ob_f1cbbf_helen-fielding-2-l-age-de-raison.pdf

sortir avec quelqu'un qui a soudain l'air d'un étranger
extrêmement séduisant avec qui on n'a envie que d'une chose:
rentrer à la maison en vitesse et baiser à perdre haleine comme si
on venait de se rencontrer. (Non que ce soit, évidemment, ce que
font normalement les gens qui viennent de s rencontrer.) En me
voyant, il a eu l'air très surpris, éclaté de rire puis a repris son
sérieux en me conduisant vers l'entrée, très poli et bien élevé.
- Désolée d'être en retard, ai-je dit, hors d'haleine.
- Tu ne l'es pas. J'ai fait exprès d'avancer l'heure.
Il me regardait d'un drôle d'air.
- Quoi? ai-je demandé.
- Rien, rien, a-t-il dit gaiement d'un ton exagérément
conciliant, comme si j'étais une forcenée debout sur un voiture,
brandissant une hache dans une main et la tête de sa femme dans
l'autre.
Il m'a fait passer la porte qu'un valet de pied en uniforme
nous tenait ouverte.
Dans le hall d'entrée, haut de plafond et lambrissé de bois
sombre, il y avait plein de vieux en smoking qui parlaient à voix
basse. Ai vu une femme vêtue d'un bustier hérissé de sequins me
regarder d'un drôle d'air. Mark lui a fait un signe de tête amical et
m'a chuchoté à l'oreille :
- Tu devrais juste aller faire un petit tour au vestiaire pour
vérifier ton maquillage.
J'ai foncé aux toilettes. Malencontreusement, dans le taxi mal
éclairé, je m'étais mis de l'ombre à paupières gris foncé sur les
joues au lieu de blush : le genre de chose qui peut arriver à
n'importe qui, évidemment, puisque les boîtiers sont identiques.
Quand suis ressortie des toilettes, bien débarbouillée, et après
avoir déposé mon manteau, me suis arrêtée net: Mark était en
pleine conversation avec Rebecca.
Elle portait un fourreau de satin couleur café, dos nu, avec
décolleté plongeant, qui collait à son corps décharné sans l'aide du
moindre corset, visiblement. Me suis sentie comme mon père
quand il avait apporté un gâteau pour participer au concours de la
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