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Les yeux jaunes des crocodiles

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été à ses côtés pour la conseiller, l’aider, la réprimander parfois !<br />

C’est Albert qui lui disait comment se comporter, quelle attitude<br />

adopter. Elle ne savait pas vivre seule. John Brown était là,<br />

fidèle, empressé. Très vite, Victoria ne put plus se passer de lui.<br />

Il la suivait partout. Il la protégeait, veillait sur elle, la soignait,<br />

il lui a même évité un attentat ! J’ai retrouvé <strong>des</strong> lettres où elle<br />

parle de lui… Elle écrivait : « Il est extraordinaire, il fait tout<br />

pour moi. Il est à la fois mon valet, mon écuyer, mon page et je<br />

dirais même ma femme de chambre tellement il prend soin de<br />

mes manteaux et de mes châles. C’est toujours lui qui conduit<br />

mon poney, qui s’occupe de moi dehors. Je crois que je n’ai<br />

jamais eu un domestique aussi serviable, fidèle, attentionné. »<br />

Elle est touchante quand elle parle de lui. On dirait une petite<br />

fille. John Brown avait alors trente-six ans, la barbe hirsute, la<br />

larme facile. Il parlait un anglais rudimentaire et avait <strong>des</strong><br />

manières assez grossières. Très vite, leur complicité fit scandale.<br />

On n’appela plus Victoria que Mrs Brown. On l’accusa d’avoir<br />

perdu la tête, d’être folle. Sa relation avec lui devint « le<br />

scandale Brown ». <strong>Les</strong> gazettes écrivaient « L’Écossais veille sur<br />

elle avec les <strong>yeux</strong> d’Albert. » Car, petit à petit, John Brown<br />

abusa. Il défila à ses côtés lors <strong>des</strong> cérémonies officielles. Il<br />

s’était rendu indispensable, elle ne faisait plus un pas sans lui.<br />

Elle le nomma Esquire, le premier échelon nobiliaire, lui acheta<br />

<strong>des</strong> maisons qu’elle orna <strong>des</strong> armoiries royales, et l’appelait<br />

devant tout le monde « le meilleur trésor de mon cœur ». On<br />

trouva <strong>des</strong> billets qu’elle lui envoya et qu’elle signait « I can’t<br />

live without you. Your loving one. » <strong>Les</strong> gens étaient horrifiés…<br />

— On dirait que tu parles de Diana ! s’exclama Joséphine qui<br />

avait arrêté le balancement de son hamac pour ne pas être<br />

distraite.<br />

— John Brown s’était mis à boire. Il s’écroulait, ivre mort, et<br />

Victoria disait en souriant « je crois que j’ai senti comme un<br />

léger tremblement de terre ». Il était l’homme de la maison. Il<br />

s’occupait de tout, gérait tout. Il dansait avec la reine lors <strong>des</strong><br />

fêtes royales et lui marchait sur les pieds sans qu’elle proteste.<br />

On ira jusqu’à l’appeler Raspoutine ! Quand il mourut, en 1883,<br />

elle fut aussi malheureuse qu’à la mort d’Albert. La chambre de<br />

Brown resta intacte avec son grand kilt étalé sur un fauteuil et<br />

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