qui, elle,<br />

appartient au corps.<br />

Pour guérir <strong>de</strong> la dépression, il<br />

convient donc <strong>de</strong> se libérer <strong>de</strong> l’emprise<br />

du moi.<br />

Une <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> libération est celle<br />

<strong>de</strong> l’accueil ; l’accueil <strong>de</strong>s perceptions,<br />

<strong>de</strong>s sensations, <strong>de</strong>s émotions, <strong>de</strong>s pensées.<br />

L’accueil n’appartient pas à la<br />

personne. La personne elle-même, en<br />

tant que perception, est contenue en<br />

lui. Ce qui contient ne peut être<br />

contenu. La bouteille <strong>de</strong> coca-cola<br />

est libre <strong>de</strong> son contenu. Versez le<br />

breuvage sur le sol. La bouteille n’en<br />

est pas affectée.<br />

L’inverse <strong>de</strong> l’accueil est le refus. Ce<br />

<strong>de</strong>rnier est un <strong>de</strong>s magistrats au service<br />

du roi. Par le refus, le roi affirme<br />

son autorité. Un roi qui dirait toujours<br />

oui ne serait plus un roi ! Le<br />

moi et le refus sont donc les <strong>de</strong>ux<br />

alliés du roi qui les manie avec <strong>de</strong>xtérité,<br />

pour transformer toute situation<br />

en un problème. Sans refus et<br />

sans moi, où est donc passé le problème<br />

? Le problème disparaît en<br />

même temps que celui qui l’a créé.<br />

Le chagrin et la tristesse sont un <strong>de</strong>s<br />

artifices créés par le moi pour éviter sa<br />

propre disparition. Ils se référent tous<br />

<strong>de</strong>ux au passé-futur, dont la mélopée<br />

est souvent d’actualité. Sans passé et<br />

sans futur, que restent-ils <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux<br />

compères ?<br />

La dé-pression est ainsi soignée par<br />

la disparition ; non pas celle du corps,<br />

comme le croient les amateurs d’émotions<br />

fortes, mais celle <strong>de</strong> la pensée<br />

moi. Et cette disparition ne se fait pas<br />

d’un tour <strong>de</strong> baguette magique. C’est<br />

pour l’inviter que l’ermite se retire<br />

quarante années dans sa grotte. L’agitation<br />

est en effet peu propice à sa<br />

disparition. Le recueillement et la tranquillité<br />

sont les sédiments qui préparent<br />

sa fin. Un mental tranquille<br />

<strong>de</strong>vient transparent, comme le<br />

brouillard qui cesse dès lors que les<br />

particules qui le composent ne sont<br />

plus agitées. Dans un mental tranquille,<br />

le sens du moi s’atténue,<br />

comme l’aiguille affolée d’une boussole<br />

qui trouve un point <strong>de</strong> stabilité.<br />

En prolongeant cette expérience du<br />

silence sans pensée, le sens du moi<br />

finit par perdre <strong>de</strong> sa prééminence.<br />

Le mon<strong>de</strong> peut alors être perçu tel<br />

qu’il est, sans le filtre déformant <strong>de</strong>s<br />

interprétations personnelles. Un<br />

mon<strong>de</strong> tel qu’il est n’est ni beau, ni<br />

laid, ni agréable, ni désagréable. Il<br />

n’est qu’une perception qui émerge<br />

dans le regard qui la contient. Le<br />

mon<strong>de</strong> n’est ainsi pas plus consistant<br />

que l’image <strong>de</strong> l’oiseau qui se reflète<br />

dans la fenêtre ouverte. L’inconsistance<br />

du mon<strong>de</strong> contraste avec la<br />

consistance du regard qui le perçoit.<br />

Le regard est lui-même la consistance,<br />

la <strong>de</strong>nsité, qui donne vie au spectacle<br />

perçu. Sans regard, pas <strong>de</strong> spectacle.<br />

Nous arrivons ainsi au terme <strong>de</strong> cette<br />

promena<strong>de</strong>, qui nous a amenés du<br />

plus loin au plus près. Qu’y a-t-il donc<br />

LIVRES ET REVUES<br />

L’enfant et son sexe<br />

La lettre <strong>de</strong> l’enfance et <strong>de</strong> l’adolescence<br />

Revue du Grape 2007, n°68<br />

Erès, 14 €<br />

RÉFLEXION ■ 13<br />

Ce n’est pas l’anatomie seule qui déci<strong>de</strong> du sexe, mais une série d’opérations<br />

psychiques qui se déroulent tout au long <strong>de</strong> sa maturation et qui déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong><br />

la sexuation, tout comme le démontre l’article d’Olivia Dauverchain, qui met<br />

aussi en lumière la particularité <strong>de</strong> la position féminine. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cultures différentes,<br />

dont Olivier Douville donne <strong>de</strong>s exemples et <strong>de</strong>s commentaires, illustre<br />

que la division sexuelle est construite selon <strong>de</strong>s critères précis mais variables,<br />

et se tient dans un équilibre fluctuant selon le contexte temporel et historique.<br />

Ce qui paraît « naturel » nécessite un long travail psychique d’appropriation pour<br />

<strong>de</strong>venir « accommodable », voire pour s’en accommo<strong>de</strong>r ; ainsi peut-on le lire à<br />

propos <strong>de</strong>s garçons et <strong>de</strong> leur sexe dans l’article <strong>de</strong> Martine Menès, qui amène<br />

au <strong>de</strong>uxième point, la relation entre l’enfant et le sexuel. La rencontre <strong>de</strong> la<br />

question sexuelle est pour l’enfant toujours traumatique parce que trop radicalement<br />

étrangère au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la connaissance construite. C’est cette rencontre,<br />

toujours mauvaise, du sexuel par l’enfant que développe l’article<br />

d’Albert Nguyên.<br />

Nicolas Murcier et Laurent Ott, mettent en tension l’embarras <strong>de</strong>s jeunes et celui<br />

<strong>de</strong>s adultes, ce que confirme l’analyse par Marie-Hélène Inglin-Routisseau<br />

<strong>de</strong> la littérature romanesque où la sexualité <strong>de</strong>s jeunes est mise en scène. L’enfant<br />

objet, <strong>de</strong> toutes les « préventions », est pourtant soumis à un déferlement<br />

permanent <strong>de</strong> la sexualité sur la scène publique sur laquelle il est parfois appelé<br />

pour être exposé précisément à la place dont on dit vouloir le gar<strong>de</strong>r.<br />

Clau<strong>de</strong> Allard analyse une <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> ce phénomène dans son article sur<br />

les nouvelles « Lolitas ».<br />

Jean-François Solal montre, par une illustration clinique, qu’une adolescente ne<br />

renonce pas facilement à la sexualité perverse polymorphe <strong>de</strong> son enfance et<br />

que le tabou <strong>de</strong> la virginité, ancré dans <strong>de</strong>s représentations œdipiennes somme<br />

toute très classiques, reste vivace <strong>de</strong>rrière la tendance à la précocité <strong>de</strong>s relations<br />

sexuelles.<br />

On comprend avec la contribution d’Hubert Lisandre que les nouvelles possibilités<br />

<strong>de</strong> « sa(ça)voir » proposées par Internet trouvent leur efficace dans le fonctionnement<br />

psychique <strong>de</strong> leur utilisateur. L’envahissement par les images vient<br />

masquer le silence <strong>de</strong>s mots.<br />

La rubrique « Entretien avec... » prolonge le dossier en témoignant <strong>de</strong> la rencontre<br />

entre l’inconscient et la civilisation, à travers une expérience d’accueil et<br />

d’écoute <strong>de</strong> jeunes adolescentes dont les conditions <strong>de</strong> vie ren<strong>de</strong>nt le rapport<br />

à la réalité sexuelle particulièrement cru et parfois violent. Les praticiennes du<br />

dispositif EVA (Espace, Vie, Adolescence) donnent un témoignage <strong>de</strong> leur action<br />

auprès <strong>de</strong> ces jeunes en gran<strong>de</strong> souffrance, et rappellent que le sexuel reste<br />

le lieu privilégié d’exploitation <strong>de</strong>s femmes.<br />

La vie sexuelle à Rome<br />

Géraldine Puccini-Delbey<br />

Taillandier<br />

Ah ! comme il est agréable <strong>de</strong> lire un livre sur la sexualité qui nous change <strong>de</strong>s<br />

turpitu<strong>de</strong>s politiciennes actuelles sur le sujet. Certes, la vie sexuelle n’est pas<br />

que plaisir et l’exercice <strong>de</strong> la sexualité est souvent une occasion <strong>de</strong> pouvoir, <strong>de</strong><br />

régulation <strong>de</strong>s rapports entre les sexes et les classes sociales. La violence y est<br />

souvent présente. Mais peut-il en être autrement <strong>de</strong> la sexualité et du dynamisme<br />

pulsionnel qui l’anime tout en empruntant aussi bien <strong>de</strong>s voies créatives<br />

que <strong>de</strong>s chemins délétères et <strong>de</strong>structeurs ?<br />

Ce livre d’une maître <strong>de</strong> conférence <strong>de</strong> langue et <strong>de</strong> littérature latine, écrit avec<br />

verve, nous entraîne dans la Rome antique. Outre la longue promena<strong>de</strong> historique,<br />

agréable en soi pour se replonger dans l’univers romain antique, les représentations<br />

<strong>de</strong> la sexualité qui y sont exposées alimentent le questionnement<br />

qui ne <strong>de</strong>vrait être qu’incessant <strong>de</strong>s variations <strong>de</strong> la vie sexuelle selon les époques<br />

et les individus.<br />

Ainsi, on apprend que les romains ne faisaient pas la distinction entre hétérosexuels<br />

et homosexuels mais qu’il y avait ceux qui « pénètrent et ceux qui sont<br />

pénétrés ». Les interdits et les tabous se faisant autour <strong>de</strong> cette modalité <strong>de</strong> l’activité<br />

sexuelle. A partir <strong>de</strong> cette donnée générale, dont le lecteur pourra apprécier<br />

toutes les subtilités au cours <strong>de</strong>s quelques passionnantes 400 pages, Géraldine<br />

Puccini-Delbey construit son exposé autour <strong>de</strong> trois parties. La première<br />

partie consacrée au modèle du citoyen viril étudie l’institution du mariage, les<br />

relations sexuelles hors-mariage, les amours masculines et l’inceste.<br />

La <strong>de</strong>uxième partie intitulée « Corps et sexualité » décrit l’érotisme, la politique<br />

<strong>de</strong>s corps et les maladies sexuelles. Enfin, la troisième partie pose <strong>de</strong>s « Regards<br />

critiques sur la vie sexuelle ». Les discours médicaux, la réflexion <strong>de</strong>s philosophes,<br />

la critique <strong>de</strong>s moralistes et le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s historiens notamment autour<br />

<strong>de</strong> la figure <strong>de</strong> l’empereur comme monstre sexuel sont successivement abordés.<br />

Concernant ce <strong>de</strong>rnier point, on sait à quel point certains empereurs romains<br />

seraient parfaitement en phase avec nos représentations mo<strong>de</strong>rnes du<br />

monstre sexuel. On retrouve là les relations entre le pouvoir politique et la<br />

sexualité et cette propension qu’avaient les empereurs romains à s’accaparer<br />

les femmes <strong>de</strong>s autres, sans que personne n’y trouve à redire (ou ne puisse y<br />

redire). Evi<strong>de</strong>mment et heureusement, ces pratiques totalitaires et machistes où<br />

dominent le déni d’altérité et la relation d’emprise n’existent plus maintenant<br />

chez les dirigeants politiques contemporains.<br />

M. David<br />

<strong>de</strong> plus près que le regard lui-même ?<br />

Même les lunettes sont pour lui un<br />

objet d’observation. La guérison <strong>de</strong><br />

la pression et <strong>de</strong> la dé-pression ne<br />

peut donc se faire qu’à travers une<br />

compréhension, qui libère <strong>de</strong> l’habitu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> prendre pour réel ce qui ne<br />

l’est pas, et qui clarifie le mon<strong>de</strong><br />

opaque <strong>de</strong>s projections mentales et<br />

<strong>de</strong>s conséquences qu’elles entraînent.<br />

Rendons, ainsi, hommage à la joie<br />

qui se cache <strong>de</strong>rrière le chagrin, et<br />

qui rayonne dès lors que ce <strong>de</strong>rnier<br />

s’éteint, comme le soleil qui brille dès<br />

que les nuages s’effacent. ■<br />

Jean-Marc Mantel<br />

Psychiatre, Vence (Alpes-Maritimes)


14<br />

■ HUMEUR<br />

Nous confondons, souvent, l’un et<br />

l’autre alors que l’éducation ainsi<br />

que nombre <strong>de</strong> thérapies auraient<br />

comme vocation commune d’élever<br />

l’individu au rang <strong>de</strong> sujet et non plus<br />

d’objet <strong>de</strong> toutes nos attentions.<br />

Assujettir : rendre sujet ?<br />

Oui mais <strong>de</strong> qui, <strong>de</strong> quoi ?<br />

Les traditions du Livre avaient peutêtre<br />

répondu sujet du Verbe ? Le<br />

Verbe, concept inouï pour nos oreilles<br />

contemporaines ; à tel point que les<br />

frères Bogdanov dans leur thèse <strong>de</strong><br />

Sciences, controversée, proposent <strong>de</strong><br />

le comparer au Big Bang. Sujet du<br />

verbe, cela se conçoit, en référence à<br />

la grammaire <strong>de</strong> notre enfance, on suppose<br />

alors : auteur <strong>de</strong> sa parole, responsable<br />

<strong>de</strong> ses dires ; une transposition<br />

psycho-sociale d’un assujettissement,<br />

par ailleurs, transcendant.<br />

Une patiente anxieuse et déçue <strong>de</strong> son<br />

existence circulaire et insensée, se vante<br />

<strong>de</strong> n’être assujettie à rien ni personne.<br />

Pourtant, elle se sent prisonnière aussi<br />

bien <strong>de</strong> certaines croyances familiales<br />

que <strong>de</strong> sa névrose. Comme si <strong>de</strong>s logiciels<br />

infraconscients parasitent sa sensibilité,<br />

sa pensée et ses choix malgré sa<br />

volonté. Asservie à <strong>de</strong>s scénari fantasmatiques<br />

qu’elle découvre dans ses<br />

rêves , elle voit comment ceux-ci catalysent<br />

sa libido et ont organisés sa biographie<br />

en cercles vicieux. Les fantasmes<br />

occupent l’espace ouvert <strong>de</strong> sa<br />

psyché, celui potentiellement consacré<br />

à son libre arbitre moribond ; ils agissent<br />

comme un virus informatique en bloquant<br />

son appareil psychique. Ils fonctionneraient<br />

peut-être aussi comme un<br />

virus biologique qui vient s’inscrire en<br />

trop dans le fonctionnement <strong>de</strong>s ARN<br />

messagers pour se faire dupliquer luimême<br />

en priorité, désorganisant par<br />

De l’autisme<br />

Topologie du transfert dans<br />

l’exercice <strong>de</strong> la psychanalyse<br />

Tomes 1 et 2<br />

Richard Abibon<br />

EFE Editions<br />

Ces ouvrages sont le fruit du travail<br />

d’un groupe <strong>de</strong> recherche sur l’ « autisme<br />

» à partir d’un point <strong>de</strong> vue d’observation<br />

lacanien. On retrouve avec<br />

les notions <strong>de</strong> base, bien connues sinon<br />

bien comprises que sont l’articulation<br />

entre symbolique, imaginaire,<br />

et réel, les outils conceptuels que sont<br />

la phase du miroir, les nœuds borroméens,<br />

les mathèmes, tout cela appliqué<br />

à l’ « autisme », dont les guillemets<br />

indiquent bien la réserve que<br />

cette notion suscite chez l’auteur.<br />

Le tome 1, appuyé sur <strong>de</strong>s cas cliniques<br />

finement décrits traite d’« acoupure<br />

», <strong>de</strong> trous symboliques, <strong>de</strong> surfaces,<br />

retournements, images en miroir,<br />

et <strong>de</strong> la célèbre ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> Moebius.<br />

