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Les yeux jaunes des crocodiles

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l’avait porté à Serrurier. Chaque fois que le téléphone sonnait,<br />

les deux sœurs sursautaient.<br />

Ce matin-là, Philippe la rejoignit dans la cuisine. Lui aussi se<br />

levait tôt. Il allait acheter le journal et les croissants, prenait un<br />

premier café dehors et revenait finir son petit-déjeuner à la<br />

maison. Il ne venait que le week-end. Arrivait le vendredi soir et<br />

repartait le dimanche. Il prenait ses vacances au mois d’août. Il<br />

emmenait les enfants à la pêche. Sauf Hortense qui préférait<br />

rester sur la plage avec ses amis. Il faudrait que je fasse leur<br />

connaissance, pensa Jo. Elle n’osait pas lui demander de les lui<br />

présenter. Hortense sortait souvent le soir. Elle disait : « Oh !<br />

maman ! je suis en vacances, j’ai travaillé toute l’année, je ne<br />

suis plus un bébé, je peux sortir… – Mais tu fais comme<br />

Cendrillon, tu rentres à minuit », avait décrété Joséphine, sur<br />

un ton de plaisanterie qui cachait mal son anxiété. Elle craignait<br />

qu’Hortense ne se rebiffe. Hortense avait acquiescé. Joséphine,<br />

soulagée, n’avait plus abordé le sujet et Hortense rentrait,<br />

ponctuelle, à minuit. Après le dîner, on entendait un coup de<br />

klaxon bref, Hortense finissait d’avaler son <strong>des</strong>sert et quittait la<br />

table. <strong>Les</strong> premières fois, Joséphine avait veillé jusqu’à minuit,<br />

guettant le bruit <strong>des</strong> pas de sa fille dans l’escalier. Puis, rassurée<br />

par l’exactitude d’Hortense, elle céda au sommeil. C’était le seul<br />

moyen d’avoir la paix ! Je n’ai pas le courage de l’affronter tous<br />

les soirs. Si son père était là, on se répartirait les rôles, mais<br />

toute seule, je ne me sens pas de taille à livrer bataille et elle le<br />

sait.<br />

Au mois d’août, les filles partaient retrouver leur père au<br />

Kenya et ce serait à Antoine de faire le gendarme. Pour le<br />

moment, Joséphine désirait plus que tout ne pas s’épuiser en<br />

interminables disputes avec sa fille.<br />

— Tu veux un croissant chaud ? demanda Philippe en posant<br />

les journaux et le sachet de la boulangerie sur la table.<br />

— Oui. Avec plaisir…<br />

— Tu pensais à quoi quand je suis rentré ?<br />

— À Hortense et à ses sorties nocturnes…<br />

— Elle est dure ta fille. Elle aurait besoin d’un père à poigne<br />

de fer…<br />

Joséphine soupira.<br />

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