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Les yeux jaunes des crocodiles

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cochère et songea : En aurai-je les moyens ? Il a dû tout border,<br />

ce n’est pas un gamin né de la dernière pluie, il affronte <strong>des</strong><br />

Russes corrompus et <strong>des</strong> Chinois sournois. Autrefois je me<br />

satisfaisais de petites humiliations, je le persécutais avec<br />

douceur et obstination, c’était mon passe-temps favori, je l’avais<br />

presque anéanti. Elle eut un soupir nostalgique. Il fallait qu’elle<br />

en ait le cœur net et renifle l’état de la bête avant de décider<br />

quoi que ce soit. Un dernier tour de pâté fut consacré aux<br />

regrets. Je voyais bien qu’il ne dormait plus à la maison, son lit<br />

n’était plus jamais défait, je pensais qu’il vivait une dernière<br />

cochonnerie avec une danseuse nue alors qu’il planifiait de<br />

quitter le nid ! Il faut se méfier de l’eau qui dort, même soumis<br />

depuis <strong>des</strong> années, Marcel bougeait encore. À quoi me servira<br />

d’inventer de nouvelles persécutions si mes coups ne portent<br />

plus ? Elle s’affala à nouveau contre une porte cochère et<br />

composa le numéro de Chef.<br />

— C’est cette Natacha ? attaqua-t-elle bille en tête. C’est cette<br />

traînée qui t’a fait un enfant ?<br />

— Tout faux ! jubila Marcel. C’est Josiane Lambert. Ma<br />

future femme. La mère de mon enfant. Mon amour, mon<br />

embellie…<br />

— À soixante-six ans, c’est ridicule.<br />

— Rien n’est ridicule, ma chère Henriette, quand c’est<br />

l’amour qui parle…<br />

— L’amour ! Tu appelles l’amour l’intérêt d’une femme pour<br />

ton pognon !<br />

— Ah, tu deviens vulgaire, Henriette ! Le naturel revient au<br />

galop quand le vernis s’effrite ! Quant au pognon, comme tu dis,<br />

ne t’en fais pas, je ne te laisserai pas à poil sur le trottoir où tu<br />

ne ferais certainement pas recette. Tu garderas l’appartement,<br />

et je te verserai une pension tous les mois, de quoi vivre<br />

confortablement jusqu’à la fin de tes jours…<br />

— Une pension ! Je n’ai que faire de ta pension, j’ai droit à la<br />

moitié de ta fortune, mon brave Marcel.<br />

— Tu avais droit… Plus maintenant. Tu as signé <strong>des</strong> papiers.<br />

Tu ne t’es pas méfiée, je me laissais tondre depuis si longtemps.<br />

Tu es sortie de mes affaires, Henriette. Ta signature ne vaut plus<br />

un rond. Tu peux calligraphier tous les rouleaux de papier-<br />

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