Cette <strong>de</strong>scription topologique, malgré<br />

une formalisation parfois un peu<br />

ari<strong>de</strong>, donne à penser, à associer,<br />

donne envie aussi <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s liens<br />

avec d’autres topologies, certaines<br />

un peu anciennes (Bion, Pankow),<br />

d’autres parallèles, comme les travaux<br />

<strong>de</strong> G. Haag en lien avec les théorisations<br />

d’E. Bick et <strong>de</strong> F. Tustin. On<br />

voit bien, en effet, que l’on est dans<br />

le même espace conceptuel, celui <strong>de</strong><br />

symbolisations s’étayant sur une expérience<br />

sensorielle et émotionnelle<br />

à médiation cutanée et oculaire. Ce<br />

tome 1 intéressera tous ceux qui désirent<br />

découvrir un discours un peu<br />

différent sur l’autisme et la psychose<br />

infantile.<br />

Le tome 2 traite <strong>de</strong>s adultes. Là, la<br />

différenciation entre autisme et psychose<br />

sévère est peu marquée. La<br />

formalisation mathématique, tout en<br />

restant dans le domaine <strong>de</strong> l’accessible<br />

pour peu que l’on se souvienne<br />

<strong>de</strong> ses étu<strong>de</strong>s secondaires, est néanmoins<br />

plus poussée. Pourtant, si l’on<br />

arrive à dépasser cette difficulté re-<br />

ailleurs tout le métabolisme <strong>de</strong> la cellule.<br />

Elle constate son ambivalence à<br />

faire le <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> ces repères, croyances<br />

et attitu<strong>de</strong>s réflexes fondées sur la peur<br />

et l’habitu<strong>de</strong>, certitu<strong>de</strong>s figées d’une<br />

tragédie annoncée mais, finalement,<br />

sécurisante car connue. Comment<br />

pourrait-elle s’élancer dans l’espace sans<br />

garantie d’une solitu<strong>de</strong> à inventer, elle<br />

qui confond solidarité avec substitution,<br />

confiance avec abus , amour avec<br />

séduction, assujettissement avec asservissement<br />

?<br />

Eric, diagnostiqué schizophrène <strong>de</strong>puis<br />

longtemps, avoue son goût pour la<br />

pratique <strong>de</strong> rituels religieux qu’il invente,<br />

il admet son aspiration pour la spiritualité<br />

en général. En effet, prier l’ai<strong>de</strong><br />

à se dégager <strong>de</strong> l’emprise qu’auraient<br />

sur lui les voix ; et la prière relativise<br />

encore l’impact ressenti comme totalitaire<br />

et pétrifiant <strong>de</strong> ses contemporains<br />

sur lui-même. Son père, lui-même,<br />

aurait vécu dans la soumission d’un<br />

grand-père paternel, patriarche incontesté,<br />

ancien chef politique qui terrorise<br />

encore toute la famille et aussi le<br />

patient handicapé mental.<br />

Claire, traitée <strong>de</strong>puis 20 ans pour psychose<br />

revisite son histoire : sa mère<br />

lui a confirmé qu’elle avait été pour<br />

elle comme une poupée, une petite<br />

fille modèle ravissante avec laquelle<br />

elle a bien joué. Malheureusement, la<br />

patiente ne sait pas sortir <strong>de</strong> ce rôle<br />

stéréotypé <strong>de</strong>venu un enfer ; comment<br />

s’émanciper et <strong>de</strong>venir une femme?<br />

En mimant celle-ci ou celle-la ? Ou<br />

bien, en étant un pur esprit ? Mais rien<br />

n’y fait pour se dégager <strong>de</strong> ce système<br />

clos : tout la détermine et la contrôle ;<br />

elle se sent systématiquement et malgré<br />

elle asservie comme par réflexe, obligée<br />

sans raison raisonnable à une obéissance<br />

totale et immédiate à ses parents,<br />

la famille, les mé<strong>de</strong>cins, la cité, la société<br />

et la culture et ce d’autant qu’elle<br />

lative, on se rend bien compte que<br />

« quelque chose » est au travail. On ne<br />

peut pas s’empêcher <strong>de</strong> penser aux<br />

capacités étonnantes, voire surhumaines<br />

<strong>de</strong> certains autistes adultes<br />

dans <strong>de</strong>s domaines très circonscrits,<br />

alors qu’ils sont profondément dépendants<br />

et handicapés dans la vie<br />

sociale la plus courante.<br />

Ces élaborations topologiques, issues<br />

<strong>de</strong>s projections <strong>de</strong> l’image du corps<br />

propre permettent <strong>de</strong> proposer un<br />

contenant <strong>de</strong> pensée à <strong>de</strong>s agis autrement<br />

insensés. Cette lecture fait<br />

penser à une réflexion déjà ancienne<br />

<strong>de</strong> G. Deleuze, disant (je cite <strong>de</strong> mémoire)<br />

que la bêtise n’est que le négatif<br />

<strong>de</strong> l’intelligence, au sens où elle<br />

ne serait pas un manque, mais un<br />

opposé actif. La lecture et l’assimilation<br />

<strong>de</strong> ces propositions <strong>de</strong> métaphorisation<br />

permettront à ceux qui<br />

veulent ou peuvent s’en donner le<br />

temps et les moyens d’entrer encore<br />

d’avantage dans une relation profondément<br />

humaine avec ceux que<br />

l’auteur appelle les « dits-autistes ».<br />

A. Frottin<br />

Les premiers entretiens<br />

thérapeutiques avec<br />

l’enfant et sa famille<br />

Préface <strong>de</strong> Maurice Berger<br />

Sous la direction <strong>de</strong> Jean-Paul<br />

Matot et Christine Fisch-Desmarez<br />

Dunod, 26 €<br />

Rédigé par un groupe <strong>de</strong> cliniciens<br />

dont la pratique se situe dans une filiation<br />

à la fois psychanalytique et<br />

systémique, cet ouvrage présente une<br />

démarche en trois niveaux : présentation<br />

du cadre <strong>de</strong> l’entretien avec<br />

les conditions <strong>de</strong> sa mise en place et<br />

les limites <strong>de</strong> son efficacité ; pratique<br />

pédopsychiatrique intégrant les dimensions<br />

individuelles, familiales,<br />

groupales et institutionnelles ; installation<br />

<strong>de</strong> dispositifs psychothérapeutiques<br />

« sur mesure » pour l’enfant<br />

et sa famille.<br />

Assujettir ou asservir ?<br />

se sent observée et jugée par eux via la<br />

télé, l’ordinateur et tous les moyens <strong>de</strong><br />

communication…<br />

Françoise est une amie, mère d’un<br />

jeune psychotique. Désolée que celuici<br />

ait interrompu sa psychothérapie,<br />

elle souhaite conseiller à son fils <strong>de</strong><br />

reprendre les séances avec X puisque<br />

« cela lui avait fait du bien ». Elle comprend,<br />

quand je le lui explique, qu’il<br />

pourrait l’entendre comme une double<br />

contrainte du type « Soit libre mon fils »<br />

puisque dans les croyances implicites<br />

du jeune homme, elle occupe le statut<br />

<strong>de</strong> reine-mère omnipotente.<br />

Néanmoins, elle voudrait encore le protéger<br />

<strong>de</strong>s conséquences d’ actes délictueux<br />

récemment commis en faisant<br />

intervenir son réseau social. Elle s’en<br />

veut car il n’a pas eu <strong>de</strong> chances dans<br />

la vie, elle ne veut pas qu’il souffre<br />

encore. Elle se sent coupable <strong>de</strong> n’avoir<br />

pas su protéger l’enfant du surinvestissement<br />

<strong>de</strong> son père qui l’adorait jusqu’à<br />

se substituer à lui en le téléguidant<br />

dans tous les actes <strong>de</strong> la vie<br />

quotidienne.<br />

Se substituer aux principes qui règlent<br />

et triangulent les relations humaines,<br />

se substituer au libre arbitre <strong>de</strong> nos<br />

proches et <strong>de</strong> nos patients, <strong>de</strong>ux écueils<br />

<strong>de</strong> nos vies quotidiennes…<br />

Mais est-ce possible d’advenir au rang<br />

<strong>de</strong> sujet tout seul ? Certains thérapeutes<br />

semblent suggérer que oui, ce qui parait<br />

paradoxal vu leur profession !<br />

Nicolas, souffrant <strong>de</strong> troubles psychotiques<br />

<strong>de</strong>puis l’enfance, ne peut s’insérer<br />

socialement et ses parents qui<br />

appréciaient cet enfant calme quoique<br />

écholalique, commencent à s’inquiéter.<br />

Le jeune homme a confié à sa<br />

mère qu’il ressent un interdit à exister<br />

émanant <strong>de</strong> son père et <strong>de</strong> son grandpère<br />

paternel. Le grand-père est un<br />

artiste admiré par toute la famille et<br />

apprécié <strong>de</strong> ses très nombreux amis.<br />

C’est vers la tante paternelle que les<br />

informations ont convergé. Celle-ci sait<br />

aussi que le père <strong>de</strong> Nicolas avait, luimême,<br />

été un petit garçon souffrant.<br />

Mais sa dépression n’avait pas été soignée<br />

et son anorexie s’amenuisa au<br />

décours <strong>de</strong>s séances d’orthophonie.<br />

Quand il fut papa, il a surinvesti son<br />

fils <strong>de</strong> même qu’il l’avait été par son<br />

père. Jouant avec l’enfant et l’emmenant<br />

partout avec lui.<br />

Le fils et le petit fils <strong>de</strong> ce grand-père<br />

très original et peut-être idolâtré, n’ont<br />

pu accé<strong>de</strong>r, eux-mêmes, à une existence<br />

épanouissante et quand le grandpère<br />

fut informé <strong>de</strong> la théorie du petit<br />

fils sur son inhibition il rétorqua qu’il<br />

n’avait rien fait.<br />

Effectivement, l’inestimable objet <strong>de</strong> la<br />

transmission, thème <strong>de</strong>s films <strong>de</strong> Clint<br />

Eastwood et du travail <strong>de</strong> Pierre<br />

Legendre, semble s’être perdu d’une<br />

génération à l’autre. Et l’impasse <strong>de</strong><br />

Nicolas soulève <strong>de</strong>s questions universelles<br />

: Qu’est-ce que <strong>de</strong>venir un<br />

homme ? Comment <strong>de</strong>venir fils ? De<br />

quel héritage sommes nous légataire ?<br />

Quelles valeurs transmettons nous ou<br />

pas, consciemment et inconsciemment<br />

?<br />

La fonction paternelle, au sein d’une<br />

famille, peut alors être réanimée lorsque<br />

les thérapeutes proposent que soient<br />

révisées les règles <strong>de</strong> la coexistence,<br />

l’exigence du respect réciproque, la<br />

soumission commune aux lois élémentaires<br />

<strong>de</strong> l’humanité, celles qui ren<strong>de</strong>nt<br />

possible <strong>de</strong> se risquer à penser et<br />

à parler. La fonction paternelle n’est<br />

donc pas à confondre avec celle <strong>de</strong><br />

géniteur, et n’a pas non plus <strong>de</strong> rapport<br />

avec l’i<strong>de</strong>ntité sexuée <strong>de</strong> ceux qui la<br />

représentent ; cette fonction n’étant<br />

pas i<strong>de</strong>ntique à la masculinité et son<br />

processus.<br />

C’est grâce à cette vigilance, cette exigence<br />

<strong>de</strong> respect mutuel, que la loi<br />

interdit aux mé<strong>de</strong>cins nord-américains<br />

d’imposer tout traitement médicamenteux<br />

à leurs clients, sauf en cas<br />

d’urgence et voilà que cela amène, en<br />

comparaison avec l’Europe, à une<br />

meilleure observance <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong><br />

neuroleptiques <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s patients<br />

psychotiques.<br />

Quand l’autorité ne peut plus être<br />

confondue avec l’autoritarisme, l’autorité<br />

ne peut plus être imposée. Elle est<br />

décernée, accordée par celui qui se<br />

reconnaît dans une réception filiale.<br />

Filiation qui l’élève et non le rabaisse.<br />

Etre fils symbolique (même pour la<br />

fille) c’est être élevé et reconnu au titre<br />

d’héritier et <strong>de</strong> représentant <strong>de</strong> ces<br />

valeurs qui épanouissent.<br />

La fonction paternelle cesse d’être référée<br />

à la chefferie d’une hor<strong>de</strong> primaire,<br />

un patriarcat dévoyé dans l’omnipotence<br />

du législateur absolu, transposition<br />

grotesque <strong>de</strong>s dérives d’un matriarcat<br />

vorace et omniscient <strong>de</strong> ce qui est bon<br />

pour l’autre.<br />

Nos traditions auraient pu nous le laisser<br />

entendre : se prendre pour dieu<br />

c’est-à-dire « manger du fruit <strong>de</strong> l’arbre<br />

<strong>de</strong> la connaissance du bien et du mal,<br />

consacré à dieu », se prendre pour dieu,<br />

c’est-à-dire s’autoproclamer omniscient<br />

et omnipotent, loin <strong>de</strong> nous émanciper,<br />

nous précipite dans une chute<br />

légendaire.<br />

Cette boursouflure du narcissisme engagerait<br />

notre masculinité dans une course<br />

effrénée vers un assouvissement<br />

impossible et asservirait notre féminité.<br />

Que peut-on apprendre d’une lecture<br />

ouverte du récit du « péché originel » tel<br />

que proposé par La Bible, Livre <strong>de</strong> la<br />

Genèse chapitre 3 ?<br />

Eve obéit d’emblée au Serpent plutôt<br />

que d’écouter et différer une réponse,<br />

éventuellement qu’elle ne sait pas.<br />

Asservie à la bête à qui elle a délégué<br />

son libre arbitre, abêtie par les promesses<br />

d’en voir <strong>de</strong> belles, elle exécute<br />

sans délai comme sous hypnose les<br />

propos du séducteur, comme encodée<br />

par le discours du tentateur qui, tel un<br />

instinct, l’automatise. En conséquence<br />

<strong>de</strong> quoi Adam, en l’imitant, est asservi<br />

à un labeur infini qui l’épuise à en suer,<br />

et Eve, rétrogradée <strong>de</strong> sa place d’interlocutrice<br />

<strong>de</strong>vient asservie à un époux<br />

qu’elle idolâtre ou diabolise à tout<br />

coup ! Une inimitié se détermine entre<br />

Elle est le Serpent : alors qu’elle lui<br />

écrase la tête, la bête lui blesse le pied !<br />

En somme , elle obéit à ce ou à celui<br />

qui lui casse les pieds. Vous vous reconnaissez<br />

?<br />

Peu <strong>de</strong> filles d’Eve se sont assujetties<br />

mais cela a généré un grand bruit. Ces<br />

femmes, vite occultées sont pourtant<br />

les modèles archétypiques <strong>de</strong> l’émancipation.<br />

Nos civilisations, victimes <strong>de</strong>s<br />

lectures univoques qui divisent et<br />

excluent, prouvent encore aujourd’hui<br />

comment le féminin est toujours diabolisé<br />

dans une logique en miroir inversé<br />

d’un masculin idolâtré. Traditionnellement,<br />

le clivage persiste assignant<br />

la féminité et le féminin aux sources<br />

<strong>de</strong> tout mal. Le Mal et la Tentation<br />

(mégalomaniaque) se trouvant d’un<br />

seul coup miniaturisés au statut <strong>de</strong> zizi !<br />

La masculinité confondue avec le masculin<br />

se proposant alors comme rempart<br />

moral ou, à l’inverse, comme écran<br />

publicitaire d’une sexualité pervertie,<br />

celle <strong>de</strong>s fantasmes où tout partenaire<br />

est ravalé au rang d’objet c’est-à-dire<br />

convié à se taire.<br />

Mais qu’est-ce que le féminin et le masculin<br />

et comment les articuler ? C’est<br />

ce sur quoi achoppent, sans doute, nos<br />

interlocuteurs <strong>de</strong> patients et que nous<br />

pouvons apprendre avec eux.<br />

Le féminin semble en rapport avec<br />

notre capacité d’écoute, <strong>de</strong> réception<br />

voire d’enten<strong>de</strong>ment à ne pas<br />

confondre avec obéissance servile ni<br />

encore avec la maternité.<br />

Le masculin est souvent associé à l’action,<br />

au don et à la capacité <strong>de</strong> se relier<br />

à autrui grâce à la parole donnée, une<br />

parole fiable qui engage celui qui l’a<br />

proférée à ne pas confondre avec la<br />

N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

parole du comman<strong>de</strong>ment qui engage<br />

celui qui l’écoute voire l’abuse. Le<br />

masculin est à distinguer <strong>de</strong> la fonction<br />

paternelle qui introduit l’enfant<br />

dans le social et la langue.<br />

D’autres traditions viennent appuyer<br />

ses concepts dont ceux du Yin et du<br />

Yang taoïstes.<br />

La Mé<strong>de</strong>cine Traditionnelle Chinoise<br />

nous enseigne, encore, que l’organe<br />

énergétique le plus Yin, en correspondance<br />

avec l’Eau, est le Rein ; son méridien<br />

commence sous la voûte plantaire,<br />

à l’écoute <strong>de</strong> la Terre. L’organe<br />

sensoriel associé au Rein est l’oreille :<br />

« le Rein s’ouvre à l’oreille » qui est à<br />

l’écoute du Ciel.<br />

Le Yin a comme attribution l’accueil, la<br />

réception, l’écoute. La chair lui est associée,<br />

le Yin génère le Yang.<br />

L’organe énergétique le plus Yang, le<br />

Cœur, rési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> l’Esprit, est en correspondance<br />

