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Les yeux jaunes des crocodiles

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— Surtout, Shirley, je n’ai plus peur. Avant, j’avais peur de<br />

tout ! Je me cachais derrière Antoine. Derrière ma thèse.<br />

Derrière mon ombre. Aujourd’hui, je m’autorise <strong>des</strong> choses que<br />

je m’interdisais avant, je monte au filet !<br />

Elle eut un rire de petite fille et se cacha derrière sa main.<br />

— Il faut juste que je sois patiente, que je laisse la nouvelle<br />

Jo grandir et, un jour, elle prendra toute la place, elle me<br />

donnera toute sa force. Pour le moment j’apprends… J’ai<br />

compris que le bonheur, ce n’est pas de vivre une petite vie sans<br />

embrouilles, sans faire d’erreurs ni bouger. Le bonheur, c’est<br />

d’accepter la lutte, l’effort, le doute, et d’avancer, d’avancer en<br />

franchissant chaque obstacle. Avant, je n’avançais pas, je<br />

dormais. Je me laissais porter par un train-train paisible : mon<br />

mari, mes enfants, mes étu<strong>des</strong>, mon confort. Aujourd’hui, j’ai<br />

appris à me battre, à trouver <strong>des</strong> solutions, à désespérer<br />

momentanément puis à me reprendre et j’avance, Shirley. Toute<br />

seule ! Je me débrouille… Quand j’étais petite, je répétais ce que<br />

disait maman ; sa vision de la vie était la mienne ; puis j’ai<br />

écouté Iris. Je la trouvais si intelligente, si brillante… Après, il y<br />

a eu Antoine : je signais tout ce qu’il voulait, je modelais ma vie<br />

sur la sienne. Même toi, Shirley… Le fait de savoir que tu étais<br />

mon amie me rassurait, je me disais que j’étais quelqu’un de<br />

bien puisque tu m’aimais. Eh bien, tout ça est fini ! J’ai appris à<br />

penser toute seule, à marcher toute seule, à me battre toute<br />

seule…<br />

Shirley écoutait Joséphine et pensait à la petite fille qu’elle<br />

avait été. Si sûre d’elle. Insolente, presque arrogante. Un jour<br />

que sa gouvernante l’avait emmenée se promener dans le parc,<br />

elle lui avait lâché la main et elle était partie. Elle devait avoir<br />

cinq ans. Elle avait erré, savourant la délicieuse sensation d’être<br />

libre, de courir sans que miss Barton lui dise que ce n’était pas<br />

bien, qu’une petite fille bien élevée devait marcher d’un pas<br />

régulier. Un policier lui avait demandé si elle était perdue. Elle<br />

avait répondu « non, mais vous devriez chercher ma<br />

gouvernante, elle s’est égarée » ! Je n’avais jamais peur. Je<br />

tenais debout toute seule. C’est après que ça s’est gâté. J’ai fait<br />

le chemin inverse de Jo.<br />

— Tu ne m’écoutes plus !<br />

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