T4 - La Place de Vérité
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La dernière demeure de Néfer le Silencieux était aussi vaste que splendide. Devant l’entrée de la chapelle accessible aux vivants, Claire avait planté un perséa qui croissait avec une rapidité extraordinaire, comme si l’arbre avait hâte d’étendre son ombre bienfaisante sur la cour à ciel ouvert où l’on viendrait banqueter en l’honneur du défunt. Paneb franchit le pylône qui ressemblait à celui d’un temple et s’immobilisa de nouveau, au milieu de cette cour. La présence hostile s’affirmait et se rapprochait. Mais d’où le spectre surgirait-il, sinon de la fente aménagée dans la paroi de la chapelle pour laisser à la statue vivante de Néfer la possibilité de regarder le monde terrestre ? Le colosse s’en approcha à pas comptés, comme s’il découvrait un lieu qu’il connaissait pourtant mieux que quiconque, puisqu’il avait lui-même entièrement décoré la demeure d’éternité de son père spirituel. S’il s’était précipité, comme à son habitude, Paneb n’aurait pas vu l’ombre rouge jaillir du puits funéraire, pourtant bouché par des pierres. Le spectre tenta d’étrangler l’Ardent qui se dégagea juste à temps et le frappa à la face. Mais son poing se perdit dans le vide. Ondulant à la manière d’un serpent, l’ombre rouge cherchait un angle d’attaque. Paneb courut jusqu’à la chapelle où une torche se consumait lentement. Il l’aviva puis marcha droit sur son ennemi. — Je parie que tu ne dois pas aimer la lumière ! Le visage de l’ombre rouge n’était pas celui de Néfer. Il grimaçait sans cesse, comme en proie à d’atroces souffrances. À peine le feu l’eût-il frôlé que le spectre disparut dans le puits. — Tu ne vas pas te cacher là-dedans, mon gaillard ! Le colosse ôta deux dalles entre lesquelles il cala la torche et commença à vider le puits pierre par pierre, bien décidé à atteindre le repaire de l’ombre maléfique. - 10 -
2. Après avoir assumé la fonction symbolique d’Isis la veuve lors de la célébration des mystères, Claire, la femme sage de la Place de Vérité, vivait cette terrible épreuve dans sa chair. Néfer le Silencieux avait été son unique amour, et il le resterait. Depuis sa mort, Claire n’avait plus envie de vivre. Redoutant le pire, Noiraud ne la quittait pas un instant. Vigilant comme jamais, le chien noir à la tête allongée et au pelage court ne dormait que d’un œil. Du regard, il guettait sans cesse sa maîtresse et participait à son deuil en ne réclamant ni jeux ni promenade. Claire accomplissait un minimum de tâches pour entretenir la demeure où elle avait connu un bonheur intense et quotidien en compagnie de Néfer. Le magnifique mobilier était un présent des artisans qui avaient ainsi honoré leur maître d’œuvre dont l’autorité naturelle, la fermeté de caractère et les compétences exceptionnelles les avaient toujours conduits au succès. À quarante-huit ans, Claire était une femme ravissante, au corps mince et souple, aux traits purs et à la chevelure soyeuse aux reflets blonds. De son visage émanait une lumière douce et rassurante, sa voix était mélodieuse et ses yeux bleus un enchantement. Les villageois la vénéraient, d’autant plus qu’elle les avait tous soignés, un jour ou l’autre, avec un dévouement exemplaire. Mais la femme sage n’avait plus la force de remplir sa fonction. L’absence de Néfer absorbait sa propre vie, et elle se laissait glisser vers la mort, avec le désir de le rejoindre. La chambre n’était éclairée que par une seule lampe, un chefd’œuvre qu’avait sculpté le charpentier de la confrérie, Didia le Généreux ; sur une colonnette en forme de papyrus, fichée dans une base en calcaire, était disposé un récipient en bronze contenant de l’huile qui alimentait une mèche de lin ne produisant pas de fumée, comme celles utilisées dans les tombes. - 11 -
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Claire avait planté un perséa qui croissait avec une rapidité<br />
extraordinaire, comme si l’arbre avait hâte d’étendre son ombre<br />
bienfaisante sur la cour à ciel ouvert où l’on viendrait banqueter en<br />
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Paneb franchit le pylône qui ressemblait à celui d’un temple et<br />
s’immobilisa <strong>de</strong> nouveau, au milieu <strong>de</strong> cette cour. <strong>La</strong> présence<br />
hostile s’affirmait et se rapprochait. Mais d’où le spectre surgirait-il,<br />
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à la statue vivante <strong>de</strong> Néfer la possibilité <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r le mon<strong>de</strong><br />
terrestre ?<br />
Le colosse s’en approcha à pas comptés, comme s’il découvrait<br />
un lieu qu’il connaissait pourtant mieux que quiconque, puisqu’il<br />
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père spirituel.<br />
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— Je parie que tu ne dois pas aimer la lumière !<br />
Le visage <strong>de</strong> l’ombre rouge n’était pas celui <strong>de</strong> Néfer. Il<br />
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— Tu ne vas pas te cacher là-<strong>de</strong>dans, mon gaillard !<br />
Le colosse ôta <strong>de</strong>ux dalles entre lesquelles il cala la torche et<br />
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