avec le Feu, il s’ouvre à la<br />

parole, et son méridien passe par la<br />

main.<br />

Le Yang est corrélé à l’action, au mouvement,<br />

au flux, à l’information, aux<br />

langages, le Yang dynamise le Yin.<br />

Dans la tradition taoïste, le rôle <strong>de</strong> l’humain<br />

est d’incarner la médiation entre<br />

le Ciel et la Terre c’est-à-dire <strong>de</strong> servir<br />

<strong>de</strong> vase alchimique entre le Yin et le<br />

Yang, l’Eau et le Feu. Ceci est rendu<br />

possible par un troisième terme non<br />

nommé mais potentiel comme le<br />

centre du cercle <strong>de</strong>ssinant le Tao qui<br />

comme le moyeu d’une roue, <strong>de</strong> par<br />

son existence vi<strong>de</strong>, permet le mouvement<br />

<strong>de</strong> la vie : la genèse du Yang par<br />

le Yin et l’animation du Yin par le Yang<br />

…etc.<br />

Dans leur lecture dynamique <strong>de</strong> la vie,<br />

même un calcul binaire, celui utilisant<br />

le modèle mathématique Yin/Yang ne<br />

conduit pas au clivage et à <strong>de</strong>s interprétations<br />

exclusives et haineuses car le<br />

3 ème terme reste supposé et continue à<br />

opérer en tant que clé <strong>de</strong> voûte du<br />

système, même et justement grâce à<br />

son absence.<br />

Cet espace libre dans la clé <strong>de</strong> voûte <strong>de</strong><br />

nos existences et <strong>de</strong> nos psyché pourrait<br />

se comparer à cette liberté qui nous<br />

est offerte au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> nos déterminismes<br />

et que nous obstruons volontiers,<br />

consciemment ou non, <strong>de</strong>rrière<br />

<strong>de</strong>s idéologies ou <strong>de</strong>s idoles utilisées<br />

comme délégués ou substituts. Dans<br />

cette perspective, le féminin défini par<br />

nos traditions serait lié au développement<br />

humble d’une écoute à l’intérieur<br />

<strong>de</strong> cette ouverture à l’amour chère aux<br />

mystiques et la maternité serait la capacité<br />

à désigner cet espace potentiel <strong>de</strong><br />

vie et <strong>de</strong> parole. Ainsi, nommer le Père<br />

c’est-à-dire le mystère <strong>de</strong> la vie qui nous<br />

transcen<strong>de</strong> et nous relie dans la dignité<br />

ne peut se réduire à nommer le géniteur<br />

comme certaines psychologies le<br />

proposent.<br />

Alors, à défaut d’entrer dans un servage<br />

profitant aux féodalités et leurs corporations,<br />

s’assujettir consisterait plutôt<br />

à participer à une filiation où les<br />

traditions se lisent aux éclats comme<br />

on rit. ■<br />

Isabelle Delage<br />

Psychiatre, anthropologue <strong>de</strong>s religions<br />

Bibliographie<br />

La Genèse, La Bible, traduction à choisir.<br />

BOGDANOV Igor et Grichka, Avant le Big<br />

Bang, Grasset 2004.<br />

LEGENDRE Pierre, L’inestimable objet <strong>de</strong><br />

la transmission, Fayard 1985.<br />

BOTTÉRO Alain, Patients difficiles : la leçon<br />

<strong>de</strong>s échecs, Neuropsychiatrie : Tendances<br />

et Débats n° 30 Juin 2007.<br />

LEFEBVREPhilippe, La Vierge au Livre,<br />

Cerf 2007.<br />

KESPI Jean-Marc, L’homme et ses symboles<br />

en mé<strong>de</strong>cine traditionnelle chinoise, Albin<br />

Michel 2002.<br />

OUAKNIN Marc-Alain, Tsimtsoum, Albin<br />

Michel 1992.<br />

NOVARINA Valère, Devant la parole,<br />

P.O.L 1999.<br />

NOVARINA Valère, Lumières du corps,<br />

P.O.L 2006.


N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

L<br />

’altération du fonctionnement<br />

social est une <strong>de</strong>s caractéristiques<br />

<strong>de</strong> la schizophrénie déjà décrite par<br />

Kraepelin et Bleuler, et que l’on<br />

retrouve dans les critères officiels du<br />

DSM IV-R (1). Elle a fait l’objet <strong>de</strong><br />

nombreux travaux <strong>de</strong>puis les années<br />

50, avec la découverte <strong>de</strong>s neuroleptiques<br />

conventionnels puis avec les<br />

avancées <strong>de</strong> la psychopharmacologie<br />

(2). Les connaissances actuelles permettent<br />

<strong>de</strong> penser qu’elle est l’une<br />

<strong>de</strong>s expressions directes du processus<br />

pathologique. Elle est ainsi associée à<br />

<strong>de</strong>s troubles cognitifs qui ont un rôle<br />

particulièrement défavorable sur les<br />

possibilités d’autonomie du sujet (3, 4).<br />

En effet, un bon fonctionnement<br />

cognitif est indispensable à l’acquisition<br />

<strong>de</strong>s aptitu<strong>de</strong>s nécessaires aux<br />

interactions sociales normales (5). Les<br />

déficits cognitifs apparaissent même<br />

comme le facteur prédictif le plus<br />

constant <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong> l’évolution<br />

fonctionnelle (fonctionnement social,<br />

aptitu<strong>de</strong>s professionnelles, soins<br />

personnels, autonomie) dans la schizophrénie<br />

(3).<br />

Les troubles cognitifs sont fréquents<br />

et présents avant même parfois le<br />

début <strong>de</strong> la maladie schizophrénique<br />

(6). Ils persistent entre les épiso<strong>de</strong>s<br />

aigus, semblent assez stables au<br />

cours <strong>de</strong> la vie (7), et conditionnent<br />

pour une large part l’évolution du<br />

patient (3, 4, 8). Ils consistent le plus souvent<br />

en une altération <strong>de</strong>s fonctions<br />

exécutives, du raisonnement, <strong>de</strong> la<br />

mémoire et <strong>de</strong> l’attention.<br />

Malgré les progrès <strong>de</strong>s traitements<br />

pharmacologiques antipsychotiques,<br />

les altérations du fonctionnement psychosocial<br />

<strong>de</strong>meurent une source<br />

majeure <strong>de</strong> handicap chez le sujet<br />

schizophrène (9). Les neuroleptiques<br />

classiques semblent agir peu sur les<br />

symptômes cognitifs. Ils peuvent<br />

même dégra<strong>de</strong>r certaines fonctions<br />

au travers <strong>de</strong> leurs effets tels que la<br />

sédation et l’ataraxie (10). En revanche,<br />

il semble que les traitements antipsychotiques<br />

<strong>de</strong> secon<strong>de</strong> génération peuvent<br />

améliorer ces fonctions, ce qui<br />

pourrait conduire à une meilleure<br />

autonomie sociale <strong>de</strong>s patients (11).<br />

Une méta-analyse comparant neuroleptiques<br />

conventionnels (halopéridol,<br />

fluphénazine) et antipsychotiques atypiques<br />

(clozapine, rispéridone, zotépine,<br />

ziprazidone) a été réalisée sur<br />

12 étu<strong>de</strong>s en ouvert et trois étu<strong>de</strong>s<br />

en double aveugle (4). Les étu<strong>de</strong>s en<br />

double aveugle ont montré une supé-<br />

riorité <strong>de</strong>s antipsychotiques atypiques<br />

sur les processus attentionnels, les<br />

fonctions exécutives et le repérage<br />

visuo-spatial. Les étu<strong>de</strong>s en ouvert ont<br />

confirmé ces données bien que les<br />

effets sur l’attention soient moins nets.<br />

D’autres traitements pharmacologiques<br />

éventuellement associés aux antipsychotiques<br />

pourraient être prescrits afin<br />

d’améliorer la cognition et constituent<br />

donc une voie <strong>de</strong> recherche importante<br />

(13).<br />

La prise en charge <strong>de</strong>s troubles <strong>de</strong><br />

l’adaptation sociale ne se limite pas<br />

aux traitements pharmacologiques<br />

mais associe également <strong>de</strong>s mesures<br />

incluant les prises en charge institutionnelles,<br />

les mesures légales et <strong>de</strong>s<br />

techniques spécifiques <strong>de</strong> réadaptation.<br />

Une importante question soulevée<br />

par ces programmes <strong>de</strong> réhabilitation<br />

sociale est d’i<strong>de</strong>ntifier les<br />

facteurs prédictifs du fonctionnement<br />

psychosocial qui pourraient constituer<br />

les cibles <strong>de</strong> l’intervention.<br />

L’adaptation sociale et les troubles<br />

cognitifs doivent donc être évalués <strong>de</strong><br />

manière précise au même titre que la<br />

sémiologie psychiatrique classique tant<br />

dans une dimension <strong>de</strong> recherche que<br />

dans la pratique quotidienne (12).<br />

Aujourd’hui, <strong>de</strong> nombreux outils <strong>de</strong><br />

recherche validés permettent l’évaluation<br />

<strong>de</strong>s troubles cognitifs. Cependant,<br />

ces outils sont longs et fastidieux<br />

et leur mise en œuvre difficile dans<br />

la pratique quotidienne <strong>de</strong>s cliniciens.<br />

Deux enquêtes pharmaco-épidémiologiques<br />

ont été réalisées chez <strong>de</strong>s<br />

patients psychotiques, suivis en CMP,<br />

en centres hospitaliers ou dans d’autres<br />

structures <strong>de</strong> soins (établissements<br />

recensés en France dans le fichier<br />

national TVF ® du groupe CEGEDIM).<br />

Une première enquête a été réalisée<br />

en 2002, chez <strong>de</strong>s patients présentant<br />

<strong>de</strong>s troubles psychotiques et ayant<br />

bénéficié récemment d’un traitement<br />

par la rispéridone en monothérapie.<br />

Son objectif était d’évaluer l’amélioration<br />

clinique et <strong>de</strong>s troubles cognitifs<br />

(intéressant attention, mémoire et<br />

fonctions exécutives) après 2 à 3 mois<br />

L’Afssaps publie une mise à jour <strong>de</strong> son livret<br />

« Médicaments et grossesse » en psychiatrie<br />

L’Agence française <strong>de</strong> sécurité sanitaire <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> santé (Afssaps) a mis<br />

à jour son livret consacré aux médicaments utilisés dans les troubles psychiatriques<br />

du gui<strong>de</strong> « Médicaments et grossesse », y incluant les traitements<br />

<strong>de</strong>s dépendances et certains antidépresseurs.<br />

Ce gui<strong>de</strong> est un outil d’ai<strong>de</strong> à la prescription qui a été mis à la disposition<br />

<strong>de</strong>s professionnels <strong>de</strong> santé fin 2005. Il comprend, actuellement, un livret infectiologie<br />

et un livret psychiatrie. Les livrets se présentent sous forme <strong>de</strong> tableaux<br />

indiquant par une graduation <strong>de</strong> couleur le niveau <strong>de</strong> risque <strong>de</strong> l’utilisation<br />

<strong>de</strong> chaque médicament (<strong>de</strong> contre-indiqué en rouge à possible en<br />

vert foncé), à chaque sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> la grossesse.<br />

L’Afssaps a mis en ligne une mise à jour du livret psychiatrie, qui comprenait<br />

jusqu’alors les hypnotiques, les anxiolytiques, les neuroleptiques et les<br />

antiparkinsoniens anticholinergiques.<br />

La nouvelle version inclut, notamment, les médicaments utilisés pour le traitement<br />

<strong>de</strong> la dépendance alcoolique (acamprosate, disulfirame et éthanol),<br />

seul l’acamprosate étant « envisageable » au cours <strong>de</strong> la grossesse, et ceux utilisés<br />

dans le traitement <strong>de</strong> la dépendance aux opiacés (méthadone et naltrexone,<br />

les données sur l’utilisation <strong>de</strong> la buprénorphine au cours <strong>de</strong> la grossesse<br />

étant en cours d’évaluation).<br />

Elle ajoute aussi les antidépresseurs imipraminiques, les antidépresseurs non<br />

imipraminiques et non IMAO sauf les inhibiteurs sélectifs <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong><br />

la sérotonine (ISRS) et les inhibiteurs <strong>de</strong> la recapture <strong>de</strong> la sérotonine et <strong>de</strong><br />

la noradrénaline, qui sont en cours d’évaluation, et les antidépresseurs IMAO.<br />

