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Les yeux jaunes des crocodiles

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À douze heures trente, le petit Marcel Junior poussait son<br />

premier cri. Il fallut soutenir le père qui tournait de l’œil et<br />

l’évacuer de la salle de travail. Josiane retint son souffle quand<br />

on posa son fils sur son ventre, mouillé, sale, gluant. « Qu’est-ce<br />

qu’il est beau ! Qu’est-ce qu’il est grand ! Qu’est-ce qu’il est fort !<br />

Vous avez déjà vu un bébé aussi beau, docteur ? » Le docteur lui<br />

répondit « jamais ».<br />

Marcel reprit ses esprits pour venir couper le cordon<br />

ombilical et donna le premier bain à son fils. Il pleurait tant<br />

qu’il ne savait plus comment tenir l’enfant et s’éponger les <strong>yeux</strong><br />

à la fois, mais il ne voulut pas le lâcher.<br />

— C’est moi, c’est papa, mon bébé. Tu me reconnais ? T’as<br />

vu, Choupette, il reconnaît ma voix, il s’est tourné vers moi, il a<br />

arrêté de gigoter. Mon fils, ma beauté, mon géant, mon amour…<br />

Tu vas voir la vie qu’on va te faire, ta mère et moi. Une vie de<br />

prince en babouches ! Faudra travailler aussi parce qu’en ce bas<br />

monde, si tu ne te casses pas les reins, t’as rien, mais t’en fais<br />

pas, je t’apprendrai. Je te paierai les plus belles écoles, les plus<br />

beaux cartables, les plus beaux livres tout enluminés d’or. Tu<br />

auras tout, mon fils, tu auras tout… Tu seras comme le Roi-<br />

Soleil. Tu régneras sur le monde entier parce que la France<br />

aujourd’hui, c’est tout petit, tout racorni. Y a plus que les<br />

Français pour se croire les rois du monde ! Tu verras, mon fils,<br />

toi et moi, on va s’en payer une fameuse tranche.<br />

Josiane écoutait et le médecin accoucheur souriait.<br />

— Il a du pain sur la planche, votre fils. Vous allez l’appeler<br />

comment ?<br />

— Marcel, rugit Marcel Grobz. Comme moi. Il va le faire<br />

flamboyer ce prénom, vous verrez !<br />

— J’en doute pas…<br />

On monta la mère et l’enfant dans la suite de luxe. Marcel ne<br />

voulait plus partir.<br />

— Tu es sûr qu’on ne va pas nous l’échanger ?<br />

— Mais non… Il a son bracelet. Et puis y a pas de danger, t’as<br />

vu ? C’est ton portrait tout craché !<br />

Marcel se rengorgea et alla contempler une fois encore le<br />

petit Marcel dans son berceau.<br />

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