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Les yeux jaunes des crocodiles

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Une petite fille l’attendait dans le hall de l’hôtel. Sa petite<br />

fille à elle, son amour. La vie avait continué après, la vie<br />

continue toujours. Elle te donne <strong>des</strong> raisons de pleurer et <strong>des</strong><br />

raisons de rire. C’est la vie, Joséphine, fais-lui confiance. C’est<br />

une personne, la vie, une personne qu’il faut prendre comme<br />

partenaire. Entrer dans sa valse, dans ses tourbillons, parfois<br />

elle te fait boire la tasse et tu crois que tu vas mourir et puis elle<br />

t’attrape par les cheveux et te dépose plus loin. Parfois elle<br />

t’écrase les pieds, parfois elle te fait valser. Il faut entrer dans la<br />

vie comme on entre dans une danse. Ne pas arrêter le<br />

mouvement en pleurant sur soi, en accusant les autres, en<br />

buvant, en prenant <strong>des</strong> petites pilules pour amortir le choc.<br />

Valser, valser, valser. Franchir les épreuves qu’elle t’envoie pour<br />

te rendre plus forte, plus déterminée. Après cette baignade dans<br />

les Lan<strong>des</strong>, elle avait travaillé comme une acharnée, s’était<br />

immergée dans ses étu<strong>des</strong>, avait construit sa vie. Une autre<br />

vague avait emporté Antoine mais elle avait survécu. Il y aurait<br />

d’autres vagues encore, mais elle savait qu’elle aurait la force de<br />

les passer et que toujours, toujours elle serait repêchée. C’est ça<br />

la vie, se dit-elle avec certitude en se regardant dans la glace.<br />

Des vagues et <strong>des</strong> vagues.<br />

Elle regarda la fille dans la glace. Elle souriait, tranquille,<br />

apaisée. Elle respira un bon coup et retourna chercher<br />

Hortense.<br />

Dimanche soir. L’avion pour Paris venait de décoller de JFK<br />

et Philippe regardait sa femme allongée à ses côtés. Ils ne<br />

s’étaient presque pas parlé depuis le dîner de la veille au<br />

Waldorf Astoria. Le grand dîner de clôture du festival de New<br />

York. Ils avaient dormi tard, ce matin, avaient pris leur petitdéjeuner<br />

en silence. Philippe avait dit : « J’ai deux personnes à<br />

voir aujourd’hui, on se retrouve vers cinq heures à l’hôtel pour<br />

filer à l’aéroport ? Tu n’as qu’à aller faire <strong>des</strong> courses, te<br />

promener, il fait beau. » Elle n’avait pas répondu,<br />

métamorphosée en statue de pierre dans le grand peignoir blanc<br />

de l’hôtel. Ses <strong>yeux</strong> bleus fixaient le vide et ses pieds fins se<br />

balançaient. Il lui avait laissé de l’argent pour prendre <strong>des</strong> taxis<br />

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