Les psychostimulants (adrafinil, méthylphénidate, modafinil, sulbutiamine)<br />

sont également inclus, tous « déconseillés » ou « à éviter par pru<strong>de</strong>nce » pendant<br />

toute la durée <strong>de</strong> la grossesse.<br />

La prochaine mise à jour, qui <strong>de</strong>vrait intervenir d’ici la fin <strong>de</strong> l’année, portera<br />

sur les normothymique, dont le lithium et le valproate. ■<br />

P.C.<br />

http://afssaps.sante.fr/htm/10/grossess/livret_psy.pdf<br />

Insertion sociale et autonomie<br />

chez le patient psychotique :<br />

résultats <strong>de</strong>s enquêtes ACTet ISA<br />

<strong>de</strong> traitement par la rispéridone, grâce<br />

à l’utilisation d’un nouvel outil d’autoévaluation<br />

simple et adapté à la pratique<br />

quotidienne, reprenant les principales<br />

dimensions cognitives<br />

explorées en recherche : le questionnaire<br />

ACT (Activités Cognitives Test).<br />

Au travers <strong>de</strong> cette enquête dénommée<br />

ACT, il s’agissait aussi <strong>de</strong> tester la<br />

faisabilité <strong>de</strong> ce questionnaire auprès<br />

d’un grand nombre <strong>de</strong> patients.<br />

Deux ans plus tard, une secon<strong>de</strong><br />

enquête, ISA (Insertion Sociale et Autonomie),<br />

a été menée chez <strong>de</strong>s patients<br />

présentant <strong>de</strong>s troubles psychotiques<br />

suivis en ambulatoire et ayant bénéficié<br />

récemment d’un traitement antipsychotique.<br />

L’objectif était d’évaluer<br />

après 5 à 7 mois <strong>de</strong> traitement l’évolution<br />

<strong>de</strong> certaines aptitu<strong>de</strong>s cognitives<br />

avec le questionnaire ACT ainsi que<br />

l’amélioration <strong>de</strong> l’autonomie sociale<br />

<strong>de</strong>s patients au moyen <strong>de</strong> l’échelle<br />

EAS (échelle d’autonomie sociale).<br />

Dans les <strong>de</strong>ux enquêtes le profil symptomatologique<br />

<strong>de</strong>s patients traités et<br />

leur évolution, les différents traitements<br />

psychotropes associés au traitement<br />

antipsychotique et l’évolution<br />

clinique <strong>de</strong>s patients étaient décrits.<br />

Elles n’imposaient pas <strong>de</strong> changement<br />

dans la prise en charge médicale habituelle<br />

<strong>de</strong>s patients. Aucun dosage biologique,<br />

ni exploration complémentaire<br />

n’étaient requis par ces protocoles<br />

et les cliniciens voyaient leurs patients<br />

dans le cadre habituel <strong>de</strong> leur suivi.<br />

Première mise en œuvre<br />

du questionnaire ACT<br />

Schéma général <strong>de</strong> l’enquête<br />

ACT<br />

Les patients inclus, âgés <strong>de</strong> plus <strong>de</strong><br />

18 ans, <strong>de</strong>vaient satisfaire aux critères<br />

<strong>de</strong> la CIM-10 pour les troubles psychotiques,<br />

ne pas être hospitalisés<br />

<strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> quinze jours ou être<br />

suivis en CMP, centres hospitaliers ou<br />

autres structures <strong>de</strong> soins. Ils <strong>de</strong>vaient<br />

avoir présenté une réactivation symptomatique<br />

non liée à la prise récente<br />

<strong>de</strong> toxiques et avoir, dans ce cadre,<br />

nécessité l’instauration d’un traitement<br />

par la rispéridone <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong> 15<br />

jours. Les patients ayant reçu un traitement<br />

neuroleptique conventionnel<br />

à action prolongée dans les trois mois<br />

précédant l’instauration <strong>de</strong> la rispéridone<br />

ne pouvaient être inclus. Deux<br />

évaluations étaient effectuées, lors <strong>de</strong><br />

l’instauration <strong>de</strong> la rispéridone orale<br />

puis après <strong>de</strong>ux à trois mois <strong>de</strong> traitement.<br />

Les adaptations posologiques<br />

<strong>de</strong> la rispéridone, initiée selon les<br />

recommandations <strong>de</strong>s caractéristiques<br />

du produit, étaient laissées à l’appréciation<br />

du mé<strong>de</strong>cin selon son habitu<strong>de</strong><br />

clinique.<br />

Les informations recueillies étaient les<br />

suivantes : données socio-démographiques,<br />

histoire <strong>de</strong>s troubles psychotiques<br />

; critères <strong>de</strong> diagnostic CIM-<br />

10 ; traitements antipsychotiques<br />

atypiques et/ou neuroleptiques<br />

conventionnels en cours ; traitements<br />

associés (psychotropes, traitements<br />

correcteurs, mais aussi psychothérapie,<br />

ateliers thérapeutiques…) ; observance<br />

<strong>de</strong> la rispéridone ; impressions<br />

cliniques globales (CGI) gravité et amélioration<br />

; données issues du TIMA<br />

(Texas Implementation of Medication<br />

Algorithms), un algorithme conçu pour<br />

rendre plus performante la gestion<br />

<strong>de</strong>s traitements médicamenteux prescrits<br />

aux patients souffrant <strong>de</strong> schizophrénie<br />

; données <strong>de</strong> l’auto-questionnaire<br />

ACT.<br />

Les outils d’évaluation<br />

Avec les échelles CGI, donnant une<br />

idée générale <strong>de</strong> l’état du patient et <strong>de</strong><br />

son amélioration, les paramètres analysés<br />

étaient les suivants :<br />

- CGI sévérité à la secon<strong>de</strong> consultation<br />

(C2) et évolution entre la première<br />

consultation (C1) et la secon<strong>de</strong> (C2),<br />

- CGI amélioration à C2 et <strong>de</strong>scription<br />

<strong>de</strong>s répon<strong>de</strong>urs CGI (très fortement<br />

ou fortement améliorés).<br />

L’échelle TIMA est un outil d’évaluation<br />

clinique, simple et <strong>de</strong> passation rapi<strong>de</strong>,<br />

proposé aux cliniciens dans le but<br />

<strong>de</strong> se faire une opinion sur l’état clinique<br />

du patient. Il permet d’évaluer la<br />

réponse au traitement nouvellement<br />

instauré et peut être utile pour ajuster<br />

la dose du médicament en fonction <strong>de</strong><br />

la réponse observée. Cet outil est<br />

constitué <strong>de</strong> 8 items reconnus sensibles<br />

aux changements sous traitement médicamenteux.<br />

Quatre critères positifs,<br />

notés <strong>de</strong> 1 à 7, sont empruntés à la<br />

Brief Psychiatric Rating Scale (BPRS).<br />

Les quatre autres, notés <strong>de</strong> 1 à 6, sont<br />

issus <strong>de</strong> la Negative Symptom Assessment<br />

Scale et <strong>de</strong> la Scale for the Assessment<br />

of Negative Symptoms (SANS) et<br />

évaluent les symptômes négatifs. Les<br />

scores positif et négatif sont tous <strong>de</strong>ux<br />

définis par la somme <strong>de</strong>s quatre critères<br />

respectifs.<br />

Le TIMA intéressant le traitement <strong>de</strong> la<br />

schizophrénie a été validé en accordant<br />

une place <strong>de</strong> première intention<br />

aux nouveaux antipsychotiques (15).<br />

La réponse au traitement à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

scores TIMA est définie <strong>de</strong> la façon<br />

suivante :<br />

- si le score positif est inférieur ou égal<br />

à 6 et le score négatif est inférieur ou<br />

égal à 12 à C2, le patient est classé<br />

comme « Répon<strong>de</strong>ur » ;<br />

- si le score positif est supérieur à 6 ou<br />

le score négatif est supérieur à 12 à<br />

C2 et que les % d’amélioration du<br />

score positif et/ou du score négatif sont<br />

supérieurs ou égaux à 20%, le patient<br />

est classé comme « Partiellement Répon<strong>de</strong>ur<br />

» ;<br />

- si le score positif est supérieur à 6 à<br />

C2 ou le score négatif est supérieur à<br />

12 à C2 et que les % d’amélioration du<br />

score positif et du score négatif sont<br />

inférieurs à 20%, le patient est classé<br />

comme « Non Répon<strong>de</strong>ur ».<br />

Les patients lors <strong>de</strong> l’inclusion <strong>de</strong>vaient<br />

présenter un score au TIMA : > 12<br />

points aux symptômes positifs et > 8<br />

points aux symptômes négatifs. Les<br />

paramètres analysés avec cet outil<br />

étaient les suivants :<br />

- score positif et négatif TIMA à C2 et<br />

leur évolution entre C1 et C2,<br />

- réponse au traitement à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

scores TIMA à C1 et C2.<br />

L’Activités Cognitives Test (ACT), est<br />

un auto-questionnaire centré sur les<br />

fonctions cognitives et <strong>de</strong>stiné au<br />

patient. Cet outil a été élaboré par un<br />

comité scientifique* pour l’enquête. Il<br />

comporte 16 échelles visuelles analogiques<br />

(EVA) regroupées en 8 situations<br />

et une question à réponse fermée.<br />

Les EVA explorent au travers <strong>de</strong><br />

situations habituelles <strong>de</strong> vie, l’intensité<br />

<strong>de</strong> l’altération <strong>de</strong>s fonctions cognitives<br />

suivantes : attention (item 1 à 5),<br />

mémoire (item 7), fonctions exécutives<br />

(item 6 et 8) ainsi que, pour chaque<br />

item, l’intensité du handicap dans la<br />

vie quotidienne.<br />

<br />

THÉRAPEUTIQUE ■ 15<br />

LIVRES ET REVUES<br />

Trop <strong>de</strong> gestion tue le social<br />

Michel Chauvière<br />

La Découverte, 21,50 €<br />

Michel Chauvière est directeur <strong>de</strong> recherche<br />

au CNRS, membre du CERSA,<br />

CNRS/université Paris-II. Ses travaux<br />

portent sur les politiques du social et<br />

du familial et il est l’auteur <strong>de</strong> plusieurs<br />

ouvrages, dont notamment Le<br />

Travail social dans l’action publique.<br />

Sociologie d’une qualification controversée<br />

(Dunod, 2004), et il a codirigé<br />

avec Jean-Michel Belorgey et Jacques<br />

Ladsous Reconstruire l’action sociale<br />

(Dunod, 2006).<br />

A travers l’analyse du nouveau lexique<br />

largement inspiré <strong>de</strong> l’entreprise qui<br />

s’est imposé dans le secteur social<br />

(services à la personne, accès aux<br />

droits, démarche qualité, privilège <strong>de</strong><br />

l’usager, etc.), il montre que celui-ci<br />

est aujourd’hui profondément dénaturé<br />

par un processus <strong>de</strong> « chalandisation<br />

» qui formate les consciences,<br />

sape les fondamentaux <strong>de</strong> l’action et<br />

prépare à plus <strong>de</strong> privatisation <strong>de</strong>s<br />

services et d’autonomie <strong>de</strong> la gestion.<br />

Mais pour Michel Chauvière rien n’est<br />

définitivement joué.<br />

Les affections <strong>de</strong> longue<br />

durée<br />

Actualité et dossier en santé<br />

publique 2007 n°59,<br />

La Documentation Française,<br />

13,80 €<br />

Ce dossier spécial sur les ALD montre<br />

que le dispositif ALD est un dispositif<br />

complexe qui a évolué au fil <strong>de</strong>s<br />

aménagements réglementaires successifs.<br />

Un historique <strong>de</strong>s différentes<br />

évolutions donne les clés pour comprendre<br />

comment le dispositif a tenté<br />

<strong>de</strong> s’adapter aux évolutions scientifiques<br />

et sociétales. La réforme <strong>de</strong><br />

l’assurance maladie <strong>de</strong> 2004 représente<br />

la <strong>de</strong>rnière étape <strong>de</strong> ces transformations,<br />

et la Cnamts et la Haute<br />

Autorité <strong>de</strong> santé, principaux acteurs<br />

<strong>de</strong> cette réforme, expliquent leur rôle<br />

respectif et font le point sur les premiers<br />

résultats.<br />

Aujourd’hui, le poids épidémiologique<br />

et économique <strong>de</strong>s ALD est <strong>de</strong>venu<br />

très important et il convient, dans une<br />

logique <strong>de</strong> rationalisation <strong>de</strong>s dépenses,<br />

<strong>de</strong> l’appréhen<strong>de</strong>r au regard<br />

<strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s dépenses <strong>de</strong> santé.<br />

Le développement <strong>de</strong> la prise en<br />

charge à 100% comme garant d’une<br />

prise en charge <strong>de</strong> qualité, doit amener<br />

à rapprocher le dispositif ALD <strong>de</strong>s<br />

autres outils d’amélioration <strong>de</strong> la qualité<br />

<strong>de</strong>s soins et à s’interroger sur leur<br />

efficacité réciproque.<br />

Les interrogations paraissent nombreuses<br />

: le système actuel répond-il<br />

toujours aux attentes <strong>de</strong>s patients,<br />

<strong>de</strong>s professionnels, <strong>de</strong> la collectivité ?<br />

Et, faut-il réfléchir à <strong>de</strong>s voies d’aménagement<br />

? Ces questions touchent<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> la santé.<br />

Des représentants <strong>de</strong>s patients et <strong>de</strong>s<br />

assurances maladies complémentaires,<br />

directement concernés par<br />

toute évolution du dispositif ALD,<br />

donnent leur avis.<br />

Un éclairage complémentaire venu<br />

d’exemples étrangers ai<strong>de</strong> à imaginer<br />

d’autres dispositifs et à avoir une<br />

approche plus large que celle <strong>de</strong>s<br />

seules ALD. Nous sommes, en effet,<br />

passés, en soixante ans, <strong>de</strong> 4 pathologies<br />

longues et coûteuses, qui étaient<br />

soignées, à plus <strong>de</strong> 20 millions <strong>de</strong><br />

personnes atteintes d’une maladie<br />

chronique.<br />

Le plan « Améliorer la qualité <strong>de</strong> vie<br />

<strong>de</strong>s personnes atteintes <strong>de</strong> maladies<br />

chroniques », récemment présenté par<br />

le ministre <strong>de</strong> la Santé et <strong>de</strong>s Solidarités,<br />

constitue la première étape <strong>de</strong><br />

cette évolution.


16<br />

LIVRES<br />

■ THÉRAPEUTIQUE<br />

Expertise psychiatrique<br />

pénale<br />

Pour la Recherche 2007 n°53<br />

Bulletin <strong>de</strong> la Fédération Française<br />

<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong><br />

Eclairant classiquement le juge sur la<br />

responsabilité pénale la punissabilité<br />

et la dangerosité psychiatrique <strong>de</strong>s<br />

personnes dans le cadre <strong>de</strong>s procédures<br />

judiciaires, l’expert a vu, dans<br />

les conditions d’exercice difficiles qui<br />

sont les siennes, un élargissement <strong>de</strong><br />

ses missions à l’évaluation <strong>de</strong> la dangerosité<br />

criminologique et à l’examen<br />

<strong>de</strong>s victimes.<br />

Une audition publique s’est tenue les<br />

25 et 26 janvier à Paris centrée sur<br />

l’abord <strong>de</strong>s problématiques concernant<br />

la formation, le recrutement, les<br />

conditions et perspectives d’exercice<br />

qui relèvent d’une implication partagée<br />

<strong>de</strong> la santé et <strong>de</strong> la justice. La<br />

question portant sur la responsabilité<br />

pénale <strong>de</strong>s personnes présentant<br />

<strong>de</strong>s troubles psychiatriques a été au<br />

centre <strong>de</strong>s préoccupations.<br />

La commission qui s’est réunie, à l’issue<br />

<strong>de</strong> cette Audition Publique, a<br />

publié un rapport et a établi <strong>de</strong>s<br />

recommandations autour <strong>de</strong> cinq<br />

questions majeures qui sont présentées<br />

dans ce numéro.<br />

http://psydoc-fr.broca.inserm.fr<br />

Comment peut-on être<br />

sourd ?<br />

Numéro coordonné par Cyril<br />

Courtin<br />

Presses Universitaires <strong>de</strong> France,<br />

22 €<br />

Il y a <strong>de</strong> nombreux exemples <strong>de</strong> plasticité<br />

