T4 - La Place de Vérité
T4 - La Place de Vérité T4 - La Place de Vérité
demeurer dans ce village auquel Néfer avait consacré sa vie. En lisant la missive expédiée par le médecin-chef de la province thébaine, Claire crut que le ciel lui tombait sur la tête. — Vous en êtes certaine ? s’étonna Kenhir. — Lisez vous-même : le médecin-chef me refuse des livraisons de baume, y compris du styrax ! Sans ces produits, il existe quantité de maladies que je ne pourrai plus combattre. — C’est la première fois que se produit un incident de cette nature ! Mais pour qui se prend cet incapable ? — Il affirme que sa décision est dictée « par des motifs graves et indiscutables ». De quoi peut-il s’agir ? — Je me rends immédiatement au palais pour faire rétablir les livraisons, déclara le scribe de la Tombe. Gras, les jambes trop courtes, de petits yeux noirs luisant souvent de méchanceté, Daktair lissait et parfumait chaque matin sa barbe rousse. Fils d’un mathématicien grec et d’une chimiste perse, il avait bénéficié de l’appui secret de Méhy pour obtenir la direction du laboratoire central et de la caste des médecins. Longtemps, il avait cru pouvoir imposer sa vision, celle d’une science pure, mais la tradition l’avait empêché de mettre ses projets à exécution. Daktair avait rêvé d’une Égypte débarrassée de ses croyances inutiles et résolument engagée sur la voie du progrès, mais il avait dû déchanter et s’était endormi dans le confort de postes officiels qui lui procuraient aisance et respectabilité. Voilà longtemps qu’il ne croyait plus à l’existence de la pierre de lumière, dont la conquête hantait encore le général Méhy. Et lui, le conquérant prêt à tout pour régner, qu’était-il devenu, sinon le simple maître de la riche province thébaine, sans aller au terme de ses ambitions ? Aigri, Daktair s’amusait à créer des dissensions entre les médecins spécialistes attachés au palais et il mangeait de plus en plus, préférant la bonne chère de son cuisinier aux filles de joie qu’il ne fréquentait plus que rarement. Lorsque Serkéta lui avait proposé de porter un coup fatal à la - 82 -
Place de Vérité en s’attaquant à la femme sage, le savant avait éprouvé un plaisir qu’il pensait à jamais perdu. Lui que l’Égypte et le monde entier auraient dû considérer comme un génie et qui se trouvait réduit à un banal poste d’administrateur tenait une revanche qu’il appréciait avec gourmandise. Et bien entendu, le scribe de la Tombe venait, en personne, lui demander des comptes. Entre les deux hommes, l’antipathie fut immédiate et totale. Pour Kenhir, Daktair était l’exemple parfait de l’arriviste devenu un haut fonctionnaire inutile, incompétent et arrogant. Pour Daktair, Kenhir incarnait la détestable tradition des scribes, nourrie d’une sagesse périmée. — Que signifie cette lettre stupide ? interrogea Kenhir. — Vous oubliez à qui vous parlez ! — Malheureusement non : à un individu répugnant qui se pare d’un titre immérité et doit avoir perdu la raison pour enfreindre les lois régissant la Place de Vérité. La virulence de l’assaut laissa Daktair sans voix quelques instants, mais la colère lui permit de reprendre l’initiative. — Je les connais aussi bien que vous, ces fameuses lois ! — Alors, vous savez qu’il vous est interdit d’interrompre la livraison des substances médicinales à la Place de Vérité. Daktair eut un sourire féroce. — Sauf dans un cas où mon devoir me contraint d’intervenir. L’attitude satisfaite de son adversaire inquiéta le scribe de la Tombe. — Précisez. — Vous me prenez pour un médiocre, n’est-ce pas ? Eh bien, vous vous trompez, mon cher Kenhir ! En tant que médecin-chef du palais, j’exerce une surveillance constante sur mes subordonnés et je ne tolère aucun laxisme dans leur comportement, et encore moins une faute grave. — Vous n’êtes expert qu’en paperasse et tout à fait incapable de soigner la maladie la plus bénigne ! Daktair s’empourpra. - 83 -
- Page 32 and 33: donnant au ka de Néfer les essence
- Page 34 and 35: Quand la porte du bureau se referma
- Page 36 and 37: de la disparition de Néfer le Sile
- Page 38 and 39: 7. À peine Béken le potier, chef
- Page 40 and 41: — Toi, le potier, tu as des rév
- Page 42 and 43: — Il est certain que Libou a comm
- Page 44 and 45: 8. Grâce à l’activité incessan
- Page 46 and 47: — Justement. — Explique-toi, Ch
- Page 48 and 49: Turquoise de maintenir en lui le dy
- Page 50 and 51: prends ni à mes murs ni à mon mob
- Page 52 and 53: s’empara. La vue brouillée, couv
- Page 54 and 55: 10. Ce matin-là, Méhy faisait un
- Page 56 and 57: notre demeure d’éternité. La fe
- Page 58 and 59: d’orfèvrerie. Et le miracle se r
- Page 60 and 61: 11. Dans sa demeure de fonction, si
- Page 62 and 63: pas alerter la police ? Restait enc
- Page 64 and 65: — La disparition d’une vache.
