T4 - La Place de Vérité

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4. Les tailleurs de pierre remplissaient à nouveau le puits funéraire de la tombe de Néfer le Silencieux. — Paneb est forcément mort, affirma Karo le Bourru, un gaillard trapu aux épais sourcils, au nez cassé et aux bras courts et puissants. — Tu te trompes, rétorqua son collègue Casa le Cordage, campé sur ses énormes mollets. Il est étendu dans la chapelle, et je suis sûr que la femme sage le ramènera à la vie. — Quand c’est fini, c’est fini, assena Féned le Nez qui n’avait guère engraissé depuis son divorce. — C’est moi qui l’ai sorti de ce puits, rappela Nakht le Puissant, presque aussi solide que Paneb, et il respirait encore. Élégant, les cheveux et la moustache très soignés, le peintre Ched le Sauveur, qui ne participait à aucune corvée, posait un regard désabusé sur ses collègues. Ouserhat le Lion, le chef sculpteur au poitrail imposant, s’assura que le remplissage s’achevait. Rénoupé le Jovial, au bon gros ventre et à la tête de génie malicieux, assisté du fluet Ipouy l’Examinateur, s’apprêtait à fixer les dalles de couverture. — L’orfèvre sort de la chapelle ! s’exclama Rénoupé. Semblant fragile à se briser, Thouty le Savant accourait vers ses compagnons de l’équipe de droite. — Paneb est vivant ! — Vivant... Comment ? interrogea Féned. Comme une pierre, un légume ou un homme ? — On ne sait pas trop. — Allons voir ! Tailleurs de pierre et sculpteurs se dirigèrent vers la chapelle dont trois artisans gardaient l’entrée : Paï le Bon Pain, aux joues - 22 -

ebondies, dont la gaieté habituelle avait disparu ; Gaou le Précis, au visage plutôt laid en raison d’un nez trop long et à la lourde carcasse un peu molle ; Ounesh le Chacal, dont le physique évoquait celui du prédateur. Quant au charpentier de l’équipe de droite, Didia le Généreux, un grand gaillard aux gestes lents, il aidait Hay, le taciturne chef de l’équipe de gauche, à maintenir droit le buste de Paneb pour que Claire puisse l’ausculter. Ouserhat le Lion bouscula Ounesh et Paï. — Il parle ou non ? — Tais-toi donc, recommanda Gaou ; la femme sage écoute la voix de son cœur. Les yeux ouverts, mais totalement inerte, Paneb ressemblait à une statue. Sa peau était rouge, comme s’il venait d’être ébouillanté. Par bonheur, il n’avait perdu ni l’œil ni le cœur ; et Claire frottait les deux amulettes entre ses pouces afin de leur redonner une pleine efficacité. La femme sage n’avait pas prononcé un seul mot et nulle lueur d’optimisme ne se discernait dans son regard. Elle avait déjà magnétisé la nuque et les reins du colosse, sans parvenir à faire circuler l’énergie. Soudain, un énorme chat tacheté de blanc, de noir et de roux, sauta sur les jambes de l’Ardent ; ressemblant davantage à un lynx qu’à un animal domestique, il se disposa en boule et ronronna. Aussitôt, les yeux de Paneb perdirent leur fixité, et Claire poussa un soupir de soulagement. Incarnant la victoire du soleil sur les ténèbres, le félin avait absorbé les dernières traces des fluides pernicieux projetés par le spectre dans la chair du peintre. Le colosse se réveilla enfin. — L’ombre... Les murs... Les murs qui m’étouffent... Où sontils ? — Ce n’était qu’une illusion, dit Claire avec douceur, et te voici revenu parmi nous. — Je le savais bien, qu’il était indestructible ! s’exclama Rénoupé le Jovial. Ne prétend-on pas qu’une partie du ka de Ramsès le Grand est passé dans celui de Paneb ? Grâce à cette - 23 -

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Les tailleurs <strong>de</strong> pierre remplissaient à nouveau le puits funéraire<br />

<strong>de</strong> la tombe <strong>de</strong> Néfer le Silencieux.<br />

— Paneb est forcément mort, affirma Karo le Bourru, un<br />

gaillard trapu aux épais sourcils, au nez cassé et aux bras courts et<br />

puissants.<br />

— Tu te trompes, rétorqua son collègue Casa le Cordage, campé<br />

sur ses énormes mollets. Il est étendu dans la chapelle, et je suis sûr<br />

que la femme sage le ramènera à la vie.<br />

— Quand c’est fini, c’est fini, assena Féned le Nez qui n’avait<br />

guère engraissé <strong>de</strong>puis son divorce.<br />

— C’est moi qui l’ai sorti <strong>de</strong> ce puits, rappela Nakht le Puissant,<br />

presque aussi soli<strong>de</strong> que Paneb, et il respirait encore.<br />

Élégant, les cheveux et la moustache très soignés, le peintre<br />

Ched le Sauveur, qui ne participait à aucune corvée, posait un<br />

regard désabusé sur ses collègues.<br />

Ouserhat le Lion, le chef sculpteur au poitrail imposant, s’assura<br />

que le remplissage s’achevait. Rénoupé le Jovial, au bon gros ventre<br />

et à la tête <strong>de</strong> génie malicieux, assisté du fluet Ipouy l’Examinateur,<br />

s’apprêtait à fixer les dalles <strong>de</strong> couverture.<br />

— L’orfèvre sort <strong>de</strong> la chapelle ! s’exclama Rénoupé.<br />

Semblant fragile à se briser, Thouty le Savant accourait vers ses<br />

compagnons <strong>de</strong> l’équipe <strong>de</strong> droite.<br />

— Paneb est vivant !<br />

— Vivant... Comment ? interrogea Féned. Comme une pierre, un<br />

légume ou un homme ?<br />

— On ne sait pas trop.<br />

— Allons voir !<br />

Tailleurs <strong>de</strong> pierre et sculpteurs se dirigèrent vers la chapelle<br />

dont trois artisans gardaient l’entrée : Paï le Bon Pain, aux joues<br />

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