cérébrale compensatoire.<br />

L’un, particulièrement spectaculaire,<br />

concerne le cortex auditif <strong>de</strong> nouveaux<br />

sourds qui se met à répondre<br />

aux mouvements <strong>de</strong>s lèvres, et, dans<br />

le cas <strong>de</strong> langage signé, aux mouvements<br />

<strong>de</strong>s doigts. De même pour<br />

le cortex visuel d’aveugles qui, faute<br />

<strong>de</strong> traiter <strong>de</strong>s stimuli visuels, se met<br />

à traiter le toucher en Braille.<br />

Dans les cas <strong>de</strong>s enfants sourds, il ne<br />

s’agit pas que s’opère la plasticité cérébrale<br />

et les compensations, mais<br />

au contraire que soit encouragé le<br />

développement d’une fonction. Si l’on<br />

prend l’exemple <strong>de</strong> l’implantation cochléaire<br />

précoce, elle s’accompagne<br />

chez certains spécialistes d’un choix<br />

pour un entraînement exclusivement<br />

auditif, tandis que d’autres privilégient<br />

une approche intermodale du<br />

langage. Les uns cherchent à préserver<br />

une place au cortex auditif ;<br />

les autres, aux connections audiovisuelles<br />

qui permettent d’associer l’oral<br />

et l’écrit. Hors solution d’implants,<br />

quand on n’a que les yeux et le toucher<br />

pour parler, quelle est la meilleure<br />

voie ? Il n’y a pas, actuellement, <strong>de</strong><br />

bonne réponse unanime à cette question.<br />

Le message <strong>de</strong> ce numéro thématique<br />

est qu’il faut favoriser les connections<br />

intermodales. Les enfants sourds<br />

sont souvent confrontés dans leur<br />

enseignement à un problème <strong>de</strong> bilinguisme,<br />

représenté par la confrontation<br />

entre la langue française <strong>de</strong>s<br />

signes et la langue française. Le problème<br />

est souvent mal i<strong>de</strong>ntifié. Et,<br />

lorsqu’il l’est, il s’accompagne rarement<br />

d’un intérêt pour la question<br />

du biculturalisme. Ce numéro contribue<br />

à i<strong>de</strong>ntifier les problèmes <strong>de</strong> développement<br />

cognitif qui en découlent<br />

et les solutions accessibles. Un<br />

autre message concerne le rôle d’un<br />

accès continu à un langage natif pour<br />

développer la cognition sociale et la<br />

métareprésentation.<br />

<br />

L’utilisation <strong>de</strong>s EVA permet l’attribution<br />

d’un score <strong>de</strong> 1 à 10 pour<br />

chaque item exploré et offre la possibilité<br />

<strong>de</strong> calculer <strong>de</strong>s sous-scores par<br />

item ainsi qu’un score total (moyenne<br />

<strong>de</strong>s items 1 à 8 à condition que 4 items<br />

sur 8 soient renseignés). La <strong>de</strong>rnière<br />

question permet d’i<strong>de</strong>ntifier la situation<br />

handicapant principalement le<br />

patient <strong>de</strong> son point <strong>de</strong> vue.<br />

Les paramètres analysés avec cet outil<br />

étaient les suivants :<br />

- auto questionnaire ACT à C2 et évolution<br />

entre C1 et C2 (item par item et<br />

scores calculés).<br />

Le critère principal d’évaluation était<br />

l’évolution <strong>de</strong>s scores à l’échelle ACT.<br />

Les critères secondaires étaient l’évolution<br />

du score sévérité <strong>de</strong> la CGI ainsi<br />

que le score amélioration et l’évolution<br />

<strong>de</strong>s scores du TIMA.<br />

Analyse statistique<br />

La <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> la population a été<br />

faite grâce aux données socio-démographiques,<br />

et l’histoire <strong>de</strong>s troubles<br />

psychotiques. Ont été également analysés<br />

les motifs <strong>de</strong> la consultation, la<br />

prise en charge hors chimiothérapie,<br />

les modalités d’instauration <strong>de</strong> la rispéridone,<br />

les sorties prématurées et<br />

arrêt <strong>de</strong> la rispéridone à la visite 2, la<br />

posologie <strong>de</strong> la rispéridone et l’observance,<br />

et les traitements associés.<br />

Ont été calculés pour les variables<br />

quantitatives : effectif, médiane,<br />

moyenne, écart-type, minimum et<br />

maximum. Pour les variables qualitatives,<br />

l’effectif et le pourcentage <strong>de</strong><br />

chacune <strong>de</strong>s modalités ont été considérés.<br />

L’évolution <strong>de</strong>s paramètres<br />

quantitatifs a été testée par le test <strong>de</strong><br />

Stu<strong>de</strong>nt sur séries appariées ou le test<br />

<strong>de</strong> Wilcoxon sur séries non appariées.<br />

Le lien entre la réponse CGI (<strong>de</strong>ux<br />

classes) et l’évolution <strong>de</strong>s paramètres<br />

est testé par le test du Chi-2 pour les<br />

variables qualitatives et le test <strong>de</strong> Stu<strong>de</strong>nt<br />

pour les variables quantitatives.<br />

Le seuil <strong>de</strong> significativité <strong>de</strong>s tests est<br />

fixé à 5%.<br />

Résultats <strong>de</strong> l’enquête<br />

ACT<br />

Population analysée<br />

Les informations recueillies concernent<br />

un total <strong>de</strong> 1024 patients. Parmi<br />

ces patients, l’analyse statistique porte<br />

sur 763 patients qui ont effectué les<br />

<strong>de</strong>ux visites, étaient toujours sous rispéridone<br />

lors <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> visite et<br />

pour lesquels le délai entre les <strong>de</strong>ux<br />

visites était au moins égal à 8<br />

semaines <strong>de</strong> traitement.<br />

Les patients sont âgés <strong>de</strong> 36,8 ± 13,7<br />

ans. Ce sont majoritairement <strong>de</strong>s<br />

hommes (58,7%). Ils n’ont pas <strong>de</strong><br />

conjoint pour plus <strong>de</strong>s trois quarts<br />

d’entre eux.<br />

Un tiers (34,6%) vivent seuls <strong>de</strong><br />

manière autonome, et un tiers<br />

(30,5%) sont hébergés par la famille.<br />

Alors que 63,8% ne travaillent pas,<br />

20,6% ont une activité professionnelle<br />

hors milieu protégé.<br />

En moyenne, la maladie est diagnostiquée<br />

<strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong> 10 ans (9,4<br />

ans). L’ancienneté est en adéquation<br />

avec la première hospitalisation (9<br />

ans). Parmi ces patients, 29,7% ont<br />

<strong>de</strong>s antécé<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong>,<br />

ce qui témoigne <strong>de</strong> la gravité <strong>de</strong><br />

la maladie. Le diagnostic le plus fréquent<br />

est la schizophrénie (diagnostic<br />

retrouvé chez 67,3% <strong>de</strong>s sujets),<br />

avec une prédominance <strong>de</strong> schizophrénie<br />

paranoï<strong>de</strong>.<br />

Les patients inclus dans l’enquête sont<br />

principalement <strong>de</strong>s patients vus au<br />

CMP (70,8%), 12% étant suivis en<br />

hôpital <strong>de</strong> jour. Les patients consultent<br />

régulièrement pour 83,9% d’entre<br />

eux, ce chiffre reflétant la population<br />

<strong>de</strong> secteur ; les psychothérapies associées<br />

concernant un peu plus d’un<br />

tiers <strong>de</strong>s patients (Tableau 1).<br />

Tableau 1 : Prise en charge hors<br />

chimiothérapie (n= 1024)<br />

Consultation régulière 83,9%<br />

Psychothérapie individuelle<br />

Activités ou<br />

19,1%<br />

groupes thérapeutiques<br />

Hospitalisation <strong>de</strong> jour<br />

14,5%<br />

régulière 9,3%<br />

Hospitalisation temps plein 8,4%<br />

Psychothérapie familiale 3,5%<br />

CAT 2,3%<br />

Autres 0,4%<br />

Pour presque la moitié <strong>de</strong>s patients,<br />

une réactivation délirante ou hallucinatoire<br />

a été le motif <strong>de</strong> la consultation<br />

(48,1%) (Tableau 2). La mauvaise<br />

tolérance du traitement en cours n’est<br />

un motif <strong>de</strong> consultation que pour<br />

3,7% <strong>de</strong>s patients.<br />

Tableau 2 : Motif <strong>de</strong> la consultation<br />

(n=945)<br />

Réactivation délirante<br />

ou hallucinatoire 48,1%<br />

Recru<strong>de</strong>scence <strong>de</strong> troubles<br />

du comportement 27,8%<br />

Augmentation <strong>de</strong><br />

symptômes positifs 21,8%<br />

Manifestations dépressives 18,5%<br />

Sur le plan chimiothérapeutique, seuls<br />

14,1% <strong>de</strong>s patients ont déjà été traités<br />

antérieurement par rispéridone. La<br />

rispéridone a été instaurée en remplacement<br />

d’un traitement chez plus <strong>de</strong>s<br />

trois cinquièmes <strong>de</strong>s patients (65,9%),<br />

ce qui reflète la population <strong>de</strong> patients<br />

suivis <strong>de</strong>puis longtemps et pour lesquels<br />

se pose l’indication d’un changement<br />

thérapeutique. Les traitements<br />

remplacés sont principalement l’halopéridol<br />

(31,7%), l’olanzapine (21,5%)<br />

et l’amisulpri<strong>de</strong> (19,2%). Pour 657<br />

patients, la rispéridone substitue un traitement,<br />

pour 17 patients 2 traitements,<br />

et pour un patient 1 traitement. La<br />

monothérapie antipsychotique <strong>de</strong>vient<br />

donc davantage la règle selon les<br />

recommandations en vigueur.<br />

Dans 44,5% <strong>de</strong>s cas, le traitement est<br />

substitué par la rispéridone en raison<br />

d’un manque d’efficacité du traitement<br />

précé<strong>de</strong>nt. Dans 22,2% <strong>de</strong>s cas, il s’agit<br />

d’une mauvaise observance. Les raisons<br />

<strong>de</strong> la mauvaise observance ne<br />

sont pas détaillées (liées à la maladie ou<br />

aux effets secondaires <strong>de</strong>s traitements<br />

?). La mauvaise observance responsable<br />

d’un nombre important <strong>de</strong><br />

rechutes est un <strong>de</strong>s défis majeurs pour<br />

le psychiatre clinicien qui opte donc<br />

souvent comme on le voit dans cette<br />

étu<strong>de</strong>, pour un changement <strong>de</strong> molécule<br />

plutôt que pour la reconduction<br />

ou l’augmentation du traitement antérieurement<br />

prescrit.<br />

A C2 (la <strong>de</strong>uxième visite), 90,9% <strong>de</strong>s<br />

patients ont toujours leur traitement<br />

en cours par la rispéridone. La posologie<br />

moyenne, <strong>de</strong> 5,5 mg/j, varie peu<br />

entre les <strong>de</strong>ux visites. L’observance est<br />

bonne pour 88,4% <strong>de</strong>s patients.<br />

Parmi les 11,1% <strong>de</strong>s patients sortis prématurément,<br />

87,7% ont été perdus <strong>de</strong><br />

vue mais ont reçu le traitement pendant<br />

5 semaines environ. Lors <strong>de</strong> l’arrêt<br />

prématuré <strong>de</strong> la rispéridone, c’est<br />

essentiellement l’halopéridol (31%),<br />

l’olanzapine (24,1%) et l’amisulpri<strong>de</strong><br />

(19,3%) qui ont été prescrits en relais.<br />

Les neuroleptiques à visée sédative<br />

prescrits concernent essentiellement la<br />

cyamémazine (fig. 1). Leurs posologies<br />

diminuent après <strong>de</strong>ux à trois mois <strong>de</strong><br />

traitement par la rispéridone. Les coprescriptions<br />

<strong>de</strong> psychotropes (hors<br />

neuroleptiques) sont détaillées dans la<br />

figure suivante (fig. 2) et concernent<br />

75,3% <strong>de</strong>s patients à C1 et 68,8% <strong>de</strong>s<br />

patients à C2.<br />

On peut constater que les benzodiazépines<br />

diminuent considérablement<br />

N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

Figure 1 : Principaux traitements neuroleptiques à visée sédative co-prescrits<br />

Théralène<br />

Nozinan<br />

Tercian<br />

Effectifs<br />

Divers<br />

Hypnotiques<br />

Antiparkinsoniens<br />

Thymorégulateurs<br />

Antidépresseurs<br />

Benzodiazépines<br />

Patients<br />

Nb <strong>de</strong><br />

patients<br />

Score<br />

négatif<br />

Score<br />

positif<br />

% <strong>de</strong> patients<br />

15<br />

0 50 100 150 200<br />

Figure 2 : principaux traitements psychotropes co-prescrits<br />

2,1%<br />

2,7%<br />

27<br />

33<br />

7,4%<br />

8,2%<br />

11,6%<br />

11,0%<br />

11,9%<br />

12,5%<br />

26,6%<br />

27,3%<br />

0% 10% 20% 30% 40% 50%<br />

Figure 3 : Scores CGI à C1 et C2<br />

0 1 2 3 4 5 6<br />

80<br />

70<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

Figure 4 : Scores TIMA<br />

9,36<br />

37,3%<br />

14,10<br />

0 5 10 15 20<br />

130<br />

Figure 5 : Réponse au traitement TIMA<br />

13,30%<br />

après 2 à 3 mois <strong>de</strong> traitement par la<br />

rispéridone.<br />

Description <strong>de</strong> l’évolution clinique et<br />

<strong>de</strong>s troubles cognitifs <strong>de</strong>s patients<br />

Lors <strong>de</strong> l’instauration <strong>de</strong> la rispéridone,<br />

