T4 - La Place de Vérité

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28.06.2013 Views

34. Après avoir équarri à la hache deux troncs de sycomore bien secs, Didia le Généreux les avait débités en planches à la scie avec la précision de l’artisan qui avait dans l’œil et dans la main les mesures de l’œuvre naissante. Se servant d’une herminette à long manche comme rabot, Didia avait ensuite utilisé un foret à archet pour percer des trous destinés aux chevilles. Et lorsque Paneb était entré dans l’atelier du charpentier, les deux sarcophages destinés au vizir avaient déjà belle allure. — Pas de difficulté ? demanda le maître d’œuvre. — Aucune. Si tu es d’accord, je prévois un couvercle à glissière légèrement bombé. Tous les assemblages seront effectués avec des chevilles de bois, et j’utiliserai des taquets en cèdre pour assurer la jonction du couvercle sur la cuve. Paneb nota le parfait ajustement des planches des parois sur les piliers d’angle et la qualité des tenons, en forme de demi-queues d’aronde, fixés avec des languettes. Certains joints, déterminant l’emboîtement du cadre de base avec le cadre supérieur, demeuraient à angle caché. — Que dirais-tu d’un visage osirien en bois d’acacia ? — Excellente idée, approuva Paneb. Sur le couvercle, je peindrai le vizir en Osiris, entouré des déesses Isis et Nephtys ; au pied, Anubis couché sur la chapelle de momification. — Un veinard, notre vizir ! Vu son existence inodore de haut fonctionnaire, je me demande s’il mérite un pareil cadeau. — Rassure-toi, il paiera le prix fort. — Un beau sarcophage, ça se négocie contre une chemise, un sac d’épeautre, une porte en bois, quatre nattes, un lit et trois pots de graisse... Alors ces deux-là, tu imagines ! — Nous obtiendrons beaucoup mieux, d’autant plus que tu es au - 186 -

sommet de ton art. — Ne dis pas ça, ça porte malheur ! — Pardonne-moi, Didia, mais ces deux sarcophages sont de vrais chefs-d’œuvre. — Il y a toujours un détail à améliorer, tu le sais aussi bien que moi... Là réside la noblesse du métier, ce mystère qui unit la main et l’esprit dans un acte d’amour. Veiller à son accomplissement est le premier devoir d’un maître d’œuvre, et par bonheur, tu l’as compris. — As-tu des soupçons sur l’identité du traître ? — Je ne peux même pas concevoir qu’il existe, avoua Didia. Imouni remit le papyrus au scribe de la Tombe. — Courrier urgent en provenance du bureau du vizir. Kenhir brisa le sceau. — Il convoque, le maître d’œuvre pour demain matin... Mais pour qui se prend-il, ce vieil inutile ? — En tant qu’expression de la volonté de Pharaon, le vizir est dans son bon droit, remarqua Imouni d’une voix onctueuse. — Exact, reconnut Kenhir, mais je peux faire opposition en sollicitant l’intervention du roi. — Sa Majesté réside a Pi-Ramsès... Le temps de l’avertir, le vizir pourrait utiliser la force pour obliger le maître d’œuvre à comparaître devant lui. — Et moi, j’ordonnerai à Sobek de repousser ses sbires ! — Mieux vaudrait éviter une confrontation désastreuse, susurra Imouni. — Va chercher Paneb. Le maître d’œuvre demeura imperturbable. — Notre vizir est impatient de voir ses deux sarcophages, estima-t-il. Je lui expliquerai qu’ils ne sont pas encore terminés et que toute précipitation nuirait à leur qualité. Afin de le tranquilliser, je lui apporterai l’un des vases destinés au palais royal. — J’ai bien envie de t’accompagner, dit Kenhir. — Ne vous fatiguez pas inutilement. - 187 -

sommet <strong>de</strong> ton art.<br />

— Ne dis pas ça, ça porte malheur !<br />

— Pardonne-moi, Didia, mais ces <strong>de</strong>ux sarcophages sont <strong>de</strong><br />

vrais chefs-d’œuvre.<br />

— Il y a toujours un détail à améliorer, tu le sais aussi bien que<br />

moi... Là rési<strong>de</strong> la noblesse du métier, ce mystère qui unit la main et<br />

l’esprit dans un acte d’amour. Veiller à son accomplissement est le<br />

premier <strong>de</strong>voir d’un maître d’œuvre, et par bonheur, tu l’as compris.<br />

— As-tu <strong>de</strong>s soupçons sur l’i<strong>de</strong>ntité du traître ?<br />

— Je ne peux même pas concevoir qu’il existe, avoua Didia.<br />

Imouni remit le papyrus au scribe <strong>de</strong> la Tombe.<br />

— Courrier urgent en provenance du bureau du vizir.<br />

Kenhir brisa le sceau.<br />

— Il convoque, le maître d’œuvre pour <strong>de</strong>main matin... Mais<br />

pour qui se prend-il, ce vieil inutile ?<br />

— En tant qu’expression <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong> Pharaon, le vizir est<br />

dans son bon droit, remarqua Imouni d’une voix onctueuse.<br />

— Exact, reconnut Kenhir, mais je peux faire opposition en<br />

sollicitant l’intervention du roi.<br />

— Sa Majesté rési<strong>de</strong> a Pi-Ramsès... Le temps <strong>de</strong> l’avertir, le vizir<br />

pourrait utiliser la force pour obliger le maître d’œuvre à<br />

comparaître <strong>de</strong>vant lui.<br />

— Et moi, j’ordonnerai à Sobek <strong>de</strong> repousser ses sbires !<br />

— Mieux vaudrait éviter une confrontation désastreuse, susurra<br />

Imouni.<br />

— Va chercher Paneb.<br />

Le maître d’œuvre <strong>de</strong>meura imperturbable.<br />

— Notre vizir est impatient <strong>de</strong> voir ses <strong>de</strong>ux sarcophages,<br />

estima-t-il. Je lui expliquerai qu’ils ne sont pas encore terminés et<br />

que toute précipitation nuirait à leur qualité. Afin <strong>de</strong> le tranquilliser,<br />

je lui apporterai l’un <strong>de</strong>s vases <strong>de</strong>stinés au palais royal.<br />

— J’ai bien envie <strong>de</strong> t’accompagner, dit Kenhir.<br />

— Ne vous fatiguez pas inutilement.<br />

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