ob_f1cbbf_helen-fielding-2-l-age-de-raison.pdf

- Oh, j'adore le monde de la langue parlée et écrite! Cela me
donne une telle impression de liberté! pérorait Una à l'intention
d'Elaine, tandis que Penny Husbands-Bosworth et Mavis
Enderbury s'extasiaient autour de Jérôme le Prétentieux comme si
c'était T.S. Eliot.
- Mais je n'avais pas fini! pleurnichait Jérôme. Je voulais lire
«Contemplations foutrales» et «Insondables trous ».
Juste à ce moment-là, on a entendu des vociférations:
- Si tu peux conserver ton courage et ta tête quand tous les
autres la perdront.
C'était papa et l'amiral Darcy. Complètement pétés, tous les
deux. Seigneur. Chaque fois que je vois mon père, ces temps-ci, il a
l'air d'être bourré, bizarre inversion de rôles entre père et fille.
- Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite, meuglait
l'amiral Darcy, sautant d'un bond sur une chaise, au grand
effarement des dames assemblées.
- Et recevoir ces deux menteurs d'un même front, a ajouté
papa, des larmes dans la voix, s'appuyant contre l'amiral pour ne
pas tomber.
Le duo éméché a continué à réciter intégralement le texte de
Rudyard Kipling à la manière de Laurence Olivier et John Gielgud,
ce qui a déclenché la fureur de maman et de Jérôme le
Prétentieux, qui ont levé simultanément un poing vengeur.
- Ça ne m'étonne pas ! Ça ne m'étonne pas ! rageait maman,
tandis que l'amiral Darcy, à genoux, se Frappant la poitrine,
entonnait :
- Si tu peux supporter d'entendre tes paroles travesties par
des gueux pour exciter des sots.
- C'est de la foutaise réac-colonialiste! a persiflé Jérôme.
- Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles sans
mentir toi-même d'un mot.
- Ma parole, ça rime, putain! a re-persiflé Jérôme.
- Jérôme, je ne veux pas de mots de ce genre chez moi, a reragé
maman.
- Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie, a dit papa avant
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