79,1% <strong>de</strong>s patients ont un score<br />

68,70%<br />

18,00%<br />

C2<br />

C1<br />

157<br />

C2<br />

C1<br />

Non répon<strong>de</strong>ur Partiellement Répon<strong>de</strong>ur<br />

répon<strong>de</strong>ur<br />

C2<br />

C1<br />

C2<br />

C1<br />

48,7%<br />

CGI supérieur ou égal à 4 (« pas <strong>de</strong><br />

changement » à « très fortement aggravé<br />

»). Après 2 à 3 mois <strong>de</strong> traitement<br />

seuls 32,3% <strong>de</strong>s patients ont ce même<br />

score (fig. 3). Selon les cliniciens, 55,3<br />

% <strong>de</strong>s patients sont fortement à très<br />

fortement améliorés (scores 1 à 2).<br />

De même, les scores à l’échelle TIMA


N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

Total<br />

Fonctions<br />

exécutives<br />

Mémoire<br />

Attention<br />

Figure 6 : Scores ACT<br />

3,84<br />

3,83<br />

3,76<br />

4,06<br />

4,42<br />

5,00<br />

4,99<br />

5,13<br />

0 1 2 3 4 5 6<br />

Non répon<strong>de</strong>urs<br />

Répon<strong>de</strong>urs<br />

-9,20<br />

Figure 7 : Evolution <strong>de</strong>s scores TIMA/CGI<br />

-6,20<br />

-4,30<br />

-3,10<br />

-10,00 -8,00 -6,00 -4,00 -2,00 0,00<br />

Evolution <strong>de</strong>s scores entre C1 et C2<br />

Non répon<strong>de</strong>urs<br />

Répon<strong>de</strong>urs<br />

-1,80<br />

Score<br />

négatif<br />

Score<br />

positif<br />

-2,00 -1,50 -1,00 -0,50 0,00 Scores<br />

Divers<br />

Hypnotiques<br />

Antiparkinsoniens<br />

Thymorégulateurs<br />

Antidépresseurs<br />

Benzodiazépines<br />

Patients<br />

Nb <strong>de</strong><br />

patients<br />

200<br />

100<br />

-1,50<br />

Figure 8 : Evolution <strong>de</strong>s scores ACT/CGI<br />

-1,20<br />

-0,70<br />

-0,60<br />

Figure 9 : Traitements psychotropes co-prescrits<br />

7,3%<br />

5,5%<br />

6,1%<br />

9,2%<br />

11,0%<br />

11,3%<br />

11,5%<br />

10,9%<br />

-0,80<br />

-0,70<br />

-0,40<br />

23,5%<br />

C2<br />

C1<br />

29,4%<br />

Total<br />

C2<br />

C1<br />

Fonctions<br />

exécutives<br />

Mémoire<br />

Attention<br />

se sont améliorés <strong>de</strong> manière très significative<br />

(p


18<br />

LIVRES<br />

■ THÉRAPEUTIQUE<br />

Ruralité et Précarité<br />

Rhizome 2007 n°28<br />

Bulletin national santé mentale et<br />

précarité<br />

Ce dossier fait prendre conscience<br />

<strong>de</strong>s bouleversements économiques<br />

et culturels advenus aux paysans, surtout<br />

aux petits exploitants <strong>de</strong>venus<br />

minoritaires sur leur terre, tandis que<br />

les femmes semblent avoir plus <strong>de</strong><br />

plasticité pour le changement. En réalité,<br />

la ruralité n’est plus i<strong>de</strong>ntifiable<br />

au mon<strong>de</strong> agricole : on parle désormais,<br />

d’une « néo-ruralité » qui a transformé<br />

la donne par l’arrivée <strong>de</strong> nouveaux<br />

habitants d’origine citadine,<br />

aux sociologies très diverses ; on parle<br />

également <strong>de</strong>s « rurbains », à l’interstice<br />

<strong>de</strong>s villes et <strong>de</strong>s campagnes.<br />

Comme les paysans, nombre <strong>de</strong> néoruraux<br />

sont touchés par un mal communément<br />

réparti, l’isolement en<br />

contexte <strong>de</strong> précarité, mais avec les<br />

particularités propres du rural : non<br />

pas un retrait malgré la proximité,<br />

comme en ville, mais un isolement<br />

exacerbé par les distances.<br />

Le moyen <strong>de</strong> locomotion privé y apparaît<br />

aussi important qu’un logement,<br />

sinon c’est l’impossibilité d’accé<strong>de</strong>r<br />

aux services publics et privés.<br />

En matière <strong>de</strong> relation d’ai<strong>de</strong> sociale<br />

et psychique, on lira l’importance cruciale<br />

<strong>de</strong>s visites à domicile, <strong>de</strong>s équipes<br />

mobiles, pour <strong>de</strong>s pathologies qui ne<br />

sont pas si différentes qu’en ville, mais<br />

là encore avec <strong>de</strong>s particularités.<br />

Selon tous les témoignages, les troubles<br />

du couple et <strong>de</strong> la conjugalité apparaissent<br />

particulièrement graves, car<br />

la précarisation et le grand isolement<br />

en sont la suite logique.<br />

On verra que ce numéro n’est pas directement<br />

clinique, car il fallait d’abord<br />

situer le cadre où une problématique<br />

<strong>de</strong> santé mentale se pose ; d’ailleurs,<br />

même les textes émanant <strong>de</strong> cliniciens<br />

sont contextualisés.<br />

RHIZOME est téléchargeable sur le Web :<br />

www.orspere.fr<br />

Les nouvelles solitu<strong>de</strong>s<br />

Marie-France Hirigoyen<br />

La Découverte, 17 €<br />

Psychiatre, psychanalyste et victimologue,<br />

Marie-France Hirigoyen s’est<br />

spécialisée dans l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> toutes les<br />

formes <strong>de</strong> violences. Elle est l’auteur<br />

<strong>de</strong> plusieurs livres : Le Harcèlement<br />

moral (Syros, 1998), Malaise dans le<br />

travail (Syros, 2001) et Femmes sous<br />

emprise. Les ressorts <strong>de</strong> la violence<br />

dans le couple (Oh! Editions, 2005).<br />

Alors que les interactions entre individus<br />

sont permanentes, voire envahissantes,<br />

<strong>de</strong> nombreuses personnes<br />

éprouvent un sentiment douloureux<br />

d’isolement. En même temps, beaucoup<br />

d’autres font le choix <strong>de</strong> vivre<br />

seules. Marie-France Hirigoyen montre<br />

que cette réalité est le fruit d’une mutation<br />

profon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s rapports hommes/<br />

femmes, encore inaboutie.<br />

Si les femmes ont obtenu une autonomie<br />

nouvelle, dans le travail comme<br />

dans la sexualité, cette indépendance<br />

n’a pas été pleinement intégrée dans<br />

les mentalités. D’où une crise <strong>de</strong>s<br />

rôles masculins et féminins et une<br />

précarisation <strong>de</strong>s liens : un mariage<br />

sur <strong>de</strong>ux se termine par une rupture,<br />

surtout à l’initiative <strong>de</strong>s femmes. On<br />

constate un durcissement <strong>de</strong>s relations<br />

dans le couple, reflet aussi du<br />

durcissement du mon<strong>de</strong> du travail.<br />

Les pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> et d’abstinence<br />

sexuelle, souvent durables,<br />

conduisent à un recours accru aux<br />

sites <strong>de</strong> rencontres sur Internet ou<br />

aux « nouvelles thérapies », qui se révèlent<br />

le plus souvent illusoires. Alors<br />

que la solitu<strong>de</strong> peut apporter énergie<br />

et inspiration : à tout âge, la solitu<strong>de</strong><br />

choisie, tout en restant disponible<br />

à l’autre, est une source <strong>de</strong><br />

plénitu<strong>de</strong>, un moyen <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong> la<br />

superficialité d’une société dominée<br />

par le narcissisme et le culte <strong>de</strong> la<br />

performance.<br />

<br />

vers <strong>de</strong> l’enquête ACT auprès <strong>de</strong><br />

1000 patients. Ce premier travail a<br />

conduit à une nouvelle formulation <strong>de</strong><br />

certains items du questionnaire. Le<br />

questionnaire comporte toujours 16<br />

échelles analogiques regroupées en 8<br />

situations et une question à réponse<br />

fermée. Les EVA évaluent, notamment<br />

au travers <strong>de</strong> situations habituelles <strong>de</strong><br />

vie, l’intensité <strong>de</strong> l’altération <strong>de</strong>s fonctions<br />

cognitives suivantes :<br />

- attention : items 1, 2, 8 ;<br />

- mémoire : items 4, 6 ;<br />

- fonctions exécutives : items 3, 5, 7.<br />

L’évaluation <strong>de</strong> l’intensité <strong>de</strong>s différentes<br />

dimensions cognitives est mesurée<br />

au moyen <strong>de</strong> l’EVA.<br />

L’échelle d’Autonomie Sociale (EAS)<br />

Elle a été conçue pour mesurer un<br />

niveau d’autonomie effectif, proposer<br />

une définition concrète <strong>de</strong> l’autonomie<br />

et explorer <strong>de</strong>s domaines précis à<br />

travers 17 items. Ces items cotés <strong>de</strong> 0<br />

à 6, apprécient comment un sujet placé<br />

<strong>de</strong>vant une situation concrète <strong>de</strong> la vie<br />

quotidienne, parvient à y faire face seul,<br />

à rentrer en contact avec autrui, à tenir<br />

un rôle social. Ils sont regroupés en 5<br />

sous-ensembles : soins personnels, gestion<br />

<strong>de</strong> la vie quotidienne, gestion <strong>de</strong>s<br />

ressources, relations avec l’extérieur,<br />

vie affective et relations sociales (24).<br />

Les sous-scores <strong>de</strong>s items cognitifs <strong>de</strong><br />

l’échelle PANSS<br />

La PANSS (Positive And Negative Syndrom<br />

Scale) est une échelle d’hétéro<br />

évaluation, largement utilisée pour étudier<br />

le profil psychopathologique <strong>de</strong>s<br />

patients schizophrènes en phase aiguë<br />

et chronique (25). Elle permet <strong>de</strong> calculer<br />

les scores <strong>de</strong> trois dimensions syndromiques<br />

: positive, négative et <strong>de</strong><br />

psychopathologie générale. Elle est particulièrement<br />

indiquée pour déterminer<br />

le profil psychopathologique,<br />

rechercher <strong>de</strong>s éléments pronostiques<br />

d’une évolution, notamment cognitifs,<br />

et évaluer les efficacités respectives <strong>de</strong><br />

diverses stratégies thérapeutiques. Pour<br />

cette étu<strong>de</strong>, trois items principaux <strong>de</strong> la<br />

PANSS explorant essentiellement les<br />

troubles cognitifs ont été retenus : difficulté<br />

d’abstraction (N5), désorientation<br />

(G10) et manque d’attention<br />

(G11).<br />

Les critères principaux d’évaluation<br />

étaient l’évolution <strong>de</strong>s items cognitifs<br />

<strong>de</strong> la PANSS et du score <strong>de</strong> l’échelle<br />

EAS.<br />

Les critères secondaires étaient l’évolution<br />

du score à l’EVA du questionnaire<br />

ACT, l’évolution du score sévérité<br />

<strong>de</strong> la CGI, le score amélioration <strong>de</strong> la<br />

CGI, et l’évolution <strong>de</strong>s scores du TIMA.<br />

L’analyse statistique<br />

Le principe <strong>de</strong> l’analyse statistique a<br />

été décrit précé<strong>de</strong>mment pour l’enquête<br />

ACT.<br />

Résultats<br />

Parmi les 334 patients retenus, 219<br />

patients ont été inclus dans l’analyse<br />

statistique<br />

Les patients sont âgés en moyenne <strong>de</strong><br />

37 ± 12,5 ans, sont majoritairement<br />

<strong>de</strong>s hommes (55%) et n’ont pas <strong>de</strong><br />

conjoint pour plus <strong>de</strong> trois quarts<br />

d’entre eux comme dans l’étu<strong>de</strong> ACT.<br />

Une majorité vit <strong>de</strong> manière autonome,<br />

soit seule (39,5%), soit en famille<br />

ou en couple (24,7%). Parmi les<br />

patients rencontrés, 17,8% ont une<br />

activité professionnelle hors milieu protégé<br />

alors que 69,6% ne travaillent pas.<br />

En moyenne, les troubles psychotiques<br />

ont été diagnostiqués <strong>de</strong>puis moins <strong>de</strong><br />

10 ans, l’ancienneté est en adéquation<br />

avec la première hospitalisation. Le premier<br />

traitement antipsychotique a donc<br />

été débuté d’après les résultats <strong>de</strong> l’enquête,<br />

peu <strong>de</strong> temps après les premiers<br />

symptômes.<br />

Sur le plan clinique, 65,6% <strong>de</strong>s patients<br />

sont schizophrènes et parmi eux 65%<br />

<strong>de</strong>s patients présentent une forme paranoï<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> la schizophrénie. Ces pourcentages<br />

reflètent la population habituelle<br />

<strong>de</strong> patients <strong>de</strong> secteur.<br />

La plupart <strong>de</strong>s patients ont été inclus<br />

au cours d’une consultation au CMP<br />

(70,8%) et pour 96,1% un rythme<br />

régulier <strong>de</strong> consultation est instauré. Il<br />

est donc intéressant <strong>de</strong> noter que la<br />

consultation d’inclusion est la consultation<br />

habituelle du patient dans<br />

24,2% <strong>de</strong>s cas. Pour près <strong>de</strong> 40% <strong>de</strong>s<br />

patients, c’est une réactivation délirante<br />

ou hallucinatoire qui est le motif<br />

<strong>de</strong> la consultation (tableau 4).<br />

Tableau 4 : circonstances <strong>de</strong> la<br />

consultation (N=331)<br />

Plusieurs réponses possibles<br />

Réactivation<br />

délirante ou<br />

hallucinatoire<br />

Troubles du<br />

132 39,9%<br />

comportement<br />

Augmentation <strong>de</strong><br />

33 10%<br />

symptômes positifs<br />

Manifestions<br />

56 16,9%<br />

dépressives<br />

Autres motifs <strong>de</strong><br />

46 13,9%<br />

consultation<br />

Evénements <strong>de</strong> vie<br />

80 24,2%<br />

traumatisants 12 3,6%<br />

Les patients bénéficient fréquemment<br />

d’autres prises en charge non chimiothérapiques<br />

(tableau 5). Près <strong>de</strong> la moitié<br />

sont pris en charge soit en hôpital <strong>de</strong><br />

jour, soit en CATTP, ce qui est à mettre<br />

en relation avec le pourcentage important<br />

<strong>de</strong> patients qui ne travaillent pas<br />

(69,6%).<br />

Tableau 5 : prises en charge hors<br />

chimiothérapie (N=332)<br />

Plusieurs réponses possibles<br />

Consultation<br />

régulière<br />

Psychothérapie<br />

319 96,1%<br />

individuelle<br />

Activités ou groupes<br />

122 36,7%<br />

thérapeutiques<br />

Hospitalisation <strong>de</strong><br />

96 28,9%<br />

jour régulière 55 16,6%<br />

Autre prise en charge<br />

Psychothérapie<br />

50 15,1%<br />

familiale 10 3%<br />

CAT 5 1,5%<br />

Concernant le traitement prescrit<br />

Le nouveau traitement antipsychotique<br />

instauré est la rispéridone pour<br />

91,8% <strong>de</strong>s patients. Il vient remplacer<br />

un autre traitement antipsychotique<br />

dans 69,1% <strong>de</strong>s cas ; ce qui est<br />

logique lorsqu’on considère la population<br />

<strong>de</strong> patients inclus : suivis <strong>de</strong>puis<br />

une dizaine d’années, actuellement<br />

pris en charge en ambulatoire, soit en<br />

CMP soit en hôpital <strong>de</strong> jour. Les traitements<br />

substitués sont analogues à<br />

ceux <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> ACT : l’halopéridol<br />

(28,1%), l’olanzapine (25,2%) ou<br />

l’amisulpri<strong>de</strong> (16,7%). Dans 49% <strong>de</strong>s<br />

cas, le traitement est substitué par<br />

manque d’efficacité du traitement précé<strong>de</strong>nt,<br />

dans 28,1% <strong>de</strong>s cas du fait<br />

d’une mauvaise tolérance, et dans<br />

20,9% <strong>de</strong>s cas du fait d’une mauvaise<br />

observance. Dans la majorité <strong>de</strong>s cas,<br />

la rispéridone substitue un seul traitement.<br />

Quatre vingt cinq pour cent <strong>de</strong>s<br />

patients ont le même traitement en<br />

cours lors <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> visite soit 5 à<br />

7 mois après. Parmi les patients sortis<br />

prématurément, plus <strong>de</strong> la moitié ont<br />

été perdus <strong>de</strong> vue. Lors <strong>de</strong> l’arrêt prématuré<br />

