T4 - La Place de Vérité

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56. Le fonctionnaire avait été tellement effrayé qu’il figurait parmi les premiers visiteurs sollicitant d’être reçus, tôt le matin, par l’administrateur principal de la rive ouest. Pour éviter d’alerter son entourage en lui laissant deviner qu’il était pressé de s’entretenir avec le gardien des archives, Méhy ne l’avait fait passer qu’en troisième position. Malgré la relative fraîcheur matinale, l’homme suait à grosses gouttes. — Assieds-toi, lui dit le général en refermant hermétiquement sa porte. — Ce n’est pas la peine... Je vous ai tout apporté. — Montre. Le fonctionnaire ouvrit un panier carré d’où il sortit cinq papyrus que Méhy examina un à un. S’ils étaient tombés entre les mains de Taousert, elle aurait pu comprendre comment, depuis plusieurs années, le général détournait des fonds publics en sa faveur. Il fallait, certes, posséder de sérieuses connaissances en comptabilité et avoir le flair d’un chien de chasse, mais mieux valait ne prendre aucun risque. — J’ai effacé le numéro de ces papyrus dans la liste générale, ajouta le gardien des archives dont les mains tremblaient. À présent, c’est comme s’ils n’avaient jamais existé. — Parfait, mon ami. — Et... mon nouveau poste ? — J’appuierai ta candidature dès le mois prochain et tu entreras en fonction peu de temps après. Permets-moi de te faire livrer quelques vases crétois très colorés qui ne devraient pas te déplaire. — C’est trop, vraiment trop ! — Est-on jamais trop bon avec ses amis ? Sois certain que tu as - 306 -

fait le bon choix. Grâce à son nouveau salaire, l’ex-gardien des archives du Trésor allait d’abord déménager, puis entreprendre la conquête d’une femme agréable qui ne résisterait pas à ses attraits. Pour avoir compulsé trop de documents comptables, le fonctionnaire ne croyait plus aux sentiments mais avait pleine confiance en l’irrésistible pouvoir des chiffres. C’est avec dégoût qu’il contempla sa petite maison à deux étages, sise dans le faubourg nord de Thèbes. Comment lui, apte à de hautes fonctions, avait-il pu si longtemps se contenter de si peu ? Et ce minuscule jardin, envahi par deux vieux palmiers, n’était vraiment pas digne d’un homme de sa condition ! Bientôt, il se prélasserait à l’ombre d’arbres magnifiques plantés au bord de son étang privé. Se présenta une livreuse qui baissait humblement la tête. — Des vases précieux... C’est bien pour vous ? — Mais oui ! Pose tout de suite ton panier sur cette table basse. Impatient de découvrir le petit trésor offert par Méhy, le fonctionnaire dénoua la ficelle et souleva le couvercle. Rendue furieuse par une longue réclusion, une vipère noire bondit pour mordre sa victime au cou. Pris de panique, le malheureux porta les mains à sa blessure. — Un médecin, vite ! — Inutile, estima Serkéta que le fonctionnaire reconnut à peine, tant son maquillage était habile. Dans moins de trois minutes, tu seras mort. — Aidez-moi, je vous en supplie ! — Le général savait que tu ne tiendrais pas ta langue... Je te laisse avec la vipère. Moi, je reprends mes vases. Serkéta échappa au fonctionnaire dont les mouvements désordonnés ne réussirent qu’à précipiter la diffusion du venin dans son sang. Tout en assistant à la rapide agonie, la criminelle pensa que, grâce à la disparition des documents compromettants, le général - 307 -

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Le fonctionnaire avait été tellement effrayé qu’il figurait parmi<br />

les premiers visiteurs sollicitant d’être reçus, tôt le matin, par<br />

l’administrateur principal <strong>de</strong> la rive ouest. Pour éviter d’alerter son<br />

entourage en lui laissant <strong>de</strong>viner qu’il était pressé <strong>de</strong> s’entretenir<br />

avec le gardien <strong>de</strong>s archives, Méhy ne l’avait fait passer qu’en<br />

troisième position.<br />

Malgré la relative fraîcheur matinale, l’homme suait à grosses<br />

gouttes.<br />

— Assieds-toi, lui dit le général en refermant hermétiquement<br />

sa porte.<br />

— Ce n’est pas la peine... Je vous ai tout apporté.<br />

— Montre.<br />

Le fonctionnaire ouvrit un panier carré d’où il sortit cinq<br />

papyrus que Méhy examina un à un. S’ils étaient tombés entre les<br />

mains <strong>de</strong> Taousert, elle aurait pu comprendre comment, <strong>de</strong>puis<br />

plusieurs années, le général détournait <strong>de</strong>s fonds publics en sa<br />

faveur. Il fallait, certes, possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong> sérieuses connaissances en<br />

comptabilité et avoir le flair d’un chien <strong>de</strong> chasse, mais mieux valait<br />

ne prendre aucun risque.<br />

— J’ai effacé le numéro <strong>de</strong> ces papyrus dans la liste générale,<br />

ajouta le gardien <strong>de</strong>s archives dont les mains tremblaient. À présent,<br />

c’est comme s’ils n’avaient jamais existé.<br />

— Parfait, mon ami.<br />

— Et... mon nouveau poste ?<br />

— J’appuierai ta candidature dès le mois prochain et tu entreras<br />

en fonction peu <strong>de</strong> temps après. Permets-moi <strong>de</strong> te faire livrer<br />

quelques vases crétois très colorés qui ne <strong>de</strong>vraient pas te déplaire.<br />

— C’est trop, vraiment trop !<br />

— Est-on jamais trop bon avec ses amis ? Sois certain que tu as<br />

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