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Les yeux jaunes des crocodiles

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Ils approuvèrent, soulagés, et se disputèrent sur le choix du<br />

film. Alexandre ayant choisi Matrix et Zoé, La Belle au bois<br />

dormant, Philippe les réconcilia en proposant de revoir<br />

L’assassin habite au 21.<br />

— Comme ça, Zoé, tu seras contente. Tu vas avoir un peu<br />

peur, mais tu sais que ça finira bien.<br />

Ils s’installèrent devant la télévision et, pendant que Philippe<br />

mettait le film, les deux enfants se lancèrent un regard lourd de<br />

connivence.<br />

C’est Luca qui lui en avait parlé, six mois auparavant : « En<br />

octobre prochain, il y aura un colloque sur le sacré au Moyen<br />

Âge, à Montpellier, j’y participe, vous devriez venir et intervenir.<br />

Une publication de plus, ce serait bien pour vous. » Elle partait<br />

le retrouver à Montpellier. Il parlait le vendredi. Elle avait été<br />

inscrite pour le samedi après-midi.<br />

Il était revenu après avoir disparu tout l’été. Sans<br />

explication. Un beau jour, elle l’avait croisé à la bibliothèque.<br />

Elle n’avait pas osé poser de questions. Il avait demandé :<br />

« Vous avez passé un bel été ? Vous avez bonne mine, vous avez<br />

maigri, ça vous va bien… Je me suis acheté un portable, je<br />

déteste l’idée d’en avoir un mais je dois reconnaître que c’est<br />

pratique. Je ne savais pas où vous joindre cet été, je n’avais pas<br />

votre numéro. Nous sommes vraiment démodés tous les deux. »<br />

Elle lui avait souri, émue de l’entendre dire « tous les deux »,<br />

émue qu’il se compare à elle. Puis elle s’était reprise et avait<br />

vanté les charmes de l’été, Deauville, Paris au mois d’août, la<br />

bibliothèque presque vide, la circulation facile, les berges de la<br />

Seine, Paris Plage.<br />

Il vint la chercher à la gare. Dans son éternel duffle-coat, le<br />

sourire aux lèvres, une barbe de trois jours qui ombrait ses<br />

joues creuses. Il avait l’air heureux qu’elle soit venue. Il<br />

s’empara de son sac et la conduisit vers la sortie en posant une<br />

main légère sur son épaule. Elle marchait en regardant à droite<br />

et à gauche si les gens l’apercevaient, flanquée d’un si bel<br />

homme. Elle remontait dans sa propre estime.<br />

— Je me suis acheté un téléphone portable, moi aussi.<br />

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