<strong>de</strong> la rispéridone, là encore<br />

comme dans l’étu<strong>de</strong> précé<strong>de</strong>nte, ce<br />

sont essentiellement l’amisulpri<strong>de</strong>, l’halopéridol<br />

ou l’olanzapine qui sont prescrits<br />

en relais. La posologie moyenne<br />

<strong>de</strong> la rispéridone est <strong>de</strong> 5,2 ± 2,9<br />

mg/j, posologie peu modifiée après 5<br />

à 7 mois <strong>de</strong> traitement (augmentation<br />

% <strong>de</strong> patients<br />

60<br />

50<br />

40<br />

30<br />

20<br />

10<br />

0<br />

Difficulté<br />

d’abstraction<br />

Manque<br />

d’attention<br />

Désorientation<br />

Scores<br />

Total<br />

Fonctions Fonction<br />

exécutives s<br />

exécutive<br />

s<br />

Mémoire<br />

Mémoire<br />

Attention<br />

Attention<br />

Scores<br />

N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

Figure 11 : Réponse au traitement TIMA<br />

18,8%<br />

50,2%<br />

30,9%<br />

Non répon<strong>de</strong>ur Partiellement Répon<strong>de</strong>ur<br />

répon<strong>de</strong>ur<br />

Figure 12 : Scores PANSS<br />

1,4<br />

2,1<br />

0 1 2 3 4 5<br />

2,7<br />

Figure 13 : Scores ACT<br />

3,3<br />

3,7<br />

4,42<br />

0 1 2 3 4 5 6<br />

Total<br />

Vie affective et relations<br />

sociales<br />

Relations avec l’extérieur<br />

Gestion <strong>de</strong>s ressources<br />

Gestion <strong>de</strong> la vie<br />

quotidienne<br />

Soins personnels<br />

Scores<br />

Figure 14 : Scores EAS<br />

8,2<br />

10,2<br />

7,2<br />

9,5<br />

8,9<br />

10,4<br />

7,3<br />

8,7<br />

4,4<br />

5,6<br />

moyenne <strong>de</strong> 0,3 mg/j). L’observance<br />

est jugée bonne à excellente chez<br />

83,4% <strong>de</strong>s patients.<br />

Parmi les traitements neuroleptiques<br />

associés à visée sédative, la cyamémazine<br />

est majoritairement représentée<br />

(68,8%), souvent pour <strong>de</strong>s troubles<br />

du sommeil récurrents, ce qui est un<br />

bon reflet <strong>de</strong> la pratique usuelle. Ce<br />

traitement est maintenu pour près <strong>de</strong><br />

la moitié <strong>de</strong>s patients à la secon<strong>de</strong><br />

visite, mais avec une diminution <strong>de</strong><br />

la posologie.<br />

Les co-prescriptions <strong>de</strong> psychotropes<br />

hors neuroleptiques concernent<br />

62,9% <strong>de</strong>s patients à la première visite<br />

et 58,6% <strong>de</strong>s patients à la secon<strong>de</strong><br />

visite (fig. 9). Parmi ces co-prescriptions,<br />

seule celle <strong>de</strong>s antidépresseurs<br />

augmente, mais <strong>de</strong> façon modérée.<br />

3,8<br />

4,8<br />

4,7<br />

36,0<br />

4,8<br />

5,0<br />

5,0<br />

4,2<br />

5,4<br />

5,3<br />

44,4<br />

0 10 20 30 40 50<br />

C2<br />

C1<br />

C2<br />

C1<br />

C2<br />

C1<br />

Concernant l’évolution globale <strong>de</strong>s<br />

patients, 49,5% <strong>de</strong>s patients sont fortement<br />

à très fortement améliorés<br />

comme en témoigne les scores CGI.<br />

Ainsi, 70,3% <strong>de</strong>s patients avaient un<br />

score supérieur ou égal à 4 lors <strong>de</strong> la<br />

première visite, contre 38,7% lors <strong>de</strong><br />

la secon<strong>de</strong> évaluation (fig. 10).<br />

Les scores à l ‘échelle TIMA sont améliorés<br />

<strong>de</strong> façon très significative<br />

(p< 0,0001) entre les <strong>de</strong>ux visites.<br />

Pour 81,1% <strong>de</strong>s patients, le traitement<br />

<strong>de</strong>vrait être poursuivi ; sans réévaluation<br />

<strong>de</strong> la posologie pour 38,1%<br />

d’entre eux (fig. 11).<br />

Evolution <strong>de</strong>s troubles cognitifs, <strong>de</strong><br />

l’insertion sociale et <strong>de</strong> l’autonomie<br />

Les symptômes cognitifs s’améliorent<br />

après 5 à 7 mois <strong>de</strong> traitement comme


N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

en témoignent les scores PANSS et les<br />

scores ACT (fig. 12 et 13).<br />

A l’auto questionnaire ACT, les scores<br />

« attention » et « fonctions exécutives »<br />

s’améliorent <strong>de</strong> manière significative<br />

(p


20<br />

ANNONCES EN BREF<br />

6 et 7 décembre 2007. Dax. 10 èmes<br />

Journées <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> Dax organisées<br />

par l’Association pour la Recherche<br />

et l’Etu<strong>de</strong> en <strong>Psychiatrie</strong> Publique,<br />

le Centre Hospitalier <strong>de</strong> Dax-Côte<br />

d’Argent avec la collaboration <strong>de</strong> la Société<br />

Portugaise pour l’Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Santé<br />

Mentale, l’Association SOFOR et les Editions<br />

Erès sur le thème : Autour <strong>de</strong> la notion<br />

<strong>de</strong> politique en psychiatrie. Renseignements<br />

et inscriptions : Centre <strong>de</strong><br />

Santé Mentale, 1 rue Labadie, BP 323,<br />

40107 Dax. Tél. : 05 58 91 48 38 /46 26.<br />

Fax : 05 58 91 46 84. E-mail : CRIA-<br />

DOC@ch-dax.fr. E-mail : DARTIGUE-<br />

LONGUEC@ch-dax.fr<br />

7 décembre 2007. Lille. 2 ème Journée<br />

nationale organisée par l’Association<br />

Nationale pour la Promotion <strong>de</strong>s Soins<br />

Somatiques en Santé Mentale sur le<br />

thème : Douleur et Santé Mentale. Douleur<br />

morale, douleur psyhique : quelle(s)<br />

évaluation(s) ? Renseignements et inscriptions<br />

: COMM Santé, BP 33, 33360<br />

latresne-Bor<strong>de</strong>aux. Tél. : 05 57 97 19 19.<br />

Fax : 05 57 97 19 15. Audrey Morisset.<br />

audrey.morisset@comm-sante.com<br />

7 et 8 décembre 2007. Paris. Colloque<br />

organisé par le Centre d’Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

Famille (CEFA) sur le thème : Le psy et le<br />

social : quelle place pour le psy dans les<br />

problématiques à dominante sociale ?<br />

Inscriptions : CEFA, 95 bd Saint-Michel,<br />

75005 Paris. www.cefa.asso.fr<br />

7 et 8 décembre 2007. Paris. Colloque<br />

GYPSY VII sur le thème : Familles bousculées,<br />

inventées, magnifiées... Inscriptions<br />

: JS Congrès, 39-41 rue Louis Blanc,<br />

92038 Paris La Défense. Tél. :<br />

01 43 34 76 71. Fax : 01 47 17 68 60.<br />

E-mail : jscongres@wanadoo.fr. Site :<br />

www.jpecho.com<br />

8 décembre 2007. Lyon. Journée d’étu<strong>de</strong><br />

clinique organisée par l’Association Européenne<br />

Nicolas Abraham et Maria<br />

Torok sur le thème : La souffrance psychique<br />

dans le <strong>de</strong>uil. Transmission <strong>de</strong>s traumatismes<br />

et du risque <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> dans la<br />

famille. Renseignements : Association<br />

Transition. Tél. : 01 43 59 18 34. E-mail :<br />

assoc.abraham.torok@orange.fr<br />

8 décembre 2007. Paris. Colloque organisé<br />

par l’Association Française <strong>de</strong><br />

<strong>Psychiatrie</strong> sur le thème : Handicaps -<br />

scolarisation - intégration - égalité <strong>de</strong>s<br />

chances. De la Roche Tarpéienne à la loi<br />

<strong>de</strong> 2005, les Maisons du Handicap, etc.<br />

Renseignements et inscriptions : AFP, 6<br />

passage Abel Leblanc, 75012 Paris. Tél. :<br />

01 42 71 41 11. Fax : 01 42 71 36 60.<br />

www.psychiatrie-francaise.com<br />

8 et 9 décembre 2007. Lille. Rencontres<br />

organisées par le SIPE (Société Internationale<br />

<strong>de</strong> Psychopathologie, <strong>de</strong> l’Expression<br />

et d’art-thérapie) et Puzzle<br />

(association régionale d’art-thérapie<br />

Nord/Pas <strong>de</strong> Calais sur le thème : La violence<br />

en art-thérapie. Formes, expressions<br />

et enjeux. Inscriptions : Puzzle, 37 rue<br />

du Dr Dewyn, BP 50215, 59334 Tourcoing<br />

Ce<strong>de</strong>x. E-mail : art-therapiepuzzle@wanadoo.fr<br />

11 décembre 2007. Paris. Séminaire du<br />

CTNERHI sur le thème : Les diverses forme<br />

d’habitat regroupé avec ou sans statutmédico-social<br />

pour personnes handicapées<br />

ou âgées. Inscriptions : CTNERHI, Régine<br />

Martinez, 236 bis rue <strong>de</strong> Tolbiac, 75013<br />

Paris. Tél. : 01 45 65 59 40. Fax :<br />

01 45 65 44 94. E-mail : r.martinez@<br />

ctnerhi.com. Site : www.ctnerhi.com.fr<br />

13 au 15 décembre 2007. Strasbourg.<br />

Second Meeting of West European Societies<br />

of Biological Psychiatry. Secrétariat<br />

: Medicongress, Kloosterstraat 5,<br />

B-9960 Assene<strong>de</strong>. Contact person : Mrs<br />

Els Vertriest. E-mail : els@medicongress.com.<br />

Site : www.medicongress.com.<br />

Tél. : +32 (0)9 344 39 59. Fax :<br />

+32 (0)9 344 40 10.<br />

14 et 15 décembre 2007. Paris. 35 èmes<br />

Journées Nationales Scientifiques <strong>de</strong><br />

Thérapie Comportementale et Cognitive.<br />

Renseignements et isncriptions :<br />

AFTCC, 100 r. <strong>de</strong> la Santé, 75674 Paris<br />

Ce<strong>de</strong>x 14. Tél. : 01 45 88 35 28. E-mail :<br />

aftcc@wanadoo.fr. Site : www.aftcc.org<br />

15 décembre 2007. Paris. Matinée <strong>de</strong><br />

la Société <strong>de</strong> Gynécologie et Obstétrique<br />

Psychosomatique sur le thème : Où en<br />

est la psychosomatique aujourd’hui ? Inscriptions<br />

: Tél. : 01 46 42 11 30. E-mail :<br />

helene.jacquemin@santesurf.com<br />

15 décembre 2007. Boulogne Billancourt.<br />

Colloque International organisé<br />

par le Collège International <strong>de</strong> l’Adolescence<br />

et le Laboratoire <strong>de</strong> Psychologie<br />

Clinique et <strong>de</strong> Psychopathologie<br />

(Paris Descartes) sur le thème : Délinquance<br />

à l’adolescence : état <strong>de</strong>s lieux.<br />

Renseignements et inscriptions. Tél. :<br />

01 55 20 58 22 (mardi, mercredi, jeudi<br />

après-midi). Site : www.colloquecila.org<br />

26 décembre 2007. Lyon. Colloque Enfances<br />

& Psy sur le thème : L’animal et<br />

l’enfant. Rencontre, médiation ou thérapie.<br />

Renseignements et inscriptions. Tél. :<br />

08 71 57 99 94 (boîte vocale). E-mail :<br />

colloques@enfancesetpsy.net (en précisant<br />

Lyn).<br />

12 janvier 2008. Saint-Etienne du Rouvray.<br />

Journée <strong>de</strong> la SEPEA sur le thème :<br />

Psychothérapie <strong>de</strong> l’adolescent. Renseignements<br />

: Yves Le Guellec, 8 rue Emie-<br />

Duployé, 76000 Rouen.<br />

19 janvier 2008. Paris. Colloque du<br />

Groupe d’Etu<strong>de</strong>s C.G. Jung sur le thème :<br />

Carl Gustav Jung et l’imaginaire. Renseignements<br />

: Tél. : 06 85 29 35 45. Email<br />

: groupe-jung@jung.asso.fr<br />

19 et 20 janvier 2008. Paris. Colloque<br />

<strong>de</strong> la Société <strong>de</strong> Thérapie Familiale<br />

Psychanalytique d’Ile-<strong>de</strong>-France sur le<br />

thème : Violences conjugales, violences<br />

familiales. Renseignements et inscriptions<br />

: Société <strong>de</strong> Thérapie Familiale<br />

Psychanalytique d’Ile-<strong>de</strong>-France, 7<br />

rue Ernest Cresson, 75014 Paris. Tél. :<br />

01 74 71 71 66. E-mail : stfp.if@laposte.ney<br />

20 janvier 2008. Paris. Journée d’Etu<strong>de</strong><br />

organisée par le GIREP sur le thème :<br />

Ces peurs qui nous habitent. Imaginaire <strong>de</strong><br />

la peur et peurs imaginaires. Renseignements<br />

: GIREP. Tél. : 01 42 22 75 14.<br />

25 janvier 2008. Paris. XXV èmes Journées<br />

Nationales <strong>de</strong> l’Association Française<br />

<strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> et 5 e Colloque International<br />

<strong>de</strong> Psychodynamique et<br />

Psychopathologie du Travail sur le<br />

thème : Clinique du Travail et psychiatrie,<br />

organisé conjointement par la Chaire<br />

Psychanalyse-Santé-Travail du CNAM<br />

(Christophe Dejours) et l’Association<br />

Française <strong>de</strong> <strong>Psychiatrie</strong> (Yves Manela).<br />

Renseignements et inscriptions : AFP, 6<br />

passage Abel Leblanc, 75012 Paris. Tél. :<br />

01 42 71 41 11. Fax : 01 42 71 36 60.<br />

www.psychiatrie-francaise.com<br />

26 janvier 2008. Paris. Entretiens <strong>de</strong><br />

l’Association Psychanalytique <strong>de</strong> France<br />

(AFP) sur le thème : Maladie et guérison<br />

en psychanalyse. Renseignements : Tél. :<br />

01 43 29 85 11. E-mail : lapf@wanadoo.fr<br />

26 janvier 2008. Neuilly. Association<br />

Edouard Claparè<strong>de</strong>. 1 ère Journée d’Etu<strong>de</strong><br />

du Séminaire Clinique <strong>de</strong> l’Autisme, Evaluations,<br />

Recherche sur le thème : De l’imitation<br />

aux i<strong>de</strong>ntifications dans l’autisme :<br />

nouvelles perspectives. Renseignements<br />

et inscriptions : Sylvia Sanches, Unité<br />

<strong>de</strong> Formation et d’Enseignement<br />

Simone Decobert, 5 rue du Général<br />

Cordonnier, 92200 Neuilly-sur-Seine.<br />

Tél. : 01 47 45 97 04. E-mail : institutclapare<strong>de</strong>@wanadoo.fr<br />

26 janvier 2008. Tours. XXXVI e Journées<br />

Annuelles <strong>de</strong> Thérapie Psychomotrice<br />

sur le thème : S’attacher pour<br />

mieux se détacher <strong>de</strong> l’étayage corporel en<br />

thérapie psychomotrice. Renseignements :<br />

SNUP - XXXVI e J.A., 24 bd Paul Vaillant<br />

Couturier, 94200 Ivry-sur-Seine. Tél. :<br />

01 56 20 02 91. Fax : 01 56 20 14 70.<br />

Site : www.snup.fr. E-mail : info@snup.fr<br />

26 janvier 2008. Paris. Les Entetiens <strong>de</strong><br />

l’Association Psychanalytique <strong>de</strong> France<br />

sur le thème : Maladie et guérison en psychanalyse.<br />

Renseignements : APF, 24<br />

place Dauphine, 75001 Paris. Tél. :<br />

01 43 29 85 11. E-mail : lapf@wana-<br />

doo.fr - www.associationpsychanalytique<strong>de</strong>france.org<br />

6 au 9 février 2008. Paris. Congrès européen<br />

<strong>de</strong> l’Association Mondiale <strong>de</strong><br />

<strong>Psychiatrie</strong> (AMP) organisé par l’Association<br />

<strong>de</strong>s sociétés françaises membres<br />

<strong>de</strong> l’AMP et les représentants <strong>de</strong>s zones<br />

européennes <strong>de</strong> l’AMP sur le thème :<br />

Ethique, Science et <strong>Psychiatrie</strong> <strong>de</strong> la personne.<br />