- Page 66 and 67: des habits de lin fin, chaussèrent
- Page 68 and 69: loi de Maât ! — Écoutez, Kenhir
- Page 70 and 71: 13. Grâce aux indications d’un b
- Page 72 and 73: de l’équipage de la Place de Vé
- Page 74 and 75: frais étaient croquants à souhait
- Page 76 and 77: torride. — Sans doute, mais pourq
- Page 78 and 79: Paneb et Vent du Nord pénétrèren
- Page 80 and 81: 15. Ce fut un miracle si le cheval
- Page 84 and 85: — Je vous interdis de me parler s
- Page 86 and 87: — Qui était ton client ? — À
- Page 88 and 89: l’eau au village. Le chef Sobek e
- Page 90 and 91: 17. Les spécialistes à la solde d
- Page 92 and 93: goutte de bière, la première gout
- Page 94 and 95: Kenhir, radieux, je vais rédiger u
- Page 96 and 97: 18. Les échos du triomphe de la fe
- Page 98 and 99: doute plus grave encore : les princ
- Page 100 and 101: Dérobant une heure à un implacabl
- Page 102 and 103: 19. Comme si la victoire de la femm
- Page 104 and 105: semailles, sauf dans les champs qui
- Page 106 and 107: aux mêmes résultats. — Mes expe
- Page 108 and 109: 20. — Je suis atterré, déclara
- Page 110 and 111: Casa le Cordage façonnait un vase
- Page 112 and 113: — C’est ainsi que tu m’aimes,
- Page 114 and 115: — Ce qui impliquerait des complic
- Page 116 and 117: — C’est une excellente maîtres
- Page 118 and 119: sauvera pas Thouty puisque les fait
- Page 120 and 121: ien dit, mais il est forcément d
- Page 122 and 123: vie avait pris naissance. Il s’im
- Page 124 and 125: 23. Dès que son service au temple
- Page 126 and 127: aisin. Alors qu’il tournait la t
- Page 128 and 129: gagné, j’ai cru que la vision qu
- Page 130 and 131: — Plusieurs médecins s’occupen
<strong>Place</strong> <strong>de</strong> <strong>Vérité</strong> en s’attaquant à la femme sage, le savant avait<br />
éprouvé un plaisir qu’il pensait à jamais perdu. Lui que l’Égypte et le<br />
mon<strong>de</strong> entier auraient dû considérer comme un génie et qui se<br />
trouvait réduit à un banal poste d’administrateur tenait une<br />
revanche qu’il appréciait avec gourmandise.<br />
Et bien entendu, le scribe <strong>de</strong> la Tombe venait, en personne, lui<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s comptes.<br />
Entre les <strong>de</strong>ux hommes, l’antipathie fut immédiate et totale.<br />
Pour Kenhir, Daktair était l’exemple parfait <strong>de</strong> l’arriviste <strong>de</strong>venu<br />
un haut fonctionnaire inutile, incompétent et arrogant.<br />
Pour Daktair, Kenhir incarnait la détestable tradition <strong>de</strong>s<br />
scribes, nourrie d’une sagesse périmée.<br />
— Que signifie cette lettre stupi<strong>de</strong> ? interrogea Kenhir.<br />
— Vous oubliez à qui vous parlez !<br />
— Malheureusement non : à un individu répugnant qui se pare<br />
d’un titre immérité et doit avoir perdu la raison pour enfreindre les<br />
lois régissant la <strong>Place</strong> <strong>de</strong> <strong>Vérité</strong>.<br />
<strong>La</strong> virulence <strong>de</strong> l’assaut laissa Daktair sans voix quelques<br />
instants, mais la colère lui permit <strong>de</strong> reprendre l’initiative.<br />
— Je les connais aussi bien que vous, ces fameuses lois !<br />
— Alors, vous savez qu’il vous est interdit d’interrompre la<br />
livraison <strong>de</strong>s substances médicinales à la <strong>Place</strong> <strong>de</strong> <strong>Vérité</strong>.<br />
Daktair eut un sourire féroce.<br />
— Sauf dans un cas où mon <strong>de</strong>voir me contraint d’intervenir.<br />
L’attitu<strong>de</strong> satisfaite <strong>de</strong> son adversaire inquiéta le scribe <strong>de</strong> la<br />
Tombe.<br />
— Précisez.<br />
— Vous me prenez pour un médiocre, n’est-ce pas ? Eh bien,<br />
vous vous trompez, mon cher Kenhir ! En tant que mé<strong>de</strong>cin-chef du<br />
palais, j’exerce une surveillance constante sur mes subordonnés et<br />
je ne tolère aucun laxisme dans leur comportement, et encore moins<br />
une faute grave.<br />
— Vous n’êtes expert qu’en paperasse et tout à fait incapable <strong>de</strong><br />
soigner la maladie la plus bénigne !<br />
Daktair s’empourpra.<br />
- 83 -