28.06.2013 Views

Les yeux jaunes des crocodiles

Les yeux jaunes des crocodiles

Les yeux jaunes des crocodiles

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

ou aller au musée. Ils sont ouverts le dimanche, profites-en. Il<br />

était parti sans qu’elle ait <strong>des</strong>serré les dents. Le soir, une voiture<br />

les avait emmenés à l’aéroport. Deux places, first class, pour<br />

Roissy-Charles-de-Gaulle. À peine installée dans l’avion, elle<br />

avait demandé à l’hôtesse qu’on ne la réveille pas. Elle avait mis<br />

un masque sur ses <strong>yeux</strong>, avait tourné la tête vers lui en disant :<br />

« Ça ne t’ennuie pas si je dors, je suis crevée. L’aller-retour pour<br />

un week-end, je ne le referai plus jamais. »<br />

Il la regardait dormir. Sans ses grands <strong>yeux</strong> bleus, elle<br />

ressemblait à n’importe quelle femme élégante qui voyage en<br />

première classe, confortablement installée sous sa couverture. Il<br />

savait qu’elle ne dormait pas. Elle devait se repasser les<br />

événements de la veille.<br />

Je sais tout, Iris, avait-il envie de dire. Je sais tout puisque<br />

j’ai tout organisé.<br />

L’arrivée à Manhattan. La grande limousine qui les avait<br />

emmenés à l’hôtel. Elle bavardait comme une petite fille,<br />

s’étonnait du temps si lumineux pour un mois de novembre,<br />

serrait la main de Philippe, montrait du doigt un panneau<br />

publicitaire, une maison biscornue. À l’hôtel, elle s’était jetée<br />

sur les journaux, page Spectacles. On y annonçait l’arrivée de<br />

Gabor Minar, « le grand metteur en scène européen, celui avec<br />

lequel toutes les actrices rêvent de tourner. Il ne lui manque<br />

plus qu’un contrat avec une major américaine pour faire de lui<br />

le maître du cinéma contemporain, écrivait le journaliste du<br />

New York Times ; ça ne saurait tarder. On murmure qu’il aurait<br />

rendez-vous avec Jo Schrenkel ». Elle les lisait de la première à<br />

la dernière ligne, relevant à peine la tête pour répondre à ses<br />

questions. « Quels films veux-tu aller voir ? » demandait-il en<br />

consultant le programme du festival. Elle répondait « choisis, je<br />

te fais confiance », lui adressant un sourire distrait et convenu.<br />

Le samedi, ils avaient déjeuné au Bernardin avec <strong>des</strong> amis<br />

venus eux aussi de Paris. Iris disait oui, disait non, disait c’est<br />

une bonne idée, mais Philippe la sentait tendue vers un seul<br />

but : sa rencontre avec Gabor. Le premier soir, alors qu’elle<br />

s’habillait pour la soirée, elle avait changé trois fois de tenue, de<br />

boucles d’oreilles, de sac. Trop habillé, disaient ses sourcils<br />

froncés, trop dame, pas assez bohème. À l’issue de la projection<br />

- 456 -

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!