Renseignements : www.wpa2008<br />

paris.com<br />

9 février 2008. Paris. Colloque organisé<br />

par l’Institut Français d’Analyse <strong>de</strong><br />

Groupe <strong>de</strong> Psychodrame sur le thème :<br />

Parole, corps et pensée en analyse <strong>de</strong> groupe<br />

et psychodrame. Renseignements : IFAGP.<br />

Tél. : 01 45 88 23 22. E-mail : ifagp@clubinternet.fr<br />

9 février 2008. Paris. Journée Scientifique<br />

organisée par Daniel Widlöcher<br />

et la revue Carnet Psy sur le thème : Psychanalyse<br />

et psychothérapie : continuons<br />

le débat. Inscriptions : Estelle Georges-<br />

Chassot, Carnet Psy, 8 avenue Jean-<br />

Baptiste Clément, 92100 Boulogne. Tél. :<br />

01 46 04 74 35. Fax : 01 46 04 74 00.<br />

13 et 14 mars 2008. Versailles. Les 5 èmes<br />

Rencontres <strong>de</strong> Réh@b’ sur le thème :<br />

La réhabilitation, c’est maintenant ! Renseignements<br />

: www.rehabilite.fr. E-mail :<br />

contact@rehabilite.fr. Inscriptions et propositions<br />

<strong>de</strong> communication : Dr Gilles<br />

Vidon, CFRP, Hôpital Esquirol, 57 rue<br />

du Maréchal Leclerc, 94413 Saint<br />

Maurice Ce<strong>de</strong>x. E-mail : g.vidon@hopital-esquirol.fr.<br />

Tél. : 01 43 96 61 10.<br />

Organisation et logistique : Cap Santé.<br />

E-mail : c.berger@capsante.fr. Tél. :<br />

01 44 24 58 85.<br />

15 mars 2008. Lyon. Rencontre organisée<br />

par les analystes <strong>de</strong> l’Association<br />

Psychanalytique <strong>de</strong> France sur le thème :<br />

L’instistance du sexuel. Renseignements :<br />

APF, 24 place Dauphine, 75001 Paris.<br />

Tél. : 01 43 29 85 11. E-mail : lapf@wanadoo.fr<br />

15 et 16 mars 2008. Paris. Journées <strong>de</strong><br />

printemps d’Espace Analytique sur le<br />

thème : Subversions <strong>de</strong> la psychanalyse.<br />

Renseignements : Tél. : 01 47 05 23 09.<br />

E-mail : espace.analytique@wanadoo.fr<br />

26 au 29 mars 2008. Paris. 6 ème Congrès<br />

<strong>de</strong> l’ARSPG sur le thème : La psychiatrie<br />

dans tous ses états. La psychiatrie ici et<br />

ailleurs. Renseignements : e-mail : arspg@<br />

d-s-o.fr<br />

27 et 28 mars 2008. Paris. Journées<br />

d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Séminaires Psychanalytiques<br />

<strong>de</strong> Paris sur le thème : L’accueil du toutpetit<br />

avec ses parents. Inscriptions : Tél. :<br />

01 46 47 66 04. Fax : 01 46 47 60 66.<br />

E-mail : sempsy@free.fr<br />

28 et 29 mars 2008. Paris. Colloque<br />

BBADOS sur le thème : Dépression du<br />

bébé, dépression <strong>de</strong> l’adolescent. Inscriptions<br />

: e-mail : bbados@carnetpsy.com<br />

20 au 22 mai 2008. Québec. Congrès<br />

international organisé par le Groupe interdisciplinaire<br />

freudien <strong>de</strong> recherche<br />

et d’intervention cliniques et culturelles<br />

sur le thème : Que peut espérer le psychotique<br />

aujourd’hui ? Renseignements :<br />

GIFRIC/Congrès 2008, 342 bd René<br />

Lévesque Ouest, Québec, Canada G1S<br />

1R9. Tél. : 001 418 687 4350. Fax :<br />

001 418 683 1935. Site : www.gifric.com<br />

30 et 31 mai 2008. Reims. XI èmes Rencontres<br />

<strong>de</strong> la CRIEE sur le thème : Expériences<br />

<strong>de</strong> la folie. Renseignements et<br />

inscriptions : Patrick Chemla, Gérard Rodriguez,<br />

Centre <strong>de</strong> Jour A. Artaud, 40<br />

rue <strong>de</strong> Talleyrand, 51100 Reims. Tél. :<br />

03 26 40 01 23. Fax : 03 26 77 93 14.<br />

E-mail : g.rodriguez@epsdm-marne.fr<br />

7 juin 2008. Paris. XI e Colloque International<br />

du CIPS sur le thème : Psychosomatique<br />

<strong>de</strong> l’enfant et <strong>de</strong> l’adolescent.<br />

Renseignements : Tél./Fax :<br />

01 45 20 28 75. E-mail : c.i.psychosoma@wanadoo.fr<br />

24 au 26 juillet 2008. Barcelone. 3 ème<br />

Congrès International <strong>de</strong> Psychanalyse<br />

<strong>de</strong> couple et <strong>de</strong> la famille sur le thème :<br />

Violences dans les couples et les familles<br />

contemporaines. Un défi pour la psychanalyse<br />

familiale. Renseignements : E-mail :<br />

congresoAOPPF@blanquera.url.edu -<br />

Site : www.blanquera.url.edu<br />

N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007


22<br />

LIVRES<br />

Le royaume intermédiaire<br />

Psychanalyse, littérature, autour<br />

<strong>de</strong> J.-B. Pontalis<br />

Avant-propos <strong>de</strong> François<br />

Gantheret<br />

et Jean-Michel Delacomptée<br />

folio essais n°491<br />

Gallimard, 8,70 €<br />

Ce recueil collecte les interventions du<br />

colloque <strong>de</strong> Cerisy qui s’est tenu en septembre<br />

2006 et un certain nombre<br />

d’autres textes sollicités auprès <strong>de</strong> ceux<br />

qui n’avaient pu être présents ou n’avaient<br />

pas eu l’opportunité d’intervenir.<br />

Poètes, romanciers, psychanalystes se<br />

sont rencontrés, une semaine durant,<br />

pour évoquer l’inspiration qu’ils ont puisée,<br />

pour leurs œuvres et recherches<br />

respectives, dans les livres <strong>de</strong> J.-B. Pontalis.<br />

Le Rituel du serpent<br />

Récit d’un voyage en pays pueblo<br />

Aby Warburg<br />

Introduction par Joseph Leo<br />

Koerner<br />

Textes <strong>de</strong> Fritz SaxI (1930)<br />

et <strong>de</strong> Bene<strong>de</strong>tta Cestelli Guidi<br />

Macula, 23 €<br />

Le Rituel du serpent est la meilleure introduction<br />

à l’œuvre d’Aby Warburg.<br />

Entrepris à 29 ans, son voyage chez les<br />

Hopis apparaît comme l’expression d’un<br />

Directeur <strong>de</strong> la rédaction :<br />

Gérard Massé<br />

Rédacteur en chef : François Caroli<br />

Comité <strong>de</strong> rédaction : Centre Hospitalier<br />

Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75014 Paris.<br />

Tél. 01 45 65 83 09.<br />

Botbol M., Carrière Ph., Dalle B., Goutal M.,<br />

Guedj M.-J., Jonas C., Lascar Ph., Martin A.,<br />

Paradas Ch., Sarfati Y., Spadone C.,<br />

Tribolet S., Weill M.<br />

Comité scientifique : Bailly-Salin P.<br />

(Paris), Besançon G. (Nantes), Bourgeois<br />

M. (Bor<strong>de</strong>aux), Buisson G. (Paris), Caillard<br />

V. (Caen), Chabannes J.-P. (Grenoble),<br />

Chaigneau H. (Paris), Christoforov B.<br />

(Paris), Colonna L. (Rouen), Cornillot P.<br />

(Paris), Dufour H. (Genève), Dugas M.<br />

(Paris), Féline A. (Paris), Ginestet D.<br />

(Paris), Guelfi J.-D. (Paris), Guyotat J.<br />

(Lyon), Hochmann J. (Lyon), Koupernik<br />

C. (Paris), Lambert P. (Chambéry), Loo H.<br />

(Paris), Marcelli D. (Poitiers), Marie-<br />

Cardine M. (Lyon), Mises R. (Paris),<br />

Pequignot H. (Paris), Planta<strong>de</strong> A. (Paris),<br />

Ropert R. (Paris), Samuel-Lajeunesse B.<br />

(Paris), Scotto J.-C. (Marseille), Sechter D.<br />

(Lille), Singer L. (Strasbourg), Viallard A.<br />

(Paris), Zarifian E. (Caen).<br />

Comité francophone : Anseau M.<br />

(Belgique), Aubut J. (Canada), Bakiri M.-A.<br />

(Algérie), Cassan Ph. (Canada), Douki S.<br />

(Tunis), Held T. (Allemagne), Lalon<strong>de</strong> P.<br />

(Canada), Moussaoui D. (Maroc), Romila A.<br />

(Roumanie), Simon Y.-F. (Belgique), Stip E.<br />

(Canada), Touari M. (Algérie).<br />

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médical<br />

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Renata Laska - Susie Caron,<br />

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Tél. 01 45 50 23 08.<br />

Télécopie : 01 45 55 60 80<br />

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Maquette : Maëval.<br />

Imprimerie Fabrègue<br />

Directeur <strong>de</strong> la Publication :<br />

G. Massé<br />

www.nervure-psy.com<br />

désir d’échapper aux confinements, aux<br />

conditionnements <strong>de</strong> son milieu et <strong>de</strong><br />

sa discipline académique : « J’étais sincèrement<br />

dégoûté <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’art esthétisante<br />

».<br />

Warburg a passé cinq mois en Amérique.<br />

Il a observé, <strong>de</strong>ssiné, photographié<br />

les rituels indiens.<br />

Rentré à Hambourg, il a organisé trois<br />

projections dans <strong>de</strong>s photo-clubs. Puis<br />

il a repris sa vie <strong>de</strong> chercheur, publié<br />

<strong>de</strong>s essais qui feront date : Art italien et<br />

astrologie... (1912), La divination païenne<br />

et antique dans les écrits et les images à<br />

l’époque <strong>de</strong> Luther (1920), etc.<br />

En 1923, vingt-sept ans après son en-<br />

quête chez les Hopis, Warburg, interné<br />

dans la clinique psychiatrique <strong>de</strong> Ludwig<br />

Binswanger, à Kreuzlingen, pour<br />

<strong>de</strong>s troubles mentaux accentués par la<br />

guerre, a <strong>de</strong>mandé avec insistance à<br />

prononcer une conférence*.<br />

Alors ressurgissent <strong>de</strong>vant soignants et<br />

mala<strong>de</strong>s tous les détails du voyage américain<br />

: danses, sanctuaires, parures,<br />

gestes, habitats, <strong>de</strong>ssins, rencontres ;<br />

mais aussi la chaîne d’associations qui,<br />

sur le thème ambivalent du serpent -<br />

cruel avec Laocoon, bénéfique avec Asclépios,<br />

séducteur et mortifère avec les<br />

nymphes serpentines <strong>de</strong> Botticelli ou<br />

<strong>de</strong> Ghirlandaio - n’a cessé d’entraîner<br />

Warburg d’une Antiquité millénaire<br />

jusqu’aux pratiques cérémonielles <strong>de</strong>s<br />

« primitifs ».<br />

Ce qu’il cherchait, ce qu’il a trouvé chez<br />

les Hopis, il en prend conscience à Kreuzlingen<br />

: c’est le point <strong>de</strong> distance dont<br />

il avait besoin pour reformuler son travail,<br />

revisiter l’art européen : « Après<br />

mon retour, écrira-t-il en 1927, je me<br />

penchai sur la culture florentine du Quattrocento,<br />

afin d’examiner sur une tout<br />

autre base, plus large cette fois, la structure<br />

psychique <strong>de</strong> l’homme <strong>de</strong> la Renaissance<br />

».<br />

Son regard sur l’univers « primitif » <strong>de</strong>s<br />

Indiens a permis à Warburg d’en ter-<br />

N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

miner avec l’idée <strong>de</strong> l’œuvre comme fin<br />

en soi, réduite à la délectation, <strong>de</strong> dépasser<br />

l’histoire du goût, l’attributionnisme,<br />

le biographisme, le formalisme<br />

restreint <strong>de</strong> Wölfflin.<br />

A ses yeux, l’art relève <strong>de</strong> l’anthropologie<br />

culturelle, et rien ne doit échapper<br />

aux investigations du chercheur:<br />

ethnologie, mais aussi astrologie, mythologie,<br />

théories du geste, psychologie.<br />

Voir le compte-rendu <strong>de</strong> « La guérison infinie »<br />

Ludwig Binswanger, Aby Warburg, Bibliothèque<br />

Rivages dans le numéro d’avril 2007 du <strong>Journal</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Nervure</strong>, page 4.


N°8 - TOME XX - NOVEMBRE 2007<br />

CENTRE<br />

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Tél. 05 58 91 49 40<br />

E-mail :<br />

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Merci d’adresser votre lettre <strong>de</strong> candidature et CV à<br />

M. le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Association l’Elan Retrouvé<br />

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Pour précisions sur le poste, appeler le Docteur HABIB,<br />

Mé<strong>de</strong>cin directeur au 01 49 70 88 58<br />

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CH Antibes - RN7 - 06606 ANTIBES ce<strong>de</strong>x<br />

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Renseignements :<br />

Dr Sartor C., Chef <strong>de</strong> service : 03 21 24 45 87<br />

Direction <strong>de</strong>s affaires médicales : 03 21 21 18 02<br />

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Adresser lettre <strong>de</strong> motivation et CV au directeur<br />

Association RENOVATION, Centre <strong>de</strong> Réadaptation<br />

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Avant le 21 décembre 2007<br />

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Côtes d’Armor (22)<br />

Gérant le Centre Hospitalier <strong>de</strong> Plouguernevel (22)<br />

Etablissement Privé Participant au Service Public Hospitalier<br />

Recherche<br />

PSYCHIATRES TEMPS PLEIN<br />

• Un poste à pourvoir en janvier 2008 sur le secteur 56G09<br />

« <strong>Psychiatrie</strong> Adulte » avec activité sur Pontivy (56) : activité <strong>de</strong><br />

secteur – hospitalisation plein temps.<br />

• Un poste à pourvoir immédiatement à l’intersecteur <strong>de</strong><br />

psychiatrie infanto-juvénile 22I03 (C.M.P.E.A. – H.J.E.A.)<br />

• Un poste à pourvoir pour avril 2008 dans la <strong>de</strong>uxième unité <strong>de</strong><br />

l’U.M.D. dont l’ouverture sera effective en janvier 2008.<br />

C.C.N.51 - Possibilité P.H. détaché Fonction Publique<br />

Logement <strong>de</strong> fonction (maison individuelle)<br />

Candidature et C.V. à adresser à :<br />

M. le Directeur Général <strong>de</strong> l’A.H.B.<br />

Centre Hospitalier<br />

22110 PLOUGUERNEVEL<br />

Tél. 02.96.57.10.65 - Fax 02.96.36.03.24<br />

e-mail : a.legarrec@ahbretagne.com<br />

L'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE<br />

MAISON BLANCHE<br />

Recrute h/f<br />

PSYCHIATRE<br />

PRATICIEN HOSPITALIER À TEMPS PARTIEL<br />

pour son Service intersectoriel d'accueil<br />

et <strong>de</strong> soins LA TERRASSE (psychiatrie et toxicomanie)<br />

Missions du poste :<br />

Travail dans un centre d'accueil pluridisciplinaire à la<br />

consultation et à la prescription<br />

• Evaluation,<br />

• Consultation,<br />

• Prescription, prescription spécialisée (substitution),<br />

• Participation aux réunions <strong>de</strong> synthèse,<br />

• Travail en équipe,<br />

• Enseignement.<br />

Pour nous rejoindre et pour tout renseignement,<br />

contacter : Mr le docteur Jacques JUGMAN<br />

Chef <strong>de</strong> Service - Tél : 01.42.26.03.12<br />

TRAIT D’UNION

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